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ACADEMIE
DES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
ANNÉE 1889
QUATRIEME SERIE
TOME XVII
ACADÉMIE
DES
INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES
COMPTES RENDUS
DES
SEANCES DE L'ANNEE 1889
QUATRIEME SERIE
TOME XVII
3 I \^j'^H-
PARIS
IMPRIMERIE NATIONALE
M DGCC XC
AS.
COMPTKS RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1889.
COMPTES RENDUS DES SEANCES.
JANVIER-FÉVRIER.
PRÉSIDENCE DE M. BARBIER DE MEYNAPJ).
SÉ.WCE DU !i J\NVIER.
M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys, en quittant le fauteuil
de la présidence, remercie l'Acade'mie du concours quelle lui a
prêté. La seule ambition de sa vie a été de lui appartenir. La
présider a été le plus grand honneur auquel il put [trétendre. Il
en gardera le souvenir tant qu'il lui sera donné rie siéger parmi
nous.
Il invile M. Barbier de Meynard el M. Schefcr, élus président
et vice-président, à prendre place au bureau.
M. Barbier de iMeyiVard, en prenant possession du fauteuil,
remercie TAcadémie de Thonneur qu'elle lui a fait; il en sent
tout le prix et il ne méconnaît pas la difficulté des obligations
que cet honneur lui impose; mais il se rassure, sachant le con-
cours qu'il trouvera dans les deux membres qui siègent à ses
côtés au bureau. Il espère que cette année épargnera à l'Acadé-
mie des pertes semblables à celles qui Tout affligée l'an dernier,
et que, malgré les préoccupations du dehors, la Compagnie
poursuivra fermement ses travaux. Ce qu'elle doit le plus s'alta-
Wll.
(•lier à Hionlrer aux (Uraugors qui vonl aHluer à Paris, c'est que
ia culture des lettres est toujours en honneur et eu progrès dans
notre pays.
Il ne veuf pas laisser M. d'Hervey de Saint-Dcnys reprendre
sou ancienne place parmi ses confrères, sans lui adresser, au nom
de TAcade'mie, des remerciements. La tâche qu'il avait à remplir
e'tait plus qu'une tâche ordinaire : il n'avait pas seulement à
pre'sider l'Acade'mie, il avait à pre'sidcr l'Institut, et il l'a fait
avec une ame'uite', une bonne grâce, dont la tradition est d'ail-
leurs dans notre Compagnie.
Les remerciements à M. d'Hervey de Saint-Denys sont votés
à l'unanimité'.
L'Acade'mie se forme en comité secret. La séance étant redeve-
nue publique, il est procédé au scrutin pour la désignation de
deux candidats à la chaire de chinois vacante à l'Ecole des
langues orientales vivantes.
Un premier scrutin est annulé, les membres libres ayant volé
sur une indication erronée.
On vote pour un premier candidat.
Il y a 3i votants; majorité, 18.
M. Devéria obtient 3o voix; M. Jametel, 6.
En conséquence, M. Devéria est proclamé premier candidat.
Au scrutin pour un second candidat, M. Jametel obtient
8 voix; M. Cordier, 1 ; M. Devéria (par erreur), 1, et il y a 9/4 bul-
letins marqués d'une croix.
Les bulletins marqu(;s d'une croix étant comptés dans les
scrutins, selon une décision antérieure de l'Académie, comme
un signe d'absteulion, il en résulte que la majorit' est acquise à
l'abstention pour la présentation d'un second candidat.
En conséquence, M. Devéria sera ])résenté comme candidat
uni([ue de l'Académie à M. le Ministre de l'instruction publique.
Sont adressés à l'Académie pour les divers concours de l'an-
née 1889:
Antiquités de la France :
l'Àiiile historique Pt (lescriplive sur In Cerlangue et Sainl-Jean-iï Ahe-
tot, par M. Al|)h. Martin (Fécamp, 1888, in 8');
Sigillographie des seigneurs de Laval, iogo-i6o5 , par Beiirand
de Broussillon et Paul de Farcy (Paris etMamers, 1888, in-8°);
Recueil des documents concernant le Poitou, contenus dans les re-
gistres de la chancellerie de France, publie' par M. Paul Gue'rin,
t. IV, i36g-i3j6 (Poitiers, 1888, iii-8°);
La vie politique de Louis de France , duc d'Orléans [iSjù-iùoj],
par M. E. Jarry (Paris et Orléans, 1889, in-8°);
Etude historique et archéologique sur la cathédrale et le palais épi-
scopal de Paris du vf au xif siècle, par M. V. Mortel (Paris, 1888 ,
in-8°);
Olivier de la Marche , historien , poète et diplomate bourguignon .
par M. H. Slein (Paris, 1888, in-Zi");
Le Jouvencel, par Jean de Bueil, suivi du Commentaire de Guil-
laume Tringant, publie' pour la Socie'te' de l'histoire de France. In-
troduction biographique et litte'raire par M. Camille Favre, texte
e'tabli et annoté par M. L. Lecestre (Paris, 1887-1888, 2 vol.
in-8");
Les Castehiau-Tursan , par ^I. Tabbe' Le'gé ( Aire-sur- l'Adour,
9 vol. in- 8");
Epigrapliie romaine du Poitou et de la Saintonge, par M. E. Es-
pérandieu (Melle, 1888, in-8");
Des un. tenz d'auge d'ome, par M. de Fréville (in-8°);
Les fastes de la Numidie sous la domination romaine, par M. Cle'-
ment Pallu de Lessert (Constanline et Paris, 1888, in-8°) ;
Jean de Pœilhac, secrétaire, maître des comptes , général des finances
et ambassadeur des rois Charles VII , Louis XI et Charles VIII. Docu-
ments 'pour servir à l'histoire de ces règnes, de iâ55 àiàgg (Paris,
1886-1888, 3 vol. in-Zi°);
Prix Gobert :
La maison du Temple de Paris. Histoire et description , par M. Henri
de Curzon (Paris, 1888, in-8°);
Les registres d'Honorius IV. Recueil des bulles de ce pape, publiées
ou analysées d'après le manuscrit original des archives du Vatican , par
M. Maurice Prou (Paris, 1888, in-Zi°);
Géographie historique de la province de Languedoc au moyen âge,
par M, Aug. Molinier (Toulouse, 1889, in-Zi");
— h —
Prix Bordin {Etudier les sources qui ont servi à Tacite pour com-
poser ses Annales et ses Histoires) :
Trois mémoires portant pour devises, le preoiier, une phrase
tirée de Tacite {Ann., m, 19);
Le deuxième : ffLes origines sont toujours obscures; mais,
pour un esprit philosophique, elles ont un intérêt sans égal v , etc.
(Renan, U Eglise chrétienne , p. vu);
Le troisième : Arduaresest historiœ recludere fontes ;
Prix Stanislas Julien :
Uart chinois, par M. Paléologue (Paris, in-8");
Seize mémoires ou notices relatifs à la Chine, publiés en
1887 et 1888 par M. Terrien de Lacouperie;
Prix Loubat :
The American commonwealth , par M. James Bryco (Londres,
3 vol. in-8°);
Codex Peresianus. Manuscrit hiératique des anciens Indiens de r Amé-
rique centrale, conservé à la BibUothe<iuc nationale, publié en cou-
leurs avec une introduction par M. Léon de Rosny (Paris, 1887,
in-8'').
Si, aux ouvrages ou mémoires présentés à la séance de ce jour
on ajoute ceux qui ont été adressés à TAcadémie dans les séances
précédentes, on a, pour les concours de 1889, la situation sui-
vante :
Prix ordinaire [Etude sur le théâtre hindou) : 1 mémoire;
Antiquitks de la France : 35 concurrents;
Prix de numismatique (Allier de Hauterociie) : 3 confunonts;
Prix Gobert : 5 concurrents;
Prix Bordin [Etudier les sources qui ont .servi à Tacite, etc.) :
3 mémoires;
Prix Stanislas Julien : 5 concurrents;
Prix Loubat : 9 concurrents.
Prix La (iRANfiE : pas de concuncnl.
il est ensuite procédé au scrutin pour l,i toiniation des Com-
missions (le prix. Sont élus :
Prix ordinaire ( Etude sur le théâtre hindou) : .M.\L Maui y, Biéal.
Opport . Sonarl :
5
Prix de numismatique (Allier de Hauteroche) : MM. Deloche,
d'Hervey de Saint-Denys, Schlumberger, de Barthélémy;
Prix Bordin {Étudier les sources qui ont seni à Tacite, etc.):
MM. Girard, Weil, Boissier, Croiset;
Prix Stanislas Julien : MM. Mauiy, Pavet de Courteiile,d'Her-
vey de Saint-Denys, Oppert;
Prix Loubat : MM. Maury, d'Hervey de Saint-Denys, Oppert,
Maspero.
M. Tabbe' DucHES>E,.au nom de la Commission du prix Go-
bert, fait le rapport suivant :
ffLa Commission chargée de l'examen des ouvrages pour le
prix Gobert de 1889 s'est réunie aujourd'hui pour la première
fois.
tf Après avoir nommé président M. Hauréau et secrétaire
M. l'abbé Duchesne, la Commission a arrêté ainsi qu'il suit la
liste des ouvrages qui pourront prendre part au concours de
1889:
K 1° L'empire des Francs depuis sa fondation jusquà son demcm-
brement, par le général Favé;
ff 2° I. Inventaire des arrêts du Conseil d'État [règne de Henri IV) ,
1. 1 et t. II ( i"' partie), par M. Noël Valois;
tril. Le Conseil du Roi aux xiv% xv' et ivi" siècles, par le même
auteur ;
rr 3° La maison du Temple de Paris. Histoire et description, par
M. H. de Curzon;
trZi° Les registres d'Honorius IV, par M. Maurice Prou;
r 5° Géographie historique de la province de Langnedoc au moyen
flg-e,parM. Aug. Molinier.
tcA ces trois ouvrages s'ajoutent les œuvres qui. Tannée der-
nière, ont obtenu le premier et le second prix et qui, aux termes
mêmes du testament du baron Gobert, devront rester en pos-
session de ces prix jusqu'à ce qu'un ouvrage supérieur les leur
enlève.
trLes ouvrages couronnés l'année dernière sont :
«Pour le premier prix, celui de M. Elie Berger : Les registres
d'Innocent IV;
— 6 —
rfPour ie second pi'ix, celui de M. E. Cosneau : Le cotniétable
de Bichemont (^Artur de Bretagne). v
SEANCE DU 1 1 JANVIEU.
M. Geffruy, directeur de TÉcole française de Rome, adresse
au Secre'taire perpe'tuel une lettre (^) dans laquelle il mentionne :
i° La découverte de i88 nouveaux frag-ments du ce'lèbre plan
de Rome, gravé sous Septime Sévère, qui occupait une paroi du
temple de la Ville, au forum;
. 9° Une conférence faite par notre associé le commandeur de
Rossi, le 3 janvier, dans la catacombe de Priscilla;
3° Deux découvertes épigrapliiques faites à Rome par M. Gsell,
membre de l'Ecole française.
L'Académie procède à l'élection des Commissions du prix La
Grange et de la fondation Garnier;
Sont élus :
Prix La Grange : MM. Gaston Paris, Lace, xMeyer, Gautier;
Fondation Garnier : MM. Renan, Pavel de Courteille, Mas-
pero, Senart.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre le rap-
port de la Commission des Écoles françaises d'Athènes et de
Rome sur les travaux des membres de ces deux écoles pendant
l'année 1887 '''^^.
La séance redevient publique.
M. d'Arbois de JuBAiNviLLE commuuique des observations sur les
noms de lieu "d'origine romaine qui se rencontrent en France.
Les noms de lieu de la France qui datent du temps de l'em-
pire romain peuvent se diviser, dit notre confrère, en trois classes :
La première classe comprend les composés : Augusîo-dunum,
Cœsaro-magus , etc. ;
lia seconde classe comprend les noms de lieu qui reproduisent
sans changement, soit des noms dhommes, Anicius, Afranitis,
Turnus, soit des noms communs, Très Tabernœ, Très Arbores;
'') Voir aux Communications, n° I (p. 19-2 3).
W Voir rAppENDiCE n" I (p. 58-70).
La troisième classe comprend les dérive's. Ceux-ci viennent,
les uns de noms communs , les autres de noms propres.
Les noms de lieu qui sont de'rive's de noms communs latins el
qui se trouvent dans les documents français du moyen âge sont
formés à l'aide du suffixe êlum, comme Roboretum, ou du suffixe
-arius, comme Asinaria; une grande partie d'entre eux peut re-
monter à Tempire romain. Ce qui y remonte certainement, ajoute
M. d'Arbois de Jubainville, ce sont les dërive's tire's de gentiiices,
soit, comme Marciacus (de Marcius)^ à l'aide du suflixe-ffCMs,soit,
comme Albucio , -onis (Aubusson), à l'aide du suffixe -o, -onis;el
les dérivés de cognomina, comme Turnacus, de Turnus, et Caranto,
Carantonis, de Carantos.
La plupart des gentiiices qui ont fourni des noms de lieu à
l'aide du suffixe -acus se terminaient en iiis. C'est aujourd'hui un
genre de formation bien connu. Mais on a peu parlé jusqu'ici
des noms de lieu dérivés de gentiiices romains en -enns et en
-ennius. Il y en a un certain nombre en France. Tel est Avennacus
(Avenay), dérivé en -acus d'Avenus , gentilice parallèle à Avius; tel
est Aveimio (Avignon), dérivé d'Avennius, qui lui-même est un
gentilice romain dérivé d'Avenus.
M. d'Arbois de Jubainville ayant cité incidemment, à propos
des gentiiices en -emis, -ennius, -enna, les noms Vibius, Vibenna,
M. Maury fait observer que ces noms propres sont étrusques et
non latins.
M. d'Arbois dk Jubainville reconnaît qu'ils sont d'origine
étrusque, mais il dit que les Romains les ont empruntés à la
langue étrusque et se les sont appropriés (^'.
M. Bréal cite , à l'appui de cette manière de voir, un suffixe
étrusque qui a passé en latin : c'est le suffixe -ita, qui a donné
naissance, selon toute probabilité, aux suffixes -el, -eite, employés
en français pour former des diminutifs.
M. Ravaisson commence la lecture d'un mémoire sur les mo-
numents funéraires des Grecs.
<'' Voir ci-après (p. lo, 27-39).
— 8
SÉANCE DU 18 JANVIEU.
M. de Kremer, récemment élu correspondant, adresse à TAca-
démieunc lettre de remerciement.
M. Edmond Le Blant communique de nouveaux renseijjne-
menls sur les résultats des fouilles entreprises par le P. Ger-
mano, passionistc, dans le sous-sol de Téglise des Saints Jean
et Paul, au mont Célius, à Rome('l
M. Revillout, du Musée du Louvre, annonce la découverte
d'un fragment inédit de l'orateur Hypéride.
On ne connaissait jusqu'ici le talent d'Hypéride, le rival de
Démosthène, que par un Iragmont de quelques pages décou-
vert il y a quelques années et aujourd liiii conservé en Angleterre.
Le nouveau fragment, contenu dans un rouleau de papyrus qui
vient d'être acquis par le Musée du Louvre, comprend seize co-
lonnes de l'un des deux plus célèbres plaidoyers du grand ora-
teur, le discours contre Athénogène. Longin, dans son Timté
(lu suhlimc, assure qu'Hypéiide, dans ce discours, avait montré
dcs(jualilés que Démosthène lui-même n'aurait pas su égaler.
On ne peut encore donner un texte complet des ])arties retrou-
vées: il faut d'abord rapprocher et remettre en ordre les par-
celles du papyrus. Ce travail est en bonne voie et M. Revillout
espère l'achever prochainement.
M. Ravaisson continue la lecture de son mémoire sur les bas-
reliefs funéraires grecs et la signification des scènes qui y sont
représentées.
Après avoir constaté que, depuis la publication qu'il a faite
en 18-^5 du Monument de Myrrhine, et celle qui l'a suivie, par
M. Milchhocler, de stèles spartiales représentant des morts divi-
nisés, la plupart des archéologues paraissent accorder qu'un
certain nombre au moins des monuments funéraires grecs sont
relatifs à l'autre vie, il essaie de démontrer rigoureusement, au
moyen de certains exemples typiques, (|u'il en est de même
de tous ces monuments, sans exception. Cette démonstration
''' Voir aux Commiimicatio>s, n" Il ([). a^i-i'S).
— 9 —
résulte, selon lui, de la de'termination préalable de sijriies ou
emblèmes usités, distinguant, sur les monuments, ce qui se
rapporte à la vie terrestre et ce qui se rapporte à l'autre vie. Il
applique ensuite sa théorie à l'interprétation de plusieurs œuvres
d'art célèbres qu'on n'a pu encore expliquer d'une manière satis-
faisante, notamment le groupe de la villa Ludovisi, où l'on a
cru voir en dernier lieu Electre et Oreste, et le grand bas-relief
à ligures colossales d'Eleusis.
SÉANCE DU 2 5 JANVIER.
M. Geffroy, directeur de l'Ecole française de Rome, adresse
au Président de nouveaux renseignements sur les résultats des der-
nières fouilles opérées par le P. Germano, sous l'église des Saints
Jean et Paul, au Célius. Il fait savoir, en outre, à l'Académie que
les travaux de démolition et de fouilles vont commencer dans le
quartier de Rome qui occupe l'emplacement du forum d'Auguste O.
Le Secrétaire perpétuel communique à l'Académie une lettre
dans laquelle M. Rénédite donne d'excellentes nouvelles de la
mission dans l'Arabie Pétrée, qui lui a été confiée pour la re-
cherche des inscriptions sinaïliques destinées à enrichir la collec-
tion du Corpus inscriptionum semiticarum.
Le Président et M. le marquis de Vogué confirment et com-
plètent ces renseignements. M. Rénédite n'en est qu'au début de
son voyage et il a déjà recueilli environ trois cents textes épigra-
phiques inédits.
Le Président rappelle qu'un mois s'est écoulé depuis la mort
de M. Riant et il consulte l'Académie pour savoir s'il y a lieu de
le remplacer.
L'Académie décide, au scrutin, qu'il y a lieu, et, sur la pro-
position du Président, elle fixe au 22 février l'examen des titres
des candidats.
Le Président annonce à la Compagnie que la Commission des
"' Voir aux Cosimuîsicatioxs, n" lit (p. a5-27).
— 10 —
travaux littéraires a désigne M. de Mas Latrie pour achever le
V" volume du Recueil des historiens occidentaux des Croisades.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de son rapport sur les
travaux des Commissions de publication de l'Académie pendant
le second semestre de l'année 1888.
Ce rapport sera imprimé et distribué selon l'usage '^l
M. d'Arbois de JuBAiNViLLE vcprcnd et développe les considéra-
tions qu'il avait présentées en quelques mois, à la dernièj-e séance,
en réponse à une observation de M. Maury, au sujet des gentilices
romains d'origine non latine dans les noms de lieu de la Gaule^-'.
Il continue ensuite et termine sa communication sur les noms
de lieu d'origine romaine qui se rencontrent en France.
M. Ravaisson continue la lecture de son mémoire sur les bas-
reliefs funéraires grecs et la signification des scènes qui y sont
représentées.
M. VioLLET commence la lecture d'un niémoiie sur le système
successoral appelé <flms/n/ et la fondation du Saint-Empire romain
de la nation germanique.
SEANCE DU 1" FEVRIER.
M. Ravaisson termine la lecture de son mémoire sur les bas-
reliefs funéraires des Grecs.
\[ cite et analyse de nombreux monuments égyptiens, phéniciens,
lyciens, étrusques, surtout grecs et particulièrement attiques , où est
figurée l'idée du réveil du mort dans un autre monde. 11 explique,
conformément à sa théorie, des bas-reliefs funèbres par les(|uels
on a cru la réfuter, notamment les stèles athéniennes consacrées
aux deux jeunes lîUcs Plangon et Malthace, et plusieurs vases
peints appailenant soit au Musée du Louvre, soit au Cabinet des
antiques de la BiJjliothèque nationale.
M. ViOLLET termine la lecture de son mémoire sur le système
successoral appelé laiiistry et la fondation du Saint-Empire romain
d(! la nation germanique.
"> Voir i'ArPKNDicE n" Il (j). 70-72).
'" Voir aux Commumcatios, n" IV (p. 37-29).
— 11 —
Le régime successoral qui attribue la succession au plus âge' de
la famille, et par conséquent, dans bien des cas , au frère ou au ne-
veu du défunt, de préférence au fils , a joué et joue encore un grand
rôle dans les régions du globe les plus diverses. On le rencontre en
Irlande, dans l'Empire Oitoman, au Mexique, dans la région du
Rio-Nunez, à Quoja, etc. Ce régime, que les sociologistes appellent
tanistry, a laissé des traces dans le monde grec et parmi les Macé-
doniens. Chez nous, un courant d'opinion favorable au tanistry a
existé certainement pendant la période mérovingienne; enfin c'est
le tanistry qui assure, ou plutôt qui établit à deux reprises, sous
les premiers Carolingiens, l'unité de l'empire franc : c'est à lui
que fait appel Charlemagne, en l'an 806, lorsqu'il promulgue
la loi successorale de la famille carolingienne. Sans le tanistry,
la grande puissance territoriale de Charlemagne n'eût jamais
existé et le second empire d'Occident n'eût pas été fondé. Le ta-
nistry se retrouve au moyen âge dans une région du Poitou; il
régit la vicomte de Thouars.
M. Deloche demande si les pays 011 le tanistry a été en vigueur
ne sont pas ceux oii des voisinages dangereux rendaient néces-
saire une organisation militaire fortement constituée.
M. Maury répond qu'en certains cas cette hypothèse est dé-
mentie par les faits. En Russie, par exemple, on a vu le tanistry
appliqué en faveur des femmes.
M. Oppert croit devoir mettre M. VioUet en garde contre la
tentation de voir l'application d'une règle positive de droit dans
certains faits qui ne sont peut-être que l'exercice du droit du
plus fort. Ainsi, quand certains princes mérovingiens ont écarté
du trône leurs neveux en bas âge pour se substituer à eux, il est
douteux qu'ils se soient souciés d'avoir, pour agir ainsi , un pré-
texte légal. En fait, trouve-t-on quelque part chez nous un texte
officiel qui édicté clairement la loi du tanistry'^
M. VioLLET, en réponse à la première observation , dit que pro-
bablement les nécessités militaires ont été la cause qui a fait
imaginer à l'origine le système du tanistry, mais qu'ensuite ce sys-
tème a dû se maintenir par la seule force de la tradition. Sur le
second point, M. Viollet pense qu'à l'époque mérovingienne les
— V2 —
deux principes oppose's , celui du tanistry el celui de la succès
sion en ligne directe, avaient chacun leurs partisans, et que,
selon les circonstances , ceux qui disposaient de la force se sont
appuye's sur l'un ou sur l'autre. Quant à des textes officiels qui
proclament expresse'ment la règle du tanistry, on peut en citer,
pour notre pays, au moins deux : un capitulaire de Charlemagne,
de l'an 8oG, et la coutume de Poitou, du xv"" siècle.
M. Deloche estime que, si les deux principes contraires, quant
à la succession au trône , se sont trouve's en opposition parmi les
sujets des rois me'rovingiens , cela lient peut-être à ce que l'un
de ces principes avait pour lui la tradition germanique et l'autre
la tradition romaine.
SÉWCE DU 8 FÉVRIER.
Le Minisire de l'inslruction publique adresse à l'Académie un
arrête', en date du 3i janvier dernier, pris conrorniémcnt aux
propositions du Conseil de perlectionnomeut de 1 Kcole des
chartes et portant nomination d'archivistes pale'ographes.
La liste des archivistes pale'ographes nommés par cet arrêté
sera lue dans la prochaine séance publique annuelle de l'Aca-
démie.
M. Charles NiSARD commence une lecture sur le poète Fortunat
et sur ses relations intimes avec sainte Radegonde et la mère
Agnès, abbesse du monastère de Sainte-Croix de Poitiers ('l
11 examine quelle était la nature de ces relations et comment
elles commencèrent. Quand le poète, dit notre conlrère, se lut
présenté à Radegonde, à qui il était recommandé parle roi Sige-
bert et la reine Rrunehaut, aussi bien que par son titre de poète et
sa qualité d'ecclésiastique, il lut accueilli avec la plus grande bien-
veillance, et bientôt agréé comme l'homme de conGance de la
sainte et de l'abbesse, et l'agent des aflaires temporelles de leur
communauté. L'amitié réciproque vint ensuite et se traduisit
bientôt par un échange de présents, cf ainsi <|u"il se pratique
i'' Vdir aux Commumcations. n" V. i" parlio (p. So-'io).
— 13 —
entre les amitiés innocentes qui n ont pas assez de leur agre'able
babil pour se manifester à leur gre'. ^5 Fortunat en prit Tinifia-
tive. 11 donna des fleurs de son jardin , des corbeilles tressées e
sesmaius,des fruits, parmi lesquels étaient des cbâlaignes et des
prunelles sauvages, trCes prunelles, écrit-il à Radegonde, ne
sont pas des cbampignons sortis de terre, ce sont des fruits
qu'un arbre a portés ; c'est un aliment sain que vous pouvez
manger sans crainte; je n'aurais pas la cruauté de vous donner
ce qui pourrait vous faire du mal. ii On le croit bien. En re-
vanche, Radegonde et Agnès lui envoient toutes sortes de frian-
dises, telles, ajoute M. Ch, Nisard, qu'on en a préparé de temps
immémorial chez les religieuses, et dont quelques-unes en
gardent encore le nom. Elles lui envoyaient aussi des pièces de
résistance, surtout lorsqu'il régalait ses amis chez lui. Elles firent
si bien c{ue le poète en tomba malade et que le médecin dut le
mettre au régime. Fortunat se plaint de sa rigueur avec une amer-
tume des plus plaisantes, et se rétablit cependant. Mais bientôt
il retombe dans les mêmes excès, et, ce qu'il y a de pis, il ne fait
plus de vers. Ses deux amies lui en font un reproche. 11 s'en
excuse en ivrogne qui a le vin bon et qui se raille de lui-même
avec bonne humeur. Il dit tout cela en vers écrits d'une plume
tremblante, et sous l'inspiration d'une muse ivre.
Tels sont les premiers rapports de Fortunat avec ses amies; ils
sont presque enfantins. Les autres sont plus graves et ont même
donné lieu à de malins et très immérités commentaires. M. Charles
Nisard en feivi l'objet d'un second travail.
M. Héron de Villefosse communique à l'Académie le moulage
et les photographies de deux monuments romains fort intéres-
sants pour la reconstitution du groupe célèbre trouvé à Olympie
en 1877 et connu sous le nom d'Hermès de Praxitèle.
Cette statue représente Hermès ou Mercure, portant sur son
bras gauche Bacchus enfant. Le bras droit est malheureusement
brisé et, d'après le mouvement, il est facile de voir que ce bras
était levé et tenait un objet qui fixait l'attention de l'enfant. Les
nombreux érudits qui se sont occupés de cette œuvre, si impor-
tante pour l'histoire de la sculpture grecque, ont pensé, les uns
— l/l —
qu'Hermès lenail une bourse doiil il agitail lo contenu pour
amuser Tenfanl, les autres qu'il lenait une grappe de raisin, pré-
sent qui devait naturellement plaire au dieu de la vigne. Une
peinture murale de Pompe'i, où la grappe est repre'senle'e, venait
à lappui de cette opinion.
Les deux monuments récemment découverts en France con-
firment pleinement cotte dernière restitution. Le premier est
un petit bronze, qui a été découvert en Bourgogne et qui ap-
partenait à un amateur de celte province. Mercure y est repré-
senté debout, tenant le jeune Bacchus assis dans les plis de sa
chlamyde; Mercure tient de la main droite une grappe de raisin.
Le second est une stèle romaine, trouvée à Hatrize, près Briey
(Meurthe-et-Moselle), sur laquelle Mercure est figuré dans
la même attitude, portant le jeune Bacchus sur le bras gauche
et lui monijant de la main droite nne grappe de raisin. Il n'y a
aucun rapprochement à établir, au point de vue du style, entre
l'œuvre de Praxitèle et ces deux monuments gallo-romains, qui
nous en présentent des répliques si atl'aiblies; mais, sous le rap-
port archéologique, ils offrent le plus grand intérêt et permettent
de compléter par la pensée la célèbre statue (rOlympie. Il n'est
pas douteux que l'Hermès de Praxitèle n'ait tenu de la main
droite une grappe de raisin.
M. F. de Mély soumet à la Compagnie des observations sur le
portrait du cardinal Etienne de Vancza, archevêque de Strigonie
ou Gran (Hongrie), à la cathédrale de Chartres.
On voit au bas d'une des verrières de la cathédrale de Chartres,
du XIII* siècle, le portrait d'un cardinal agenouillé. Au-dessus de
sa tête, on lit : Stephanus cardinalis. Les auteurs qui se sont oc-
cupés jusqu'ici de ce portrait n'ont pas réussi à reconnaître le
personnage qu'il représente. M. de Mély s'attache à établir que
le seul cardinal du nom d'Etienne auquel il puisse convenir est
l'archevêque de Gran, cardinal -évêque de Palestrina, de laBa
à 1266, Etienne de Vancza.
Ce prélat fut un des plus vaillants soutiens de la monarchie
hongroise; après l'invasion des Tartares, il présida au relèvement
des iiiino'; (\o sa patrie. A ce moment, l'architecte français Villard
— 15 —
(l(? Honnecourt fut mando à Gran, et, dans ralbiim de dessins
Qu'il emporta avec lui pour le soumettre à Tarrhevêque, on trouve
pre'cise'ment une esquisse de la grande rosace de la cathédrale
de Chartres. Ceci peut aider à deviner par suite de quel con-
cours de circonstances le prélat hongrois aura e'te' amené à don-
ner une verrière à la cathédrale de Chartres.
Ce portrait a dû être exécuté fort peu de temps après le retour
en France de Villard de Honnecourt. Le portrait du cardinal
n'aurait-il pas été peint d'après un carton du célèbre architecte
français? C'est une hypothèse séduisante, mais on ne peut rien
affirmer.
Il est intéressant, en tout cas, de constater ici un nouvel
exemple des rapports artistiques qui ont uni , à un certain mo-
ment du xiii'' siècle, la France et la Hongrie.
M. Rémi Siméon lit une note où il compare deux manuscrits
mexicains, appartenant, l'un à la Bibliothèque nationale, l'autre
au Palais-Bourbon. (]es documents renferment, entre autres pièces ,
un toualamatl ou calendrier religieux et divinatoire. Après avoir
expliqué la disposition de ce calendrier, M. Siméon signale les
lacunes des deux manuscrits et en fait ressortir l'importance au
point de vue historique. 11 pense qu'ils ont été composés, l'un et
l'autre, vers les années i555 à ihb'].
SÉANCE DU l5 FÉVRIER.
Le Président donne lecture d'une lettre de M. Désiré Charnay,
qui annonce l'effondrement d'un temple de Palenqué (Mexique),
ainsi que la découverte de plusieurs salles situées au-dessous du
temple et inopinément ouvertes par cet accident (^).
M. DE VoGiJÉ revient avec plus de détails sur les fouilles du
P. Delattre à Carthage, dont il a déjà entretenu verbalement l'Aca-
démie.
Il présente des photographies et des dessins de la nécropole
primitive découverte sur la colline de Byrsa. Un tombeau surtout
W Voir aux Communications, n° VI (p. liç^-^o).
— IG —
mérite l'altenfioii : il est construit en gros blocs de pierre et ren-
fermait deux étages de corps accompagnés de vases, d'armes de
bronze donnant le premier spécimen autbentiquc de l'art cartlia-
ginois du vii^ ou du viii" siècle. Des sépultures, paraissant remon-
ter au v'^ ou au iv" siècle, ont fourni des figurines en terre cuite
de style égyptisant, des colliers de verre, des vases phéniciens
olfrant la plus grande analogie avec les objets découverts dans
les nécropoles de Chypre et de Sardaigne.
Enfin, il communique des dessins et des photographies qui dé-
montrent que la nécropole dite de Gamart était celle de la colonie
juive à l'époque romaine.
MM. Georges Perrot et Rav.visson insistent sur lintérêt des
découvertes dont M. de Vogué vient de rendre compte et ex-
priment l'espoir quelles pourront jeter un jour nouveau sur les
relations des peuples sémitiques de l'antiquité aver 1p monde
grec.
MM. Renan et Derenbourg, à propos de quelques détails de la
communication de M. de Vogué, pensent que le P. Delattre de-
ra se mettre en garde contre la tentation de faire des rapproche-
ments précipités entre certains faits constatés au cours des fouilles
et des passages bibliques ou des usages juifs encore mal connus.
M. (>barles Nisard commence une nouvelle lecture sur les rela-
tions intimes de Forlunat avec sainte Radegonde et l'abbesse
Agnès (^^.
Notre confrère cite plusieurs extraits fort curieux des lettres
du poète à la première, oii, quelle que soit la passion avec la-
quelle il s'exprime, on n'oserait l'imputer à un autre sentiment
qu'à celui d'une admiration exaltée pour une personne (juil
lient déjà pour sainte, et à laquelle il rend une espèce de culte.
Il y a autant d'innocence dans la passion de Fortunat pour
l'abbesse Agnès, mais il y a plus d'aisance, plus de liberté,
plus peut-être de ce qui pourrait ressembler à de lamour pro-
fane. On l'avait remarqu > dans le couvent de Sainte-Croix, et
on avait médit jusqu'à joircr- Agnès à eu aveilir le poète et à lui
*' Viiif ;\ii\ (ioMMiMcMiiiNS. n" V, •?.' parlic (p. 'lo-'ii)).
v
__ 17 —
dcmandordos explications. Il en donna dans une pièce de quelques
vers, qui est une protestation digne et e'ioquente de la pureté de
ses sentiments pour Agnès, et un te'moignage de son amitié aussi
étrangère à toute pensée charnelle (|ue si Agnès était sa propre
sœur, et qu'ils fussent sortis Tun et Tautre des entrailles mêmes
de sainte Radegonde. Cette protestation fit tomber toutes les mé-
disances, et Fortunat continua jusqu'à la fin de la vie de ses
deux illustres amies des relations qui avaient fait le charme le
plus vif de la sienne.
SEANCE DU 2 9 FEVRIER.
MM. Ciermont-Ganneau, Courajod et R. de Lasleyrie écrivent
à l'Académie pour se porter candidats au fauteuil laissé vacant
par la mort de M. le comte Riant.
M. Geffroy, directeur de l'École française de Rome, adresse
au Président de fAcadémie des détails circonstanciés sur un nou-
veau musée qui va être ouvert dans la villa di Papa Giulio, près
delà porta del Popolo, et qui est composé uniquement des objets
découverts dans les fouilles de Cività Castellana, l'antique Pa-
ierie (".
M. BoissiER, qui a vu dans un de ses derniers voyages une
partie des objets signalés par M. Geffroy, insiste sur fintérêt ex-
ceptionnel de cette nouvelle collection.
L'Académie se forme en comité secret pour fexamen des titres
des candidats à la place de membre ordinaire vacante par suite
du décès de M. le comte Riant.
La séance étant redevenue publique, M. Charles Nisaud termine
sa seconde communication sur les relations du poète Fortunat
avec sainte Radegonde et l'abbesse Agnès '-'.
M. Oppert communique une note intitulée: Les époques de Ham-
murabi et d'Ainénophis IV ^'-^^
Les dernières découvertes faites en Assyrie et en Egypte ont
'') Voir aux Communications, n" Vtt (p. 5o-53).
(-' Voir aux Communications, n° V, 9" partie (p. 60-/19).
(^) Voir aux Communications, n" VIII (p. 53-58).
xvii. 2
ïMPRIMtBlE SATIOXALF.
~ 18 —
fait entrer, dit notre confrère, dans le domaine de la chronologie
pre'cise, des époques que naguère on pouvait regarder comme
mythiques et légendaires. C'est ainsi qu'on possède aujourd'hui,
du xxiv° siècle avant notre ère, une grande quantité de docu-
ments juridiques, administratifs et historiques, émanant de roi8
tels que Rim-Sin ou Arïoch, Hammurabi et d'autres. Un passage
d'un texte déjà connu, mais mutilé, vient d'être complété par
l'examen d'un nouveau cylindre du roi Xabonid (555-538 avant
notre ère) et M. Bezold a fait connaître la vraie teneur du document.
Il y est dit qu'un certain roi Purnapuriyas vivait 700 ans après
Hammurabi, et que tous deux embellirent le temple du Soleil à
Sippara. Or, un roi du même nom de Purnapuriyas, nom appar-
tenant à la langue cissienne ou élamite, est nommé, comme con-
temporain d'Aménopliis IV, roi d'Egypte, dans les textes curieux
qui ont été récemment découverts à Tell-Amarnah (Egypte).
Comme on croit qu'Aménophis IV régnait en i45o avant notre
ère, on en a conclu que le règne de Hammurabi, antérieur de
700 ans à celui de Purnapuriyas, contemporain d'Aménophis,
devait être placé en 2i5o. Mais, par une série de déduclions
arithmétiques qu'il s'attache à conduire avec la plus grande ri-
gueur, M. Oppert soutient que l'époque 011 vivait Hammurabi
doit être placée dans le xxiv'' siècle, entre les années 289^ et
2889 avant noire ère. Donc, ou le Purnapuriyas de Tell-Amarnah
est bien le même dont parle Nabonid , et alors le règne d'Amé-
nophis IV doit être placé en i65o et non en ii5o avant notre
ère; ou bien, si l'on veut maintenir pour le roi d'Egypte la
date consacrée jusqu'ici , il faut admettre qu'il y eut deux Purna-
puriyas et que le correspondant chaldéen dAménophisIV est pos-
térieur de deux siècles à son homonyme cité dans le cylindre
du roi rV'abonid.
— 19
COMMINICATIOAS.
N" I.
LETTRE DE It. GEFFROV.
DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
( SÉANCE DU 11 J.ANVIEK l88g.)
Rome, le 7 janvier 1889.
Monsieur le Secrétaire per[)ét,uel el cher confrère.
Une des découvertes les plus importantes qu'aient amenées
les récents travaux d'édilité accomplis dans Rome sera peut-
être celle de 188 morceaux du célèbre plan de la ville, gravé
sur le marbre sous Septime Sévère, et qui couvrait une paroi
du templum mcrae Urbts, derrière l'église des Saints Cosme
et Damien. au Forum. On a découvert au cours des derniers
mois ces fragments engagés dans la grossière maçonnerie sou-
tenant, sur la rive gauche du Tibre, un petit jardin situé der-
rière le palais Farnèse. ils y auront été placés, soit dès l'époque
delà première découverte du plan Capitolin. au x\f siècle,
quand les morceaux en ont été immédiatement transportés au
palais Farnèse et qu'on aura dédaigné les plus petits, soit
lorsque, donnés au pape en 17/12, les principaux d'entre eux
ont été placés au musée Capitolin. On n'avait rencontré jadis
de tels fragments qu'au pied du mur où le plan Capitolin avait
été primitivement fixé , et où probablement de nouvelles fouilles
bien ordonnées en feraient trouver de nouveaux encore.
Il n'y en a qu'un petit nombre qui ofTrent parleur étendue
une réelle valeur; mais rapprochés les uns des autres, ou bien
rattachés aux fragments actuels du musée Capitolin, ils don-
neront peut-être les indications les plus précieuses.
— 20 —
On sait de quel prl\ peuvent être pour la connaissance de
la topographie romaine des représf^ntations si authfntiques.
Si de tels souvenirs n'étaient di'jà lointains, je rappellerais à
rAcad('mieque, danssa séance du ai avril 1882, elle recevait
de moi l'estampage d'un fragment du plan Capitolin singuliè-
rement instructif. Pendant une visite au Forum , quelques jours
auparavant, j'avais entendu MM. Fiorelli et Lanciani émr'ttro
l'avis que les anciens Romains montaient du Forum au Palatin
par une ouverture praticpiée vers ce qu'ils pensaient avoir été
le clivus Victoriae, à l'angle nord de la colline. Une heure après,
les ouvriers, en démolissant un mur du viii" siècle, mettaient
au jour un heau fragment du célèhre plan de Rome où se
montrait une salita, probahlement les gradus in nova via de
Varron, entre la basilique Julienne, avec le temjde de Castor
et Pollux, et l'angle du Palatin. (Voir les Comptes rendus des
séances de l'Académie, séance du 2 1 avril 1882. Cf. les Notizte
degli scain, avril 1882, p. 2 3 y.)
Les 188 fragments ont été donnés par l'Etat au municipe
de Rome. Ce ne sera pas un petit travail que de les insérer à
leur vraie place dans l'escalier du musée Capitolin.
Le jeudi 3 janvier, M. le commandeur de Rossi, associé
étranger de l'Institut de France, a donné dans la catacomhe
de Priscilla , sur la via Salaria, une de ces conférences qui ont
lendu son enseignement célèbre.
M. Le Blant a trop bien fait connaître à l'Académie, avec
sa compétence spéciale, les progrès des fouilles qui ont rendu
celte catacomhe à la science, il a trop bien signalé les princi-
pales inscriptions qui y ont été découvertes, celles en particu-
lier qui concernent la famille des AcHii Glahrioncs, pour que
je sois tenté d'en reprendre l'histoire.
.l'ai seidement à dire quel a été le sens de la fête du 3 jan-
vier.
Il V a six ans. à la fin de 1882. une souscription a été ou-
— -21 —
verle par les soins de la Sociélé d'aicliéologie chrétienne de
Rome, de l'Institut allemand de correspondance archéolo-
gique de Rome, et de l'École française, pour offrir à M. de
Rossi, à l'occasion de sa soixantaine d'âge, une médaille d'or.
La souscription , à laquelle la France a contribué pour une
large part, a produit une somme supérieure à ce que devait
coûter la médaille. M. de Rossi a voulu que le surplus, mon-
tant à 8,000 francs, fût employé aux travaux de découverte
dans la catacombe de Priscilia.
Une inscription, composée par le P. Tongiorgi, va être
l)lacée ces jours-ci mêmes dans la salle souterraine où ont été
trouvées les sépultures des Acilii Glahrwnes.
Je transmets le texte de cette inscription :
HYPOGAEVM • A C I L I O RV M
IN ■ COEMETEHIO-PRISCILLAE
EFFOSSVM-E T • IN STAV R ATV M
A • CHR • MDCCCLXXXVIII
PER -XTl -VIR • SACRIS • MONVMENTIS
INVESTIGANDIS • TVENDIS
PECVNIA- COLLA TA • AB -IIS
Q_y I • AVREVM • NOMISMA
H ON ORI S -ER GO- OBTVLERVNT
lOANNI • BAPTISTAEJDE • ROSSI
AETATIS • SVAE • ANN VM • LX • EXPLENTI
FELICITER
Les derniers travaux pratiqués dans la catacombe de Pris-
cilia n'ont fait que confirmer les résultats précédemment an-
noncés. Cette catacombe est remarquable entre toutes parce
que, remontant au temps apostolique, creusée dans le domaine
d'une riche famille comme celle des Acilii Glabnones, elle
témoigne, par sa belle architecture, par ses peintures et ses
stucs de grand style, de la prompte conversion d'une partie
de la haute sociélé romaine au christianisme, et des lumières
que peut tirer de l'archéologie chrétienne l'histoire générale.
O-l
11 agréera sans doute à 1 Académie de recevoir parfois, avec
les communications du Directeur, les observations dues aux
membres de l'Ecole française de Rome, celles dont ils doivent
a\oir seub tout le mérite.
M. Gsell, membre de troisième année, en visitant avec
M. l'abbé Le Louët les lieux vagues situés près du \ alican. der-
rière le Jauicule, a trouvé dans une osta-ia . sur une margelle
de puits, de o".5o de diamètre intérieur, une inscription cir-
culaire ainsi conçue :
FOPÎLLT\^-L-LMENOPHILVS D SP D
BopiUius L. liiixTtus) Menophiius ti\(e'i s^tui) p[ecunM) (i\^edii).
11 v a en outre sur le jflanc :
ET PAJiiPHILVS-[P-CPILUL L
Peut-être faut-il lire : PojfUU liihertî) l{ihertu.f). Pamphilus
aurait été l'affranchi de Popillius Menophilus.
Je transmets à FAcadémie une seconde observation du
même membre de l'Ecole, M. G>ell :
r Inscription sur une petite base remarquée près de 1 église
de Santa-Lucia-in-Selce. dans le prolongement de la via Ca-
row (quartiers nouveaux à Test de Rome^ :
H E R C V L I
FI • LOLIIANVS V C PRAEF
TI II
r.Ce personnage est fort connu. Son nom complet était
Q. Flanuj. Miifttw E^titt¥f LoiintMHi: Mm^rt>u.s. Il fut ^mteUor
— 23 —
candidatus, praetor urhanus, augiir pubhcus populi romani Qui-
ritium, cornes Augusli et Caesarum, consulans (ou curator) alvei
Tiberis et cloacarum, consulans operum pubhcorum, consulans
aquarum et Minuciae, consulans Campamae , cames jlavialis , cornes
On'entis (avant 336, car il le fut sous Constantin, qui mourut
cette année-là), cornes primi ordinis, proconsul provinciae Afncae,
praefectus Urbi (en 3^2, depuis le 3i mars jusqu'au 6 juil-
let), consul ordinarius (en 3 ^b^, praefectus praetono (en 355
et 356).— (Cf. C. I. L, VI, 1723; X, 1695, 1696,
Unb^; — Firmicus Maternus, Matheseos prœfal. (ce livre lui est
dédié), VIII, i5, etc.; — Ammien Marcellin, XV, 8, 17;
XVI , 8 , 5 ; — Indiculus prcefect. Urbi; — De Rossi , Inscr.
Christ., n° 122: — Fastes consulaires manuscrits; — Code
théodosien, VI, 29, i; XI, 3o, 20; 36, 11.)
t^Voir encore sur ce personnage Corsini, Séries prœf. Urbis,
p. 200; — M. Gervasio, Osservazioni sulla iscrizione onorana
di Mavorzio Lolliano m Pozzuoli, Napoli, i8/i6; — Borghesi,
Œuvres, t. IV , p. 519, sqq. ; — Moramsen , Memorie dell' Inst.
arch., t. II , 1 865 , p. 3o3 , sqq. ; — De Rossi, Bull. deW Instit.
arch., 1877, p. 8t; — De Vit, Onomasticon, t. III, p. 109.
«La préfecture indiquée sur notre inscription, malheureu-
sement incomplète, peut être soit la préfecture de la ville,
soit celle du prétoire.
«Le chiffre IIII, qu'on lit sur la base, serait-il l'indication
du poids de la statue en métal qui probablement surmontait
cette base ? »
Veuillez agréer, etc.
A. Geffrot.
— 2^
IV II.
J\OTE SUR LES FOUILLES DE L'EGLISE DES SAINTS JEAN ET PAUL,
AU MONT CÉLIUS, À ROME, PAR M. EDMOND LE BLANT.
(séance du i8 janvier 1889.)
J'ai eu l'honneur d'entretenir l'année dernière l'Académie
d'une découverte im])orlante faite sous l'église du Célius, dédiée
aux saints Jean et Paul. Ce sanctuaire a été, comme on le
sait, élevé sur la maison môme de ces saints, qui y ont été
martyrisés par ordre de Julien l'Apostat, ainsi que le rap-
portent leurs actes. Grâce aux investigations sagaces et hardies
du R. P. Germano, on a vu reparaître de nombreuses chambres
ornées de peintures du iv* siècle, rappelant par leur style
celles des catacombes, et dont plusieurs se rattachent à l'his-
toire même du lieu. Poussées j)lus avant, les recherches
viennent de donner des résultats nouveaux, et l'Académie me
permettra de lui communicjuer les quelques renseignements
que dom Germano veut bien m'adresser à ce sujet.
Parallèlemeiil au cUvus Scnuri, qui borde l'église, on a
déblayé une vaste salle construite en briques et décorée , au
moyen âge, de fresques dont il reste encore une partie impor-
tante.
Au centre est le Christ, vêtu, selon la mode de l'éjjoque
byzantine, d'un pdllium chargé de broderies et de pierres pré-
cieuses. Sur le livre des Evangiles, (ju'il tient à la main, sont
écrits les mots LVX EGO SVM MVNDl TOTIVS. A ses côtés
sont debout les deux archanges ailés, vêtus avec la même ri-
chesse et que désignent leurs noms écrits en lettres super-
posées : S MICAEL AR S GABRIEL. On voyait auj)rès de
ces derniers deux personnages d'une taille moins élevée et qui
ne sauraient dès lors représenter des apôtres. Le pren)ier a
malheureusement disparu; le second, qui jiorte la sfoln byzan-
25
line, |)arait tenir une couronne; son nom, S PAVLV, se lit à
côté de lui. Celui qui lui faisait pendant était sans doute
saint Jean, son compagnon de martyre. La forme des lettres
et le caractère de la peinture permettent d'altribuer cette
fresque au vni^ ou au ix" siècle. Le culte des saints Jean et Paul
était donc demeuré vivant, au moyen âge, sur le lieu même
qu'ils avaient habité et où ils avaient souffert la mort.
En enlevant les terres qui remplissaient cette partie de
leur maison, le savant religieux y a recueilli la partie supé-
rieure d'une amphore sur le col de laquelle est peint au mi-
nium le monogramme du Christ accosté des lettres symboliques
ACl), groupe qui se rencontre à Rome dès 355 (De Rossi,
Inscriptîoiies , t. I, n° 127). Si ce débris n'a pas été apporté
d'ailleurs, quand le lieu a été remblayé, peut-être a-t-il appar-
tenu aux saints dans la maison desquels on l'a retrouvé. Le
savant M. Armellini, à qui je dois ce détail et qui connaît si
bien l'épigraphie antique, incline à le penser.
Autant que des ressources malheureusement bornées peuvent
le permettre, on poursuit le déblaiement de l'antique habita-
tion qui occupait entièrement la place recouverte par l'église.
N" ÏIL
EXTRAITS D'LNE LETTRE DE M. GEFFROY,
DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance du 25 JANVIER 1889.)
Rome, le ao janvier i88g.
Monsieur le Président et cher confrère ,
A peine arrivé à Rome, je me suis empressé de visiter les
fouilles du père Germano sous la basilique des Saints Jean et
Paul.
— 26 —
Le plus important résultat des derniers travaux est la dé-
couverte par le P. Germano d'une chambre dans laquelle il a
pu s'introduire par le plafond éventré, chambre absolument
remplie de décombres, comme l'était la maison entière, et dans
laquelle je n'ai pu pénétrer à cause du peu d'avancement des
travaux, mais où le P. Germano assure avoir vu des peintures
païennes fort belles d'exécution, bien supérieures à toutes
celles qu'il a jusqu'à présent découvertes, et qu'il croirait
pouvoir dater sûrement du ii" siècle. Il se propose de dégager
les thermes (ou la fuUonica?) situés au bas de la maison ro-
maine : j'en ai vu, au milieu du travail des ouvriers, les pre-
miers vestiges; il dégagera en outre les parties de l'antique
rue qui se retrouvent de plain-pied avec les chambres infé-
rieures.
21 janvier.
Les travaux de démolition et de fouilles vont commencer
dans le quartier de Rome qui occupe l'emplacement du Forum
d'Auguste. Il s'agit de savoir si l'on retrouvera les restes du
double portique construit en ce lieu par Auguste, avec les
statues des plus célèbres chefs militaires, dont les bases por-
taient les inscri|)tions rédigées par ordre de l'empereur. Nous
avions jadis obtenu la permission de pénétrer dans le couvent
de la via Alessandrtna qui occupe toute une partie de ce Forum
d'Auguste. J'y ai fait une longue visite avec un des architectes
pensionnaires de l'Académie de France, M. Laloux, qui a re-
levé les mesures de quelques salles antiques. Il lui avait paru,
en vérifiant les bases de quelques colonnes engagées dans la
construction moderne, que nous étions en présence de l'ancien
sol, sans aucun vestige des statues ou des inscriptions si sou-
vent recherchées. Mais des portions entières du couvent, qu'il
eût fallu abattre, restaient inaccessibles. 11 faut voir si les pro-
chaines fouilles, accompagnées de démolitions considérables.
— 27 —
vont rendre au monde savant le commentaire au chapitre xxi
de la Vie d'Auguste par Suétone. Nous suivrons avec attention
les travaux.
Veuillez agréer, etc.
A. Geffroy.
NMV.
GENTILICES ROMAINS D'ORIGINE NON LATINE
DANS LES NOMS DE LIEU DE LA GALLE,
PAR M. U. D'ARBOIS DE JUBAINVILLE.
(séance du •20 JANVIER 1889.)
Notre savant confrère M. Maury a fait observer avec très
juste raison que le nom d'homme Vibenna, donné par moi pour
un gentilice romain, n'est pas latin, mais étrusque, et que
le gentilice Vibius, qui appartient à la même famille, est d'ori-
gine étrusque. Mais je n'ai pas dit que Vibenna fût un mot
latin, j'ai dit que c'était un gentilice romain. En l'an i oo après
J.-C, 0. Vibenna Quietus était édile d'Aricia dans le Latium.
Nous le savons par une inscription trouvée près d'Aricia, à
Nemi, et qui porte le numéro 2218 au tome XIV du Corpus
mscnptionum laLinarum.
Parmi les gentilices romains, il y en a qui sont d'origine la-
tine : Flavius vient de favus, Fulvius de fulvus; mais un grand
nombre sont d'origine étrangère, et parmi ceux-ci il y en a
qui, portés en Gaule par la conquête romaine, attestent encore
aujourd'hui, dans nos dictionnaires géographiques, combien
était mêlée et d'origine diverse la population qui , sortie du sein
de Rome conquérante , vint en Gaule s'enrichir des dépouilles
du vaincu.
Certains gentilices romains, qui ont donné naissance en
Gaule à des termes géographiques, sont osques ou ombriens.
Tel est Pomponms, devenu le nom d'un village du départe-
— 28 —
ment de l'Oise, aujourd'hui Pontpoinl, comme l'a reconnu
très justement M. Longnon; d'où le dérivé Pomponunius . au-
jourd'hui Pompi<jnan (Tarn-et-Garonne et Gard), qui appar-
tient à l'histoire littéraire comme à la géographie. Tel est
Ponlnis, d'où le dérivé Pontiacus, en français Poncé (Sarthe),
Poncey (Côte-d'Or), Poincy (Seine-et-Marne). Pomponius tire
son origine du nom de nombre cardinal osque et ombrien si-
gnifiant rcinrp, et Pontius du nom de nombre ordinal corres-
pondant.
L'origine de ces gentilices est itali([ue. Mais, parmi les
gentilices que la conquête romaine a implantés dans la géo-
graphie de la Gaule, il y en a qui ont été puisés à une source
étrangère à l'Italie. Nous citerons par exemple un nom de
lieu que nous a conservé la Table de Peutinger. C'est celui
qui y est écrit Filo-musiaco. C'est une station romaine située
entre Besançon et Yverdun. Filo-musiacus est dérivé de Pliilo-
musnis, dérivé lui-même du nom d'homme grec <I><Àû/«o'jcto5 ,
ç^ami des muses». C'est un mot dont l'origine grecque ne peut
être contestée et dont l'existence dans la langue grecque est
attestée par plusieurs témoignages qu'il est inutile de rap-
peler ici.
Il y a un genfilice romain d'origine grecque qu'il peut être
intéressant de signaler, parce qu'en France il a donné nais-
sance à deux noms de lieu encore vivants aujourd'hui, et parce
(}ue, malgré sa provenance grecque, il est en grec un mot
d'emprunt : c'est Ammonius. Ammonius est le grec Afxfxcôvtos.
Il est dérivé d'Ammon, terme mythologique égyptien. Un
exemple caractéristique nous est donné par une inscription du
nmsée de tapies. C'est réj)i(aphe de M. Amonius Bossus, na-
tione ^gyplius'^^K L'indication de l'origine du défunt nous fait
signaler ce monument, malgré l'orthographe par une seule m
qui, suivant M. Maspero,est seule étymologique, et (pii n'est
(') C. I. L.,\,Ui-2.
— 29 —
pas celle des autres inscriptions, exemple l'inscription de Pouz-
zoles où on lit les noms d'Ammonius Ammonumus^^\
La conquête romaine apporta ce nom en Gaule.
Un vaste territoire, qui formerait aujourd'hui une partie du
département de la Nièvre, appartint à un propriétaire dont le
gentilice était Ammonms et on y bâtit des casas ou des villas
Ammonias^ d'où le nom de pagus Ammonias dans un testament
du commencement du viu" siècle ^-^ Le nom de cette région
persiste encore dans le nom de la commune de Saint-Jean-aux-
Amognes (Nièvre). Ammonius a donné aussi le nom de lieu
dérivéylwmo/^mcHS, aujourd'hui Ameugny ( Saône-et-Loire) , qui
apparaît plusieurs fois dans le cartulaire de Saint-Vincent de
Mâcon, noté à l'ablatif Ammoniaco (p. 335), Amomaco (p. i /io,
ay-y), au ^émùî Amiminiaci (p. 3^8, 379 ), Amomaci{j^. 1 ^o),
dans des documents dont les plus anciens datent du ix" siècle,
les plus récents du xif siècle.
On s'appelait Amoniosou Ammoniosà Alexandrie en Egypte
par piété envers le grand dieu égyptien Amon ou Ammon, et
les termes géographiques français Amognes et Ameugny sont
en quelque sorte un écho lointain de la religion pratiquée sur
les bords du Nil.
Ammonios est, comme Vibenna, un gentilice romain. L'ori-
gine étrangère de ces deux noms ne les a pas empêchés de
prendre place dans la longue nomenclature des noms de fa-
mille romains que nous ont conservés les inscriptions du temps
de l'empire; ils v ont pénétré à côté, par exemple, du gentilice
romain Camullius, qui est d'origine gauloise, qui est dérivé
du nom du dieu gaulois Camulus, et d'où vient le nom de
Chamouille (Aisne), monument de la religion des Gaulois
comme Ameugny de celle des Egyptiens.
(') C. I. L.,X, 35i/i.
^-' pin pago Avaleiise et Nivernense sive Ammonias.n {P avàesaus, Diplomata,
t. II, p. 395.)
— 30 —
iV V.
DES RAPPORTS D'INTIMITE ENTRE FORTD.NAT, SAINTE RADEGO>'DB
ET L'ABBESSE AGNÈS. PAR M. CHARLES MSARD.
(SÉANCES DES 8, l5 et 3 3 FÉVRIER 1889.)
Fortunat n'était pas de ces poètes qui aiment le danger et
qui l'attendent. Boileau (4 Racine allaient résolument à la
tranchée pour y mieux voir et mieux remplir leur charge d'his-
toriographe. Mais c'étaient des poètes de nom et d'effet, et de
grands poètes, et le courage dans ces âmes élevées était une
partie de leur talent. Fortunat était un versificateur abon-
dant, quoique rarement facile, incapable d'une idée grande
et suivie, inspiré par l'occasion, faisant des vers à la chaude,
et. comme le poète Lucile et toute proportion gardée,
Garrulus, atque piger scribendi ferre laborem.
Scrihcndi recle.
Horaco. Snt., I , i, v. lo.
Il aimait la nature, qu'il a peinte plus d'une fois avec agré-
ment et vérité; il aimait la bonne chère et l'avouait en homme
qui a bonne envie de s'en vanter; il aimait enfin qu'on le re-
cherchât, le louât, le caressât. Sa modestie, qui était véritable,
n'en était point troublée; car, ce qu'on lui donnait à cet
égard, il le rendait aussitôt avec usure. La plupart du temps
même, et pour peu qu'il crût que sa sûreté personnelle y fût
intéressée, il prenait les devants. De pareilles dispositions
n'allaient pas à en faire un preux. Aussi, dès que les Goths
eurent envahi l'Italie, il dil adieu à la villn de ïrévise, son
pays natal, traversa une grande partie de la Germanie où il fit
quelques belles connaissances, et vint avec ses tablettes et
— 31 —
précédé d'une sorte de renommée poétique, s'échouer sur le
sol de la vieille Gaule, dans les Etats de Sigebert, roi d'Aus-
trasie.
C'est sans doute parce qu'il chanta dans un épithalame
le mariage de ce prince avec Brunehaut qu'Ampère en a fait
un poète de cour. Il lui en a même donné le nom. La vé-
rité est que son épithalame est bien à tous égards de la poésie
de cour. Mais la sienne a plutôt l'air de celle d'un poète qui
aspire à gagner des lauriers, que d'un poète qui en serait déjà
couronné. Un pareil genre de vie lui plaisait assez et il eût
peut-être prolongé davantage son séjour à Metz, s'il ne se fût
rappelé qu'il n'était pas venu en Gaule seulement pour fuir
les Goths, mais aussi pour aller à Tours remercier saint Martin ,
dont l'huile miraculeuse, dans l'éghse des saints martyrs Jean
et Paul, à Ravenne, l'avait guéri d'un mal d'yeux. Il en avait
faille vœu. Ce devoir rempli, il quitta Tours et vint à Poi-
tiers, où il obtint par faveur (car il était dans les ordres quand
il abandonna l'Italie) d'entrer dans le clergé de cette ville,
quoiqu'il fût étranger.
C'est alors, si je ne me trompe, qu'il connut Radegonde.
On ne sait par quels moyens, si ce n'est qu'il lui avait été pro-
bablement recommandé par Grégoire de Tours; mais il a né-
gligé de nous le dire. Nulle part, dans ses poésies, il n'y est
même fait allusion. On y voit seulement qu'il devint l'agent (^',
le conseiller intime de Radegonde et l'intendant du temporel
du monastère de Sainte-Croix, fondé par celte reine; on y
voit surtout qu'il en fut le poète attitré.
Très peu des billets qu'il a adressés à sa royale maîtresse et
à la mère Agnès, abbesse du monastère, ont une date tant
soit peu précise. A cet égard, il reste presque constamment
dans le vague ou l'oubli, participant ainsi du sexe de ses cor-
^') Fortunalus agens, liv. XI, pièce h.
— 32 —
respoiulantes, sexe ennemi des dates qu'il ignore volontiers,
coinnie si cette ignorance tenait en suspens la course de l'âge.
Mais il était le plus souvent tout près d'elles en leur écrivant,
et l'on croirait même qu'il écrivait de cellule à cellule, s'il
avait eu une cellule dans le monastère.
Son premier billet (car toutes ses lettres ne méritent pas
un autre nom) adressé à Radegonde est, selon moi, la cin-
quième pièce du huitième livre. Il y avait vingt ans que Rade-
gonde vivait dans son monastère et dans la pratique la plus
rigoureuse de la vie spirituelle, lorsque Fortunat vint en
Gaule ^^'. R yen avait bien davantage quand il vint à Poitiers
dans la seule pensée de la voir et de l'honorer. Il est présu-
mable qu'outre la recommandation de Grégoire de Tours, il
avait emporté avec soi celles de Sigebert et de Rrunehaut,qui
l'avaient si bien accueilli à Metz, et qui ne pouvaient lui refuser
cette grâce. Radegonde avait alors environ quarante ans. Ce
qui perçait de sa vie retirée faisait l'étonnement et excitait
l'admiration des po|)ulalions gauloises, de Metz à Marseille, et
Fortunat partageait cette inqnession. Il n'était pas homme à
se dérober à l'entraînement général on [)ar orgueil on par
scepticisme; il suivait volontiers la foule, croyait ce qu'elle
crovait et quelquefois plus encore.
Dès qu'il eut approché Radegonde. il lui fut acquis tout
entier. Elle avait à la fois le prestige du rang, de la beauté
et d'une piété qui participait de celle des martyrs et de celle
des anges. On s'imagine aisément ce que notre poète dut res-
sentir à l'aspect de celte triple majesté. Ce qui l'en frappa le
plus d'abord et ce (ju'on voit dès le début de son premier
billet, c'est la majesté de la personne, c'est la reine des Francs,
comme anéantie sous le voile de la religieuse, ot n'y perdant
pas néanmoins un ravon df la s|)len(leur roNalo. Fortunat en
0) En 56/j ou r)G5.
— 33 —
parle romme s'il s'en fût senti plus touché qu'un autre, et qu'il
eût connu le premier ce qui était déjà de notoriété publique.
J'imagine qu'il en fit sa cour à Radegonde, que les flatteries
ne pouvaient guère toucher; il lui plut par d'autres raisons.
11 lui plut parce qu'il avait pour répondants des princes de sa
famille et un saint évêque, Grégoire de Tours; parce qu'il
était poète et correspondait ainsi à son propre goût pour la
poésie, et qu'elle pourrait s'en servir ou comme de maître ou
comme de collaborateur; il lui plut par son caractère de
prêtre, toujours plus imposant aux yeux d'une femme qu'à
ceux de l'autre sexe; il lui plut enfin par son enjouement, sa
délicatesse, sa modestie, sa douceur et son dévouement ab-
solu, toutes qualités ayant pour efî"et de faire toujours désirer
la présence de ceux qui les possèdent, et contracter l'habitude
de ne pouvoir plus se passer d'eux'.
Il est aisé de croire que le poète en avait amené là Rade-
gonde et Agnès, lorsqu'il s'établit entre tous les trois un
échange de petits cadeaux, ainsi qu'il se pratique entre les
amitiés innocentes qui n'ont pas assez de leur agréable babil
pour se manifester à leur gré. Fortunat en prit l'initiative.
11 envoie des fleurs; elles sont de son jardin. Ce sont entre
autres plantes odoriférantes des violettes pourprées, espèce
rare. 11 prie qu'on l'excuse s'il n'envoie pas des roses; il n'en
a point, et pour en avoir, il faudrait qu'il en achetât. L'amitié
de ses amies lui en épargnera la dépense, en faisant, dit-il,
des roses de ses violettes '''. Le compliment manque de dis-
tinction et de hardiesse; mais gardez- vous d'en rire; les
plus grandes passions à leur naissance ont des timidités de ce
genre.
Il eut lieu, sans doute, de se louer de cette manière de
faire sa cour avec des fleurs; car il en use souvent. Cesl qu'il
<'^ Liv. VII r, pit're 6. Prnferl qui violas fer l Pt ttinorc rouas.
xvii. o
IU7RIUE<lIti .MTIOMLIS-
I
— u —
n'avait pas seulement pour objet de procurer à ses amies un
plaisir qui leur fût personnel, il voulait aussi contribuer pour
sa part à orner les autels, en ces jours de fête où les fleurs
en sont presque toute la parure. C'est là le fond d'un certain
nombre de ses plus jolies pièces. On me permettra de m'y ar-
rêter un moment. Dans ces solennités, c'était un devoir pour
les religieuses et un très vif amusement de travailler, si j'ose
me servir de cette expression profane, à la toilette des autels,
et de les rehausser par tout l'éclat dont la moindre partie
leur était interdite à elles-mêmes. Radegonde et Agnès prê-
taient leurs mains à ce pieux oflice, et l'accaparaient même
quelquefois. C'est à une circonstance de ce genre que se rat-
tache la pièce suivante, qui a beaucouj) de charme, que les
antithèses même ne déparent pas, et où l'on remarque ce sen-
timent vif des beautés do la" nature que j'ai signalé plus haut
dans la poésie de Fortunat :
f^ L'hiver sévit; la terre est gelée partout. La vie est morte
dans les champs faute de fleurs. Au printemps, saison où le
Seigneur triompha de l'enfer, rherbo pousse et dé[iloie sa
chevelure avec plus d'abondance. Les hommes ornent de fleurs
les portes, les ihi'àtres; les femmes parfument leur corsage
en le garnissant de roses. Vous autres, c'est aux églises que
vous en offrez les prémices. Vous tressez de vos mains des
guirlandes et parez les autels de ces fleurs nouvellement édoses.
Il y a une disposition particulière pour le safran à la corolle
dorée, une autre pour la violette aux reflets de pourpre. Ici
sont le rouge vif et le blanc de neige; là le bleu est voisin du
vert. Les couleurs se contrarient tellement qu'on croirait toutes
ces fleurs en guerre les unes avec les autres dans le sanctuaire
de la j)aix. L'une plaît par sa blancheur, l'autre par des tons
jaune d'or; celle-ci sent meilleur, celle-là brille davantage.
Bref, c'est une lutte entre ces diverses espèces, à qui l'em-
[)ortera ou |)ar la rouleur. (mi par l'odeur. Cet arrangement.
— 35 —
Radegonde et Agnès, est l'œuvre de vos mains. Puissiez-vous
respirer un jour les senteurs éternelles '"! w
Voilà bien, si je ne me trompe, de la poésie comme il en
faut pour les couvents de filles; elle a de la grâce, et le diable
n'y a pas un coin où se loger.
Fortunat assiste à un festin en l'honneur de Radegonde.
Ce ne sont partout que des fleurs. La table, les murs, le pla-
fond y sont enfouis. L'odeur en est si forte que tout autre que
le poète eût craint d'en être incommodé; lui les respire avec
délices, y voyant un présage de la saveur des mets. La table
seule est un vrai jardin. Les roses et les lis s'y disputent la
place, et c'est sur ce parterre que les plats sont dressés. Ces
fleurs étaient sans doute effeuillées sur l'ais que la nappe re-
couvre habituellement, car le poète en fait ressortir le con-
traste et en marque la supériorité. Sur les murs tapissés de
guirlandes de lierre et de bouquets de roses, on ne voit plus
la chaux dont ils sont enduits. Les plafonds eux-mêmes sont
cachés sous cette quantité de verdure; on penserait voir les
prés verdir jusque sous les toits '-^. Tout cela était merveil-
leux, et un homme moins sur sa bouche que notre Fortunat
en eût peut-être un moment oublié sa faim.
Les fleurs n'étant pas quelque chose d'assez rare pour
être toujours nouveau, le poète y suppléait par des présents
d'autres espèces; mais ils sont si modestes qu'il rougit presque
de les offrir. Néanmoins il s'efforce de les faire valoir ou par
des raisons de sentiment, ou par sa bonne humeur, ou même
par des jeux de mots : ç^Ne dédaignez pas, dit-il, ces présents
à cause de leur peu de valeur, car si vous me demandez ce
que j'en pense, je vous dirai qu'on voit la grandeur de l'amitié
à la petitesse du présent '^\ v II dit ailleurs quelque chose
(') Liv. Vlll, pièce 7.
'^) Liv. XI , pièce 1 j .
(^' Liv. T\ , pièco 9J\.
— 36 —
d'analogue, mais avec plus de délicatesse : ^Si vous voulez
bien rcflécliir, vous verrez que les petite présents de ceux qui
aiment avec constance ont une grâce que n'ont pas les autres^'^ w
Un jour que Radegonde et Agnès étaient à complies, For-
tunat eut l'idée de leur faire je ne sais quels présents. Il pre-
nait bien son temps! La Règle de saint Benoît, (jui était celle
de saint Césaire, de qui Radegonde l'avait prise, défendait aux
personnes de la congrégation de recevoir des cadeaux de qui
que ce fût, une fois complies dites. Or le poète, ayant pour la
circonstance un jeu de mots en réserve, qu'U avait autant à
cœur de produire que ses cadeaux mêmes, n'attendit pas la
fin derolïice,et il fit son envoi qu'accompagnait cette prière :
^^S\ vous n'avez point encore accompli vos complies, si non
complosds compléta, je vous prie humblement d'accepter ces
présents '-1 »
Lfn autre jour il envoie des châtaignes dans une corbeille
de jonc ou d'osier tressée de ses mains '•*'; un autre, ce sont
des prunelles noires cueillies dans les bois, et qui pendaient
encore à leurs branches. A propos de ces prunelles, il prévient
Radegonde «que ce ne sont pas là des champignons sortis de
terre, mais des fruits qu'un arbre a portés, que c'est un ali-
ment'sain ot qu'elle peut en manger sans crainte; «pi'il n'au-
rait pas la cruauté de donner à sa mère ce qui ])Ourrait lui
faire du mal ''l w Radegonde avait-elle vécu juscpi'à quarante
ans, sans avoir jamais vu de prunelles?
Ces détails paraîtront sans doute un ])eu bien puérils, comme
ils le sont en elfet ; mais ils le paraîtront encore davan-
tage, si l'on considère que la scène se passait il y a 1 1 5o ans,
à une épo(|ue et dans un pavs où les mœurs étaient aussi
<■' Liv. \1 , pièce 17.
<** Liv. XI, pièce ad.
<'> Liv. \l, pièce 1 ',i.
"' Liv. M , pièce its.
— 37 —
dissolues que les allcntats dont elles étaient l'objet étaient
impunis; que les relations d'un sexe à l'autre dans les cou-
vents avaient déjà bien ])erdu de leur innocence, et que celui
de Sainte-Croix même fut, immédiatement après la mort de
Radegonde, le théâtre de désordres abominables, quelques-
uns impossibles à décrire. C'en est assez pour faire excuser ces
détails.
Il va sans dire que Radegonde et Agnès reconnaissaient
les cadeaux reçus par des cadeaux rendus, et comme elles
étaient plus riches que leur poète, elles étaient aussi plus
libérales. Leurs libéralités consistaient principalement en vic-
tuailles. C'étaient d'innombrables friandises et ces petites délica-
tesses de table qui sont le secret des religieuses, et dont quel-
ques-unes en ont jusqu'ici retenu le nom. C'étaient aussi ce
qu'on nomme aujourd'hui des pièces de résistance. Quels qu'ils
fussent d'ailleurs, les deux amies appelaient ces présents d'un
nom pieux , c'est-à-dire des eulogies "^ Rien ne plaisait da-
vantage à Fortunat, car il était gourmand jusqu'à ne sauver
pas même les apparences, et à confesser son vice avec plus
d'audace qu'il n'eût fait une vertu. Une fois qu'il avait régalé
ses amis de la cuisine du couvent, Agnès voulut savoir quel
usage il avait fait des eulogies qu'on lui avait envoyées. Il ré-
ponditque certains légumes tout farcis de miel avaient défrayé
le premier service, et qu'on y était revenu non pas une, non
pas deux, mais trois et quatre fois; qu'on apporta ensuite un
superbe quartier de viande, dressé en forme de montagne,
et flanqué de collines dont les intervalles étaient remplis par
un jardin de ragoûts variés; que, gourmand comme il est, il
f" Les eulogies proprement dites étaient dans la primitive Eglise des pains
bénits offerts aux fidèles pendant la messe, et dont on réservait une partie pour
la sainte eucharistie. C'étaient aussi des pains ou autres aliments que lesévêques
et les prêtres s'envoyaient réciproquement, en les accompagnant de missions
salutatoires. Enfin on comprit en général sous le nom d'eulogies Ions présents,
mêmes profanes, envoyés ou reçus : ce qui est le cas dont il s'agit ici.
— 38 —
a eu raison de tout cela, et que montagne et jardin ont passé
dans son ventre et s'y sont bien logés ^^\
Un second convoi de vivres succède au premier. Agnès en
demande des nouvelles. Comme il est beaucoup plus copieux
que l'autre, Fortunat est embarrassé et ne sait par oii com-
mencer son rapport. trO incertitude délicieuse! 5? s'écrie-t-il.
Cependant il fait l'énumération des mets, et c'est à Radegonde
cju'il l'adresse. C'est d'abord un beau morceau de viande dressé
sur un plat d'argent; c'est ensuite, sur un plat de marbre, ces
fameux légumes au miel qui ont déjà ravi son palais, puis, sur
un plat de verre contourné, des poulets d'un poids énorme,
bien qu'ils n'aient plus leurs plumes; puis, jetés pêle-mêle dans
des corbeilles ornées de peintures , quantité de fruits ; puis enfin
une jatte de terre noire remplie de lait qui était arrivée triom-
phante, tant elle était sûre de lui plaire, c^ C'est ainsi, dit-il,
que soumis à la mère, ma maîtresse, je lui rends compte de
l'emploi des présents de sa fille, demeurant toujours avec
elles en tiers dans leur pieuse affection ^~\ »
Les bonnes religieuses firent si bien que notre homme en
tomba malade. Son médecin dut le mettre au lait. C'était
maigre. Mais enfin saint Paul en prescrit l'usage aux malades;
le poète suivra donc l'ordonnance de l'apôtre. De son côté,
Agnès s'ingénie à le lui préparer sous mille formes diverses.
Il est question ici d'une crème solidifiée de manière à recevoir
des images gravées à l'ongle. Agnès y avait montré un vrai
talent d'artiste, ^t Dites-moi, je vous prie, lui écrit le poète,
qui a dressé vos jolis ongles à graver si bien? Dédale se-
rait-il voire maître'^'? 55 Allez donc lui recommander d'être
sobre, comme le faisait Agnès, au milieu de toutes ces ten-
tations. Il y était au supplice. «Avec toutes vos douceurs,
^'> Liv. IX , pièce 9.
^^'> Liv. XI, pièce 10.
f'*' Liv. XI, pièco 1 ^1.
— 39 —
c'est lin jeune que vous m'envoyez; c'est le l'en que vous
me faites soull'rir, rien qu'à les voir, (ie que mes yeux con-
voitent, le médecin le refuse à ma bouche, et sa main me
retire ce qu'appète ma gourmandise ''l» Il en voulait à ce
médecin pour l'avoir empêché d'aller à un repas qu'Agnès
avait préparé exprès pour lui. «Tout médecin est trompeur,
disait-il, et c'est en trompant qu'il démontre son art. Le mien,
qui a un estomac insatiable, a jugé que j'aurais assez de mon
ordinaire. Pardonnez-moidonc mon absence , Agnès , et ne m'im-
putez pas un manquement qui est le crime d'aulrui *-l» Le
voilà donc décidément au régime; tout envoi de bons mor-
ceaux a cessé. Il ne reçoit plus guère que des herbes rafraîchis-
santes, des laitues, des pruneaux, du lait et des œufs frais.
«Sont-ce là, dit-il à ses amies, vos présents cl vos provisions?
Puisse leur diversité ne pas troubler la paix de mon ventre !
Vous voulez que je m'en tienne à deux œufs le soir : à vous
dire vrai, j'en ai gobé trois. Plaise à Dieu que ma pensée
obéisse à vos ordres toute ma vie comme ma gourmandise le
fait aujourd'hui '^' ! v
Il finit pourtant par se rétablir, et il se rétablit si bien
qu'il se hâta d'en abuser. Il en négligea la poésie, et força ses
amies à l'y rappeler. Un jour elles lui demandent des vers;
mais ce jour-là il donnait à diner chez lui, et son esprit tout
tourné vers la cuisine n'avait ni le temps ni le moyen de rêver
à des distiques. Le lendemain pourtant il dut se justifier, et
il le fait gaillardement. Il raconte qu'étant plongé dans les
délices d'une table oii il y avait pour tous les goûts, tantôt il
ouvrait la bouche, tantôt il fermait les yeux , et que tout en-
tier au manger et au boire, il avait l'esprit trop brouillé pour
avoir la parole libre et facile. Ses doigts ni sa plume n'étaient
('' Liv. I\ , pièce g.
<'' Liv. IX, pièce 16.
'^' Liv. IX, pièce 20.
— /jO —
capables d'écrire des vers; sa muse était ivre, et sa main n'eût
formé que des zigzags. De plus, la table lui semblait nager
dans le vin. ?t Cependant, ajoute-t-il, pour répondre à l'ai-
mable requête de ma mère et de ma sœur *^', je leur ai fait
aujourd'hui, comme je l'ai pu, ces petits vers. Quoique le
sommeil m'assaille et m'enlace, mon amitié l'emporte, et je
vous écris. Mais que ma main est mal assurée '-^ ! "
On dira peut-être que c'est trop s'étendre sur des choses
d'un ordre aussi vulgaire; mais outre que leur vulgarité est
relevée par la qualité des personnes, et par le milieu et le
temps où elles se sont passées, elles nous apprennent que là
où nous pensions trouver de grands contrastes avec les mœurs *
actuelles, nous ne trouvons que des similitudes, et que ce
côté modeste de la civilisation qui consiste en distractions in-
nocentes et en débauches de table inofîensives était le même
chez les Gaulois du vi" siècle que chez les Français du xix*.
Mais nous en avons fini avec ces témoignages presque enfan-
tins d'une amitié où les trois amis ne semblent diflférer les
uns des autres ni par l'âge, ni par le sexe; nous allons en
aborder d'autres où celte homogénéité apparente disparaîtra
tout à fait.
II.
La grande affection pour Radegonde, née à peu près à
i'improviste dans le cœur de Fortunat, s'était développée rapi-
dement sous le couvert de la familiarité dont elle l'honorait.
A cet égard Radegonde n'avait besoin ni d'efforts ni d'avances;
elle n'avait qu'à être simplement bonne et gracieuse, et les
gens tombaient à ses pieds. Cependant notre poète n'était
point en péril. On doit croire qu'il se surveillait de très près,
et qu'il ne se mit jamais dans le cas d'obliger sa maîtresse à le
^'' C'est ainsi qu'il appelle Radegonde et Agnès.
'"^ Liv. IX, pièce 3 3.
— /il —
reiiieKri; à sa |)Iacc, s'il cul- tenté d'en sortir. V dire viai,
Kadcj^diidc, à ses yeux, élait déjà une sainte, et sa passion
j)Our elle allait aussi loin, si ce n'est davantage, que peut aller
ic culte de dulie. On sait que par ce mot on désigne l'honneur
et le respect que l'on rend aux saints. Néanmoins, au milieu
de toutes les dévotions qui constituent le culte du poète envers
Radegonde, il se mêle ([uelciuclois, et selon l'occurrence, des
exhortations et des conseils; mais alors il a (oujours soin de
s'y couvrir de l'adhésion, dirai-je de la complicité, d'Agnès et
même des autres religieuses. Ainsi, pendant le carême, Kade-
gondc se privait presque absolument de nourriture. Elle était
intraitable sur ce point. Sa santé en était compromise, et
toute la communauté en était dans des inquiétudes qui s'ac-
croissaient au fur et à mesure (|ue le carême touchait à sa
fin. On aurait voulu du moins qu'elle combattit sa faiblesse
en buvant un peu de vin, et on l'en su[)pliait. Fortunat ne
manquait pas d'alléguer le commandement de saint Paul à
Timothée : «Ne continuez plus à ne boire ([ue de l'eau; mais
usez d'un peu de vin, à cause de votre estomac et de vos fré-
quentes maladies ^^l» Il est vrai que saint Paul ordonne aussi
le lait, mais c'est aux intempc'rants, ainsi qu'on l'a pu remar-
quer plus haut, et non pas aux jeûneurs, et l'on a vu au même
endroit que Fortunat avait dû se soumettre à ce régime. Saint
Paul comme médecin de l'animal avait donc sa confiance; il
ne s'agissait que de la faire partager à Radegonde. Mais telle
était l'obstination de cette grande révoltée contre les remèdes
humains que saint Paul, s'il eût été là et lui eût présenté la
coupe, n'eût pas été plus obéi qu'un petit médicastre.
A l'approche de Pâques, les austérités redoublaient. Rade-
gonde s'enfermait alors, et restait cachée et inaccessible à toutes
et à tous sans exception. On ignorait même où était sa retraite.
<'' Timolhcc, I, cli. v, v. 2.3.
— Ii2 —
Cela n'empêchait pas cependant notre poète de lui écrire les
billets les plus tendres pour l'engager à en sortir. Elle ne lui
répondait pas plus que ne répondait la Sainte Vierge à ce
dévot qui lui écrivait des lettres qu'il mettait à la poste. Un
de ces billets portait : ^Esprit que Dieu féconde, lumière qui
vous dérobez à nos yeux, sans vous je suis plongé dans des
ténèbres épaisses. Vous nous privez de vous voir, comme si
celui qui vous aime ne vous voyait pas toujours, et comme si,
quand je vous vois, je ne pensais pas que je ne vous vois pas
assez, w Et dans son dépit, il s'écriait : wJe le jure cependant,
je pénétrerai avec vous dans votre cachette, car je vous suivrai
en esprit là où vous me défendez d'aller moi-même '''. 55
Ignorait-il vraiment oii se cachait Radegonde, ou feignait-
il de l'ignorer? Je crois qu'il l'ignorait; mais je crois aussi que
ses billets, je devrais dire ses sommations, n'étaient pas de
simples jeux d'esprit, destinés à entrer quelque jour dans son
recueil de poésies, mais que, à la faveur de quelque com-
plicité obligeante et discrète, il était sûr qu'ils arriveraient à
leur adresse. Quel était le complice? Ce ne pouvait être
qu'Agnès, la seule personne du monastère qui devait tout
savoir et qui savait tout. N'était-elle pas en tiers dans les épan-
chements oii le poète dissipait les dons de son âme aimante?
N'avait-elle pas le désir qu'il n'en fût rien perdu? Elle était
donc naturellement portée à servir d'intermédiaire entre For-
tunat et la cruelle recluse , et à donner à Radegonde les billets
du poète sans même l'en aviser lui-même, ce qui eût été une
violation indirecte du secret prescrit.
Les plaintes de Forlunat sur la disparition de Radegonde,
et l'explosion de sa joie quand elle reparaît, sont pleines de
cette grâce aimable que j'ai déjà eu l'occasion de louer, et la
forme en est aussi élégante que le fond en est spirituel. «Où
<') Liv. VIII, pièces 8 et 9.
— àW —
se cache sans moi ma lumière, dit-il: j)oiir({uoi se refuse-t-elle
de paraître à mes yeux qui s'égarent à lu chercher? Je regarde
le ciel, la terre et l'eau, tout cela m'est peu de chose, si je ne
vous vois pas. Quoiipie le ciel soit pur et serein, si vous vous
cachez, le jour est pour moi sans soled . . . Nous pensons, les
saintes sœurs et moi, que vous consoliez, en leur laissant voir
votre figure, ceux que vous faites état d'aimer '^l» Pâques
arrive enfin. Radegonde rompt sa clôture et paraît. Son visage
est radieux. On a beau être sainte, l'air et la liberté, après
un mois de réclusion, dérident et égayent les plus austères.
kVous nous ramenez la joie, lui dit son poète, vous êtes cause
que nous célébrerons deux fois Pâques. Quoique le blé ne
commence qu'à lever dans les sillons, du moment que je vous
revois, je fais la moisson : je forme déjà les gerbes, j'entasse
déjà le grain, je fais en avril ce qu'on fait en août. Bien que
le bourgeon de la vigne ne commence qu'à percer, je fais la
vendange. Les pommiers et les poiriers exhalent toutes leurs
odeurs, mais ils me donnent des fleurs et des fruits en même
temps. Quoique la campagne soit nue et qu'on n'y voie pas un
épi, depuis que vous avez reparu, elle est riante et l'abon-
dance est partout'-'. 55 Rien de plus frais et rien de plus galant.
Ce n'est pourtant qu'un simple thème de rhétorique, mais
l'idée principale en est développée d'une manière charmante;
on en trouve de pareils dans Catulle.
Si l'innocence de Fortunat dans ses pieuses amours avait
besoin d'une preuve qui dispensât de toutes les autres, il suf-
firait de rappeler qu'il les répartissait sur deux personnes à la
fois, Radegonde et Agnès. Egalement jalouses d'en recevoir le
tribut, elles ne s'en inquiétaient pas autrement et, loin d'être
rivales, elles n'avaient pas même l'idée de la rivalité. D'ailleurs
ce qu'on nomme proprement l'aiijour ne s'épar|)dle point sur
'"' Liv. XI, pièce a.
f^' Liv. VIII, pièce 10.
— lili -^
divers objets et dans le même temps, ou alors c'est de l'amitié
banale, ou c'est de la débauche. L'une ne peut être imputée
à Fortunat, l'autre moins encore, et c'est déjà trop de l'avoir
nommée. Que si pour distinguer par un nom sa sympathie
pour Radegonde et Agnès, ilse sert constamment du mot
amor au lieu à'amicitia, et à^imans au lieu d'amicus, c'est d'abord
parce que ces mots, par leur quantité prosodique, s'adaptent
mieux à la forme de ses vers; c'est ensuite qu'ils ont une
emphase qui était une beauté aux yeux des poètes latins de ce
siècle ; c'est enfin qu'ils étaient d'une langue familière à
Fortunat, la langue ecclésiastique, oii l'on n'en connaît pas
d'autre pour exprimer la passion religieuse dont l'âme est
possédée.
Quant aux billets que le poète écrit à Agnès, il est impos-
sible de n'y pas remarquer une différence sensible d'avec ceux
écrits à Radegonde. Il ne s'y mesure pas autant, il y est plus
ouvert, d'une tendresse moins grave, et parfois même un peu
mondaine. Peut-être bien y aurait-il à redire. Et, en effet,
parmi les personnes qu'il fréquentait et qui vraisemblablement
n'étaient pas toutes des religieuses, quelques-unes, à ce qu'il
paraît, le mordirent à belles dents '^*. Un couvent de jeunes
fdles n'est pas une école de discrétion, et la charité n'y est
pas toujours la règle des discours. Toutefois, il est peu croyable
qu'on y ait communiqué les billets du poète à l'abbesse; ni lui
ni elle ne s'y fussent hasardés. Si naïve qu'ait été leur candeur,
elle n'eût pu les induire à faire cette sottise. Un autre la fit
donc. Ne cherchons pas le coupable; aucun indice ne nous le
révèle, ne nous le fait même soupçonner. Voyons seulement
les pièces qui donnaient quelque fondement à ces médisances.
Deux ont pour objet l'anniversaire de la naissance de la
mère Agnès, et de la fête célébrée au monastère à rcttn occa-
'" Liv. XI, pièce 6.
'i5
sion^". Ce jour de naissance n'élait pas cciui où elle élail née
à la vie charnelle, mais celui où, ayant été nommée par Hade-
gomle abbesse de Sainte-Croix, Agnès était née en même
temps à la vie spirituelle. C'est ainsi que le dies nalalis des
évêques était le jour de leur intronisation, et qu'on en céb'brait
communément les anniversaires. La première pièce est adressée
à Hadegonde; «car, dit Fortunat, toujours à l'allùt d'un jeu
de mots, c'est 'en l'honneur de cet agneau qui a donné Agnès
à cette bergerie, que la fête est célébrée.:^? « Cette i\\[e, ajoute-
t-il, n'est pas le fruit de vos entrailles, elle est le fruit de la
grâce; elle n'est pas votre fdle selon la chair, c'est le Christ
qui, dans son amour, vous l'a donnée; c'est l'auteur et père
de toutes choses qui vous la donne pour être perpétuellement
avec vous. Heureuse la postérité dont les siècles ne rompent
point la chaîne et qui demeure immortelle avec sa mère! » Cette
dernière ])ensée est belle. Elle veut dire que tandis que la fa-
mille civile se brise et disparaît souvent de la surface de la terre,
la familhî religieuse ne subit ni interruption ni déchet, et se
perj)étue par l'adoption plus sûrement que l'autre par les voies
naturelles. Le reste de la pièce est dans le ton que je viens
d'indiquer; il n'y perce rien encore de plus vif pour Agnès que
pour Radegonde; interrogeons la deuxième pièce.
Fortunat a passé la journée entière avec ses deux amies; il
était le paranymphc de la fête, il en fut nécessairement le
témoin. La cérémonie fut à la fois religieuse et profane. Après
l'oHice on alla dîner. Dans les deux cas, il paye de sa per-
sonne, et s'il fut zélé à l'office, à table il ne le fut pas moins.
Il en fait lui-même la remarque, quand il dit que Hadegonde
et Agnès n'ont mangé ni l'une ni l'autre, tandis qu'il a mangé
pour deux. Il l'ait une autre remarque qui, si elle venait d'un
autre cpie lui. passerait fort bien |)0ur de la laluité : c'est
(') La 3' et la ô" du livre \l.
— A6 —
qu'Agnès s'était occupée de lui pendant toute cette journée au
delà de ce qu'elle faisait d'habitude, et qu'ainsi elle avait privé
sa maîtresse, au profit de son serviteur, du charme de son
entretien ; que si à table elle n'avait pas senti le réveil de son
appétit, c'est f^que le lourd sommeil pesait sur ses yeux
brillants, et qu'elle anticipait ainsi sur les longues nuits
d'hiver, dont une seule est aussi longue que deux jours
entiers ^^'. 55 L'abstinence de Radegonde s'explique par le besoin
qu'elle avait de se mortifier sans cesse, et principalement dans
les repas de fête où les occasions de succomber s'offrent d'elles-
mêmes sans qu'on les appelle; il n'en fut pas de même d'Agnès
qui n'y mangea pas, ou de peur de scandaliser sa maîtresse,
ou parce qu'elle-même était triste. Fortunat, qui n'était point
fat, mais qui ne manquait pas de diplomatie, semble mettre
cette tristesse sur le compte du temps qui était couvert, et où
l'on ne voyait ni lune ni étoiles : «Mais, dit-il, si la gaieté est
dans votre cœur, les nuages se dissiperont devant moi ^~\ » Si
donc ce langage n'est que de l'amitié, avouons qu'il en est la
fine fleur, Jlos delibatus, et que tel qui ferait ainsi la cour à
une femme du monde, même en ce style de madrigal, ne serait
pas loin d'en devenir amoureux.
Agnès répondait par des actes aux douces paroles de For-
tunat. Nous avons vu qu'elle s'était faite en quelque sorte
l'intendante des plaisirs gastronomiques du poète et à l'oc-
casion la pourvoyeuse de ses menus. C'est même par là qu'elle
portait la satisfaction du poète jusqu'au ravissement, et lui
arrachait, dans le temps même où il était à la diète, des
exclamations comme celle-ci : «Qui me rendra ces repas où
je vous appelais sans façon délices de mon âme'-^^î?) S'il ne
mangeait pas au monastère (et il y mangeait souvent à n'en
<') Liv. XI, pièce 5.
^' Liv. XI, pièce 5.
<^' Liv. XI, pièce 1 fi.
\
M
j>as doiilf'ij, et qu'il eût table dressée à son logis, elle lui
envoyait (le quoi faire honneur à un amphilrvon où l'on dîne.
En retour elle lui demandait un compte détaillé delà qualité
des mets, de l'accueil qu'y avaient fait les convives, de la façon
dont ils avaient été mangés, de l'ordre enfin qu'on avait observé
dans le service. C'est ce qui ressort avec toute évidence des
pièces 9 et 1 0 du livre XI. Fortunat y insiste tellement sur les
détails qu'il semble bien les donner autant pour son propre
plaisir que pour obéir à un commandement qui lui est cher.
Il énumère consciencieusement les plats principaux selon le
tour de leur arrivée sur le théâtre de l'exécution; il s'arrête
un moment sur les légumes, il s'enthousiasme sur les frian-
dises, sucreries ou pâtisseries, car
De tous mets suci'és, secs, en pâte ou liquides
Les estomacs dévots furent toujours avides.
Boiieau.
J'omets d'autres ressources qu'Agnès trouvait dans son gentil
esprit pour amuser ce grand enfant; mais le fond, hélas! en
est trop souvent de la mangeaille. Tout plaisir temporel dans
les couvents tournait alors sur ce pivot. C'était un des effets
les plus nets de l'oisiveté claustrale, et un des plus forts déri-
vatifs à d'autres idées dont la seule piété n'eût peut-être pas
suffi pour arrêter la fermentation dans des esprits trop com-
primés.
Quoi qu'il en soit, et sans que le poète nous apprenne com-
ment on eut vent de cette correspondance avec la mère abbesse,
on dit que l'amitié y parlait un peu trop le langage de son
frère; on broda sur ce thème toutes les fleurs de la mali-
gnité; on eut soin surtout qu'il en arrivât quelque chose aux
oreilles des intéressés. J'imagine qu'Agnès fut la première
avertie. Mais aussi [)eu sensible pour elle-même à des propos
011 elle ne se reconnaissait [)as, que persuadée de l'innocence
— d8 —
de son ami, elle ne laissa pas que de lui parler de cette aven-
ture et de lui demander même une explication. Le poète la lui
donna sans équivoque et sans obscurité dans un billet, le seul
monument qui nous fasse connaître le commencement et l'issue
de cette affaire. C'est une protestation pleine de dignité et de
mesure; c'est l'accent de la vérité dans sa candeur intrépide
et modeste, c'est l'expression de la tendresse même qui trouve
l'éloquence pour se relever; c'est encore la crainte que les
mauvais propos dont le poète reconnaît le péril ne le forcent à
refouler au fond de soi les épancbements, libres jusqu'alors,
de son amitié; c'est enfin la résolution avouée de continuer à
se conduire avec ses amies comme il l'a fait jusqu'à présent, si
elles veulent bien y consentir. Voici ce billet :
et Vous qui êtes ma mère par votre dignité ''', et ma sœur par
le privilège de l'amitié, à qui je rends bommage en y faisant
concourir mon cœur, ma foi et ma piété, que j'aiuie d'une
affection céleste, toute spirituelle et sans la criminelle com-
plicité de la chair et des sens, j'atteste le Christ, les apôtres
Pierre et Paul, sainte Marie et ses pieuses compagnes que je
ne vous ai jamais regardée d'un autre œil et avec d'autres sen-
timents que si vous aviez été ma sœur Titiana par le sang, que
notre mère Radegonde nous eût portés l'un et l'autre en ses
chastes flancs, et que ses saintes mamelles nous eussent nourris
de leur lait. Je crains, hélas! car j'en vois le danger, que les
moindres insinuations des méchaulcs ne compriment la mani-
festation de mes sentiments. Cependant, je suis résolu de vivre
avec vous comme je l'ai fait jusqu'ici, si vous voulez bien vous-
même me continuer votre amitié ^-^.jj
En présence d'une déclaration si calégoricjue, (jui oserait
mettre en doute la véracité de Fortunat? Le mensonge ne parle
pas avec coi abandon; il y a toujours un point par où il se
(" La clijjnilc d'abbesse.
('' Livro XI, pièce 6.
— /.y —
trahit. Ici rien de pareil. On sent bien qu'il dut en router
assez au [)oète de faire cette espère d'amende honorable et
qu'il eut préféré n'y être pas réduit, mais, la nécessité en étant
reconnue, il ne pouvait s'y soumettre avec une plus noble
fierté. Toutefois, il est une réflexion à faire qui résulte de la
teneur même de cette déclaration. C'est que dans tous les extraits
que j'ai donnés précédemment des lettres de Fortunat à Agnès,
il n'y a peut-être pas de quoi justifier la peine qu'il a prise de
la fornmler; h peine ai-je relevé quelques lignes qui pourraient
donner à penser. Gomment donc expliquer ce fait? Serait-ce
que les plus incriminées de ces lettres n'ont point trouvé place
dans ce recueil, le poète ayant jugé prudent de les supprimer?
Il me répugne de croire à une pareille supercherie. On sait en
effet qu'il faut à certaines gens bien peu de chose pour fonder
une accusation, et qu'un homme qui s'y connaissait est resté à
tort ou à droit chargé de ce propos : «Donnez-moi une ligne
d'écriture du premier venu, et je m'engage à en tirer de quoi
le faire pendre. « Les accusateurs de Fortunat étaient-ils de
cette école?
N" VI.
LETTRE AU PRESIDENT DE L'ACADEMIE,
SUR L'EFFONDREMENT DU TEMPLE DE LA CROIX, À PALENQl'É (mEXIQUe),
PAR M. DÉSIRÉ CHARNAY.
(séance du 1.^ FÉVRIER 1889.)
Paris, le 1/4 février 1889.
Monsieur le Président ,
J'ai l'honneur de vous faire part d'un événement qui inté-
ressera les archéologues en général, mais spécialement les
américanistes. On m'écrit de Mexico : «Le temple de la Croix
à Palenqué, dont les ruines couronnaient une pyramide, s'est
effondré récemment et a disparu en partie dans l'intérieur de
XVII. 4
llftatVKkll SAItUHALI.
— 50 —
la pyramide. Le Gouvernement averti a envoyé sur les lieux le
capitaine Villa avec un détachement du '7^ d'infanterie. Le ca-
pitaine a pénétré avec ses hommes dans les suhstructions ou-
vertes par l'effondrement du temple. Il a trouvé de vastes
salles ornées de statues polychromes et de nombreux sarco-
phages renfermant des momies. Un habitant du pays nous
raconte qu'avant l'arrivée de l'expédition Villa, les gens de
Palenqué avaient déjà pénétré dans l'intérieur de la pyramide
et fait main basse sur une telle quantité d'objets qu'ils en
avaient chargé des convois de mules. On arrête le pillage. 57
Ce temple est celui d'où l'on a extrait la fameuse dalle à
la Croix, si connue et dont nous avons heureusement rapporté
le moulage, ainsi que celui des deux autres dalles qui ornaient
l'autel du temple. Ces trois dalles sont au musée du Trocadéro.
Cet effondrement, avec la découverte qui s'en est suivie, est
certainement l'événement le plus considérable du siècle au point
de vue archéologique; de là surgiront à n'en pas douter des
études et des appréciations nouvelles et peut-être éclaircira-
t-on le mystère qui plane encore sur les civilisations américaines.
Veuillez agréer, etc.
Désiré Charnay.
N" VIL
LETTRE DE M. GEFFROY,
DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance DU 39 FKVRIEn 1889.)
Rome, le i i février 1889.
Monsieur le Président et cher confrère,
L'administration des fouilles et musées du royaume d'Italie
va ouvrir dans quelques semaines un nouveau musée dont la
création et l'ordonnance lui font beaucoup d'honneur. Etabli
— 51 —
(lails la ct'IMjhî et inu^juiliqu»' \'i\\h di Popii (riulio, à |)('ii de
(lislaiicc (If la porta del Popolo, ce musée est composé iinu|ue-
moiil (les |»lus importanls objets qu'ont fournis les fouilles
|)rati((U('cs depuis deux ans dans le seul territoire de Civilà
(laslellaua. ranticjue Faléries.
L'administration des fouilles et musées, qui a déjà réglé si
habilement le service archéologique dans toute l'étendue du
royaume, a voulu surtout donner ici un modèle de ce que
doit être un musée desliné à servir utilement l'étude et la
science.
Il faut distinguer d'une part l'abondance et la richesse sin-
gulière du butin offert par une seule localité, et d'autre part
l'intelligente et rigoureuse disposition qui met en valeur tant
d'objets précieux pour l'histoire.
Les fouilles ont été exécutées par M. le comte Cozza et
M. Pasqui, sous la direction de M. l'inspecteur Gamurrini.
La belle ordonnance du musée est due à l'administration cen-
trale, et particulièrement (ce n'est un secret pour personne) à
M. le professeur Barnabei.
L'antique Faléries remontait tout au moins au temps de la
fondation de Rome. Prise par Camille et détruite par Manlius
Torquatus en a Ai, elle a été reconstruite par les Romains.
On a retrouvé parmi ses ruines les débris de trois temples et
la nécropole. La disposition des restes d'un de ces temples a
paru reproduire les traces d'une disposition primitive conforme
à celle du temple de Jupiter Capitolin à Rome, avec la triple
cella. On aurait là un exemple peut-être unique du plan d'un
grand temple étrusque. Une tête hardiment taillée dans le
péperin et aux formes essentiellement archaïques, conservée
dans le musée, serait celle du dieu : elle porte encore quel-
ques fragments des feuilles de bronze dont se composait la
couronne de laurier, et les trous pour les pendants d'oreilles.
Surtout beaucoup des ornements plasiiques d'un de ces lenq)les
— 52 —
ont subsisté, antéfixes, terres cuites aux diverses couleurs,
portions de frises, etc. L'administration des fouilles et musées
fait enchâsser ces morceaux dans une maçonnerie qui les laisse
visibles tout en les mettant en place, et l'une des salles infé-
rieures du musée montrera ainsi de très beaux spécimens de
l'ornementation générale.
Quant aux objets trouvés dans la nécropole, voici quelle
disposition a été adoptée. La série des tombes ayant été soigneu-
sement numérotée, chacune de celles qui ont offert d'utiles
dépouilles figure avec son propre butin dans une vitrine ou
partie de vitrine. Chaque tombe est en outre représentée par
un dessin qui en reproduit le numéro et en fait voir la dispo-
sition au moment de l'ouverture. La série des vitrines observe
l'ordre chronologique : les tombes archaïques d'abord, avec
l'ambre, les silex, les armes de bronze, la terre travaillée sans
la roue du potier. Les tombes suivantes trahissent les impor-
tations phéniciennes dans le monde étrusque. Plus tard l'in-
fluence de la civilisation grecque paraît sur les vases; une école
d'art local devient visible; l'art gréco-romain l'emporte enfin,
et produit de belles œuvres, parmi lesquelles certains morceaux
de sculpture tout à fait remarquables. La série est ininterrom-
pue depuis le viif siècle avant J.-C. jusqu'aux derniers temps
de l'empire. Peu de figurines de terre cuite, autant que m'a
permis d'en juger une visite nécessairement rapide. Beaucoup
de vases peints; beaucoup de petits bronzes bien travaillés;
des bijoux, des métaux précieux, de la poussière d'or; deux
cercueils de chêne en partie conservés, etc.
L'important, je le répète, c'est l'incrovable richesse de ces
fouilles pratiquées dans le seul territoire falisque; c'est sur-
tout l'ingénieux arrangement d'un musée vraiment scientifique,
qui va donner aux hommes d'étude beaucoup d'informations
nouvelles. Le philologue y recherchera les inscriptions falisques
et latines primitives; l'historien de l'art, des noms d'artistes
— 53 —
encore inconnus. L'esthéticien v admirera de beaux fragments
de décoration et de sculpture, les petits bronzes, et le très
pur dessin de plusieurs représentations sur les vases.
11 faut ajouter qu'une série d'aquarelles très soigneusement
exécutées reproduit déjà tous les plus intéressants objets du
nouveau musée. Ce sont les éléments tout préparés d'une pu-
blication qui offrirait un grand intérêt, mais qui exigerait évi-
demment une dépense considérable.
Agréez, etc.
A. Geffroy.
N" VIII.
LES éPOQCES ÛE HAMMURABI ET D'AMÉ.N'OPHIS IV, PAR M. J. OPPERT.
(séance du 93 FÉÏRIER 1889.')
• Un cylindre de Nabonid, nouvellement découvert et publié
par M. Bezold dans les Proceedings de la Société d'archéologie
biblique de Londres, comble une lacune chronologique d'un
texte publié jadis par M. lîawlinson ( FK. ^4. /. , I, p. 69 ) et tra-
duit par moi dans mon Expédition en Mésopotamie (t. I, p. 267).
Ce document, très mutilé, citait le nom de Hammurabi et fai-
sait suivre le chiffre de 700 ans. Or, le texte que nous devons
à M. Bezold nous informe que ces 700 ans se rapportent à
l'intervalle écoulé entre Hammurabi et Purnapuriyas, l'un des
rois élamites qui régnèrent sur Babylone.
Les fouilles si fécondes de Tell Amarnah nous indiquent,
comme contemporain de Purnapuriyas, le roi Aménophis IV,
de la dix -huitième dynastie égyptienne. On a voulu établir
comme à peu près certaine la date de i^i5o av. J.-C. pour
le Pharaon réformateur, et on a conclu de là que Hammu-
rabi aurait vécu vers 2 i5o av. J.-C.
La question ainsi posée, le problème ainsi formulé, est
contraire aux procédés rationnels. On doit fixer les nombres
^ 5A —
inconnus par les nombres connus, et non inversement; aussi
la date de 2i5o av. J.-C. est-elle en contradiction flagrante
avec les données précises que nous possédons déjà.
Une liste publiée par M. Pinches donne les dynasties baby-
loniennes avec leur durée et la longueur des règnes qui les
i-omposent. Malheureusement, la tablette est mutilée, et dans
la troisième dynastie il se trouve une lacune de 3/i3 ans.
Hammurabi est le sixième roi de la première dynastie, et y
occupe les années i 12 à 167. Nous compterons les années à
partir de son avènement, et nous dirons alors que l'intervalle
de H. 698 à H. qya nous est entièrement inconnu. De H. 972
à H. 1087 manquent les noms; mais de H. 1087 à H. 1371
nous avons une suite presque non interrompue, de manière que
nous pouvons savoir si des monarques connus par d'autres
monuments s'y trouvent ou s'ils n'y sont pas mentionnés.
I. La date de aiSo pour Hammurabi est impossible, à
cause des raisons suivantes :
a. Nous savons, par le monument taillé dans le roc de Ba-
vian, que Ai<S ans avant l'époque de Sennachérib, Marduk-
nadin-akkè, roi de Babylone, avait enlevé les idoles que le
roi de Ninive réinstalla dans leurs anciens temples. La date
de l'expédition de Marduk-nadin-akkè est donc fixée entre
1128 av. J.-C, au plus tôt, et 1 to6 av. J.-C. au plus tard.
L'hypothèse qui fixerait Hammurabi à 2i5o av. J.-C. ne pour-
rait admettre qu'un intervalle de i o5o ans entre Hammurabi
et Marduk-nadin-akkè, qui fut le contemporain deTeglathpha-
lasar I, auquel il enleva les idoles en question. Or, nous con-
naissons les rois qui ont régné 1000 ou 1100 ans après Ham-
murabi; Marduk-nadin-akkè ne peut pas se trouver parmi eux,
car il est, et de beaucoup, plus récent que ces rois.
b. Car à H. n'àk figure, comme n'ayant régné qu'une
année, Zamama-nadin-sum , qui fut l'adversaire d'Assur-edil-el,
— aa —
roi d'Assyrie. Or, entre ce roi ninivite et Teglalliplialasar, con-
temporain de Marduk-nadin-akkè, se placent au moins quatre
rois, dont l'un, Assur-dayan, a régné très longtemps.
c. Entre Assur-dayan et son arrière-petit-fils Teglathpha-
lasar se sont écoulés 60 ans, ainsi que l'atteste ce dernier.
Entre ces deux rois so place le père de Teglalhphnlasar, Assur-
ris-isi, qui eut pour adversaire Nabuchodonosor I, roi de Ba-
bylone. Or pendant la période de 187 années comprise de
H. 11 3/1 à H. 1271 ne se trouvent ni Nabuchodonosor ni
Marduk-nadin-akkè. Ils doivent donc être placés après cette
période : il est possible, il est vrai, que Nabuchodonosor I ait
régné de H. 19 58 à H. 1271; mais, en tout cas, Marduk-
nadin-alkè ne pourrait jamais avoir régné avant H. 1271.
Abaisser l'âge de Hammurabià 2i5o av. J.-G. serait placer
Teglathphalasar 900 ans av. J.-C. Ce serait contraire au texte
de Bavian; au surplus, nous savons qu'à cette époque régnaient
à Ninive les monar([ues qui nous ont laissé les monuments
de Galach , Nimroud d'aujourd'hui,
La date de 2160 n'est donc pas même discutable; l'âge de
Hammurabi est plus reculé. Mais quel est-il ? Examinons
d'autres hypothèses.
II. rt. Trois ans après Zamama-nadin-sum , adversaire d'As-
sur-edil-el , commença une dynastie do onze rois nommés Pasê,
pendant 72 ans et 6 mois, donc de H. 1 187 à H. 1210. Les
chifTres désignant les règnes sont conservés, les noms des rois
sont mutilés ou effacés. Si Nabuchodonosor I et Marduk-nadin-
akkè appartenaient à cette dynastie, ils ne pouvaient être pla-
cés, le premier que dans une liste entièrement détruite, de
H. 1 i.)/i à H. 1 160, et le second dans une liste où Marduk
seul est conservé, de H. 1 16/i à H. 1 186. Donc, en admettant
même que la date la plus récente possible pour l'expédition de
Marduk-nadin-akkè fut 1 106 av. J.-C. et que cet exploit coin-
— 56 —
cidàt avec ia première année du roi, l'avènement de Hammu-
rabi ne tomberait pas avant 2270 av. J.-C.
Cette date serait remontée à 2809 av. J.-C. si la date la
plus reculée possible, celle de 1128 av. J.-C, coïncidait avec
la dernière année du règne de Marduk-nadin-akkè.
b. Mais M. Amiaud a montré que cette hypothèse, à la-
quelle je m'étais arrêté, reposait sur une erreur matérielle, sur
une confusion entre deux rois différents, Assur-edil-el et Assur-
dayan. La confusion était excusable : le père d'Assur-dayan
s'appelait Ninip-habal-ekur; un roi, dont le nom mutilé com-
mençait avec les deux premières syllabes de celui-ci, était
l'adversaire d'un roi Bin-nadin-sum , et la liste porte deux rois
de ce nom avant Zamama-nadin-sum. Mais rien ne prouve
que le nom même de l'ennemi d'un des Bin-nadin-sum soit
à compléter par Ninip-habal-ekur.
Donc, toute cette argumentation pèche par la base, et
nous ne devons plus proposer de placer les deux rois baby-
loniens dans la dynastie Pasë, même en changeant le chiffre
de/n8en5i8,à cause d'une donnée capitale, dont nous avons
à nous occuper maintenant. En effet, Hammurabi doit être
placé encore plus haut que 2270 av. J.-C.
m. a. Nous avons heureusement une date précise, fixant
l'âge de Hammurabi.
Nabonid dit dans deux cylindres que 800 ans avant lui vi-
vait le roi Sagasaltiyas. Or, ce prince se retrouve dans la liste
comme régnant pendant treize ans, de H. io65 à H. io58.
Nabonid fut roi de 555 à 538 av. J.-C, ce qui porte Saga-
saltivasà i3A5 av. J.-C. en moyenne, et l'Age de Hammurabi
se trouve ainsi déterminé, comme ayant rempli la première
moitié du xxiv' siècle avant l'ère chrétienne.
b. On pourrait se demander si les Sagasaltiyas de la liste
0/
et du cylindre de Nabonid sont identiques. Nous prouverons
l'airirmative. Le Sagasalliyas de Nabonid n'a pu être un prince
se trouvant dans la lacune de 35o ans signalée plus haut.
L'expédition de Mardiik-nadin-akkè tombe entre 112.3
et iioG av. J.-C, donc en moyenne tout au moins 56o ans
avant Nabonid, et 2A0 ans après le Sagasaltiyas de Nabonid.
Or, ce même fait d'armes étant forcément postérieur à H. 1 208,
ce Sagasalliyas ne peut être, en moyenne, antérieur à H. 1018.
En ellet. le Sagasalliyas de la liste règne de H. 10 /i5 à
H. 10 38. Les deux cilnlions se rapportent par conséquent à une
même personne.
IV. Nous rattachons donc l'avènement de la première dy-
nastie, 1 1 2 ans avant celui de Hammurabi, au commencement
du cycle lunaire qui eut lieu i8o5 ans avant 712 av. J.-C,
à 2517, et nous commencerons, à cause des Bgigi ans ou
653 sosses et 1 1 ans du cours d'Eusèbe, cette dynastie 32606
av. J.-C, ce qui donne, conformément aux textes cunéiformes,
pour le règne de Hammurabi, 239/1 à 2 33c) av. J.-C
V. Comme Purnapuriyas a vécu 700 ans après Hammu-
rabi, il tombe vers i65o avant l'ère chrétienne. Ce fait est
réel. Il s'est occupé d'orner le temple du Soleil à Sippara,
tout comme le Purnapuriyas, contemporain d'Aménophis IV.
En cela, le ou les Purnapuriyas ont suivi la coutume de beau-
cou [) d'autres rois.
La question chronologique se pose donc ainsi :
Ou Aménopliis IV a vécu vers i65o av. J.-C, con-
formément au système de beaucoup d'égyptologues, et alors
le Purnapuriyas de Nabonid est identique à celui de Tell
Ainarnah.
Ou bien il n'est pas possible de placer si haut le roi de la
dix-huitième dynastie, et alors le correspondant du Pharaon
— 58 — .
égyptien est postérieur au roi, son homonyme, dont parle le
cylindre de Nabonid.
C'est là la seule conclusion à tirer de l'importante notice
que nous devons à M. Bezold.
APPENDICE N° I.
RAPPORT
DE LA COMMISSION DES ÉCOLES D'ATHENES ET DE ROME
SUR LES TRAVAUX EXECUTES PAR LES MEMBRES DE CES DEUX e'cOLES
PENDANT L'ANNÉE 1 887 ET REÇUS PAR L'ACADÉMIE EN 1 888 ,
PAR M. A. CROISET.
(lu dans LA SÉANCE DU 11 JANVIER 1889.)
Messieurs,
Les Ecoles d'Athènes et de Rome, qui soumettaient l'année
dernière six mémoires à l'Académie, lui en ont cette année
adressé sept. Plusieurs sont des travaux considérables; tous
sont des travaux sérieux. Trois d'entre eux sont des envois de
troisième année et appellent de nouveau l'attention de l'Aca-
démie sur des noms qui lui ont déjà été signalés avec éloge,
ceux de MM. Fougères et Deschamps, de l'École d'Athènes, et
Auvray, de l'Ecole de Rome. Les quatre autres sont des envois
de seconde année, dus à MxM. Lechat et Doublet, de l'Ecole
d'Athènes, Gsell et Cadier, de l'Ecole de Rome.
M. Fougères, qui avait exploré Délos en 1886, a consacré
la campagne de 1887 à faire des foudles en Arcadie, à Man-
tinée. L'Académie sait déjà que M. Fougères y est retourné
en 1888, et qu'ayant obtenu la permission de passer en Grèce
une quatrième année, il se |)ropose d'employer encore cette
prolongation de séjour à poursuivre ses recherches dans une
— 51) —
contrée qu'il seniblc! vouloir l'aire sienne par l'ardeur heureuse
avec laquelle ill'éUulie. (Jette fois, pourtant, au.vdifllcultés or-
dinaires dn ce genre de travaux, la maladie en a joint d'inatten-
dus. M. Fougères et son compagnon, M. Bérard, ont tous
deux clé atteints |)ar les lièvres; mais ce sont là, pour nos
jeunes savants, dos causes de retard, non des motifs de dé-
counigeuient, et les fouilles vont reprendre de plus belle.
Quoi iiu'il en soit, ce sont celles de 1887 dont le présent mé-
moire nous entretient.
On sait l'importance que prit Mantinée, quand, recon-
struite par Epaminondas, elle devint, avec Mégalopolis et
Messène, un des trois boulevards qui, dans la pensée de
l'homme d'État thébain, étaient destinés à arrêter Sparte et à
l'enfermer en Laconie. Ses fortifications ne pouvaient manquer
de nous ofl'rir un spécimen intéressant de l'architecture mi-
litaire grecque dans le second quart du quatrième siècle.
iM. Fougères a été le premier à les étudier d'une manière
suivie. Son travail débute par un bon chapitre sur la topo-
graphie de l'enceinte de Mantinée. Grâce aux planches, aux
croquis, aux vues photographiques qui accompagnent sans
cesse le texte, rien n'est plus facile pour le lecteur que d'en
acquérir une prompte intelligence, et ce mérite de clarté est
celui de tout l'ouvrage. Après l'enceinte, M. Fougères étudie
les monuments intérieurs de la ville. Ici, les difficultés étaient
plus grandes encore; plusieurs bâtiments ne présentent que
des traces assez confuses. L'explorateur, en certains cas, a be-
soin de prudence autant que de sagacité. 11 faut souvent savoir
ignorer. Ce qu'il était possible de discerner encore à travers
ces ruines, M. Fougères l'a mis en lumière avec le plus grand
soin. Dans les restes du théâtre en [)articulier, (juclques dis-
positions curieuses ont éveillé son attention et il n'a pas man-
(jué de les signaler. Sans avoir été très abondant, le butin
épigraphique a aussi son prix. Une inscription votive, datée
— 60 —
de la quatrième stratégie de Phiiopœmen, est le premier texte
lapidaire où paraisse le nom de ce grand homme. Un fragment
beaucoup plus ancien a de l'intérêt pour l'histoire de l'alphabet
arcadien. Quelques inscriptions de l'époque romaine, dont
une fort longue, fournissent des renseignements utiles sur la
vie de la cité au second siècle. Parmi les restes de sculptures
que les fouilles ont dégagés, on remarquera surtout trois
dalles qui représentent Apollon , Marsyas et les Muses : elles
ornaient le piédestal d'une statue de Latone attribuée par Pau-
sanias à Praxitèle. M. Fougères incline à reconnaître dans ces
trois dalles la main de Praxitèle lui-même. C'est peut-être se
hasarder beaucoup. Accordons du moins à l'heureux et vaillant
explorateur qu'elles sont d'une bonne époque , et qu'elles ont
subi l'influence de la grande école attique.
M. Fougères se sert avec la même aisance des monuments
de l'épigraphie et de ceux de la plastique; il a appris à user
de tous les instruments qui peuvent conduire à la connaissance
de l'antiquité grecque. Plusieurs excursus témoignent de
l'étendue de ses lectures. Ainsi armé, il aborde dans les con-
ditions les plus favorables une nouvelle campagne de fouilles
pour laquelle on doit espérer le même succès qui a déjà cou-
ronné les précédentes.
M. Gaston Deschamps reste fidèle, lui aussi, à la contrée
qui lui avait fourni l'occasion de ses recherches antérieures.
L'Académie se rappelle qu'en cherchant à identifier les em-
placements et les sanctuaires célèbres de la Carie, M. Des-
champs, accompagné de M. Cousin, en avait rencontré un
tout à fait nouveau, ignoré des modernes et oublié par les an-
ciens, le sanctuaire de Zeus Panamaros. De nombreux débris
épigraphiques lui avaient permis de réparer les omissions des
géographes et de nous donner sur ce centre religieux tout un
ensemble de renseignements inédits. C'était l'objet de son pre-
mier mémoire. Celui de cette année, consacré encore à la
— Gl —
mythologie carionne, «^tudift trois cultes (^nigmatiques et à
peine hellënisés : ceux de Zeus Lahrandeus et de Zeus Osogô
à Mvlasa, celui de Zeus Chrysaor à Stratonicëe. Qu'était-ce
au juste que ces divinités aux noms étranges? Qu'était même
le peuple qui les adorait? Autant de problèmes fort obscurs,
et que M. Deschamps n'a pas eu la prétention de résoudre , ni
même d'éclaircir beaucou[) plus qu'on ne l'avait fait avant lui.
Vouloir dire le dernier mot sur ces questions serait une en-
treprise prématurée. La seule chose à faire dans l'état présent
de la science est de réunir avec soin les données insuffisantes
dont on dispose, afin de permettre aux travailleurs qui vien-
dront plus tard, si de nouvelles découvertes se produisent,
d'en mieux apprécier la valeur et de s'appuyer tout d'abord
sur des recherches préliminaires solides. Ce n'est pas que
M. Deschamps n'ait déjà son hypothèse. A son avis, Labrandeus,
Osogô et Chrysaor sont les trois aspects primitifs d'une sorte
de Baal carien, conçu comme le principe de toute vie et de
toute création, et qui s'est plus tard disséminé, pour ainsi
dire, en une foule de déterminations locales, indiquées par les
nombreux noms qu'on lui a donnés. Mais ce n'est là qu'une
hypothèse indiquée en passant, avec toute la discrétion qui
est encore nécessaire en un pareil sujet. «Pour pénétrer, dit-il
lui-même, jusqu'aux lointaines origines du mythe, il faudrait
la connaissance de ces langues primitives et de ces alphabets
mystérieux qui n'ont pas encore livré tous leurs secrets. En
attendant la venue des documents nouveaux, j'ai essayé de
faire une sorte de cadre oii viendront se classer les textes en-
core inconnus.» Conformément à ce sage progrannne,iM. Des-
champs a réuni dans son travail, sans se presser de conclure,
tous les renseignements épigraphiques qu'il a pu rencontrer.
A son texte il a joint une série de photographies dont plusieurs
représentent des monuments antiques de la Carie non dessinés
jusqu'ici par les précédents voyageurs. Enfin un supplément
— 02 —
au mémoire comprend le texte et la transcription en carac-
tères courants de trente inscriptions inédites que l'auteur a
découvertes dans l'île d'Amorgos pendant une courte campagne
de fouilles dont le Bulleùn de correspondance hellénique a déjà
rendu compte. Le mémoire de l'année dernière, par la nature
des documents recueillis, formait peut-être un ensemble plus
définitif et par conséquent d'un intérêt plus immédiat. Mais
celui-ci n'en est pas moins une œuvre fort méritoire qui ser-
vira de très utile complément au précédenti
M. Lechat, avec son Etude sur la légende athénienne de Thésée,
s'établit au cœur même de l'hellénisme, et traite un sujet
plein d'intérêt, où les qualités essentielles qu'on peut attendre
d'un membre de l'Ecole d'Athènes, exactitude dans l'interpré-
tation des textes, habileté à se servir des monuments de l'art
antique, sentiment juste de la Grèce et des choses grecques,
trouvaient naturellement leur emploi. Ce n'est pasj comme on
pourrait le croire au premier abord, l'interprétation mystique
de la légende que poursuit M. Lechat; il s'attache unique-
ment au développement historique des traditions relatives à
Thésée. On sait ce qu'était Thésée pour les Athéniens du v^ et
du iv" siècle : un type idéal où l'on aimait à reconnaître toutes
les belles qualités que l'orgueil national considérait comme
essentiellement athéniennes. Thésée, patron de la cité, en a
fondé l'unité; il y a fondé aussi une sorte de royauté démo-
cratique et libérale; il représente la beauté athénienne; c'est
un Héraclès attique, mais un Héraclès intelligent et doux,
protecteur des faibles, hospitalier, généreux, un sage autant
qu'un héros, une sorte de Solon mythologique. Tel est le
Thésée des poètes dramatiques et des orateurs, celui dont on
retrouve les traits dans la biographie composée par Plutarque.
Mais cette conception si noble ne s'est pas formée d'un seul
coup et ne date pas d'une époque très ancienne. Elle s'est
développée peu à peu, à mesure qu'Athènes elle-même gran-
— G'A —
dissait et prenait conscience de son génie. Heliaccr l'iiistoire
de ces dévf'loj)[>emenls, de cette formation successive de la
légeiulf, voilà le sujet traité par M. Lechat. H résume d'abord
la légende telle qu'elle nous est donnée par les écrivains de
l'antiquité sous sa forme la plus complète. Ensuite, il essaie
de fixer, dans l'ordre chronologique, la date des différentes
parties dont elle se compose. 11 montre que, jusque vers la
fin du vi" siècle, malgré l'existence de certains récits relatifs à
l'expédition en Crète, à la guerre contre les Amazones, à
l'enlèvement d'Hélène et à la descente aux Enfers, Thésée n'a
occupé (|u'une place assez modeste dans les croyances et dans
les préoccupations des Athéniens. Au siècle suivant, au con-
traire, son culte est en grand honneur et sa légende tout à
fait épanouie. C'est donc vers la fin du vi* siècle, un peu après
Pisistrate, que doit être fixé le moment décisif où s'accomplit
cette transformation. C'est aussi le moment où Athènes prend
en tous sens ce rapide essor si vivement noté par Hérodote
lorsqu'il raconte la chute des Pisistratides. Le travail de for-
mation de la légende s'arrête au iv" siècle. ^A partir de ce
siècle, dit M. Lechat. les monuments perdent beaucoup de
leur valeur comme documents, et ne sont guère, pour la plu-
part, qu'un motif banal et traditionnel de décoration. ?• On
voit comment l'histoire de la légende de Thésée se trouve être
un aspect particulier ou plutôt encore un raccourci de l'his-
toire de la civilisation athénienne : les deux histoires sont
parallèles et solidaires. Tant que Thésée grandit. Athènes
aussi s'accroît. Quand la légende est fixée, l'histoire pohtique
aussi est près de se clore, et Athènes va devenir un musée.
M. Lechat est au courant de tous les travaux qui pouvaient lui être
utiles: il a consulté les monuments, et en particulier les vases,
avec autant de fruit que les textes; il compose avec méthode,
et son slvle n'aura besoin que de légères retouches pour se
débarrasseid'un petit nombre de négligences faciles à corriger.
— 6/i —
M. Doublet traite un sujet complexe, difficile et fort étendu
dans son mémoire sur le Droit d'asile et l'idée d'davXîa dans le
monde grec. L'histoire du droit d'asile est un exemple curieux
de cette loi générale qui veut que les mots aient la vie plus
longue que les choses. Celles-ci, presque toujours, se modi-
fient profondément, sans cesser pour cela d'être désignées par
le même terme. D'où beaucoup d'obscurités et de méprises,
par suite d'une tendance naturelle à croire que ce qui s'appelle
toujours de même n'a pas changé. Dans l'histoire littéraire,
cette cause d'erreur est fréquente. Elle ne l'est pas moins
dans l'histoire des institutions. C'est ainsi que le droit d'asile,
tel qu'il était pratiqué à Rome et dans les premiers siècles du
moyen âge, difi'ère en bien des points de ce qu'on appelait
davAÎa dans le monde grec. M. Doublet définit avec beaucoup
de soin le mot a-vXv et son dérivé àa-vXia. Il montre que Yàa-vXta,,
c'est-à-dire la sécurité contre certaines violences (pillages,
actes hostiles, représailles), est essentiellement un privilège
des sanctuaires; qu'elle s'applique aux choses et aux personnes,
d'abord à celles qui sont en relation régulière avec le dieu,
ensuite à celles mêmes qui ne font qu'invoquer sa protection
d'une manière accidentelle et se donner à lui d'une manière
fictive; qu'elle résulte tantôt d'une ancienne coutume, tantôt
de stipulations formelles négociées diplomatiquement entre
les cités ou les états; qu'au temps des Séleucides, et plus tard
sous la domination romaine, cette garantie est accordée t»
titre de faveur avec une libéralité qui peu à peu produit les
plus graves inconvénients; si bien qu'au temps de Tibère,
l'ào-tiA/a, devenue par une série de transformations et d'ex-
tensions le droit d'asile proprement dit, dont abusent les
esclaves fugitifs et les mallaiteurs, est combattue par les pou-
voirs publics et subit un temps d'arrêt. M. Doublet raconte
minutieusement toute cette histoire; il fait connaître par une
foule de textes littéraires ou épigraphiqu^ toutes les formes
— (15 —
de ïdavXia, tous les fails qui s'y rtipporleiil, el la manière
dont ce privilège ëtail réparti dans le monde ancien aux diiïé-
renles é[)oques de son développement. La conscience avec la-
quelle toutes ces recherches ont été exécutées ne mérite que
des éloges. Le présent mémoire n'est pourtant pas, même aux
yeux de son auteur, une œuvre définitive. Il est le premier à
reconnaître que les circonstances ne lui ont pas encore permis
de puiser directement à toutes les sources d'informations qu'il
aurait désiré consulter. C'est là une lacune que l'auteur, grâce
à son ardeur laborieuse, ne manquera pas de réparer. Il fera
bien aussi, quand il reverra son travail, de donner une part
de ses soins à la mise en œuvre, à la rédaction, qui laisse en
ce moment quelque chose à désirer. La netteté de la compo-
sition, l'heureux choix des détails, la fermeté et l'élégance du
style ne sont pas des qualités indifférentes dans un travail où
le nombre et la complexité des faits risquent de produire un
peu de confusion et de surcharge : il est toujours bon d'ai)peler
l'art au secours de la science el d'invoquer les muses, surtout
quand il s'agit de la Grèce antique.
Le travail de M. Auvray, consacré aux cartulaires et obi-
tuaires d'origine française conservés dans les bibliothèques
italiennes, est un travail consciencieux, instructif, et (pii
comble une lacune; mais, par la nature du sujet, il échappe
à l'analyse. L'auteur a exploré plusieurs bibliothèques et en
particulier la Vaticane. Le mémoire adressé à l'Académie ne
contient pas encore le résultat complet de ses éludes; d'autres
notices viendront plus tard s'y ajouter à celles qui nous sont
données aujourd'hui; c'est déjà pourtant un travail étendu. La
plupart des manuscrits étudiés par M. Auvray avaient été an-
térieurement signalés; mais on ne les avait pas examinés en
détail. Par la précision de ses indications, il ajoute un complé-
ment utilf à nos connaissances. Parmi les documents sur les
quels son attention s'est arrêtée . plusieurs oiïrciil un vi'ntabl
xvn. ^
i<-
— 06 —
intérêt; notamment un exemplaire du recueil de chartes connu
sous le titre de Registrum Curîœ, le livre de la nation d'Ecosse
à l'université d'Orléans, un registre de Saint-Merri de Paris
contenant des chartes et un censier, un obituaire de la cathé-
drale de Reims, enfin un fragment d'un obituaire de Notre-
Dame de Paris plus ancien que les obituaires de cette église
conservés à Paris. L'avertissement que M. Auvray a mis en
tête de ses notices renferme aussi de curieux détails sur la
bibliothèque du baron Stosch, qui comprenait beaucoup de
volumes d'origine française; plusieurs de ces volumes, d'une
grande importance pour notre histoire, se retrouvent aujour-
d'hui au Vatican dans le fonds Ottoboni. M. Auvray, en les
signalant, rend service aux travailleurs.
Le mémoire de M. Gsell sur l'empereur Domitien est un
ouvrage considérable, qui a demandé un labeur aussi étendu
que minutieux. Le règne de Domitien y est étudié sous toutes
ses faces. L'auteur examine successivement son administration
intérieure, les guerres qu'il a faites, les lois qu'il a promul-
guées; il cherche à connaître quelle pouvait être sa politique,
comment un règne qui avait si bien commencé a si miséra-
blement fini. Chacune de ces questions est traitée à fond ;
plusieurs d'entre elles, si on les isolait, pourraient former des
mémoires spéciaux et complets. M. Gsell a demandé des in-
formations à la numismatique et à l'épigraphie, encore plus
qu'aux historiens proprement dits. Il est au courant de tout
ce qui a été publié, en France et à l'étranger, sur le sujet
qu'il traite. Son séjour à Rome lui a permis de connaître les
résultats des dernières fouilles de M. de Rossi, qui a retrouvé
les sé|)uhures des Acilii Glabrioncs chrétiens. Il doit aussi à sa
connaissance de la topographie de l'ancienne Rome d'avoir pu
faire une étude complète des monuments que Domitien a con-
struits ou réparés.
Le seul reproche peut-être qu'on ])uisse exprimer en pré-
— ()/ —
sence de ce travail vraiment immense, c'est qu'au milieu de
tant de recherches curieuses et savantes, l'homme, diez Do-
mitien, ne soit pas assez mis en relief. Il semble pourtant que
nous ayons, dans les écrivains qui nous parlent de lui, de
quoi nous faire mieux comprendre son caractère. Nous ne
vovons pas sullisamment , en lisant le travail de M. Gsell, d'où
a pu venir cette e.\j)losion de haine, qui, dans les dernières
années de la vie de Domitien, s'attaque à sa personne, et dont
nous trouvons le témoignage aussi bien chez les petites gens,
comme Juvénal, que chez les grands personnages, comme
Pline ou Tacite. Dans le mémoire de M. Gsell, Domitien agit
beaucoup, il ne vit pas assez. L'auteur, habitué k ne marcher
qu'appnvé sur des documents très précis, a-t-il craint de se
hasarder sur un terrain nouveau pour lui, celui de la psycho-
logie historique, où une sorte de divination, toute voisine de
la création poétique, a son rôle nécessaire à jouer? Ce serait
sans doute un excès de prudence, car Thistorien . comme le
savant lui-même, a besoin de relier les faits par une hypo-
thèse, et l'hypothèse, quand il s'agit d'apprécier les actes d'un
personnage historique, ne peut être qu'une certaine manière
de se représenter l'àrae de cet homme dans son fond et dans
son unité.
VEssai sur radministratio» du royaume fie Sicile à la fin du
xiu' siècle, par M. Léon Cadier. est un mémoire étendu qui se
recommande par des qualités de recherches et de critique
dont l'auteur avait déjà fait preuve dans des publications an-
térieures, et notamment dans son livre sur les Etats de Béarn,
auquel l'Académie a décerné la première médaille dans le
dernier concours des Antiquités nationales.
Les deux premières parties du travail de M. Cadier sont
consacrées à l'administration de Charles I" d'Anjou avant et
après les Vêpres siciliennes. Une troisième et dernière partie
poursuit la même étude pour la piMÎode qui correspond à la
b
— G8 —
captivité de Charles II et au gouvernement des régents. Les
deux premières parties surtout sont très intéressantes. L'au-
teur montre très bien dans quelle mesure l'organisation in-
troduite par Charles P' a été un compromis entre les usages
antérieurs et ceux qui avaient cours en France. Il insiste aussi
sur ce fait que les mesures prises après les Vêpres siciliennes
ne marquent point, comme on l'avait pensé, un changement
dans la politique du roi , mais qu'elles sont le développement
naturel d'ordonnances antérieures à cet événement. Sans se
faire l'apologiste du frère de saint Louis, sans même dissi-
muler ses défauts, M. Cadier a été amené à le juger moins
sévèrement que ne l'avaient fait quelques-uns de ses prédé-
cesseurs, et l'on est presque toujours tenté de lui donner rai-
son. Il a surtout, sur les autres historiens de Charles d'Anjou,
un très grand avantage : c'est de connaître avec beaucoup
plus d'exactitude et de précision l'administration du roi de
Naples. Mais il n'est que juste de rappeler à ce sujet le nom
de M. Durrieu, dont les beaux travaux sur les Archives ange-
vines de Naples ont seuls rendu possible à M. Cadier un com-
plet succès dans l'exécution de sa tâche. L'Académie sait en effet
que les registres du gouvernement angevin, lorsqu'on les a
réunis en volumes au xvT siècle pour les faire relier, ont été
mis dans une incroyable confusion, et que M. Durrieu, en
établissant la concordance entre l'ordre primitif et l'ordre ac-
tuel, a le premier ramené la lumière dans ce chaos; de plus,
dans le premier volume de son ouvrage, il a tracé d'une
main très sûre un tableau de l'organisation du royaume de
Charles \". M. Cadier a pu, en suivant pas à pas l'exposé
de son devancier, le compléter sur plus d'un [)oint à l'aide
des registres maintenant faciles à consulter, et faire ainsi un
excellent travail. Le lecteur est amené pourtant à se poser
parfois une question à laquelle il voudrait bien que M. Cadier
pûl un jour ri'pondre d'une façon plus conq)lète qu'il ne l'a
— G'J —
fait dans le jjn'scnt nirmoiro. Ouel rapport y avait-il «Mitre le
système d'administration importi' dans l'Italie méridionale et
celui qui fut en vigueur, à la même époque, dans les Etats du
roi de France? Le système angevin est incontestablement
d'origine française, M. Cadier l'a dit et d'autres l'avaient dit
avant lui. Mais, par un accident singulier, il ne nous est |)ar-
venu qu'un petit nombre des documents de l'administration
de saint Louis, tandis que celle de ses frères s'est conservée
presque entière. Il serait curieux de rechercher ce que la com-
paraison de ces différentes administrations, à Toulouse, à
Poitiers, en Provence, à Naples, pourrait nous faire entrevoir
de l'administration royale, et de noter les caractères originaux
de chacune d'elles. Exj)rimer ce désir n'est pas adresser une
critique au mémoire de M. Cadier : les recherches suscitent
les recherches; les bons travaux éveillent la curiosité en même
temps qu'ils la satisfont, et le travail de M. Cadier est de
ceux-là.
Cet ensemble de mémoires, Messieurs, fait honneur à nos
deux grandes écoles et à ceux de nos confrères qui les di-
rigent. L'un d'eux, qui depuis six ans présidait aux travaux
de l'Ecole de Rome, arrivé au terme de son mandat, a désiré
qu'il ne fût pas renouvelé. Il a le droit de regarder avec sa-
tisfaction l'œuvre accomplie et de réserver à d'autres taches
son activité toujours en éveil. Héritier d'une tradition con-
temporaine de la fondation même de l'Ecole, M. Le Blant la
transmet intacte aux mains éprouvées de son successeur. Votre
Commission, Messieurs, en terminant cet examen des derniers
travaux de ses élèves, ne saurait omettre de lui adresser des
remerciements pour ce qu'il a fait en faveur de l'Ecole par ses
conseils et par ses exemples. Elle ne saurait non plus oublier
avec quelle régularité le directeur de l'Ecole de Rome, attentif
à toutes les découvertes qui se faisaient en Italie, prenait soin
de les faire aussitôt connaître à ses confrères. En rappelant ce
L
— 70 —
souvenir avec reconnaissance, voire Commission est certaine
de répondre aux sentiments de toute l'Académie.
APPENDICE N° II.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE PERPETUEL DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-
LETTRES SUR LES TRAVAUX DES C03IMISSI0NS DE PUBLICATION DE CETTE
ACADÉMIE PENDANT LE SECOND SEMESTRE DE 1888, LU LE 25 JANVIER
1889.
Messieurs,
Je commence mon rapport semestriel en vous annonçant la publica-
tion d'un nouveau volume de nos Mémoires, la 9° partie du lome XXXIH,
entièrement occupée par l'important travail de M. L. Delisle sur les Oji?e-
ralions financières des Templiers. Un volume d\me autre collection l'avait
prëcëde' dans le cours de ce semestre, le lome XXX de V Histoire littéraire
de la France , et le Corpus inscriptionum semiticariim s'accroîtra sous peu
de jours d'un nouveau fascicule : le 1" des Inscriptions hivnjarites , dû au
travail particulier de M. Derenbourg.
Je vous disais dans mon dernier rapport le retai'd que la santé de
M. Riant appoi'tait à la publication du tome V des Historiens occidentaux
des Croisades. Un plus grand malheur nous attendait. La mort vient de
nous enlever notre savant confrère. Notre dernier président, M. le mar-
quis d'Hervey de Saint-Denys, vous a dit, en rendant un funèbre hom-
mage à sa mémoire, tout ce que les études sur l'Orient latin ont perdu
en lui. M. Riant y avait consacré tout son temps et une partie de sa for-
tune, et c'est avec la science incomparable acquise à ce prix par lui en
ces matières qu'il travaillait à notre collection. Le V*" volume qu'il laisse
sur le métier n'en sera pas moins son oeuvre : car le texte est, dès à pré-
sent, composé en placards, et les papiers qu'il a laissés fourniront, nous
l'espérons, la matière des notes dont il devait l'enrichir. Nous comp-
tons pour cela sur la pieuse sollicitude de sa famille et sur le zèle intelli-
gent du confrère qui accepte le devoir d'achever ce volume.
Le tome 11 des Historiens arméniens des Croisades, comprenant des
textes latins ou français sur l'Arménie, se continue par la collaboration
— 71 —
de MM. Scheler et de M;is Latrie. Le texte français de Brochard, Advis
directif, est totalement inipriind et forme 53 placards. Le texte latin,
Directoritnn , en compte hb et touche à la fin; toute la copie est prête pour
l'achèvement du volume.
Le tome XX.IV des Historiens de France s'est augmenta d'un tiers dans
ce semestre. 11 compte mainleiu\nt trente-six cahiers lires ou bons à tiier
et les placards en épreuves ont suivi la même progression. On en est au
n"2 88.
Le recueil de ms Mcnioircs , je l'ai dit, s'est accru d'un volume. Le
tome XXXll, q* partie, quittait en relard, approchera do son terme avec
un septième mc-moire de M. Deloche sur la Procession de la Lunade et
les feux de la Saint-Jean, qui vient d'être livré à l'impression.
Dans la première série du recueil ouverl aux Mémoires des savants
étranffcrs, tome X, i" partie, aux deux mémoires de MM. des Michels
et de la Blanchère, l'un enlièrement tiré, l'autre en épreuve, va se
joindre un troisième r.jéinoirc, cchii de M. Maurice Croiset sur le Second
Acteur d'Eschyle, qui est en composition.
La mort de M. Brrgaigiie, si cruellement et inopinément enlevé à la
Compagnie dans les ])rcmiers jours des vacances dernières, a laissé en
suspens le travail qu'il avait commencé pour le tome XXVll , i" partie,
des Notices et extraits des manuscrits, sur les Inscriptions sanscrites de
Campa. Les planches avaient été déjà tirées sous sa surveillance; le
texte était en épreuve jusqu'au placard 52. Notre confrère M. Senart
recueillera la succession de son cher compagnon d'études en présidant
à l'achèvement de ce dernier travail.
Dans le même recueil, le tome XXIX, i'° partie, en reste toujours à
la notice de M. Doughty, sur les Documents épigrnphiqnes recueillis par
lui dans le Nord de l'Arabie, mais il va être complété par un mémoire de
M. Amélineau sur les Sectes gnostiques.
Le tome XXXllI, i'° partie, jiour lequel cette réserve n'existe plus,
serait dès aujourd'hui conq)lété par une notice do M. Langlois sur les
Manuscrits français et provençaux de Rome, si l'étendue de ce travail,
excédant les limites du volume, n'avait dû le faire reporter au volume
suivant.
Les auteurs de \ Histoire littéraire de la France, MM. Renan, Hauréau,
Gaston Paris et L. Delisle, qui nous ont donné un volume celle année,
ont commencé le suivant, le tome XXXI, qui compte déjà huit feuilles
bonnes à tirer et des placards jusqu'au n° 56.
Le Corpus inscriplionum semiticarum , dont un fascicule {Inscripttons
l
— 72 —
hiimjarkes, h' partie du recueil) va paraîli-e, avance très sensiblement
dans les au 1res parties.
Le tome II des Inscriptions phéniciennes ( i" partie du Cot^us) est eo
voie de publication. Le manuscrit du premier fascicule est à l'impression
ou jjnH à y être envoyé; les feuilles i-3 sont en pages.
Pour les Inscriptions araméennes (Corpus inscriptionum seniiticarum ,
pars secunda), les seize premières feuilles sont en pages et bonnes à
être tire'es. Elles comprennent, outre la préface, les inscriptions de l'As-
syrie et de la Babylonie, de l'Asie Mineure et de l'Arabie. Dix planches,
correspondant à cette partie, sont également faites. M. le marquis de
Vogiié attend, pour livrer ce fascicule à l'impression, d'y avoir joint les
inscriptions et les papyrus araméens d'Egypte. Les inscriptions ara-
méennes formeront ainsi trois grands ensembles : i° Inscriptions ara-
méennes anciennes, de iMésopolamie , d'Arabie et d'Egypte; 2° Inscrip-
tions nabatéennes; 3" Inscriptions paliiiyréniennes. Le premier paraîtra
certainement au cours de cette année. Il formera près d'un demi-volume.
On peut voir par là que les espérances éveillées dans le monde savant
par cette grande entreprise , à laquelle l'Académie consacre la meilleure
partie de ses ressources, ne seront pas trompées.
H. WALLON,
Secrétaire peifétuel.
— 73 —
LIVRES OFFERTS.
SÉANCE DU k JANVIER.
M. Derenbouhg a la parole pour un honnnage :
rrj'ai riiouneiM' de présenler à la Compagnie, au nom de l'auleur,
M. Isaac Bloch, grand rabbin d'Alger, une forle brochure intitule'c:
Inscriptions tinnulaires des anciens cimetières inraélites (V Alger (l*ai-is,
1888, in-8").
rrLa plus grande parlie du travail est consacre'e aux ëpitaphes des
membres des familles Khallaç, Serar, Nahon, Duran, Siari, Zacuto,
Gabisson, Narboui , Temim , Azubib, Busnach et d'autres qui ont fuit
souche h. Alger et dont les desccndajils font encore partie de la commu-
nautd israélite. Les inscn[)tions grave'es sur les monuments sont des
e'Iegies plus ou moins longues sur les de'funts, compose'es dans un stvle
assez mëdiocre. Aucune inscri[)lion ne remonte au delà du wu' siècle.
tfLa portion la plus intéressante de la brochure est Tintroductiou, qui
donne l'histoire de difft^rents cimetières juifs de la ville d'Alger et fournit
quelques détails sur la formation de la conmiunauté. M. Bloch prouve
que les premiers habitants Israélites de la ville ne furent pas ceux qui émi-
grèrent d(; Majorque vers i^Sy, ni ceux qui y débarquèrent après l'ex-
pulsion des juifs de l'Espagne. Ceux-ci furent connus pendant longtemps
sous le nom de reporteurs de bérets «, Baalé Ilakkipou: , tandis que les
juifs établis déjà dans le pays étaient désignés par celui de crporteurs de
ff turbans 1, Baalé llamisncfet.
irLa communauté la plus importante de la province était certainement
Tlemcen, |)uisque les docteurs de cette ville sont mentionnés de bonne
heure, et il n'y aurait rien d'étonnant qu'elle eût fourni le premier con-
tingent des juifs d'Alger. Nous connaissons dès le x° siècle des savants
fameux à Kaïrowàn en Tunisie; nous en voyons d'autres vers la même
époque à Fez, dans le Maroc; 1 Algérie devait donc avoir également sa
population juive, bien qu'elle n'ait pas donné des maîtres célèbres connus
au judaïsme.
ff Les premiers cimetières ont disparu , la propriété en ayant été vendue
pour cause d'utilité publique. Toutefois, on a conservé par des inscrip-
tions la mémoire de deux docteurs, R. Isaac Berfel beu Chéchet, mort
en liioq, et Simon Duran. mort en \hk'i. En effet, ces deux rabbins
— Ik —
jouissaient d'une très grande renommée, et les ouvrages du dernier sur-
tout embrassent toutes les parties de la science juive au moyen âge. Il
ne faut pas oublier de remarquer que les inscriptions gravées sur les
marbres qu'on voit actuellement dans le port d'Alger sont modernes, n
M. Héron DE Villefosse dépose sur le bureau de l'Académie, de la
part de M. Clément Fallu de Lessert, un travail ayant pour titre : Les
briques légionnaires , contribution à la géographie militaire de l'Afrique
rowjrtme (Paris, 1888, in-8°).
«Dans ce mémoire, M. Fallu de Lessert a appelé l'attention sur les
briques légionnaires trouvées dans le nord de l'Afrique. On désigne sous
ce nom les divers matériaux en terre cuite que les soldais préparaient
eux-mêmes, sur lesquels ils apposaient un timbre indiquant généralement
le numéro du corps, son nom et son surnom, et qu'ils utilisaient ensuite
dans les travaux qui leur étaient confiés. Ces briques fournissent de pré-
cieux renseignemenis sur la composition de l'armée d'Afrique, sur les
légions qui ont plus ou moins séjourné dans la province à des époques
diverses et sur un certain nombre de cohortes auxiliaires qui tenaient
garnison dans les Maurétanies et en Numidie. Ce sont les seuls docu-
ments qui puissent nous renseigner sur les lieux de stationnement de
plusieurs de ces divers corps; ils fournissent souvent de précieuses men-
tions au point de vue de la chronologie. La liste que public M. Fallu de
Lessert est le fruit de recherches faitos, ii y a trois ans, en Algérie, où
l'avait envoyé rÉcole des hautes études."
M. Héron de Villefosse présente ensuite à l'Académie, de la part de
M. Jules Challamel, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de
Faris , im mémoire intitulé : Loi du 3o mars 1 88 j sur la conservation
des monuments historiques et des objets d'art; élude de législation comparée
(Faris, 1888, in-8°,' extrait de Winnuaire de législation française).
ffCe travail débute par une sorte dinlroduclion, dans laquelle l'auteur
a présenté avec beaucoup de soin et d'une manière tout à fait sincère et
saisissante les origines du grand mouvement archéologique moderne,
dont le développement rapide a forcé les pouvoirs publics à intervenir
par l'institution du Comité des travaux historitjues et de la Commission
des monuments historiques. Outre le texte de la loi nouvelle, ce mémoire
renferme une intéressante étude comparative des lois analogues en
vigueur dans les différents pays de lEurope. H en résulte que la loi fran-
çaise actuelle tient le milieu entre les lois rigoureuses de la Suède, de
la Finlande, de la Hongrie et de la Grèce, et la loi très libérale de la
Grande-Bretagne. Un paragraphe spécial (p. 28) est consacré à la loi
— 75 —
grecque du lo mai i83'i , Tsspl ipyjxioxijTwv, loi dont les disposilions
intéressent tous les archéologues, i^
SÉANCE DU 1 1 JANVIER.
Sont offerts :
Un grand amalcuv français du xvn' siècle, Fabri de Peircsc, ])ar M. Léo-
pold Delislc, membre tle rinslitul, élude suivie du Testament inédit de
Peircsc, publié et annoté par M. Ph. Tamizey de Larroque, correspon-
dant de rinslitut (Toulouse, 1889, in-S", extrait des Annales du Midi);
Les diocèses d'Aire et de Dax ou le département des Landes sous la
Bévolution française , i-jSg-iSoS. Bécits et documents, par M. Joseph
Légé, prêtre du diocèse d'Aire (Aii'e-sur-1'Adour, 1876, 2 vol. in-8").
M. Georges Perrot jirésente de la part de l'auteur, M. Jules Martha,
L'art étrusque (Paris, 1889, gr. in-8°).
ffLe livre de M. Jules Mai-lha n'est que l'édition, complétée et cor-
rigée, d'un mémoire que l'Académie couronnait l'an dernier; l'Académie
ne peut qu'applaudir au succès qu'obtient, auprès du public, nn travail
excellent qui a été provoqué par un de ses concours. Sur la con)pétence
de l'auteur, sur le mérite du livre, sur son plan, sui» la précision et l'élé-
gance du style très bien approprié au sujet, nous ne saurions rien dire
qui n'ait été dit il y a peu de temps par le rapport de votre Commission.
Nous nous bornerons ici à indiquer ce que l'éditeur a fait pour rendre
l'ouvrage digue de sa valeur scienlilique et utile aux lecteurs. Le format
est commode et l'impression fort belle; il y a quatre planches tirées en
couleur et quatre cents gravures semées dans le texte, dont quelques-
unes sont des reports directs de photographies. Les autres, exécutées
avec soin sous la surveillance de l'auteur, méritent aussi toute con-
fiance, n
M. Helzey a la parole pour un hommage :
n-J'ai l'honneur de présenter à l'Académie le sixième fascicule des
Céramiques de la Grèce propre, de notre cher et très regretté confrère
Albert Dumont (Paris, 1888, m-h"). Cet hommage, comme les précé-
dents, est fait au nom de M"'° Albert Dumont.
frM. Edmond Potlior, qui contiime à donner ses soins dévoués a la
publication posthume des œuvres de son maître, a eu l'heureuse idée de
réunir dans le second volume tous les articles de l'auteur qui se rap-
portent à la céramique antique. C'est ainsi que dans le présent fascicule
nous trouvons la réimpression d'un important mémoire sur les Pein-
tures céramiques de la Grèce, extrait du Journal des Savants de 187*:?
— 76 —
el 1873. Ce travail est ici d'autant mieux à sa place ([ii'ii est comme le
premier dessein du grand ouvrage qu'Albert Dûment devait entreprendre
plus tard, sans pouvoir y mettre la dernière main. Quand un peintre ou
un sculpteur laisse quelque grande œuvre inachevée, les esquisses et les
études préparatoires qui se relrovivent après lui acquièrent une valeur
exceptionnelle. 11 en est de même de ces recherches, où se montrent
déjà les idées et les doctrines qui devaient recevoir dans les Céramiques
im plus large développement et contribuer à renouveler chez nous l'étude
de la céramographie grecque.
rrLes planches de ce fascicule, comme celles du précédent, ne sont
plus consacrées aux vases peints , mais aux figurines de terre cuite , qui
sont reproduites d'après les dessins originaux de Jules Ghaplain. Il est
utile de rappeler que ces charmants dessins, depuis longtemps gravés et
mis sous les yeux du public dans plusieurs expositions déjà anciennes,
ont été les premiers exemples qui aient révélé en France l'extraordinaire
richesse des collections athéniennes dans ce genre d'antiquités, devenues
si justement l'objet d'une admiration passionnée. Le nom , aujourd'hui
célèbre, de Tanagre n'était pas encore prononcé à cette époque. On
parlait de figurines béotiennes, parfois de figurines deThèbes, parce que
la nécropole de Tanagre s'étendait dans la direction de cette ville, où le
fruit des premières fouilles fut probablement recueilli avant de parvenir
h Athènes. Mais il suffit de parcourir les planches de la livraison offerte
à l'Académie pour rester convaincu que beaucoup des figurines qu'elles
représentent appartiennent déjà aux séries tanagréennes.
ffEn réalité, c'est la mission de Dumont et Ghaplain en Grèce, ce
sont les dessins rapportés par eux qui ont tout d'abord éveillé l'attention
de nos archéologues et de nos musées sur les trésors récemment décou-
verts, que recelaient alors les collections locales et qui se sont, depuis
lors, répandus dans la plupart des grandes collections européennes au
grand profit de l'art et de la science. r>
M. Haurkau dépose sur le bureau, au nom de M. Gabriel Hanotaux,
un volume qui porte pour titre : Recueil des insiruclions données aux
ambassadeurs el ministres de France , depuis les traités de WeslphaJie jusqu'à
la Révolution française , etc. : Rome , avec une introduction et des notes,
par Gabriel Hanotaux, tome I, lôâS-iGS-j (Pai-is, 1888, in-8°).
M. SciiEFER présente à l'Académie, au nom du traducteur, un ouvrage
ayant pour titre : Léon le Magnifique, premier roi du Sissouan ou de l'Ar-
ménocilicie, par le R. P. Léonce Alishan, traduit par le P. Georges
Bayan (Venise, 1888. in-8").
/ /
ffCelle histoire du proniier |nince tic la dynastie des Roupriiicns qui
prit le titre de roi est extraite d'un ouvrage arménien publié à Venise,
il y a trois ans, par le P. Aiislian, de la coinrnunaut(! des Mekliitaristes
de Saint-Lazare. Le P. Aiislian a surtout mis à ronlribulion pour la
rédaction de son travail les (ouvres des auteurs arméniens qui ont retracé
les événements dont l'Asie Mineure, l'Arménie et la Syrie lurent le
lh('àlre à la (in du xn' et au commencement du xni" siècle. Il a recueilli
(piclques faits nouveaux dans deux manuscrits en sa possession et dont
l'un aurait ('té rédigé à la fin du xui" siècle. L'extrait du Sissouan , tra-
duit par le P. Bayan, nous donne Thistoirc de l'émigration et des con-
([uéles'des Arméniens on Cilicie, de leurs expéditions en Asie Mineure,
lorsque Léon, sous le litre de baron, eut le pouvoir en mains. Un cha-
pitre est consacré à la marche de l'armée de l'enqiereur Frédéric à
travers la Cilicie et aux relations que Léon avait nouées avec les chefs
<le la croisade ot les princes chrétiens d'Europe. Après avoir réussi à rat-
tacher l'église armt'iiicnne au Saint-Siège, Léon fut couronné roi d'Ar-
ménie dans la cathédrale de Tarse, par l'archevêque de Mayence,
Conrad de Witlelspach, le G janvier 1199. Ce prince mourut le
6 mai 1219, après un règne de trente-deux ans. Il faut savoir gré au
P. Bayan d'avoir entrepris la traduction de l'histoire d'un prince qui prit
part aux ('vénemenls consitlérables qui se sont déroidés en Syrie à la lin
du xn" siècle. Je crois cependant que le P. Alishau aurait pu rendre son
récit plus conqilet en consultant les chroniqueurs occidentaux et les
historiens oi-ientaux qui abondent en détails précieux sur cette époque.
Un certain nombre de pièces forment l'appendice de cet ouvrage, et je
citerai, parmi les plus intéressantes, une note sur la littérature armé-
nienne sous la dynastie des princes Uoupéniens. ^^
M. ScHEFEK oltre ensuite, au nom de M. Henry Hovvorth, membre
du Parlement , le quatrième volume de son Histoire des Mogols depuis le
ix' juscpi'au xix° siècle {Hislory of the Mongols , from the g"" to the
/p"* ceiiliirij. part III, the Mongols of Persia, Londres, 1888, in-S").
ffM. H. lloworth a fait des peuples d'origine turque l'objet de ses
éludes et il a déjà publié une histoire de Djenghiz Khan ot de ses succes-
seurs, qui forme les trois premiers volumes de l'ouvrage dontjemetslc
(piatrième sous les yeux de l'Académie. Celui-ci comprend une période de
plus d'un siècle. L'histoire des prédécesseurs de Houlagou est exposée
dans une longue introduction, à la suite d(; la([uollo M. lloworth ;d)orde
le récit du iè[;ue de co prince, cpii, a[)ros avoir détruit la socle des
Ismaïliens et mis lin au califat do Bagdad, fonda la dynastie des llkha-
— 78 —
niens, qui régna sur la Perse jusque vers le milieu du xiv° siècle.
M. Howorth trace le tableau des expéditions des Mogols en Syrie, qui
donnèrent à la chrétienté Tillusion que cette province pourrait être
arrachée aux sultans d'Egypte et que les Francs rentreraient en pos-
session de Jérusalem.
rf La tolérance religieuse et la protection accordée aux chrétiens priren t fin
sous le règne du sultan Ahmed, qui embrassa l'islamisme. M. Howorth
n'a pas manqué de signaler les relations d'Arghoun avec le pape Nico-
las IV et avec Philippe le Bel : il s'étend longuement sur le règne de
Ghazan et sur les institutions dont il dota la Perse. La dynastie des Ilkha-
niens prit fin en io35 , et à la mort d'Abou Saïd les provinces qui com-
posaient le vaste empire des Mogols devinrent la proie de chefs tur-
comans, dont M. HoAvorth retrace l'histoire. Le chapitre des relations
diplomatiques et commerciales des souverains mogols avec l'Europe pré-
sente un intérêt particulier. En un mot, on doit savoir gré h M. Howorth
de nous avoir donné une histoire des Ilkhaniens plus complète que
celles qu'avaient publiées avant lui MM. Mouradjea d'Ohsson et de
Ha m mer. 55
SÉANCE DU 18 JANVIER.
M. Léopold Delisle dépose sur le bureau son Catalogue des manu-
scrits (les fonds Libri et Barrois (Paris, 1888, in-8°).
Sont encore ofîerts :
De l'emploi des bijoux et de l'argenterie comme prix d'achat en Irlande
avant l'introduction du monnayage , par M. d'Arbois de Jubainville , membre
de l'Institut (Paris, 1888, in-8°, extrait de la Revue archéologique) ;
L'inscription de Varenilla au Musée des antiquaires de l'Ouest, par
Em. Espérandieu (Saint-Maixent, 1889, in-8"', extrait de X Epigraphie
romaine du Poitou et de la Saintonge) ;
Indication approximative de vestiges laissés par les populations préco-
lombiennes du Nicaragua, par Désiré Pector (Paris, 1889, ''^■8")^
IlpaxTocà rffs èv kOijvan dp^xioXoyiKijs éraip/as roi) érovs 1887
(Athènes, i888,in-8°);
Le duc Louis d'Orléans , frère de Charles VI, par Albert de Circourt
(Bruxelles, 1889, in-8^ extrait de la jRei'«e des questions historiques);
An cpigraphical journetj in Asia Minor, par J.-R.-Sitlington Sterrett
(Boston, 1888, in-8°, vol. Il des Papers of the American school of clas-
sical studics at Athens);
— 79 —
De Alexandri magni expedilione Indica quœstiones , par J. Lezius (Dor-
pat, 1887, in-S');
Ein ifriechtsc/tes Lchvhnch der Metrilc , par W. Hoerschelmanii , pro-
fesseur do philolofjie à Dorpal (Dorpat, 1888, in-8°).
M. Gaston Paris présente , de la part des auteurs :
1° Le 7-omanz, de saint Fanuel et de sainte Anne et de Nostre Dame et
de Nostre Scignor et de ses Apostres, publid |)our la première fois d'après
le manuscrit de Montpellier, par Camille Chabaneau, correspondant de
rinslitut (Paris, 1889, in-8').
2° Le Parnasse provençal du père Boug'erel, prêtre de l'Oratoire,
publii' d'après le manuscrit d'Aix, par le même (Paris, 1888, in-8°).
3° Les Mabinogion, tiaduits en entier, pour la jiremière fois, en
français, par J. Lolh, tome I (Paris, 1889, in-8°, formant le tome III
du Cours de littérature celtique de MM. H. d'Arbois de Jubainville et
J. Loth).
ffOn sait qu'on désigne sous le nom de Mabinogion (apprentissage en
poësie, tel parait être le sens de ce mot) des contes en prose gallois,
<lont le recueil le plus complet est conserve dans le Livre rouge de Her-
gest, aujourd'bui à Oxfoi'd. Les Mabinogion ont été publiés, d'après ce
recueil, par lady Guest, en i838, et traduits par elle en anglais. Le
recueil comprend trois classes distinctes : des traductions de romans
français conservés, des récits parallèles à des romans français, mais qui
ne paraissent pas en dériver directement, des contes tout à fait originaux.
Bien que la seconde classe ait un réel intérêt pour l'histoire littéraire
comparée, c'est la troisième qui a de beaucoup la plus grande valeur:
elle nous présente la fiction celtique tout à fait livrée à elle-même et
a fourni à M. llenau quelques-uns des traits les plus délicats de son
Essai sur le génie des races celtiques. L'édition et la traduction de lady
Guest laissaient cependant à désirer; la première vient d'être remplacée
par une édition savante et critique de MM. Rhys et G. Evans; la seconde,
sur laquelle avaient été faites les versions subséquentes en allemand ou
en français, le sera dorénavant par celle de M. Lotb. Le premier volume
contient huit contes, tous appartenant à la troisième série, c'est-à-dire
essentiellement et, sauf quelques influences savantes ou chevaleresques,
pui-ement gallois. M. Loth s'est efforcé de donnei' une traduction aussi
fidèle que possible; il n'a pas essayé d'augmenter le charme de ces récifs
poétiques et bizarres en en rapprochant le style du style de nos contes
d'enfants, dont ils n'ont pas la naïveté. Il a laissé subsister dans toute
leur brutalité des traits de mœurs primitives que lady Guest avait atté-
— 80 —
nues ou supprimés. 11 a joint h sa version des notes critiques qui mon-
trent sa compétence philologique, et des remarques sur les personnages
ou les coutumes qui attestent sou érudition et seront d'un grand secours
aux savants qui s'intéi'essent à la littérature narrative des Bretons sans
être des spécialistes. Dans son introduction, M. Loth cherche à établir
que les récits du livre de Hergest remontent à la fin du su^ siècle; il
mentionne à ce propos, un peu trop brièvement, des manuscrits du
xni° siècle qui en contiennent, paraît-il, des fragments considérables.
On voudrait aussi qu'il eût donné une description exacte du Livre rouge et
une table complète de ce qu'il contient. Ce sont là de légères omissions,
qu'il lui sera facile de réparer dans le second volume.
frLa publication de M. Loth fait partie du Cours de littérature cel-
tique inauguré par notre éminent confrère M. d'Arbois de Jubainville,
qui, non content de défricher avec une énergie infatigable le champ de
nos antiquités celtiques, sait y attirer des travailleurs dignes de le se-
conder, y diriger leurs efforts et les aider à les rendre fructueux, v
M. Oppert offie, delà part de l'auteur, M. P. Ristelhuber, un volume
intitulé : Heidelberg et Strasbourg. Recherches biographiques et littéraires
sur les étudiants alsaciens, immatriculés à l'Université de Heidelberg de
i386ài662 (Paris, 1888, in-8°).
SÉAiNCE DU 2 5 JANVIER.
Le Seciîétaire perpétuel offre à l'Académie :
1° Le second volume de son ouvrage sur Les représentants du peuple
en mission et la justice révolutionnaire dans les départements en l'an 11 ,
ijgS-ijg^i (Paris, 1889, in-8°);
2° Une réimpi'ession de sa Notice sur la vie et les travaux de M. Jo-
seph-Natalis de Wailli/ (Paris, 1889, in-8°, extrait de la Bibliothèque de
l'École des chartes, t. XLIX, année 1888).
Sont encore offerts :
Le règne de Philippe II et la lu Ile religieuse dans les Pays-Bas nu
xiv' siècle, par M'^' Namèche (Louvain, 1885-1887, 8 volumes in-8");
Statuts de la corporation des barbiers de Rome. Leclure faite à la So-
ciété des sciences morales de Seine-el-Oise, le 11 janvier 1889, par
M. Emmanuel Rodocanachi (Paris, 1889, 'm-h°).
M. l>AVAis.-iox offre à la Compagmo, de la pai-t de l'auleur, M. Jean-
N. Svoronos, le 1" fascicule de ses Etudes archéologiques et nuniismaliques
(Paris et Athènes, 1889. in-/i").
— SI —
TfM. S\(»roii(is lirt' des lypes itioiu-laiit-s de Vlaiilinec iiiic i'\|ilicalioii
loiilc iioint'Ih' irmif pallie i-esleo jnstiuà |ii-éseiit loit oltsciiic de la
lé<rende d'Iilysse. lello (|iie l'avait ramiilf'e le coiitimialeiir tlo VOdijusée ,
l<]ii<>ammnn. Il inonlre que rerlaiiios médailles de Maiiliiiée, (jii'oii n'avait
pas piicoi(> expliquées d'une manière satisfaisante, représentent le roi
dltliarpie lorsipie, se conformant an ronseil de Trophonins, il va
chercher en Arcadie l'homme io-norant des choses rie la nier dont Tiri'-
sias lui avait antrefois annoncé la rencontre, rencontre <|ni devait mettre
lin à ses perpé-lnels voyages. Il commente par com|)arais(»n avec ces \\\ér
dailles plusi(MM-s antres momunents antiques.
ff M. Svoronos n'appartient pas à celte écolo archéologique qui renonce,
pour se borner h la description du matériel des objets, aux explications
(]ncn peuvent fournir les monuments littéraires: il cherche, au contraire,
à retrouver, an moyen de la comparaison des textes et des monuments
lipurés. surtout des médailles, les idées, les crovances, les Iradilions
auxquelles les uns et les autres se rapportent.
'rOn a al)us(' peut-être des recherches et des rapprochements mytho-
logiques; ce n'est pas une raison pour n'en pas user. M. Svoronos eu
use avec succès. "
M. Henri Weil offre à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Louis
Havet, un mémoire sur le Supplice de Phlégyns , dans le VP livre de
V Enéide (Paris. i88(), ni-H", extrait de la lievuc de philologie).
tM. Louis Havet, dit notre confrère, propose une transposition qui
donne une suite pins satisfaisante des idées, et qui est confirmée par
deux textes, de Valéi'ius Flaccus et de Slace, indirectement, il est vrai,
mais avec évidence pour ceux qui savent, comme M. Havel, lire et com-
prendre les auteurs.
(f L'Académie se souvient d'avoir suivi l'autre jour avec intérêt l'expo-
sition claire, la démonstration précise et élégante de M. Havet. Les lec-
teurs du mémoire imprimé y trouveront quelques pages nouvelles.
Même après la transposition, certaines particularités peuvent encore
étonner un lecteur attentif de Virgile. Pour les expliquer, M. Havet
donne l'ingénieuse conjecture que le poète avait sous les yeux une pein-
ture, (pi'il rendait dans ces vers. Tel est ce mémoire, intéressant par le
résultat, plus intéressant encore par la méthode."
\L WvM. présente, en outre, au nom de M. Ch.-Km. Kuelle. wwq Note
sur l'énigme (ilchiinique des Oracnla silujllina (extrait du Ihillelni de lu
Société des mili'/K aires de France , ann('e iHSy ).
M. SF.wnr présente, de la pari de M. James Darmeslelor, im Nolunie
XVII. '"'
miaïUiitkr ^àTi'tiii '
— 8-2 —
qui a pour liU'e : Lellres sur Vhide. A la frontière afijhane (Paris, 1888,
iu-12).
ffLe sous-lilre du voluuie en indique Tobjel principal. Ce sont surtout
les souvenirs d'un séjour prolongé à Peshawer et à Abbolabad qui rem-
plissent ces lettres. Au reste de l'Inde, qu'il a rapidement traversée,
M. Darraesteter donne des notes rapides. Elles sont toujours pittoresques,
colorées, expressives. Sur les tribus afghanes, ses récits variés de ren-
seignements historiques, d'impressions personnelles, d'anecdotes carac-
téristiques, sont instructifs, piquants, attachants toujours. On imagine
bien que nous ne sommes point ici en présence d'un de ces journaux
de voyage dans l'Inde, naïfs, consciencieux, mal informés, dont la
librairie anglaise, quelquefois la librairie continentale s'enrichit avec
tant d'excès. Ces lettres sont toutes des morceaux d'une littérature très
atîinée et très savante, un peu tourmentée peut-êlre au gré de quelques -
uns, animée d'une verve humoristique et spirituelle, soutenue par une
connaissance étendue des choses de l'Inde, par un sentiment très juste
du milieu psychologique et historique. A des lecteurs même mal préparés ,
le livre sera une lecture ingénieuse et charmante; mais quel plaisir, poui-
qui a passé par les lieux qu'il parcourt, de renouveler ses souvenirs en
compagnie d'un guide si habile à nuancer avec un art minutieux la phy-
sionomie des hommes, des monuments et des paysages! Je ne veux pas
manquer de dire ce que ces récits empruntent de saveur aux citations
nombreuses que M. Darmesteter a tirées du trésor des chansons afghanes
rapportées par lui. Elles feront l'objet d'une publication spéciale qui s'im-
prime en ce moment. En attendant ces extraits, ceux qu'il nous donne
ici, avec leur allure un peu étrange, font h merveille dans le cadre d'un
travail précieux où M. Darmesteter les a enchâssés. Les Lettres fiur l'Inde
ne sont pas un livre scientifique; je ne dirai pas pourtant que l'écrivain
y fait oublier le savant. Us sont bons à y rencontrer côte à côte. •"
M. Delisle fait hommage d'un opuscule intitulé : Les correspondants
de l'abhé Nicaise. L Un diplomate éritdit au xvn' siècle, Ezéchiel Span-
heim. Lettres inédites {1681-jyo]), publiées par Emile du Boys (Paris,
i88(),in-8").
'fPar ce fascicule, M. du Boys inaugure très heureusement la [>ubli-
calion d'une correspondance littéraire et scientifique, très importante
pour la seconde moitié du xvn' siècle. L'éditeur a pris pour modèle les
davaux de M. famizey de Laiin(|u<< sur la correspondance de Peiresc."
M. ScHEFEr, offre, au nom (\p lauteur, M. Gustav(! Lcbon, un ctuvragf'
intitulé; Les premières eirilisalions (Paris, i88(), gr. in-8").
— S8 —
M. Pfiiil Mi'.MT. prisonl»», ail nom ilo M. de Mi'l}, li's trois mémoires
siiivanls:
t" Ln crosse dite de Rageiifroid (Paris, 1888, in-^t", extrait de la
Gazelle aic/téoloffu/Ke);
fi" l'Jtiide icnuogrdphifjHe suv les rihau.r dit xiu' siècle de lu cathédrnie
de CÀaiires (in-A°, extrait de la Revue de l'art chrétien);
3" l/«/.vo«.v «orH«rt/»/t's (Paris, 1889 , in-/»", extrait fie la levnc ijjiis-
trëe Les Lettres et les Arts).
SÉANCE DU l""^ FKVniKn.
Le SEC.RÉTAinE PERPÉTUEL oflrc il la (Joiiipag-iiie, de la part de M. Gus-
tave Huinhert , le tome VIII du Manuel des antiquités romaines de
MM. Th. Mominsen et J. Marquardt. Ce tome comprend X Organisation
de l'Empire romain , par J. Marquardt, traduite par MM. André Weiss et
Paul Louis-Lucas, tome I" (Paris, 1889, in-8°).
ffL'Acade'mie sait, ajoute M. Wallon, quelles garanties offre h cette
traduction la science consommée de M. Humbert, qui en dirige toutes
les parties. 71
SÉANCE DU 8 FÉVRIER.
Le Secrétaire perpétuel présente, au nom de Tauteur, M. Ilcné
Kervilcr, un ouvrage intitulé : La Bretagne à l'Académie fançaise au
Aviii' siècle. Eludes sur les académiciens bretons ou d'origine bretonne,
2° édition, complètement refondue (Paris, 1889, in-S").
M. Edmond Le Blant a la parole pour un hommage :
«M. Diehl, ancien membre des Ecoles françaises de Rome et d'Athènes.
a l'honneur d'offrir à l'Académie deux volumes qu'il vient de publier :
les Etudes sur l'administration byzantine dans l'exarchat de Bavenne
{568-j5i), puis un travail sur L'église et les mosaïques du couvent de
Saint-Luc en Phocide (Paris, 1888 et 1 889, 3 vol. in-8% formant les fasci-
cules 53 et 55 de la Bibliothèque des Ecolesfrançaises d'Athènes et de Rome).
ffLe premier de ces ouvrages est une thèse de doctorat es lettres. Le
sujet sur lequel il porte est, on le voit, l'un des moins étudiés. C'est un
curieux épisode de l'évolution administrative qui transforma au vir siècle
l'Empire byzantin, l'histoire de la tentative faite pour helléniser l'Italie.
On y suit avec intérêt les efforts d'une politique qui n'est ni sans habi-
leté, ni sans quelque grandeur.
ff Bâtie au ix' siècle en l'honneur d'un saint byzantin et au lieu même
où il avait son ermitage, l'église de Sainl-Luc-le-Jeune est, au jugemenl
— 8/1 —
(lu voyageur Wheler, ia plus belle qui soit dans la Grèce actuelle.
M. Diehl en examine avec compétence et en détail la disposition archi-
tectonique, la décoration de marbre multicolore et le pavement. Ses mo-
saïques, presque inconnues, forment un ensemble considérable, cou-
vrant le second narlhex et toute l'église. Leur importance est grande
pour l'histoire de l'ai-t byzantin. L'auteur les rapproche ingénieusement
des miniatures du ménolog-e de Basile, avec lesquelles elles ont une
parenté étroite. Etudiées par M. Diehl, elles montrent comment se sont
établies les traditions artistiques dont le Gnide de la peinture offre, pour
ainsi dire, la codification achevée."
M. DE BoisLisLE présente Le Père Joseph et Richelieu, par Gustave
Fagniez (Paris, 1888, in-8% extrait de la Reime historique).
rrLe travail que M. Fagniez m'a chargé de présenter à l'Académie se
compose de quatre parties : 1° la jeunesse du P. Joseph (Fr. Le Clerc
du Tremblay) et son éducation jusqu'à l'entrée en religion; 9° son rôle
dans la pacification de Loudun (1616); 3° la préparation de la rupture
avec la maison d'Autriche; à° la désignation du P. Joseph comme suc-
cesseur de Richelieu et continuateur de sa politique. Ces quatre parties
forment autant d'articles séparés entre lesquels l'auteur n'a pas encore
établi le lien définitif. Elles doivent être un jour refondues dans un en-
semble où la figure singulièrement mystérieuse de YEminence grise se
détachera sur l'histoire religieuse et politique de son temps. Mais, tels
que sont ces premiers essais, ils donnent une idée très avantageuse du
travail poursuivi par M. Fagniez pendant de longues années, et des
documents innombrables, inédits pour la plupart et puisés à toutes les
sources, empruntés aux archives et collections de tous pays, qui lui
donnent une base solide et un rare caractère de nouveauté. Suivre à la
ibis la politique intérieure et la politique extérieure de deux hommes
tels que le cardinal de Piichelieu et son dévoué acolyte, n'est pas une
petite tâche. Il me semble que M. Fagniez a su en débrouiller les com-
plications incessantes, y faire le jour et mettre en pleine lumière la part
de l'un et de l'autre. La dernière portion de son travail s'arrête au mo-
ment où, débarrassé des compétiteurs les plus gênants, par la mort ou
par la disgrâce, arrivé à une pleine prépondérance, introduit au Conseil
des ministres d'Etat, reconnu même h l'étranger cojnme le principal
directeur de la diplomatie qui était parvenue h donner à la France et les al-
liances et les places fortes nécessaires pour entamer une lutte décisive contre
l'Autriche, Je P. Joseph n'avait plus qu'un échelon à gravir, un dernier
degré à monter dans la hiérarchie oflicielle, un chapeau de cardinal à
,1
— 85 —
obtenir; mais ses jours étaient compt^^s, et bientôt rbéiilioi' présomptif
du cardinal allait précéder celui-ci dans la tombe. Ce sont ces dernières
années que M. Fagniez abordera sans doute avant que de reprendre
l'ensemble du travail dont je viens d'indiquer les lignes principales."
M. Oppert présente, de la part du P. Slrassmaier, l'ouvrage intitulé :
Babtjlonmhe Texte, V, Inscltriften des Nabuchodonosor, Kônig von Ba-
byloii, I (Leipzig, 1889, in-8°).
cr L'infatigable éditeur des textes babyloniens nous a de nouveau donné
une grande quantité de textes juridiques très intéressants, et a acquis un
nouveau titre à notre reconnaissance. Le [)remier fascicule du travail
que j'ai l'honneur de présenter à l'Académie contient deux cent soixante-
sept textes nouveaux, (pii vont jusqu'à la trente-(pialrième année du
roi qui a détruit Jérusalem. Le fascicule suivant contiendra les neuf der-
nières années du règne de Nabuchodonosor. Si les documents ne sont pas
aussi abondants pour ce règne que pour celui de INabonid, qui régna six
ans après la mort du célèbre prince, il oflre pourtant encore une quan-
tité de textes que malheureusement tout monarque grec ou romain lui
envierait. 1
SÉAiNCE DU l5 FÉVRIKR.
Le Secrétaire perpétlei- dépose sur le bureau le 5i° fascicule des
Comptes rendus des séances de l'Académie j)our l'année 1888 , septembre-
octobre (Paris, 1888, in-8°).
Est offert :
Sept sceaux de plomb de princes et prélats latins de Palestine et de
Syrie an XI II' siècle, par M. G. Schlurnberger, membre de l'Académie
(Paris, 1888, in -8°, extrait de la Revue numismatique , 3° trimestre de
1888).
M. Gaston Paris offre à l'Académie, de la part de l'auteiu-, iM. le
comte de Puymaigrc, Les vicu,v auteurs castillans, nouvelle édition,
1" série (Paris, i888, in-8°).
(tM. le comte de Puy maigre s'est depuis longtenqis fait connaiti-e par
des travaux de deux genres différents, mais qui se complètent et souvent
se fondent dans ses écrits. Les uns touchent à l'histoire littéraire de l'Es-
pagne et du Portugal , les autres concernent h folli-lorc. L'un des ou-
vrages les plus justement estimés de l'auteur est son livre sur X,es vieux
auteurs castillans, dont nous voyons paraître avec un grand plaisir une
nouvelle édition. On y trouve l'instruction étendue et l'exposition claire et
intéressante qui distinguaient la première édition, et M. de Puymaigre
— 86 —
a eu soin de tenir celle-ci au courant des travaux faits depuis vingl-cinq
ans dans ce domaine. Le premier volume, seul paru jusqu'à pre'sent,
est consacré pour la plus grande partie au Poème du Cid. Les autres
chapitres concernent les poèmes sw Apollonius de Tyr et Alea-andre , et
divers auteurs de légendes pieuses, entre autres Gonzalo de Berceo.
Toutes ces études, où les érudits trouveront parfois des observations
nouvelles , sont surtout destinées au public lettré. Elles ont obtenu le succès
qu'elles méritaient, comme l'atteste la réimpression qu'en fait l'auteur.
Nous souhaitons que les deux autres volumes qui nous sont prorais ne
tardent pas à nous être donnés, n
M. Senart a la parole pour un hommage :
rrj'ai l'honneur d'olFrir à l'Académie, au nom de M.Barth et au mien,
deux notices que nous avons récemment consacrées dans la Revue cri-
tique d'histoire et de littérature et dans le Journal asiatique à Gustave
Garrez.
n-Je suis heureux que cet hommage me fournisse l'occasion de pro-
noncer ici le nom d'un savant accompli , qui vient d'être prématurément
enlevé a nos études, sans avoir joui de la réputation dont il était digne.
Ayant peu écrit, ayant été étranger à toute ambition et supérieur à toute
vanité, Garrez a trop vécu dans l'ombre. Cependant ses quelques articles
avaient permis aux juges attentifs de le metti'e à son rang. Par l'étendue
et par la solidité de son savoir, par la forte originalité de ses vues, il
doit incontestablement être considéré comme l'un des premiers pai-mi
les orientalistes de cette génération. Je ne veux point répéter ce que
M. Barth et moi nous avons essayé d'indiquer avec quelque détail. Notre
compagnie ne pouvant être indifférente aux œuvres ni aux hommes qui
honorent la science française, j'ai voulu seulement présenter d'un mot
dev.ant elle le tribut de juste admiration consacré par ses compagnons
d'études à un homme vraiment érainent, dont la mémoire mérite si bien
d'être honorée. »
SÉANCE DU 2 9 FEVRIER.
I^e Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau :
1° Le tome XXXI 11, -2" partie, des Mémoires de l'Académie, compre-
nant le travail de M. L. Dehsie intitulé : Mémoire sur les opérations finan-
cières des Templiers ;
9° Le Cotpus inscriptionum semiticarum, h' partie, t. 1, inscripliones
himyariticas cl sabœas continens , fasc. 1 (Paris, 1889, in-fol.).
— 87 —
Soiil olVcils :
lîapport sur les temples éjnipliens , adressé à S. E. le Ministre
(les Iraruiix publics, \n\v Grand Boy (^le (laire, 1888, 1 vol. in-/»", avec
i5 planches);
l'iat celtibc'rien en terre cuite découvert à Ségovie, par Aloïs Heiss
(Paris, 1888, in-^°, extrail de la Gazette archcoloijiqne);
Per la edizinnc nirJotude délie opère di Galileo Galilei sollo ffli au-
spicii di S. M. il lie d'Ilulia. Indice alj'abetico et topoirrajico del cvniinercio
epistolare, par AnI. Favaro (Florence, 1889, in-8°);
Naukratis, a" partie, par Ern.-A. Gardner (Londres, 1888, in-/i°,
formant le Sixth memoir of tlie Egijpt exploration fund).
M. Dei-ochk a la parole pour une présentation :
frj'ai l'honneur d(> faire hoinmag-e à lAcath-mie, an nom de fauteur,
d'une brochure inlituie'e : l/iniagc de la France sous les derniers Valois
{j5-j5-i58fj) et sous les premiers Bourbons (loSg-iSSs), par M. Lu-
dovic Drapeyron, directeur de la Revue de géographie (Paris, 1889,
in-8°, extrait de la Revue de géographie).
ffj'ai eu déjà l'occasion de présenter à l'Académie des publications du
même auteur, (pii avaient pour objet, soit l'institution d'une faculté
spéciale pour f enseignement de la géographie, soit la réforme de cet
enseignement dans notre Université. La nouvelle brocbure de M. Drapey-
ron a un caractère scientifique : il y a fait I histoire des premiers essais
de cartographie pratiqués en France, pour reproduire aux yeux l'image
de notre pays, sous François 1" et ses successeurs, les derniers des
Valois.
r C'est sous le règne du vainqueur de Marignan, du vaincu de Pavie,
qu'apparaît le premier cartographe français s'occupant de la France :
Oronce Fine, éminent mathématicien dauphinois, professeur au Collège
royal de France. A Oronce Fine succéda J. .lolivet, de Bourges, l'auteur
de la Description du très puissant royaume de France. M. Drapeyron fait
ressortir l'ignorance du littoral maritime, qui est un des traits distinctifs
(le ces [)remiers travaux de cartographie, où les côtes bretonnes et nor-
mandes sont si inq)arfaitemeat dessinées. En 1670, Guillaume Postel,
le célèbre voyageur érudit, combla cette lacune, par sa Vraie et
entière description du iwjanme de France, que Mercator mit à profit
dans son atlas, publié en 1080. Viurent à sa suite Nicolas de Nicolaï
et de nombreux géographes et cartographes provinciaux, dont les noms
sont aujourd'hui pour la plupart inconnus. Nous touchons à l'époque
où parurent, avec les nouveaux systèmes de piojeclion dont Ihisloire a
— 88 —
été si soigneusement et si savamment faite pax* notre regrette confrère
et mon excellent ami d'Avezac, les beaux travaux des Orlelius, des Mer-
cator et des Hondius,
«C'est en lôgi que fut édité le premier atlas national, sous le titre de
Théâtre français , où sont comprises les cartes générales et particulières delà
France, dédié à Henri IV. Mais cest avec Nicolas Sanson, devenu con-
seiller d'Etat, que naît la cartographie vraiment scientifique. 11 publia
sous le ministère du cardinal de Richelieu une carte de France en plu-
sieurs feuilles, puis une carte fluviale et postale (1632-16^2).
(fOuelques années plus tard (1672), Cassini, Picard et Lahire cor-
rigeaient la carte de Sanson. Enfin, les feuilles de Cassini et, de notre
temps, la carte de l'Etat-major nous donnaient une image vraie de notre
territoire.
fr Telles sont, en résumé, les notions principales que le nouvel opus-
cule de M. Drapeyron nous fournit sur l'histoire de la cartographie
française. On y retrouve à la fois cet amour de la science géographique
et cet ardent patriotisme dont témoignent toutes les productions du
savant et infatigable directeur de la Revue de géographie , du zélé secré-
taire général de la Société de topographie de France, n
M. Bréal présente, de la part de l'auteur, une Lettre au directeur du
Muséon, par J. Imbert (1888, in-8°).
rfUn jeune employé de notre administration des finances, M. J. Ira-
bert, receveur de l'enregistrement à Tence (Haute-Loire), consacre ses
loisirs à l'étude des antiquités et des inscriptions lyciennes. Il a déjà
])ublié sur ce sujet des travaux qui ont attiré l'attention des savants
étrangers adonnés aux mêmes études. Je présente aujourd'hui à l'Aca-
démie un court article extrait du Muséon, où. M. Imbert propose des
lectures nouvelles pour l'inscription de Xanthus.
ff L'Académie accueillera avec intérêt cette preuve de savoir el de cu-
riosité scientifique, qui nous vient d'un jeune homme dont l'éducation
s'est faite toute seule, et dont les travaux méritent nos encourage-
ments, r.
M. Siméon Luce offre à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Ernest
Prarond , une publication intitulée : Valerandi Varanii De gestis Joantiœ
Virginis Francœ egregiœ bellatricis (Paris, 1889, in-8'').
ffCe volume, dit notre confrère, contient la réimpression d'un poème
latin sur Jeanne d'Arc, dont deux éditions furent publiées à Paris au com-
mencement du xvi" siècle, la première en i5i6, la seconde en 1621. Ce
poème, oîi l'on trouve une brève histoire de la Pucelle , depuis sa naissance
— 89 —
en \fi\-?. j«S(jua sa r»'l»aljilitalion on i/i56, est divisé en qnaliv cliaiils
et comprend plus dp trois mille vers hexanK^lres. f/anlour, (pii sest fait
connaître par un autre poème consacre h la prise de Gènes en i ^107, De
expuipiatione Genuemi , est appelé en latin, tantôt Valernndus Vavn-
uius, tantôt Vnlerondus ou Valnroitdus de Vamnis. Il y a donc lieu de
supposer (ju'en iranrais son nom devait être quelque chose comme \ ale-
rand Desvaiannes ou plutôt Desvarennes. Le nom de baptême Valerand
indique que ce laborieux versificateur, dont la vie a échappé justju'à
présent à toutes les recherches, devait être originaire de ta France du
Nord. I/auleur du De gestis Joantup Virginis nous dit. en eiïel, dans le
titre même du premier chant de son poème, rrValerandi V'aranii Ahha-
frvj7/et liber primus". qu'il t'iait Abbeviilois de naissance. M. Ernest Pra-
rond, natif d'Abbeville comme Valerand, a jugé que l'œuvre de son
compatriote n'était pas indigne d'une réimpression et, dans une préface
inspirée par le plus noble et le plus touchant patriotisme, il a dédié
cette réimpression à la ville d'Abbeville. Il y exprime celte idée profon-
dément juste qu'il y a, pour les cités comme pour les familles, une
noblesse morale (ransmissible de génération en génération et que c'est un
devoir de rappeler, d'entretenir pieusement toutes les manifestations, tous
les monuments de cette noblesse héréditaire. Comme il revendique au pre-
mier chef la tradition de patriotisme dont je parle pour sa ville natale, il
lui a semblé particulièrement inféi-essant de monirer que Jeanne d'Arc
avait été célébrée au xvi' siècle par un enfant de cette même ville, qui
a vu de nos jours naître et si stoïquement mourir poiu" son pays l'amiral
Courbet.
ff D'ailleurs, l'œuvre de Valerand ne se recommande pas seulement
par le sentiment de reconnaissance et d'admiration patriotiques qui l'a
dictée; elleofl're. en outre, une véritable valeur, moins poétique, il est
vrai, qu'historique. L'originalité de \alerand est d'avoir puisé les élé-
ments de sa narration dans les deux procès de condamnation et de réha-
bilitation, c'est-k-dire à la source la plus authentique. Un manuscrit de
ces deux procès était alors conservé dans la bibliotlièque de Saint-Victor
de Pitris, et l'abbé prêta ce manuscrit au versificateur abbeviilois.
comme celui-ci nous en prt'vient dans une dédicace placée en tête de
son poème et adressée à Georges d'Amboise, archevêque de Rouen : rSi
frquempiam delectet plenius historiam nosse, ex cœnobio Sancti \ictoris
ffParisiensis librum répétât quem aliquot dies mulualus sum, ubi
frabunde et ex fori judiciarii ordine omnia quœ transcripsi digerunlur. 'i
Cette pureté de la source mise à profit par Valerand explique l'exactitude
— 90 —
de ))eancoiip de détails dont son poème est semé. Aucini des historiens
anciens on récents de la Pucelle n'a, par exemple, mieux marqué la
situation de la chaumière où la vierge de Domremy vit le jour :
. . . Parentes
Vivunt Barricei fluviali in limite campi.
rf Mes parents vivent sur le bord d'un ruisseau situé près des confins du
ff pays de Barrois. -n
rrM. Ernest Prarond a donc fait une œuvre utile en réimprimant le
De gestis Joannœ Virginis , quoique toute la substance vraiment histo-
rique contenue dans ce poème dérive, comme l'avait très bien vu notre
regretté maître Jules Quicherat, des deux procès de condamnation et de
réhabilition. Il y a lieu de regretter seulement, d'une part, qu'il n'ait
pas collalionné le texte sur le manuscrit lô/iS de la bibliothèque Sainte-
Geneviève; d'autre part, qu'il n'ait point pris soin de numéroter les vers
du De gestis, précaution qu'il faut toujours prendre, pour la commodité
des renvois, lorsqu'on publie un texte en vers."
Ont encore été offerts :
Ahhandlungen der philosophisch-pliilologisclien Classe der Kônlglich Baye-
rischen Akademie der Wissenschaften,\^\\\, i" partie (Munich, 1888,
in-6°);
The American journal of philology, publié par B.-L. Gildersleeve,
vol. IX, n°' 2 et 3 (3/», 35) [Baltimore, 1888, ia-8°];
Annales du commerce extérieur, année 1889, 1" fascicule (Paris,
i889,in-8°);
Annales du musée Guimet. Reine de l'histoire des religions, publiée
sous la direction de M. Jean Béville, 9' année, t. XVIII, n" 9 (Paris,
1888, in-8^);
Atti délia Reale Accademia dei Lincei, 285' année, k' série, Rendi-
conti, vol. IV, fasc. 6-9 (Bome, 1888. in-i");
Bihlioteca naùonale centrale di Firenze. Bollettino délie pubblicazioni
italiane ricevule per diritlo di stampa , n"' 72-75 (Florence, 1888-1889,
in-8°);
Bibtioteca nationale centrale Vitlorio Emanuele di Roma. Bollettino délie
opère moderne straniere acquistale dalle hiblioteche pubbliche governative del
regno d'Italia, vol. III, n" 5 (Rome, 1888, in-8');
Bibliothèque de l'Ecole des chartes, XLIX, h' et 5° livraisons (Paris,
1888, in-8");
Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France , 1887 (Paris,
in-8");
— 91 —
(jonipte rendu sommaire des séances de la Snciclr phHomulht'iur de Pans ,
ir i (Paris, i88(), in-8");
Histoire de l'art dans l'niititjuil'' , |»ai- MM. (icMr{[f>s l'cirol , iiumiiIiip de
I liistiliit, fl Charles Cliipioz, lome V, livraisons -ja.'j-j-jô (Taris, 1889,
Histoire des (irccs, depuis les k'mps les plus reculés jusqu'à la réduction
de la Grèce en province romaine, par M. Vicloi" Diiruy, iiu^mhn" dfi
lliisliliil; nniivollc f'dilion, revue, rlc. lomo III, livraisons i.'îy-i'i'i
(Paris, 1888, jyr. in-8');
Journal asiatique, 8° série, Itmie \II. n' 3; lomo \lli,n° 1 (Paris,
1888-1889, in-8");
Mémoires de l'Ac(ulvmic des sciences, inscriptions ci bellcs-leltres de
Toulouse, 8° se'rie, tome \ (Toulouse, 1888, iii-8"):
Mémoires de la Société naliwialc des antiquaires de France, 1887
(Paris, iii-8'');
Ministère délia pubblica istruzionc. ludici e calalogki. IV. / codici pala-
tini délia R. Bihiioteca nationale centrale di Firenze, vol. I, fasc. 8 (Rome,
1888, in-8");
Miltcilun^rcn des akademisch-orientalistisclien Vcreins zu licrliu , n" 3
(Berlin, 1889, iii-8°);
Proccedinjjs of the Socicti/ of liihlical archœologij,\i)\. \l , -i' et .')' par-
ties (Londres, 1888, in-8");
Revista archcologica , estudos c notas, recueil publié sous la direction
de M. A.-C. Borges de Figneircdo, vol. III, n"' 1, •>, (Lisbonne, 1889,
in-8");
Rerue archéologique, publiée sous la direction de MM. Vlex. Bertrand
*'{ G. Perrol, membres de Tlnslitut, 3" série, t. \II (Paris, 1888,
in-8°):
Revue de l'Afrique française (directeur, J. Poinssot; secrétaire de la
rédaction, Aug. Geoffroy), 7* année, n" 55 (Paris, 1888, in-8°);
Revue des questions historiques, a3' année, 89" livraison (Paris, 1889.
in-8'');
Revue épigrapliique du midi de la France, dirigée par A. Vilnier, n' ôi
(Vienne [Isère], 1888, in-8");
Revue géographique internationale (directeur-gérant, Georges Benaud),
i3' année, n"' iSy, i58 (Paris, 1888, in-6");
RcA'uc numismatique , dirigée par MM. Anatole de Barlliélemv, Gustave
Srldinnbergei", niernbies de rinstitul. et Lrn<'>^l l'alx-jon 3" >;éri<'. (. VI,
'r Iriinrsdv .1.- |,S88 (Paris, 188S. iu-8");
— 92 —
SitzMigsberichte der philosopliiscli-plii/ologhcheu und historischeii Classe
der A. B. Akademie der Wissenschaften zu Mûnclien, 1888 (Munich,
in-8°); ^
Société des mùquaires de la Morinie. Bulletin historique, 87" année,
nouvelle série, xliS" livraison (Sainl-Omer, 1888, in-8°);
Viestnilc hrvatskoga arkeologiclwga druztva , 1 1' année, 11° 1 (Agram,
1889. in-8°).
COMPTAS KKNDUS DES SKANCKS
DE
L'ACADÉMIE FJES INSGRlPTlOiNS
ET lîELLKS-LKTTRES
PEISDAIST L'Ai\]\ÉE 1889.
COMPTES RENDUS DES SEANCES.
MARS-AVRIL.
PRESIDENCE DE M. BARBIER DE MEYNARD.
SEANCE DU l*' MARS.
L'Académie se l'orme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, l'ordre du jour appelle
l'élection d'un membre ordinaire en remplacement de M. le comte
Riant, décédé.
Le Président lit les articles du règlement qui concernent cette
opération. 11 rappelle que les candidats sont MM. (>lermont-
Ganneau, Courajod et de Lasteyrie.
Il y a 3/i membres inscrits et 35 bulletins.
Le Président procède à l'appel nominal pour s'assurer si un
membre présent n'a pas oublié de se faire inscrire. C'est, en effet,
ce qui avait eu lieu, et, cette inscription faite séance tenante, le
scrutin est déclaré bon.
Sur ces entrefaites, un autre membre étant survenu, la ques-
tion se pose s'il sera admis à voter.
L'Académie décide que le scrutin ayant été déclaré clos, il ne
peut être admis à déposer son bulletin.
On dépouille ensuite le scrutin. La majorité requise est i8.
xvrr
l>tril1llRtX liTIdXAtl.
— 9/1 —
M. Clermont-Gaimeau obtient 1 6 suffrages; M. de Lasteyiie, i li ;
M. Courajod, 5.
Aucun candidat n'ayant obtenu la majorité absolue des suf-
frages, il est procédé à un second tour de scrutin.
Il y a 36 votants; majorité 19.
M. Clermont-Ganneau obtient 3i suffrages; M, de Lasteyrie, U;
M. Courajod, 1.
En conséquence, M. Clermont-Ganneau est proclamé élu. Son
élection sera soumise à l'approbation de M. le Président de la
République.
M. Tabbé Ddchesne lit une note dans laquelle il s'attache à
établir que le concile de Reims, du temps de l'évêque Sonnatius
(vers 626), imprimé dans les collections de conciles sur l'autorité
de Flodoard, est identique au concile de Clichy, tenu à la même
époque et dont le texte n'est connu que depuis 1757. Les canons
se suivent dans le même ordre, le texte est absolument le même,
sauf que Flodoard a supprimé le préambule avec le premier
canon, et transporté au commencement la liste des membres du
concile. Celle-ci est identique aussi dans les deux textes, à part
quelques légères variantes, qui s'expliquent non moins aisément
que celles des canons eux-mêmes. Du reste, Flodoard ne dit pas
que le concile dont il parle se soit tenu à Reims. Ce sont les
éditeurs des conciles qui ont introduit mal à propos cette déter-
mination de lieu.
M. Philippe Berger fait une lecture sur les monnaies des rois
de Numidie.
Il y a quelque temps, M.Ph. Berger avait communiqué à l'Aca-
démie une inscription dans laquelle il croyait avoir retrouvé le
nom de Micipsa. Celte lecture l'a amené à reprendre les monnaies
des rois numides, et il y a retrouvé, écrits en abrégé, non seule-
ment le nom de Micipsa, mais aussi les noms de Gulussa,.
d'Adherbal et d'Hiempsal. Il a pu ainsi rectifier les attributions
de toute une séiie de monnaies autonomes de la Numidie.
Une des conséquences de cette découverte est de nous montrer
comment les Phéniciens procédaient dans leurs abréviations,
l'jlle nous prouve qu'ils aimaient à les formel- de la première et
— !):) —
(Jo la (Jcniitîn; lettre (run mol ou ujème criinc légende. Jusqu'à
préseiil on se reliisait à admellre que cet usage cûl élé pratiqué
par les anciens peuples s('niiliqucs. Ainsi se trouve ouverte une
nouvelle voie à la leclun; des légendes monétaires, et peut-être
même de certaines inscriptions.
SÉANC.K DU 8 MARS.
M. d'Aubois de JiBAi.NviLLK comiuuniquc une note intitulée :
Pourquoi Propcrce a-t-il dit que le chef gaulois Vinlumaros se vantail
(ravoir le lihin pour ancêtre ^'^ ?
Suivant Properce, le chef gaulois Virdumaros, tué en 222 par
le consul Glaudius ^larcellus, se vantait de compter le lUiin parmi
ses ancêtres :
Genus hic Rheno jactabat ab ipso.
Cela veut dire que son père s'appelait Reno-genos. Les Gau-
lois avaient des noms d'homme composés, dont le premier terme
était un nom de divinité et dont le second terme était genos,
crfils dev; exemples, Totati-gcnos, «fds de Totatis ou Tentâtes»,
Camulo-genos, cffils de Camulos'^. Tentâtes et Camulos ont été
assimilés à Mars par les Romains. Comparez les noms grecs
Diogène, «fils de Zens ou Jupiter», Hermogène, «fds d'Hermès
ou Mercure». Le Rhin était un dieu pour les Celtes, de là le
nom de Reno-genos; comparez Eni-genos, fffils de l'Euus ou
yEnus», aujourd'hui l'Inn.
M. Oppert donne de nouveaux détails sur la métrologie chal-
déenne, en ce qui concerne l'arpentage des terrains ('-^.
Notre confrère a précédemment soutenu ce principe que les
Bahyloniens désignaient toute aire par une ligne, mesurée en
toises, cannes, aunes et pouces, qui formait la hase d'un rec-
tangle, dont la hauteur était constante, à savoir, une canne. La
toise avait deux cannes, comprenant chacune sept aunes de vingt-
quatre pouces; l'aune, de deux pieds de douze pouces chacun,
'" Voir aux (Communications, n" IX (p. « i i-i l 'i )■
'') Voir aux Commusiications, n" X ( p. 1 iT)-! 17).
— 96 —
a persisté chez nous jusqu'à la Révolulion. Cette dérogation, par
Tintroduction du chiffre sept, au système sexagésimal, a été
contestée par M. Aurès, de Nîmes. M. Oppert apporte main-
tenant un texte précis datant de Van /iqS avant notre ère,
qui prouve, dit-il, la justesse de sa théorie. Cet acte de vente,
daté de Sippara, rend compte de deux terrains, dont l'un mesure
2 3 cannes k aunes, l'autre 3 aunes 5 7 pouces, et le total est
évalué à ai cannes 5 ~ pouces. Donc, la canne comprenait
7 aunes. Le premier terrain a 35 aunes de long sur 33 de
large, donc 1,1 55 aunes carrées. Or ce chiffre de 1,1 55 s'obtient
précisément par l'application du nombre 7 : 23 cannes carrées
l'ont 1,1 27 aunes carrées, et le rectangle de U aunes sur 7 donne
28 aunes carrées; 1,127 et 28 donnent i,i5^. L'évaluation du
second champ donne un résultat analogue et confirme les théo-
ries de M. Oppert.
M. Ravaisson commence la seconde lecture de son mémoire
intitulé : Nouvelles considérations sur les monuments funéraires des
Grecs.
M. Théodore Reinach fait une communication sur Les monnaies
arsacides et l'origine du calendrier juif.
Les monnaies frappées par les rois parthes à l'usage de leurs
sujets grecs de Mésopotamie portent l'indication, non seulement
de l'année, mais encore du mois où elles ont été frappées. On
peut, d'après cela, déterminer la nature du calendrier usité dans
ces pays : c'était un calendrier luni-solaire. fondé sur le cycle de
Méton ou cycle de 19 ans; 7 années sur 1 y avaient i3 mois au
lieu de 12, et l'on connaît les rangs qu'occupaient dans le cycle 3
de ces 7 années : 6, i4, 17. Le calendrier ainsi réglé est iden-
tique au calendrier religieux des juifs, dont la confection n'est
pas antérieure au iv" siècle après l'ère chrétienne. M. Reinach
montre que très probablement c'est en effet de Rabylonie que
vient le calendrier juif : les docteurs des académies rabbiniques
de Babylonie l'ont emprunté à leurs voisins grecs et le sanhédrin
de Palestine ne lui a donné que la consécration légale.
— \)1 —
SÉANCE DU 1 5 MARS.
Le Secrktaire perpétuel donne lochiro (Tnn déorcl, on date
du 7 mars 1889, par Iccjiud le Pn-sidcnl de la Ue'[)ul)lique a
jij)prouve' rélection de M. (-lennonl-Ganneau comme membre
ordinaire.
Le Secrétaire perpétuel introduit M. Cicrmont-Ganncau et le
pre'sente à la (Compagnie.
Le Président invite 1\L Ciermont-Gannoau à prendre place
parmi ses confrères.
Le Secrétaire perpétuel donne connaissance à TAcadémie de
la mort de M. le commandeur Angelo Genocchi, pre'sident de
rAcadémie royale des sciences de Turin.
L'Académie désigne M. Hauréau pour donner lecture, à la
prochaine séance trimestrielle des cinq classes de ITnstitut, de sa
notice sur le Liber de copia verborum.
M, Ravaisson continue la seconde lecture de ses Nouvelles con-
sidérations sur les monuments faner aires des Grecs.
M. d'Arbois de Jubainville lit une note intitulée : De la compo-
sition pour crimes et délits chez les Celtes et du sens du mot praemia
dans César.
Suivant M. d'Arbois de Jubainville, quand César {De bello Gal-
lico, VI, xiii)dit que les druides, prononçant comme juges, éta-
blissent des prœmia et des peines, par le mol prœmia il a voulu
exprimer l'idée de la composition pour crimes et délits. La com-
position pour meurtre devait être usitée en Gaule : l'insolvable
qui, faute de payement, aurait été mis à mort, échappait à cette
peine par l'exil. Nicolas de Damas nous l'apprend.
SEANCE DU 22 MARS.
M. Geffrov, directeur de l'École française de Rome, adresse
au Président une lettre relative :
1° Aux louilles du P. Germano sous la basilique des Saints
Jean et Paul, au (lélius;
— 98 —
2° Aux rouilles du forum d'Auguslc, comnicncéos depuis le
9 janvier dernier, sous la direction de M. R. Lanciani;
3° A la création, à Rome, d'un Musée national destiné à rece-
voir les objets d'antiquité découverts dans la province de Rome,
et, jusqu'à nouvel ordre, ceux de la province d'Ombrie;
[i° Aux fouilles d'Ostie, dirigées, comme celles du forum d'Au-
guste, par M. R. Lanciani;
5° Aux fouilles pratiquées dans la nécropole étrusque de Vulci ,
appartenant au prince Torlonia ^'l
M. Edmond Le Rlant donne des détails sur les travaux de
l'Académie d'archéologie chrétienne à Rome.
rrM. Horace Marucchi, secrétaire de l'Académie d'archéologie
chrétienne présidée par M. deRossi, m'a communiqué, dit notre
confrère, quelques notes sur les séances de janvier et de février.
ff L'Académie des inscriptions y verra avec intérêt le nom d'un
jeune prêtre français, M. l'abbé Ratiffol, et la mention de son
étude sur un manuscrit grec du Vatican contenant la vie de saint
Macaire le Romain. La légende de ce saint est une sorte de roman
important pour l'histoire littéraire chrétienne. La façon dont il y
est parlé des Sarrasins et des Perses indique une compilation
antérieure aux conquêtes des Arabes , et de toute façon au x* siècle.
On y trouve une véritable Pcregrinatio ad sancta loca, qui peut se
placer à côté des itinéraires de la Palestine. Trois moines, qui
vont chercher saint Macaire dans sa retraite, partent d'un cou-
vent situé près de l'Euphrate, celui d'Asclépios, que nomme Théo-
doret. Ils se dirigent vers Jérusalem, où ils arrivent en huit jours.
Là ils visitent l'église du Saint-Sépulcre et y vénèrent la vraie
croix, qui était conservée à gauche de l'entrée de la basilique. De
Jérusalem, ils vont à Bethléem et prient dans la grotte de la
Nativité. A deux milles environ de Bethléem, ils voient, dit le
texte : tf l'étoile du Christ et le puits tî. M. l'abbé Batiffol, se réfé-
rant à d'autres itinéraires, a démontré que ce puits était celui dans
lequel, d'après une antique légende, était tombée l'étoile des
Mages.
C Voir aux Communications, n° XI (p. 1 17-1 ai).
— U«J —
ffDc liclliléeni, les pèlerins reviennent à Jérusalem, passant
par le nionl des Oliviers rroij le Christ monta au cieU; puis ils
parlent pour la Mésopotamie, passent le Tij;ie et viennent à
Ctési|>lion, où ils vénèrent les corps des Irois jeunes Hébreux
Anauie, Azarie et Misael.
ff Là finit la partie réelle de leur voyage, qui se termine par une
description de pays fantastiques.
crM. le docteur Ficker a présenté une série iniporlanle de {ilio-
lo{jraphies prises par lui d'après les sarcopha{[Cs chrétiens de
rEspaijne. Il sijjnale sept monuments inédits, à Ampurias, à
Gerona, au musée de Tarragone, à Madrid e( à Ecija. Ces sarco-
plia(fes reproduisent, avec un style [)articulier, les sujets courants
sur ceux de Rome et de la Gaule. Les nombreuses sculptures
cliri'liennes ([ue possède l'Espagne montrent, a fait obsei-ver
M. de Hossi, que le décret du concile d'Elvire contre les images
n'emportait pas une prohibition absolue, mais seulement une
défense locale et occasionnelle.
ffLes fouilles dirigées par l'illustre anti(|uaire dans la cala-
combe de Priscille se poursuivent; la relation très succincte que
j'en ai reçue mentionne la découverte d'un très bel escalier de
marbre, conduisant à un hypogée dont les parois sont couvertes
de signatures des anciens visiteurs, et d'une grande piscine, con-
tenant encore de l'eau. On a trouvé également des fragments d'une
grande inscription métrique du iv*^ siècle , dédiée à une personne
illustre, qui paraît, autant qu'on peut le reconnaître, avoir donné
à la CAincomhc 7iomenqîie decHsque , probablement sainte Priscille,
la fondatrice du célèbre cimetière.
ffUne communication relative à une inscription grecque du
xni* siècle a été faite par M. l'abbé Cozza.75
M. llÉRON DE ViLLEFOssE fait uuc Communication sur la nou-
velle exploration archéologique entreprise dans le courant de
l'automne dernier au Maroc par M. de la Martinière.
Ce jeune cl zélé vovageur est retourné à Volubilis, où il a dé-
cou\ert de nouveaux textes très intéressants. On y remarque sur-
tout un petit texte, très mutilé, (jui se rapporte à une llatninique
de la province ïiugilane, et nous fournil ainsi la preuve que celle
— 100 —
province possédait une assemblée provinciale, comme l'Afrique
proconsiilaire, la Numidie et la Maurétanie Césarienne. Une
autre inscription contient une dédicace impériale élevée par les
habitants de Volubilis en l'honneur de Volusien; elle présente
cette particularité que les noms de l'empereur ont été martelés.
Ce martelage a été exécuté après la défaite et la mort de Volu-
sien, et avant l'avènement de Valérien, pendant le règne éphé-
mère de l'usurpateur Émilien. On sait que ce dernier était Maure
d'origine; il est donc tout naturel de penser que son avènement
fut accueilli avec faveur en Afrique.
Dans une autre localité, Ad Mercurium, M. de la Martinière a
découvert une autre dédicace impériale en l'honneur de Gordien.
Entin, à Banasa, il a retrouvé la partie supérieure d'une inscrip-
tion publiée par Ernest Desjardins. Ce fragment permet de rendre
à Marc-Aurèle un texte qui avait été attribué à Commode.
M. Héron de Villefosse met sous les yeux des membres de l'Aca-
démie des estampages de ces textes, des photographies et des
plans détaillés de Volubilis et d'AdMerciinum. Il annonce que M. de
la Martinière se dispose à reprendre le chemin du Maroc pour
étudier surtout l'emplacement de Lixus. Cette étude doit donner
de très bons résultats, car rim[)ortance de Lixus, à l'époque oii
les Phéniciens étaient les maîtres du commerce, était considérable.
On y découvrira probablement des inscriptions phéniciennes. Il
serait donc utile que la Commission du Corpus des inscriptions
sémitiques et celle du Nord de l'Afrique donnassent des instruc-
tions au jeune archéologue.
Les propositions de M. Héron de Villefosse sont renvoyées à la
Commission des inscriptions sémitiques.
M. l'abbé Duchesne signale un passage de la vie du pape Gé-
lasell, qui confirme et précise les conclusions présentées, il y a
quelques années, par M. Noël Valois sur la jenaissance du style
épistolaire à la chancellerie pontificale. Cette renaissance se pro-
duisit au xn" siècle; elle eut pour effet de remettre en honneur
l'observation d'un certain rythme prosaïque, qui avait été usité
au v^ et au vi^ siècle. Le texte présenté par M. l'abbé Duchesne
donne le nom du chancelier qui opéra celle réforme : c'est Jean
— loi —
(laolimi, iiomiué chancelier eu 1088 par le pape Urhaiii 11, plus
lard pap« lui-niènie sous le nom de Gélase 11. Le rylhuie dont il
lil levivre rusu<je porte un nom qui permet de le rattacher à une
date précise : il s'appelle le cursus Lcomuus, du nom du pape saint
Léon le Grand (660-6G1), sous qui en effet il paraît avoir été
introduit.
M. Georges Perrot offre, de la part d'Ilanuli bcy, conservateur
du Musée impérial de Tchinli-kieuck, à Constantinople, le mou-
la<|e de la ])artie supérieure d'un cij)pe qui porte trois li<jues ou
plutôt trois bandes de cette écriture hiérogly[)lii(|ue, à caractères
en reliel", qui est connue sous le nom d'écriture haïualéenne et
que Ton attribue au peuple des Cliélas ou Héléeus. Ce moulage
sera déposé au Cabinet des inscriptions sémitiques. La provenance
exacte de la pierre n'est pas connue; elle a été envoyée à Con-
stantinople par le caïmakam d'Alexandrette, qui n'a pu dire sur
quel point de la province elle avait été trouvée.
M. ScHEFER demande quelle est la nature des caractères de
cette inscription.
M. Menant répond que la lecture de ces inscriptions est très
peu avancée. Ce qu'il y a de certain jusqu'à présent, c'est que
cette écriture est du genre boustrophédon , c'est-à-dire que la pre-
mière ligne commence à droite, et que la lecture doit s'y l'aire de
droite à gauche; puis, la seconde ligue commençant à gauche, la
lecture se poursuit vers la droite, et ainsi de suite. Il y a toute
certitude à cet égard, grâce à la comparaison de trois inscriptions
de Hamath, d'un nombre de lignes inégal, qui reproduisent un
même texte. Quant à la valeur des signes, l'assimilation en est
encore très conjecturale, malgré les travaux très sérieux auxquels
l'inscription bilingue de Tarkudémos a donné lieu.
M. l'abbé Eug. Mûller adresse à l'Académie, pour le concours
La Fons-Mélicocq de 1890, deux ouvrages intitulés, l'un: Guide
dans les rues et environs de Senlis (Senlis, 1887, in-8°), l'autre :
Découvertes archéologiques faites à la ralhédrale de Senlis en 188 j
(Senlis, 1887, iu-8", extrait du Bulletin du Comité archéologique de
Senlis).
M. Delaville Le Iloulx lait une lecture sur un nouvel exemplaire
— 102 —
de la Règle de Tordre des Templiers, qui vient d'êlre découvert,
sur ses indications, aux archives de la couronne d'4ra<|on, à Bar-
celone. Il date des dernières années du xiii" siècle, et, quoique
incomplet, donne d'importantes addilions aux Règles déjà
connues. Au point de vue historique, les exemples donnés par le
nianuscrit de Barcelone sont très importants, et spécialement
celui qui raconte en détail la prise d'Antioche et de Gastin par
le sultan Bibais en 1268.
M. J. Halévy commence la lecture d'un travail intitulé : Examen
critique des sources de la tradition relative aux martyrs chrétiens de
Nedjrân.
SÉANCE DU 99 MARS.
Il est adressé au Président de TAcadémic une lettre de faire
part de la mort de M, Hucher, conservateur du Musée archéo-
logicjue de la ville du Mans.
M. Alexandre Bertrand communique une inscription grecque
dont le iac-similé lui a été adressé par M. Salomon Reinach ^^\
L'estampage en a été envoyé à M. Reinach par M. Démosthène
Baltazzi, directeur des antiquités dans le vilayet d'Aïdin. Elle est
gi-avée sur le goulot d'un vase de bronze, découvert à Notium,
près de Colophon, et conservé aujourd'hui à Smyrne, dans la
collection de M. Van Lennep.
Celte inscription, gravée dans le sens rétrograde (de droite à
gauche), se lit ainsi : OXvyiTiîyov ei(xï rov <l>iX6<Ppovo5. D'après
la forme des lettres, on peut la rapporter, semble- 1 -il, au
v* siècle avant notre ère.
M. Weil estime que le trait le plus remarquable de cette in-
scription est la forme spéciale donnée à la lettre ^^^ dans le nom
propre OXv[X7rî^ov (qu'il faut, d'ailleurs, se garder de confondre
avec l'adjectif oXvixTriHOv).
M. Senart soumet à l'Académie deux pierres gravées et plusieurs
moulages de pierres gravées, provenant de la vallée de Caboul,
qui lui ont été communiqués par le capitaine Deane.
''' Voir aux Communications, 11" XII (p. f2t-} -j'.i).
— loa —
Une de CCS pierres [)ort(' une insciiplion en caracîlères indo-
aryons. .M. Senaii y lil le nom j;rcc de Tliéodanias. Mais ce nom
esl précédé d'une syllabe su, que M. Senarl rapproche du !ilT
de la série des monnaies indo-bactricnnes dites de 2i]TEI*M AK )w.
Il conclut de ce rapprochement qu'il faut renoncer à l'aire de
celte syllabe une addition purement fortuite et complètement
erronée de graveurs maladroits. Il se demande, à titre de simple
conjecture, si cette syllabe ne pourrait pas représenter une abré-
viation de a-jpos, le nom de Syrien étant pris dans le sensgéné-
r'i((ii(' de Grec.
M. Senart signale, d'autre part, une pierre gravée de même
style, appartenant au (^abinet des médailles et portant le nom
indien de Punamala. Par le type, elle se rattache étroitement,
comme une autre pierre dont il présente le moulage, aux mon-
naies du roi indo-parihe Gondopharès.
Tout tend donc à ramener ces trois petits monuments à la
même période, au commencement de l'ère chrétienne.
Ils ont d'autant [)his d'intérêt que les pierres gravées de cette
provenance, garantie par des épigraphes, étaient jusqu'à présent
inconnues.
M. Hw.ussoN continue la seconde lecture de ses Nouvelles con-
sidérations sur les monuments funéraires des Grecs.
SÉANCE DU 5 AVRIL.
M. Fabretli, sénateur du royaume d'Italie, correspondant de
l'Institut, adresse à l'Académie, pour la Commission des inscrip-
tions sémitiques, le cliché négatif de la photographie d'un pa-
pyrus araméen conservé au Musée royal de Turin.
M. RwAissoN termine la seconde lecture de ses Nouvelles consi-
dérations sur les monuments funéraires des Grecs.
M. Gustave Sohliimbergek met sous les yeux des membres de
l'Académie une fort belle bague d'or massif, qui appartient à
M. le baron Piclion , et qui ollre un précieux échantillon de l'or-
fèvrerie byzantine du x" siècle '^^.
<•' Voir aux Communications, ii" XIII (p. 138-1 an).
— lO/i —
iM. Siniéon Luge lit une note qui porte pour litre : Jacques d'Arc,
père de la Pucelle, locataire du fort de File de Domremij.
On connaît, par divers documents, l'existence à Domremy, au
xv^ siècle, d'une maison forte, entourée dun grand jardin et
munie d'ouvrages de défense, appelée le château ou le fort de
rile. La Pucelle, dans son interrogatoire, dit qu'il lui était arrivé,
étant enfant, d'aider les habitants du pays à conduire leurs bes-
tiaux dans celte maison, pour les mettre en sûreté contre les
bandes de gens de guerre qui couraient le pays. Or, il résulte
d'une découverte toute récente, faite aux archives de Meurthe-et-
Moselle par M. J.-Ch. Chapellier, que le père de Jeanne, Jacquol
ou Jacques d"Arc, était l'un des deux locataires qui avaient pris à
bail, des seigneurs de Domremy, l'exploitation du fort de l'Ile.
L'acte de location, passé par-devant notaire et daté du 2 avril
1620, vient d'être publié par M. Chapellier dans le Journal de la
Société d'archéologie lorraine. Le bail est fait pour neuf années,
ayant commencé à courir le 2^ juin 1^19 et devant expirer par
conséquent à pareil jour de l'année 1 /i2 8. Le frère aîné de Jeanne,
Jacquemin d'Arc, figure parmi les garants du contrat.
M. Halévy continue sa communication sur la légende des
martyrs chrétiens de Nedjràn.
SEANCE DU 12 AVRIL.
Le Président annonce à l'Académie que, suivant les usages, la
prochaine séance aura lieu le mercredi 17 et non le vendredi 19,
qui sera le Vendredi saint.
Le Ministre de l'instruction publique informe l'Académie qu'il
vient d'autoriser, sur sa demande, M. le Directeur de l'Ecole fran-
çaise de Rome à lui adresser à une date ultéiieure les mémoires
des membres de ladite Ecole, et il fait connaître les raisons que
M. le Directeur de l'Ecole invoque pour justifier ce retard.
M. le docteur Bournet adresse à l'Académie le catalogue d'une
bibliothèque italienne dont une partie est destinée à l'Ecole fran-
çaise de Rome, et il demande rcsi l'Académie des inscriptions et
belles-lettres accepterait cette donation ^1.
— lo:
L'Acadoniie na point à so prononcer sur cette question.
Kst adresse' à TAcadi^niie, pour le concours des Anli(piilés de
la France, (jui sera ouvert en 1890 :
Mémoires cVOlimer de la Marche, muUre (T hôtel cl capitaine des
gardes de Charles le Téméraire, puljlii's, pour la Société de l'his-
toire de France, par Henri Bcaune et J. d'Arbaumonl (Paris,
1883-1888, h vol. in-8").
M. ViOLLET coninience la lecture d'un travail intitulé : Gallo-
Bomains et Barbares.
On peut constater, dit notre confrère, entre les Gallo-Roniains
et les Barbares, certains courants de sympathie qui s'expliquent
par diverses causes. L'une de ces causes a dû être un élat de civi-
lisation commun aux Barbares et aux classes inférieures de la
population gallo-romaine. On peut en voir une autre dans le
désir d'échapper à la domination romaine, devenue oppressive et
impuissante, désir qui devient très apparent en Gaule au v^ siècle.
Dès le milieu du iii*^ siècle, un évéque chrélien (qui d'ailleurs
ne se rattache pas à la Gaule), Commodien, montrait une véri-
table sympathie pour les Barbares qui envahissaient ou qui mena-
çaient l'empire.
M. Abel des Michels, professeur à l'Ecole des langues orien-
tales vivantes, fait une communication sur Une chanson politique
chinoise au temps des Huns.
M. des Michels donne connaissance d'une énigme ou jeu de
mots historique, produite par la décomposition de certains carac-
tères, et renfermant un sens politique. Cette énigme, que l'on
trouve dans le Tsin chou (annales olïiciellcs de la dynastie des
Tsi'n), fait allusion à la fondation de la dynastie des Tchad pos-
térieurs par le chef hun Chï lé. M. des Michels en donne la clef
et discute la valeur qu'il y a lieu de lui accorder, ainsi qu'à une
variante contenue dans l'ouvrage chinois apocryphe intitulé: Clu
laù kouô Ich'hn tsieoû.
— lOf) —
SÉANCE DU 17 AVRIL.
(Séance avancée an mercredi à canse du Vendredi sainl.)
M. VioLLET termine la lecture du IVagment qu'il a intitulé :
GaUo-Romains et. Barbares.
Les Burgoncles, dit notre confrère, lurent appelés, comme les
Visigoths, par un complot, un complot des Lyonnais ('^57). Il
est vrai cjue Lyon fut repris par Majorien, mais il est permis de
croire que ce prince ne poussa pas très loin ses avantages.
Les Bretons arrivèrent en amis et furent reçus comme tels : ii
paraît bien que, comme les Visigoths et les Burgondes, ils
reçurent des terres à titre d'hospites.
Après Tinvasion des Francs, les empereurs d'Orient ne per-
dirent pas de vue les Gaules et continuèrent à jeter sur ce pays
des regards de convoitise.
M. Gaston Boissier demande à faire quelques réserves sur cer-
taines expressions dont M. Viollet s'est servi dans sa première
lecture.
M. Viollet a dit que les populations gallo-romaines avaient
éprouvé, dès le début, une très vive sympathie pour les Barbares.
L'expression, dans sa généralité, paraît trop forte à M. Boissier.
Sans doute, en certains pays, les rigueurs de la fiscalité romaine
avaient exaspéré les habitants. Quelques-uns s'étaient enfuis chez
les Barbares; beaucoup les appelaient et les ont bien accueillis.
Mais en fut-il ainsi partout? les sentiments des classes populaires
sont toujours, après quelque temps, difficiles à constater; ceux
des classes éclairées se reflètent dans les écrivains contemporains;
or, tous les écrivains de cette époque se montrent fort attachés à
la domination romaine et très ennemis des Barbares.
M. Hauréau fait remarquer qu'un auteur, au moins, a mani-
festé, et bien haut, sa sympathie pour les Barbares : c'est le prêtre
Salvien.
M. Boissier répond : Salvien seul, en effet, semble faire excep-
tion; mais il faut remarquer que, s'il a fait tant d'éloges des
mœurs des Baibares, c'est qu'il voulait justifier la Providence; il
tenait à démontrer que cette fois, comme toujours, Dieu avait
— 107 —
donne la victoire à ceux qui la méiilaicul le mieux. Il es! diflicile
de croire, sans preuves, qu'il y ail eu partout autant d'opposi-
lion entre les opinions du peuple et celles des classes éclairées
([uc le suppose M. Viollel. En jfénéral, M. Viollet a Iroj) adouci
les traits de cctle histoire. Il semble, à lentendre, que les choses
se soient passées d'un commun accord, prcs(]U(! d'une mani<''re
pacilique. II n'en est rien : l'invasion a été violente et teirihle. Il
sullit, pour en être convaincu, de lire les textes des conlctn-
porains, et surtout le curieux poème de Paulin de Pella. Ou peut
être sûr que ceux même qui avaient ap{)laudi d abord à l'arrivée
des Barbares, quand ils les ont vus s'établir chez eux en garnisaires,
sous le nom d'hôtes, et prendre les deux tiers de leurs biens,
ont dû être fort irrités. Il ne faudrait pas connaître les paysans
de tous les temps pour croire qu'ils aient accueilli avec beaucou[)
de ffsympathiei des gens qui venaient leur prendre leur argent
et leurs teries. Ce qu'on peut dire, c'est que les anciennes popu-
lations se sont assez vite résignées au voisinage et à la domina-
tion des Barbares. Cette résignation s'aperçoit déjà dans Orose,
au lendemain de l'invasion; et c'est ainsi que la lusion n'a pas
lardé à se faire entre les vainqueurs et les vaincus.
M. Deloohe, dans le même sens, rappelle la défense énergique
qu'opposa aux cnvahisseui'S la population de Langres, conduite
par son évéque. 11 cite également la courageuse conduite des habi-
tants de Clermont, qui, au temps de Sidoine Apollinaire, résis-
tèrent pendant douze ans à toutes les forces du roi Euiic. De tels
faits prouvent sulïisamment ([uo les habitants de la Gaule n'éprou-
vaient à l'avance aucune synq)alliie pour la domination des Bar-
bares. Mais, (|uand ceux-ci furent établis, ils durent profiter du
sentiment de lassitude générale causé par les exigences écrasantes
du fisc impérial. En outre, les Francs, en particulier, trouvèrent
un appui dans l'épiscopat callioli(|ue, (|ui les préférait naturelle-
ment aux Goths et aux Burgondes ariens.
M. Hauréau communi(|ue à l'Académie quelques extraits d'un
sermon du chancelier Philippe de Grève, où il est fait mention
d'un hérétique el d'un concile de Beims, jus([u'à ce jour inconuus.
Cet lii'i'('li((U(', qui se uouMn.-iil Guicluird, lui brûlé. On i<fiu)re
~ 108 —
quelle e'tait sa doctrine; mais on voit dans le sermon qu'il la justi-
fiait par les livres saints, dont il citait une version française.
Uéve'nement eut lieu vers Tannée 1280.
M. le comte de Charencey fait une communication relative à
la langue mam. parie'e dans le Soconusco (Mexique occidental).
«Cette langue appartient incontestablement, dit M. de Cha-
rencey, à la famille maya -quiche. Nous avions d'abord cru,
ajoute-t-il, à cause du caractère compliqué de son système de
conjugaison, qu'elle formait un groupe à part dans cette l'amille,
à la fois différent du groupe occidental (quiche et pokome) et
du groupe oriental (maya et tzendalc). L'étude de ÏArte du
R. P. Reynoso nous a obligé à modifier notre façon de voir. La
complication bizarre de son système verbal est en partie due à
l'intrusion d'éléments mexicains, lesquels ont exercé en mam une
influence véritablement extraordinaire et dont on retrouverait
difficilement l'analogue ailleurs.
cfA presque tous les autres égards, l'idiome en question se
rapproche surtout des dialectes occidentaux. Comme eux, par
exemple, il maintient toujours la gutturale finale et ne la trans-
forme jamais en nasale, comme cela a souvent lieu en maya. Dans
la formation de ses noms de nombres supérieurs à dix, le mam
suit scrupuleusement la règle observée en quiche. Il dira, par
exemple, hunlnhuh, ffonzew, littéralement fr un-dix», tandis que
le tzendalc, qui est du groupe oriental, se servirait de la forme
lagchunem, littéralement ffdix-umi.
frSur un seul point, le mam s'éloigne de ses congénères occi-
dentaux : non seulement il ne possède pas la gutturale r, dont le
maya est également dépourvu, mais quelquefois même il la
transforme en «/, comme les dialectes orientaux.
ff Pour nous résumer, le mam nous lait l'effet d'une langue pour
ainsi dire intermédiaire entre celles du groupe orientai et celles
du groupe occidental, mais se rapprochant surtout de ces der-
nières. Dans notre France, n avons-nous pas l'exemple de certains
patois intermédiaires entre la langue doïl et la langue d'oc?v
00
SÉANCE Di; af) WRII,.
M. Bailly, nionibre do rAcademie des beaux-arts, président
de la Société' des artistes français, écrit au Secrétaire perp('tuel
pour l'informer que les membres de Tlnslitut pourront, comme
les années précédentes, visiter le Salon de cette année, sur la
présentation de leur médaille, à partir du 3o de ce mois.
M. ViOLLKT communique une étude intitulée : L'assemblée du
peuple à l époque fvanque.
Les affaires de peu d'importance étaient soumises, écrit
Tacite, à la délibération des principes; les grandes à celles de
tous. Pour donner un vote favorable, on agitait les framées. Ce
vole par les armes, qui d'ailleurs n'est point spécial aux Ger-
mains, se retrouve à l'époque barbare cbez les Lombards, où il
prend le caractère d'un rite juridique consacré; on le retrouve
aussi chez les Scandinaves.
Les assemblées populaires ne disparaissent pas entièrement à
l'époque barbare; nous en suivons la trace au vi* siècle; elles sub-
sistent au vu", au viif et au ix* siècle.
Au VIII* siècle, une sorte de fusion paraît se consommer entre
les assemblées du peuple et les synodes.
En principe, la loi ne pouvait être modifiée sans l'assentiment
du peuple, et peut-être l'unanimité était-elle théoriquement
exigée.
M. Delochk fait des réserves sur ce dernier point, ainsi que sur
des rapprochements que M. Viollet a cru pouvoir faire avec cer-
taines institutions des Kabyles.
M. Dlruy ne peut accorder qu'il subsistât, sous le Bas-Empire
romain, ainsi que M. Viollet a paru incidemment vouloir le faire
entendre, aucune trace du principe de la souveraineté populaire.
M. Viollet explique qu'il n'a parlé que d'un souvenir théo-
rique et en quelque sorte littéraire, qui existait dans l'esprit des
hommes instruits, mais auquel ne répondait, il l'accorde bien
volontiers, aucune réalité dans la pratique.
M. J. Halévy continue et termine sa communication sur les
martyrs chrétiens de Nedjràn.
XVII. c
MraïUtBlK AATtO>tALK.
— 110 —
La légende relative au martyre des chre'tieus de Nedjrâu,sous
Dhou Nouwas, roi juif des Himyarites, repose, dit M. Hale'vy, sur
trois écrits principaux, tous rédigés en langue syriaque. Les deux
premiers, savoir, la lettre de Jacques de Saroug aux Himyarites
et Thymne de Jean Psaltès sur les martyrs de Nedjrân, sont au-
thentiques. Ils se rapportent aux querelles qui eurent lieu à Nedj-
rân entre la communauté des Syriens monophysites, qui était
l'alliée naturelle des Romains, et la communauté juive de la
même ville, qui, en considération des maux qui accablaient les
juifs de l'empire romain, favorisait la politique persophile du roi.
Les chrétiens ayant massacré deux fils d'un notable juif, celui-ci
demanda et obtint de la part du roi un acte de répression contre
les chrétiens. Cettre répression fut grossie en passant de bouche
en bouche et changée en u(ie persécution religieuse. Mais les
deux auteurs qui viennent d'être nommés ne disent nullement
que le roi himyarite ait professé la religion juive.
M. Halévy examine ensuite le troisième document relatif à cet
événement, la lettre syriaque attribuée à Siméon, évêque de
Beth-Archam, et formant la base du Martiimim Arethœ, comme
de tous les historiens et ménologistes postérieurs. Après avoir
tracé l'histoire des personnages qui y sont mentionnés et analysé
le style mêlé d'arabismes de la compilation. M, Halévy arrive à
la conclusion que la partie la plus ancienne de la lettre a été ré-
digée, non pendant le règne de Justin, comme on le croit ordi-
nairement, mais vers la fin du règne de Justinien.
Quant à la persécution des chrétiens par le roi juif d'Himyar,
c'est une légende inventée par un écrivain monophysite, afin de
susciter une persécution contre les juifs et do détourner ainsi de
sa secte les rigueurs de l'empereur orthodoxe.
COMMIMCVTIONS.
N" I\.
POUHQLOl l'ROPRRCR \-T-ll. DIT OIK I,i; CIIEI' CAUI.OIS VIRDIJM AHOS
SK VXATAIT D'AVOin LK lUIKN l'OlR ANCRTHE? l'VH M. D'AP.BOIS DK
JUBAINVILLE.
(séance du 8 MARS 1 889. )
Les Grecs ont formé un certain nombre de composés dont
le second ferme eslyévvs et qui expriment l'idée d'une filiation
mythologique : Qeo-yévtjs, ^lo-yévtjs, Zvvo-yévris , AaxXtiTTio-
yévrjç, ÈpfjLo-yévns- En gaulois -gcnos, latinisé en -genus par
les Romains, renq)lit une fonction identique à celle de yévr)ç
en grec. De là, par exemple, dans une inscription de Rome
(C. l. L., VI, 9Û07), le nom du soldat gaulois Totati-genus.
Totati- est le nom du dieu gaulois que deux autres inscrip-
tions appollont Toutalis (C. l L., III, 539 o; VII, 8/1) et
assimilent à Mars. C'est le Tentâtes de Lucain :
Et quibus immilis placalnr sanguine diro
Toula les.
(Pharsale, I, 644-445.)
Il y eut d'autres dieux gaulois que les Romains assimilèrent
à Alars. L'un était Camulos (C. L L., VII, i to3; Rrambach,
iG/i); de là le composé Camulo-genus, nom d'un chef au-
lerque dans les Commentaires de César : Camulo-genus veut
dire fds du dieu Camulos, comme Totati-genus, fds du dieu
Totatis, et Totatis n'est qu'une notation relativement moderne,
de l'archaïque Tentâtes de Lucain.
Dans des inscriptions de Bordeaux on a trouvé le nom
d'homme Divo-genus et le nom de femme Divo-gena (Jullian,
Inscriptiona romaines de Bordeaux). Ces noms expriment en cel-
8.
— 112 —
tique une idée identique à relie qu'exprime en grec le nom
d'homme Seo-ysvtis.
A la même famille appartiennent des composés dont le pre-
mier terme exprime une idée abstraite. Tel est le gaulois
Rectu-genos ( C. /. L. , II , 2 /i o 2 , 2 9 0 7 ) ou Rechtu-genos , écrit
Rextu-genos sur le monument de la Vénus de Caudebec qu'a
savamment étudié M. Héron de Villefosse. Ce nom veut dire
«fils du droit»; on peut comparer les noms grecs Aixaio-ysws
et &s{xia1o-y£vr]s, qui ont le même sens. Bud-ien, dans le
Cartulaire de Redon, est la forme moderne d'un nom gaulois
*Bodi-genos et signifie «fils de la victoire»; c'est ce que veut
dire le grec 'Ntxoyéviis.
La paternité mythologique a été chez les Celles attribuée
aux minéraux. On trouve dans le Cartulaire de Redon les
noms d'hommes Hoiarn-gen, Esarno-genos, «fils du fer», et
Dubr-ien, Dubro-genos, «fils de l'eau».
Les Celtes croyaient à la divinité du fer et à celle de l'eau,
par conséquent à la divinité des rivières. Cette croyance
explique le vers où Properce, parlant du chef gaulois Virdu-
maros, tué par le consul Claudius Marcellus l'an 229 av. J.-C,
dit que Virdumaros prétendait compter le Rhin parmi ses an-
cêtres :
. . . genus hic Hheno jactabat ab ipso.
( Livre V, élégie i o , v. 4 1 . )
Cela veut dire qu'il était fils de Reno-genos. Reno-genos
était le nom de son père, lui s'appelait Virdu-maros Reno-
geni-cnos. Le Rhin (c'est-à-dire non seulement le grand fleuve,
mais tout amas d'eau, rian, en irlandais «la mer») était dieu.
De *Reno-genos on peut rapprocher Eni-genus, nom du
père d'un certain Secundus, qui près de Vence fit élever une
stèle funéraire à ses enfants (C. /. L., Xll, 33). Eno-genus
veut dire fils de l'Enus ou mieux de l'vEnus, qui est l'Inn.
— 113 —
La croyance à la divinité de l'eau et du fer, qui a donné
naissance à des noms comme Dubro-gcnos, Esarno-gonos,a eu
son eiïel dans l'ordre dt.'s choses juridiques. Le ler, c'est-à-
dire l'épée, était le juge des cont<'stations, non seulement
quand les parties recouraient aux armes, mais aussi quand le
serment d'une des parties décidait du gain du procès : les
L'iandais juraient sur leur épée et croyaient que l'épée se levait
elle-même pour frapper le parjure. L'épreuve de l'eau bouil-
lante était usitée dans le droit irlandais comme dans celui
des Germains. Des deux côtés on l'appelait l'épreuve du chau-
dron, calre en irlandais, aeneum dans la loi salique; mais ce
n'était pas le chaudron, c'était l'eau qui, en brûlant le cou-
pable, faisait triompher la justice. Le Rhin, en qualité de dieu,
était le juge des femmes mariées dont les maris suspectaient
la fidélité; il engloutissait, disait-on, l'enfant adultérin qui,
couché sur un bouclier, était exposé au hasard des flots par
un mari soupçonneux; l'enfant légitime surnageait-
Un poète grec anonyme a chanté cette épreuve juridique :
il peint les inquiétudes de la mère qui, après les douleurs de
l'enfantement, ressent des angoisses nouvelles et attend toute
tremblante le jugement des flots agités. Si l'on prenait cet au-
teur à la lettre, tous les enfants des Celtes auraient été soumis
à cette redoutable épreuve'^'; il est évident qu'il ne faut pas
l'entendre ainsi. En règle générale, chez les Celtes comme
chez les Germains, on ne recourait aux ordalies, au ju-
gement de Dieu, que lorsqu'il y avait contestation et que
les autres preuves faisaient défaut, et il faudrait connaître
bien mal le cœur humain pour admettre (ju'un mîiri croyant
être père aurait exposé son enfant au danger de périr dans
les flots (2'.
'') xai otJ xs'ipoi eiat TOKVEi
*-) Anlholofriit . I. 1\, ép. laô; éd. Diilol. I. II, p. a'i.
— lU —
Il serait intéressant de savoir à quelle date l'épigramme
^^recque dont nous parlons remonte. Nous l'ignorons; elle est
probablement la source où a puisé l'empereur Julien quand il
parle de cet usage dans son second discours à l'empereur
Constance, et surtout dans une lettre au philosophe Maxime.
Voici comment Julien s'exprime dans son discours : «On
dit que chez les Celtes un fleuve est le juge incorruptible de
la légitimité des enfants: jamais les pleurs des mères n'ob-
tiennent de lui qu'il voile et cache leur faute; les pères atten-
dent sans crainte la sentence qu'il prononce sur les femmes
et sur les enfants; c'est un juge véridique et qui ne ment
pas^. » Julien ne dit pas ici le nom du fleuve dont il s'agit,
il est plus explicite dans sa lettre au philosophe Maxime :
«On ne peut, écrivait-il. accuser le Rhin d'injustice envers
les Celtes, car il engloutit dans ses flots tourbillonnants les
bâtards et punit ainsi la profanation du lit conjugal; mais
quand il reconnaît qu'un enfant est légitime, il le tient élevé
au-dessus des eaux et le ramène entre les mains de la mère
tremblante; en le lui rendant plein de vie il est en quelque
sorte le témoin incorruptible de la vertu et de l'honneur de
l'épouse '^^.»
Le Rhin était donc une divinité. Reno-genos voulait dire
fils du dieu Rhin, et, en supposant que Reno-genos était le
nom du père de Virdu-maros, on peut expliquer sans difiiculté
le vers de Properce.
'■' Oratio II, édition Herllcin (Bibl. Teubner) , p. ioù-io5.
f'' Ed. Hertlein, p. ^go. L'idée de la mère tremblante, rpsyLovar) , parait eii!-
pruntée par Julien à Tépigramme, dont l'auteur a écrit Tpofiéovaoï.
— 1 1 ô —
N° X.
.•\OTE SUR LES MESURES CIIALDÉE.\.NES DE SUPERFICIE.
PAU M. i. OPPERT.
(séance du 8 HÀBs 1H89.)
M. Opport a depuis Irenle-cinq ans retrouvé la base de la
métrologie assyrienne. Dans ce laps de temps, il lui a été donné
de faire des découvertes nouvelles et de rectifier sur quelques
points ses premières opinions. L'étude des textes juridiques,
«jui sont remplis d'indications relatives aux poids, aux mesures
de capacité et aux évaluations de superficie, lui a permis
d'établir les systèmes qui étaient en usage pendant les quatre
mille ans durant lesquels on peut suivre le développement de
la métrologie assyro-chaldéenne. Des calculs assez compliqués
ont fait connaître, entre autres, le système usité en Chaldée
pour évaluer l'étendue des terrains achetés et échangés. Le sys-
tème principal était la division sexagésimale, mais des considé-
rations religieuses et mvsliques en ont. quelquefois fait aban-
donner l'observance stricte et y ont introduit des nombres
premiers étrangers au système, qui a pour base le chiftre
soixante. Quoique les Chaldéens divisassent le jour en vingt-
quatre heures de soixante minutes, ils employèrent la semaine
de sept jours, et cet usage antique de la division du temps,
parvenu jusqu'à nous, est presque la seule chose qui ait sur-
vécu aux réformes mélrologiques de la Révolution française.
Bien que les mesures itinéraires eussent été presque toutes
établies d'après le système sexagésimal, les Chaldéens em-
ployèrent dans l'arpentage un autre élément. Ils calculaient les
surfaces agronomiques d'après des rectangles dont la hauteur
était constante. Celle-ci n'était jamais exprimée, et il a fallu
la retrouver par le calcul.
Cette hauteur constante était celle d'une canne, c'était la
— 116 —
moitié (le la toise, et elle se subdivisait en sept aunes de
vingt-quatre pouces chacune. La surface est donc toujours
donnée par la base seule, en toises, cannes, aunes et pouces.
Des textes précis nous prouvent que les Chaldéens exécutaient
des calculs avec une merveilleuse habileté, et qu'ils savaient
faire des calculs sur des nombres de si^v chiffres. Un champ ren-
fermé dans quatre côtés de 596, 56o, 5i8 et boh pouces
est évalué à 10 cannes 3 aunes 7 pouces, ou 1,769 pouces
agraires, chifï're qu'il nous faut, pour exprimer la même sur-
face en pouces carrés, multiplier par 168, nombre des pouces
qui composent la canne. Pour calculer cette surface ,Hes Chal-
déens prenaient les moyennes des longueurs des côtés, deux
à deux, soit 678 et 5ii ; le produit de ces deux nombres
donne 996,358, ce qui, divisé par 168, donne 1,768 et une
fraction '^'.
Beaucoup de calculs ont permis à M. Oppert d'établir le
fait de l'introduction du chiffre sept. M. Aurès, de Nnnes, a
nié ce fait et a voulu, au mépris des chiffres transmis, et en
les changeant arbitrairement, introduire le calcul sexagésimal,
en donnant a la canne sept aunes et demie. Mais aucune éva-
luation cunéiforme ne s'accorde avec cette hypothèse, et M. Op-
pert a dernièrement trouvé, dans un recueil de textes publiés
par M. Peiser, de Berlin, la confirmation directe de tout le
système chaldéen.
Un acte de vente du à Marcheswan de l'an 29 de Darius I"
(/igS av. J.-C.) fournit l'évaluation suivante de deux champs :
1" 2 3 cannes h aunes; 2" 3 aunes 5 -f pouces; total, 9/» cannes
5 Y pouces.
Comme quatre et trois font sept, ce passage prouve direc-
tement ce que M. Oppert avait obtenu par le calcul, c'est-à-
dire que la canne se composait de 7 aunes, l'aune agraire, de
f') En réalité, un tétragone de 096, 060, 5i8 et 5o4 de côté ne peut être
au maximum que de ",Y,"-= 1757.
— 117 —
7 aunes (■arn''('s, cl lu caiine aifiuirc ou canne carrée, de
U^ aunes carrées.
Car il est dit en outre que le premier champ avait 35 aunes
de long sur 33 de large, ou i,i55 aunes carrées; le second
champ avait 5 aunes de long sur /i 7 de large, ou aa faunes
carrées.
Or, 9 3 cannes h aunes donnent aS X /ig = 1 , « 97,
/i X 7 = 98, total 1.1 55.
De plus 3 aunes iiX7 = 92 '^, ou 99 | (4-^)-
Le maximum des aunes carrées t|uepeut contenir un paral-
lélogramme de 35 et 33 de côté est 1.1 55, et non pas
1,39 3 Y, ce que donnerait l'hvpothèse de M. Aurès.
Le système émis par M. Oppert a donc été conlirnié par
les découvertes récentes.
N° XL
LETTRE DE M. GEFFROV, DIRECTEUR DE L'ÉCOLE FRANÇAISE DE ROME.
(SÉARCE DU a a MARS 1 889. )
Monsieur le Président et cher confrère,
Si je ne vous ai adressé aucune lettre depuis quelques
semaines, depuis ma visite au nouveau musée installé dans la
Villa (li Papn Giulio, où sont exposées les antiquités falisques;
ce n'est pas, vous pouvez le penser, que les découvertes ici
fassent défaut, c'est que, bien plutôt, elle se multiplient de
telle sorte que le temps manque à les suivre et à les décrire.
Les fouilles du P. Germano sous la basilique des saints Jean
et Paul ne sont sans doute pas terminées, et il peut y avoir
encore quelque partie de la maison antique à découvrir. Les
travaux étaient du moins assez avancés au commencement de
ce mois pour qu'une cérémonie religieuse, suivie d'une con-
férence de M. de Rossi, convoquât une nombreuse assistance.
Il v a, en somme, sept chambres ornées de peintures. Les
— 118 ~
plus aiicieiiiies dalciit de la fin du second ou du comtnence-
ment du m* siècle; elles décorent la chambre principale, pro-
bablement le tablinum de la maison antique. C'est là, pendant
la matinée du 8 mars, que près de cent personnes se trou-
vaient réunies. Ces peintures ont, pour la première fois,
fourni la preuve que les représentations symboliques si fré-
quentes dans les Catacombes se rencontraient aussi dans les
habitations privées: il y a ici, outre l'Orante, Moïse montant
au Sinaï, le Bon Pasteur et les Brebis, etc. Les peintures des
autres chambres sont du iv" et puis du xf siècle, celles-ci
d'apparence toute byzantine.
Nous avons bien des fois visité les fouilles du forum d'Au-
guste. Elles ont commencé dès le 9 janvier sous la direction
de M. Rodolphe Lanciani. Quelques jours aj)rès, on atteignait
le sol antique, à une profondeur de 6'"5o. Le mur immense
qui, s'inlléchissant en arc de cercle, continue YArco dei Pan-
tani, est maintenant découvert [)resque en entier sur une hau-
teur de 122 mètres. L'Académie connaît déjà les deux impor-
tantes inscriptions découvertes en février : l'une qui est un
hommage de la Bétique à Auguste, la pierre inscrite servant
de base à un présent, peut-être un vase d'or massif pesant
cent livres; la seconde, qui est une dédicace à l'empereur INi-
grinianus, dont les médailles sont si recherchées, et qu'on ne
savait pas neveu de Carus. Les derniers jours ont donné en
outre une inscription relative à Appius Claudnis Cœcits. Les
eaux du sous-sol, la mauvaise saison et la masse énorme
de terre à enlever ont arrêté les progrès des fouilles, qui
vont devenir sans doute plus faciles et plus productives. On a
lieu d'espérer de plus qu'elles vont pouvoir s'étendre sous le
couvent voisin, jusqu'à présent fermé à toutes les recherches.
Un décret royal en date du 7 février dernier institue dans
Rome un Musée national qui contiendra, systématiquement
ordonnés, les objets d'antiquité provenant de Rome ou de la
— ll'J —
province du Huiikj. On y joindra les objets trouvés en Onibrie,
jusqu'à ce que cette dernière province j)Ossèdc un Musée na-
tional. Le Musée nouvellement institué conq)rendra deux sec-
lions. Celle des antiquités urbaines aura son siège aux Tbermes
de Diodétien, qui vont être appropriés à cet usage, et où se
trouvent déjà les trois belles statues de bronze trouvées à Home
dans ces dernières années, et les magnifiques restes de la mai-
son romaine découverte il y a neuf ans sur les bords du Tibre,
en avant de la Farnésine. La section des antiquités extra-ur-
baines aura son siège dans la Villa di Papa Gm//o jusqu'à ce
que le futur Musée des Tbermes de Dioclétien soit préparé
pour la recevoir. L'Académie se rappelle que c'est dans la
Villa di Papa Giulio qu'est déjà installé le nouveau Musée
falisque si babilement disposé par les soins de M. le professeur
Barnabei. Le décret royal du 7 février contient en outre les
dispositions suivantes :
«Art. 3. Fera partie du Musée la collection de moulages et
d'objets destinés aux exercices pratiques de l'Ecole d'arcbéologie.
ç^Art. à. Les diverses collections désignées ci-dessus seront
soumises à une seule et même direction, et dépendront d'un
seul et même bureau administratif.
tt Art. 5. A chacune des deux sections du Musée seront ad-
jointes des archives contenant tous les documents relatifs à
l'histoire des découvertes, journaux de fouilles, plans et reliefs
topographiques, dessins, photographies et calques des inscrip-
tions ne faisant pas partie des collections officielles.
«Art. 6. Le Ministère de l'instruction publique rappellera
les particuliers aussi bien que les administrations locales à
l'entière observation des règlements en vigueur dans la pro-
vince de Rome et en Ombrie concernant les fouilles archéo-
— 120 --
logiques, et notamment à l'oLliijalion de déclarer toute dé-
couverte fortuite, et à celle de ne pratiquer aucune fouille
qu'en se conformant à ces mêmes règlements.
«Art. 7. Le Musée préhistorique et le Musée Kircher con-
tinueront à avoir leur direction et leur administration propres
dans l'ancien Collège romain. Pourront être détachés du
Musée Kircher pour être réunis aux collections du Musée na-
tional les objets ayant une relation étroite avec les séries du
nouvel établissement. »
L'institution d'un musée central à Rome indépendant des
anciens et célèbres musées d'une telle ville, et destiné à rece-
voir les objets d'antiquité découverts depuis 1870, la part
respective de contribution de l'Etat et du municipe romain
dans une telle œuvre, la construction, la dépense d'un édifice
répondant à un tel but, ce sont là des questions qui ont été
agitées sans cesse à Rome depuis dix années, et auxquelles le
décret royal du 7 février n'apporte pas encore une solution
définitive.
Les fouilles d'Ostie, que dirige aussi l'infatigable M. Rod.
Lanciani, sont chaque jour plus intéressantes. Une caserne
pour six cents vigiles est découverte, avec des inscriptions
nombreuses montrant une assimilation ou une connexité fré-
quente entre des fonctions civiles et des grades mililnires. Les
Notizie (legli scavi donneront incessamment tous ces textes. Une
vaste salle de l'édifice contient un autel et un large suggesUis ou
sont placés régulièrement d'autres autels dédiés à divers em-
pereurs et impératrices. On serait en présence d'un Augtisleuîn.
Le court résumé des Nolizic dcgli scavi pour le mois de fé-
vrier, lu hier dans la séance ordinaire et publique de l'Aca-
démie des Lincei par M. le sénateur Fiorelii, président, an-
nonce que des fouilles sont eji ce moment pratiquées dans
le domaine de Vulci, appartenant au prince Torlonia. Il est
1L>1 —
dit que cette ndcrnpolo étrusque a été j)lusieurs fois dans ce
siècle activement fouillée, mais que les nouvelles recherches,
conduites suivant une sag<; méthode, livrent des informations
utiles pour ré-didc architor(urale des tomhos et pour la topo-
graphie.
J'aurai à entretenir ultérieurement TAcadénne de ces fouilles
étrusques, auxquelles l'Ecole française de Rome prend une
part très active. J'aurai à lui rendre compte aussi de fouilles
opérées en Corse par un des membres de ri'>ole.
Veuillez agréer, etc.
A. GeFP'ROV.
N° Xll.
LETTRE DE M. SALOMON REINACH À M, ALEXANDRE BERTRA>'D.
SUR UNE INSCRIPTION GRECQUE TROUVEE À NOTIUM. PRES DE COLOPHON.
(séance du 29 MARS l88().)
Saint-Germain, a8 mars 1889.
Monsieur et cher maître,
Peut-être trouverez-vous à propos de connnuniquer à l'Aca-
démie une courte inscription grecque, conçue dans un al-
phabet archaïque, dont un estampage m'a été envoyé par
,(î,VOt;,,^,
o c>
-^ -h
o
M. Démosthène Baltazzi. directeur des Antiquités dans le
vilayet d'Aïdin. Elle est gravée sur le goulot d'un vase en bronze
12'2
découvert à Notium,près de Coloplion. qui se trouve aujour-
d'hui à Smyrne dans la collection de M. Van Lennep.
Le fac-similé de la page précédente a été exécuté en cal-
quant l'estampage original au ])apier noir; il est donc d'une
rigoureuse exactitude.
Nous ne possédons encore qu'un petit nombre d'inscrip-
tions archaïques provenant de la côte d'Anatolie; celie-ci est
la première que l'on connaisse de Notium. Mais il est probable
qu'elle n'y a pas été gravée. En effet, la forme du X est celle
qui caractérise le groupe d'alphabets d'il occidental \)ai' M. Kirch-
hoff (Eubée, Ghalcis, Béotie, Péloponnèse). On conçoit
qu'un vase de bronze, objet d'un transport facile, puisse avoir
été introduit par le commerce à Notium, cité éoliennc, voi-
sine de Coloplion ^''. La lettre P avec boucle angulaire a été
gravée par erreur de gauche à droite, alors que toutes les
autres lettres sont gravées de droite à gauche, l'inscription
étant rétrograde.
La lecture cl le sens ne présentent pas de difficultés :
C'est le vase qui est censé décliner le nom de son posses-
seur, Olympichos, fils de Philophron. On peut en rapprocher
l'inscription du célèbre lécythe de Cumes : Taxa/jjs slfA
L'écriture rétrograde de notre texte et la forme du 2 à
branches très divergentes ne permettent pas de le faire descendre
plus bas que le commencement du v" siècle avant J.-C; on
'"' Si riiypolhèso du transport rl'nn vase do bronze ne se présentait pas si
facilement à l'esprit, rinscription que nous publions serait de la pins haute
importance ponr la connaissance de l'alpliabel éolien, car M. Kirchhoff lail ex-
pressément ressortir que nous ne savons pas encore avec certitude par quel
signe les Eoliens rendaient le X {Studien zur Gpschichie de.t irriechischeit Alplta~
bets, /redit., p. .^)8). Il faut remarquer d'ailleurs que Tinscriplion du vase de
Notium n'est pas conçue dans le dialocte éolien.
■_>:i —
ne doit pas non pins le phicrr ;'i une ("pcKine plus ancif'niif,
rar la forme do l'E est (IrJM (•clic de r('|)()(|iii' rlassifpic
Af^^n'fV. «'te.
S. 1
»KiN\(;ii.
N'^ xm.
UNE BAGUE BYZA>T1NE DU x" SIECLE, APPARTENANT À M. LE BARON PICHON ,
PAR M. CISTWE SCIILUMBERGER.
(séance ni; 5 avril i88g.)
Je ferai passer sous les yeux de mes confrères un précieux
et bien intéressant échantillon de l'orfèvrerie byzantine du
x" siècle environ. C'est un(î magnifique bague de mariage
partenant à M. le baron Pichon, qui a bien voulu m'autorise
à la communiquer à l'Académie, (le bijou d'or massif ])orte
quatre inscriptions finement gravées et diverses scènes dont
les figures, taillées dans le iiiélal. sont remplies d'un émail
bleuâtre.
ai)-
r
Le chaton est de forme circulaire à circonférence découpée
en huit lobes dont quatre plus grands et quatre plus petits.
Dans le champ figurent quatre personnages : à savoir, le
Christ et la Vierge, bénissant, le premier un personnage du
sexe masculin, la seconde une femme. Les nimbes, les vêle-
ments, les contours des visages, etc., sont indiqués par de
l'émail. Au-dessous de cette scène on lit le mot OMONYA
(ô/!jto»^o<a, et accorda), qui indique bien qu'il s'agit là d'une bague
de mariage. Sur la tranche du chaton enfin court rinscrij)tion
assez incorrecte : + Kvpis S,o->iBti rovs SovXoi? crov TleTç>ov
— 12/1 —
Hcti B-soSoTiç, Seimieur, 'prête secouru à tes serviteurs Pierre et
+ Kvpi€ BOHeiT ovc t^yA»ccov nsTpyseeo&oTie
Théodola. Nous avons ià les noms des deux époux. Ce devaient
être des personnages de fort haut rang, vu l'importance ex-
ceptionnelle de ce joyau. Malheureusement il m'a été impos-
sible de les identifier.
L'anneau est à huit pans, dont un soudé au chaton. Les
sept autres portent chacun une représentation d'un sujet de
l'Évangile, autrement dit chacun une fête. Voici ces fêtes en
commençant par la droite. Les personnages sont indiqués en
émail :
L'Annonciation. Marie, filant de la laine dans une corbeille,
écoute l'ange qui lui parle. ^
La Visitation. Marie et Elisabeth s'embrassent au milieu
d'arbres désignant un jardin.
La Nativité. Marie et l'enfant Jésus couchés, l'une sous la
crèche, l'autre dans son berceau; au-dessus de Marie, deux
têtes de bétail.
La Présentation au Temple, ce que les Grecs appellent la
Rencontre, Marie, portant son fils, le présente h Siméon.
Le Baptême. Le Christ est plongé dans l'eau. Saint Jean
le baptise. Au-dessus de lui le Saint-Esprit. En face de saint
Jean un ange.
Ecce liomo. Le Christ dans une longue robe, tenu par deux
soldats romains coiffés du casque, vêtus d'une courte tunique.
Les Saintes Femmes. L'angf devant les saintes femmes age-
nouillées dans un jardin.
Cette suite fait, on le voit, mémoire de l'incarnation du
Christ, de sa manifestation, de sa passion, de sa résurrection.
Sur les côtés de la tranche de l'anneau on lit les deux por-
tions -du 97' verset du chapitre xiv de l'Evangile de saint
Jean :
— \'l:^ —
«Jo vous laisse ma paix, je vous donne ma paix», elpti'vtiv
d(pivfxi vii7v, eipvvriv 7ijv êfxtîv SiScoixi v(J.7v.
ï/insciiption est assez incorrectement reproduite : + sipivtjv
Ttjv sfxriv aÇiiVfJ-V vfxtjv +, + sipvvrjv efxriv SriSofxe {sic) vntiv +.
+ €IPIHHHTHH€f1HHA»IHMHVM HN^-t
t «lPHHHHTHH€MHHAH^OM<VMHHW*~
Je ne connais cpi'un seul exemple d'une aussi belle hague
byzantine; c'est un anneau conservé au Musée de Palerme,
représentant le couronnement d'un empereur et d'une impé-
ratrice du nom d'Eudoxie. Ce bijou est également à huit pans,
sur sept desquels sont représentes en émail les mêmes sujets
de l'Évangile, avec cette différence que la Présentation au
Temple est remplacée par l'Adoration des Mages.
ZMl.
26
LIVRES OFFERTS.
SEANCI-: I)U l" MARS.
Sonl offerts :
Pensées et maximes diverses, par M. ie comte de Gharencey (Paris,
1888,111-8");
Actes de la Société philologique , tomes XVI et XVII, aniM^es 1886
et 1887 (Alençon, 1888, in-S").
M. Georges Perrot offre, au nom de M. Eugène Miintz, le tome 1 de
son Histoire de l'art pendant la Renaissance (Paris, 1889, gr. in-8°).
(rll y a quelques mois, dit notre confrère, j'offrais à l'Académie les
premières livraisons de l'ouvrage considérable que M. Miintz commen-
çait à publier, cbez MM. Hachette et G", sous ce titre : Histoire de l'art
pendant la Renaissance. L'auteur et les éditeurs , sans attendre que fût
terminée la publication par livraisons hebdomadaires, ont voulu faire
hommago à notre bibliothèque d'un exemplaire complet de ce premier
volume, qui a pour titre : Italie, les 'primitifs. Je saisis cette occasion de
dire que le mérite de l'ouvrage a encore dépassé l'attente de tous ceux
qui savaient avec quel trésor d'études préparatoires et de faits lentement
amassés M. Miintz, le savant conservateur de notre Bibliothèque des
Beaux-Arts, abordait cette lourde tâche.
frOn ne saurait désormais s'occuper de celte période sans prendre
comme point de départ ce livre si riche eu renseignements, tous con-
trôlés par une sévère et judicieuse critique et classés dans un ordre qui
en rend l'usage facile. L'illustration est à la fois des plus abondantes et
des plus soignées. Le volume contient 3 A planches tirées hors texte
et 5i4 figures encadrées dans le texte. Vignettes, impression, papier,
tout est digne de ce siècle qui fait le sujet de l'ouvrage et oîi, comme
le montre si bien l'auteur, le sentiment de l'art était si vif et si univer-
sellement répandu. Si l'on éprouve un étonnenient, c'est que les éditeurs
puissent donner un si beau livre à un [)ri\ (]ui permettra à tous les
amateurs de le faire entier dans leur bibliothèque, ri
M. G. Perrot offre, en outre, les n°' i-ii, janvier -février 1889, du
RuUctin de correspondance hellénique (Paris et Athènes, in-8°).
M. VioLLKT a la parole pour un hommage :
rj'ai riiouneur do pr('senler à l'Académie, de la pari de M. Luca
— r27 —
IJellrami, une publication inliliilc'i' : Description de la ville de Purix à
l'époi/iie (le François I" (par Albfi'l Vijjiiali ), d'après un nxinuscril inédit
de in Bibliothhinc nationale de Milan (Milan, 1889, iii-8").
ffCelle tiescriplinn, (pii dalc do 1^17, est publi<'e d'a|)r«js un niaïuiscrit
<le la Biblioliièque de Milan; elle sera accueillie avec reconnaissance par
tous ceux qui s'intéressent ii l'histoire de l'ancien Paris."
M. Dki.ism; oiïre : Paléographie et diplnmatitjuc , [)ar M. le comte A. de
Boiuinont ^ Paris, in-8", extrait du coiiiplc rendu des travaux du (](mi>rès
biblioffrapliitptc international).
ffOn trouve dans ce travail une intéressante énumération des recueils
et opuscules relatifs à la paléograj)liie et à la di|»l()niati((ue. publiés dans
les dix dernières années, w
SÉAiNCK DU 8 MARS.
Sont offerts :
Commentaire de Maîmonide sur la Miscltnah Seder Tohorot , publié
pour la première fois en arabe et accompagné d'une traduction h('braïque,
par M. J. Derenbourg, membre de l'Institut. 3* livraison (Perlin, 1888,
in-8°);
Maxepia.ibi no apxecioriii Pocci», H3,ïaBaeMbU' IIsinepaTop-
CKaro Apxeo.ioniHecKOK) KoMMiiccieio, n° 3: CiiôupcKiH ^peB-
HocTH, ou Matériaux pour serrir à l'archéologie de la Russie, n° 3 :
Antii/uités sibériennes, par M. U. RadIolV, tome 1, livraison 1 (Saint-
Pétersbourg, 1888, in-i").
M. ScHLUMBERGKR a la parole pour un honunage:
ffj'ai rhonneiu'de faire hommage à l'Académie, delà part de M. J. De-
laville Le Uoul\, d'un petit travail intitulé: Les joyaux de la couronne
d'Aragon en i3o3 (Paris, 1889, in-iîî).
fLe document publié par M. J. Delaville F.e Roulx est un procès-
verbal de dégagement, en 1 3o3 , des joyaux de la couronne d'Aragon, que
le roi Jacques II avait déposés aux mains des Templiers. Le rôle finan-
cier des Templiers a été mis, ici même, en pleine lumière par notre
éminenf confrère M. L. Delisle, M. Delaville Le Roulx apporte un nouvel
et curieux exemple à l'appui de cette thèse.
tr L'inventaire est fort intéressant, deux de cette époque sont i-ares.
L'auteur a donné une reproduction du sceau de majesté du roi
.lacques II, (jui nous montre en usage les attributs mentionnés dans l'in-
ventaire, fl
M. Gaston PABrs oiVre à l'Acadénue The end oj the middle âges.
— 1-28 —
Essfnjs and questions in history, par A.-Mary-K. Itobinson (M"" James
Darmesleter) [Londres, 1889, gr. in-8°].
ffC'est avec un plaisir particulier que j'offre à l'Académie ce recueil
de solides et brillants essais. L'auleiu- a récemment échangé le nom
qu'avaient illustré des poésies d'un caractère profondément neuf et ori-
ginal pour celui du savant , bien connu de notre Compagnie , qui avait
fait passer les beaux vers de miss Mary Robinson dans la plus délicate prose
française. On ne s'attendait guère à voir miss Robinson, après avoir été le
plus personnel des poètes, devenir un grave et impartial historien, et s'en-
fermer dans de sombres archives pour y troubler la poussière des chartes et
des documents du moyen âge. C'est cependant ce qu'elle a fait avec un
courage, une suite et un sérieux que lui envieraient bien des travailleurs
qui ne sont ni jeunes, ni femmes, ni poètes. Après avoir rêvé d'écrire une
histoire des Staufen, — à laquelle appartiennent encore, études pour
un monument abandonné par l'architecte, les premiers articles de ce
volume, — elle s'est proposé de nous donner une histoire des Français en
Italie aux xv' et xvi' siècles, dont nous avons ici quelques chapitres sous
une forme qui n'est pas définitive. Nul n'est plus apte à exécuter cette
grande œuvre, pour laquelle il faut autant de talent que de science; nul
ne s'y est mieux préparé. Elle a exploré particulièrement les archives et
les bibliothèques de France et d'Italie; elle s'est pénétrée, grâce au don
de sympathie que les poètes possèdent, de l'esprit des deux peuples si
divers que mit en présence, sur le plus beau des théâtres, ce long drame
aux actes multiples, aux scènes tour à tour grandioses, splendides ou
sanglantes; elle eu a démêlé les obscures origines, elle en suit d'un libre
et clair regard les conséquer)ces encore vivantes. On ne s'étonne pas de
voir apparaître sous ses doigts, toutes fraîches et parlantes, les figuies
de Jean-Galéas Visconti, de Valentine, de Louis d'Orléans, du pauvre
Charles VI; on s'attend h voir se modeler avec vigueur celles de Ludovic
Sforce, de Louis XII et des autres. On est plus surpris de la voir dé-
brouiller, grâce à de longues recherches et à l'aide de documents nom-
breux déchiffrés par elle souvent pour la première fois, l'obscure ques-
tion des prétentions de la maison d'Orléans sur le Milanais, ou les
intrigues compHquées qui à diverses reprises donnèrent et enlevèrent Pise
à la France. L'époque dont M'"' Darmestetei' a entrepris l'histoire occupe
ncluellemeiît en France et en Italie plus d'un travailleur; son livre pro-
ifitera de toutes leurs lecherches et elle les conqjléicra pai- colles qu'elle
ne se lasse pas de poursuivre. Aussi peut-on en former le plus heureux
pronostic, et doit-on souhaiter t|ue re grand monument, élevé au glo-
— 121) —
lieux |)assé de noire pays pnr les mains les plus aniifscl en intime temps
les plus habili'S, ne larde pas à sorlir des fondalions. Un allcndant, <»n
lira avec le plus \ir |)laisii- les éludes réunies ici sous un lilre qui déroule
un peu, mais <pi(^ l'auleui^ juslide — ou sacrilic — avec une parfaile
bonne {^râce. Les savants y recueilleront des laits inédits et dos vues d'un
grand intérêt; les lecteurs ordinaires seront ravis de trouver tant de
notions précises et nouvelles présentées dans le style à la fois le plus
simple, le plus facile et le plus exquis."
M. Delisle oITre à la Compagnie deux ouvrages :
1° Liber diuriius lloinanonim pontificnm. Ex unico codice Vattcano denuo
edidtt Th. e. ah .SVde/ (Vienne, 1 889, petit in-Zi").
rr Notre savant correspondant M. le professeur Théodore de Sickel m'a
fait riionneur de me charger de présenter en son nom h l'Académie
l'édition qu'il vient de faire paraître du Liber diurnus. Cette mission
semblait devoir revenir à notre confrère M, de Rozière, dont le nom
restera loujouis attaché à un document qu'il a, à vrai dire, le premier
mis en lumière. Je ne regrette pas toul(;fois d'avoir été désigné pour
i-omplir cette tâche. M. de Rozière n'aurait guère pu dire en quelle
estime son travail, déjà vieux de vingt ans, est tenu par le nouvel
éditeur.
ffLe Lihcr diurnus, qui est le plus ancien formulaire connu de la
chancellerie pontificale, nous a été transmis par deux manuscrits, l'un
jadis conservé à Paris au collège de Clermont et disparu «le[)uis un
siècle, l'autre recueilli au xvu" siècle dans la bibliothèque de l'abbaye
cistercienne de Sainte-Croix à Rome, et passé probablement eu 1798 ou
1799 dans les archives secrètes du Vatican.
ff Deux éditions du Liber diurnus furent imprimées au .wii' siècle, l'une
par Holslenius d'après le manuscrit de Rome, l'autre par le V. Garnier
d'après le manuscrit de Paris. L'une et l'autre laissaient beaucoup à
désirer, et les exemplaires de la première furent supprimés avant même
que l'impression en fût terminée. Divei'ses tentatives furent faites au
xvii' et au .wni' siècle pour donner un texte fidèle et complet du Liber
diurnus. Elles n'aboutirent (|u à de médiocres résultats.
rr L'honneur de |)ubiiei' la première bonne édition du Liber diurnus
était réservé à M. de Rozière. Notre confrère ne put cepemlant pas
atteindre la perfection qu'il avait rêvée. A son grand regret, il ne put
pas examiner le manuscrit de Rome, le seid qui existe aujourd'hui et
qui jusqu'à ces derniers lenq)s était soustrait à la légitime curiosité des
savants. Mieux servi par les circonstances. M. de Sickel a pu à loisir
— 130 —
étudier le manuscrit dans les plus menus détails, et faire compléter et
contrôler ses observations par des disciples expérimentés.
rrLa nouvelle édition repose donc sur une base solide, et M. de
Sickel, avec des ressources qui avaient manqué à ses devanciers, a pu
reprendre la discussion des didiciles problèmes que soulève le Liber
(Humus. Il est arrivé à peu près aux mêmes conclusions que M. de Ro-
zière sur l'usage qui a été fait du célèbre formulaire depuis le ix° siècle
jusqu'au XI^ et sur l'autorité dont il jouissait alors à la cour pontificale.
Il émet une opinion nouvelle sur la date de la composition , qu'il place
aux environs de l'année 800; par des raisonnements ingénieux, mais
qui n'en paraissent pas moins très vraisemblables, il a essayé de démon-
trer que le recueil ne forme pas im tout homogène et qu'il y faut dis-
tinguer des morceaux ajoutés après coup et à diverses reprises.
'«•Indépendamment du mérite de ces observations, la nouvelle édition
du Lihcr diurnus se reconnnande par l'exactitude à la fois scrupuleuse et
intelligente avec laquelle a été reproduit le maïuiscrit du Vatican et
par des efforts souvent très heureux pour retrouver les leçons que portait
le manuscrit du collège de Clermont. C'est une publication très impor-
tante pour l'histoire du gouvernement pontifical et pour la critique des
documents émanés de la chancellerie des papes à l'époque carlovin-
gienne. "
9° La captivité et la mori de Duhouvg dans In cage de fer du Monl-Saint-
Michel , par E. de Robillard de Beaurepaire (Caen, 1889, in-8°).
ffLa dissertation de M. E. de Beaurepaire nous fournit un exemple de
la facilité avec laquelle les légendes se forment même sur des événements
à peu près contemporains. Dubourg est représenté dans beaucoup d'écrits
comme une victime du gouvernement tyrannique de f.onis \1V. Or il
est établi par les documents les plus authentiques que Dubourg était né
en 1715, et que ce fut en ly/iB qu'il fut emprisonné au Mont-Saint-
Michel. M. de Beaurepaire a exposé en 1861 toutes les circonstances de
son arrestation et de sa captivité, ce qui n'a pas empêché la fausse légende
de continuer à faire son chemin; elle est répétée tous les jours par les
guides qui montrent aux visiteurs les curiosités du Mont-Saint-Michel.
M. de Beaurepaire ne se fiatte pas de faire accepter par le public les rec-
tifications irréfutable^ qu'il vient de présenter sous une forme nouvelle. Le
principal résultat qu'il croit avoir obtenu , c'est de montrer que les légendes
\es plus fausses ont parfois une singulière et merveilleuse vitalité.')
M. Delisle présente en outre, de la part de l'auteur, M. l'abbé
A.Fabre, un Lexique de la langue de CJiapelain (Paris, 1889, in-8°).
— 131 —
M. ScHEKKR fait lioiniua^rc à l'Acadt-uiie, au nom de M. Ed.-C Sa-
cliaii, membre de l'Académie de Berlin, do la liadiictioii du tableau de
riiide d"AI>ou Hfilian el-liii'oiiny, doiil lo lexle aiabe u 6ié publié il y a
dt'.ux ans. Cietle intductioii est iiililuléo : A/ùentni'.s ludia. An En^lish
édition, rvith noies and indices (Lrjiulres, 1888, 2 vol. in-8'').
•M. Sacluui a lail |>iira!trt;, il y a déjà (|uelques années, le texte et la
traduction <le l'important traité de cbronolog'ie auquel Birouny a donné
le litre de Vestiges des siècles passés subsislanl encore. Birouny, né en
l'année 978 de noire ère, dans un village des environs de la capitale du
kbarezm. avait ('lé l'un des conseilli'rs du deiiiier prince de la dynastie
de Mamouii, renversée par le sullan Mabmoiid le Ghaznévide. Em-
mené à Gbaznab, il s'y livra à des travaux scienlifiques et il pénétra dans
l'Inde à la suite des armées du sulUui Mabmoud. Il résida lort proba-
blement à Malboura et à Canodje, où il étudia le sanscrit et les dialectes
du nord de l'Inde. Il traduisit en arabe le Pulundjuli , au(piel il conserva
son nom; cet ouvra^^e a élé mis à conlriliution par le vizir Uechid Eddiu
pour la composition de son grand ouvrage bistorique. Mais de toutes les
œuvres de Birouny, la plus importante est, sans contredil, l'ouvrage
qu'il a consacré à l'exposition des croyances religieuses, des idées philo-
soj)hiques des Indiens, h leui-s systènies d'astronomie et d'astrologie, à
leui-s connaissances bistoriques et géograpbiques, à leurs lois et à leurs
coutumes. Cet ouvrage, divisé en quatre-vingts chapitres, a été acbevé à
Gbaznab en l'année 1029 «le noire ère. Je ne m'élendrai pas sur le mé-
rite de la traduction d un texte qui présente les plus sérieuses ibtlicultés.
Je ferai cependant remarquer que, dans une excellente préface, M. Sa-
cbau a réuni les quelques renseignements qu'il a pu recueillir sur la vie
de l'auteur, sur le plan qu il a suivi, sur les sources auxquelles il a puisé.
Je signalerai surtout les di-lails donnés sur la conuaissanc«^ que les Arabes
ont eue des Iraiti's scienliliques et littéraires des Indiens et sur les tra-
ductions qui en ont élé faites et qui ont été répandues dans le monde
musulman. Une série dénotes très savantes, consacrées à l'éclaircissement
du texte, sont placées à la fin de la traduction. Dans un mémoire lu à
l'Académie en 18/19, j\I. Ueinaud avait signalé l'importance »le l'ouvrage
de Birouny. La traduction faite par M. Sacbau le lait connaître dans son
entier, et il s'est, par cette publication, acquis de nouveaux litres à l'es-
time du monde savant, r
SÉANCE UL' 1 5 MARS.
Est oflerl :
Supplemenlanj report 0/ llic Commitire appoiitted lo constder an inter-
— 132 —
national Imiguage , read before the American Philosophical Society , Dec. y,
1888 (in-8").
M. Georges Perrot présente un ouvrage intitulé : Le trésor de Pétrossa.
Historique. Description. Etude sur l'orfèvrerie antique, oxxwa^e publié sous
les auspices de Sa Majesté le roi Charles I" de Roumanie, par A. Odo-
besco, tome I (Paris, 1889, in-/i°).
«Parmi toutes les antiquités qui ont été récemment ramenées au jour,
— qu'elles proviennent de fouilles faites à dessein ou qu'elles aient été
retrouvées par le pur effet du hasard , — il en est peu qui, par leur ori-
gine et par leur caractère artistique, offrent un plus grand hitérél que
cette collection de vases et de bijoux en or, qui a été découverte , en 1887,
par d'obscurs paysans roumains, dans une des ramifications les plus igno-
rées des Carpathes.
frLe poids et la richesse de la matière, la profusion des pierreries, les
détails de l'ornementation, la forme originale de chacune des pièces,
l'aspect bizarre des figures et des caractères gravés sur deux d'entre
elles, tout concourt à faire du trésor de Pétrossa une œuvre pour ainsi
dire unique dans l'hisloii-e de l'art. C'est un véritable monument d'or-
fèvrerie antique, qui se dislingue aussi bien de tout ce que nous a légué
la civilisation grecque ou romaine que des productions si intéressantes
et si curieuses du moyen âge.
ffA l'origine, ce trésor se composait de vingt-deux pièces, d'un très
grand poids et d'une très grande richesse d'ornements. Dix de ces pièces
ont péri; les douze autres, les seules qui subsistent aujourd'hui, repré-
sentent, quoique fortement endommagées, plus de 60,000 francs d'or.
On ne trouvera , dans le volume que nous avons sous les yeux , que la
description de trois pièces, sur les douze qui existent. C'est que, dans
son désir de mettre ces joyaux à la place qui leur appartient dans le
développement de l'art, M. Odobesco a été entraîné à étudier tous les
objets similaires dont l'antiquité nous a laissé des modèles ou sur les-
quels elle nous a transmis des documents, et voilà comment ce qui ne
devait être d'abord que la description exacte d'un groupe d'objets est
devenu, comme l'indique le sous-titre donné à l'ouvrage, une Etude sur
t orfèvrerie antique, l'histoire la plus complète que nous possédions de
ses procédés et des types qu'elle a mis en œuvre. Ce sont les plateaux elles
anneaux que l'auteur éludie dans ce premiei- volume , après avoir raconté la
découverte du trésor, cité toutes les publications et mentions dont il a été
l'objet, puis discuté les opinions qui ont été émises sur son origine et sa
date. Les nouf autres pièces sont réservées pour les volumes suivants.
— 133 —
rfl'ersoiuic ne pont sonjrer à se plaiiuliv (|iie la nuiniliceiicf! royale ail
i'ouini à M. Odobesco les moyens d'étendre ainsi son plan piiniitif et de
nous donner les prémices d'un si beau livre, qui témoijjne de si vastes
recherches; on ne peut qu'exprimer une crainte, c'est que, malgré la
curiosité j)assionnée de ranicur et son ardeui- au travail, Ifs forces ne
lui niaii(|uent avant cpi'il ait pu achever une œuvre eulreprise dans de
telles proportions. Pour ne pas la laisser interrompue, peut-être a{rirai(-il
prudemment en la resserrant un peu, en s'arran^rcant pour- terminei-.
avec le second volume, la description du trésor. Il lui serait loisible de
reprendre ensuite, dans une série de mémoires spéciaux, les questions
secondaires qu'il croirait n'avoir pas sufTisammenl éclaircies.
ff L'exécution de l'ouvrage, des planches qui l'accompagnent et des
ligures qui y sont si libéralement répandues, fait grand honneur à l'ha-
bile éditeur, M. Rothschild, ipii en a dirigé et surveillé l'exécution.
Parmi les dessins, très soigneusement gravés, il en est un très grand
nombre qui représentent des monuments ou tout à fait inédits, ou ([ui
n'avaient jamais été lidèlonioiit reproduits, n
M. Perrot dépose sur le bureau, en même temps que ce volume,
une lettre adressée aux membres de l'Académie par l'auteur, qui les
prie d'agréer l'hommage de son travail.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la lettre de M. Odobesco.
Elle est ainsi conçue :
«Bucarest, le i" mars 1889.
(f Messieurs ,
rrEn i865, l'Académie des inscriptions et belles-lettres de Paris me
fit l'honneur de m'admettre à lui communiquer de vive voix l'esquisse .
d'un ouvrage que je projetais dès lors sur le Trésor de Pétrossa , l'orne-
ment principal de notre musée de Bucarest. Celte esquisse contenait en
germe mes études postt'rieures sur l'orfèvrerie antique.
ffDeux ans après, quand je revins en France pour l'Exposition uni-
verselle de 1867, mon travail n'était pas suflisamment avance pour
prétendre h un plus grand honneur, celui de paraître parmi les publi-
cations de votre illustre Compagnie. Je me bornai donc à faire imprimer
une courte Notice sur les antiquités de la Romnanie , à l'usage des visiteurs
de la section roumaine, en attendant qu(^ je pusse donner à mon sujet
tout le développement qu'il me semblait comporter dans le travail dont
j'avais antérieurement esquissé le projet.
ff C'est une partie de ce grand ouvrage, c'est son premier volume,
.sorti à peine de la presse, que je suis heiueux de pouvoir enfin ollrii
— \u —
aujoui'tl'liiii à l'Académie, comme uii hommage envers le corps savant
qui, vingt-cin(j ans plus tôt, a bien voulu encourager mon premier essai,
comme un témoignage tle ma vive reconnaissance envers les illustres
représentants de l'érudition française, parmi lesquels je me Halte de
compter plus d'un bienveillant appréciateur de mon zèle pour la
science.
rrLe génie français excelle à répandre la lumière sur tous les pro-
blèmes qui réclament une sagacité particulière d'investigation, et la
langue française semble faite à souhait pour propager toutes les pro-
ductions de lintelligence à travers le monde. Aussi, malgré mon
insufiisaiice, lai-je adoptée pour interprète de ma pensée, par un
accord tout naturel avec mes prédilections pour la science française, à
qui je dois la meilleure part de mon acquis.
rc Eloigné actuellement de ses représentants par la distance des lieux,
je ne m'en suis jamais cru isolé, n'ayant jamais permis au temps, ni à
aucune autre circonstance, d'elfacer de mon cœur le souvenir des en-
seignements et des encouragements que j ai toujours puisés en France.
De loin comme de près, l'Académie des inscriptions et belles-lettres,
— je me fais un agréable devoir de le déclarer ici à ses membres, —
trouvera de tout temps en moi un propagateur dévoué de ses savantes
productions, un fervent admirateur de l'esprit droit, éclairé et fécond
qui anime cette docte Compagnie. De même, la France aura sans cesse
en moi ainsi qu'en la plupart de mes compatriotes les témoins les plus
sympathiques de ses destinées,
ff J'ose espérer que mon œuvre, offerte sous les auspices gracieux de
mon éminent collègue en archéologie, M. Georges Perrot, ne laissera
pas d'obtenir de vous. Messieurs, un accueil favorable. Ce sera déjà
pour moi, personnellement, une récompense llatteuse, et pour nous
tous, hommes de lettres roumains, qui cherchons assidûment à gagner
le droit de cité dans la république des études consciencieuses, ce sera
un indice précieux, nous autorisant à croire que nos efforts ne nous
rendent plus indignes de graviter fructueusement vers les honneurs
que Ion sait distribuer, en France, avec tant d'équité, à la science,
alors même qu'elle y viendrait de létranger.
tf Veuillez bien agréer, etc.
f Odobesco,
professeur d'archéologie à TUniversité de Biicarest.i
M. Oppkrt pre'senle, au nom de l'auteur, l'ouvrage intitulé: Inscription
.).)
assifiienne (trchaviuc de Samsi'-Rnmmâii IV, roi d'Assijnc (H'?Ji-Hti av.
J.-C). transcrite, Iraduile ot commentL'e par le H. I'. Viiicciil Scheil, des
Vrèvca pn^clieurs (Paris, 1889, in-i").
'•I.e clergé, tant n'giilier que séculier, dit notre confrère, a formé,
en France et à l'étranger, dans ces derniers temps, des assyriologues des
plus distingués. Les Jésuites nous ont donné le U. P. Strassmnier. un des
érudits les plus infatigables et les plus utiles, le R. P. Laacli, qui étudie
avec succès les questions astronomiques se rapportant h Tassyriologie,
et le R. P. Méchineau. Le clergé séculier peut mettre en ligne MM. les
abbés Quentin . Loizy et d'autres. L'ordre des Dominicains nous apporte
une recrue de la plus grande espérance, le R. P. Scheil, qui s'est révélé
dans le travail aujourdluii présenté à lAcadénne.
rrL'auleur étudie, avec un remarquable savoir et une érudition sagace,
le texte du roi Samsi-Ben, que, d'après d'autres assyriologues , il appelle
Samsî-Rauimàn. L'original de ce texte, connu depuis longtemps, est
conservé au Musée britannique. Le (ils de Saimanassar II, le roi de l'obé-
lisque de Nimroud (870-857), y relate ses campagnes en Arménie et
en Chnldée pendant les quatre premiers jours de son règne.
"Le P. Scheil a de nouveau soumis ce texte à un examen, et a, avec
une heureuse perspicacité, émis des opinions très plausibles sur plu-
sieurs des passages encore obscurs. Ce premier travail fait bien présager
de ceux que la science assyriologique peut encore attendie de ce savant
ecclésiastique. "
SÉANCE DU 0 9 MARS.
Sont offerts :
Rapport sur un projet de langue scientifique internationale , par le
D' Ad. Nicolas (Clermont [Oise], i889,in-8°):
Catalogne of ancient marbles al Landsdoxvne Hoiise , publié par A.-H.
Smith (Londres, 1889, gr. in-S").
M. Siméon Lice a la parole pour un hommage:
rrj'ai riionncur d'offrir à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Léon de
la Sicotière, sénateur de l'Orne, un ouvrage intitulé : Louis de Frotté et
les insun-ections normandes [ijgS-iSSfi) [Paris, 1889, 3 voi. in-8''].
ffLes guerres de la Vendée ont eu de nombreux histoiiens, Beau-
champ, Savary. Crétineau-Joly. Théodore Maret. l'abbé Deninu, et tout
récemment notre savant confrère M. Céleslin Port. La chouannerie bre-
tonne a été racontée, dès i836, par M. Maufras du Châlellier, dans sa
consciencieuse Histoire de la Révolution dans les départements de l'ancienne
Bretagne, qui forme six volumes in-8°. La chouannerie du Maine a donné
— 136 —
lieu aux ouvrages bien connus de Ducheniin-Descepeaux et do lahljë
Paulouin, ainsi qu'au travail posthume du regretté Victor Ducbemin ,
publié l'année dei-nière par son ami M. 1». Triger. Seule, la chouannerie
normande n'avait eu jusqu'à ce jour d'autre annahste qu'un marchand de
mercerie et de sabots, Richard Seguin, dont le hvre, imprimé sur du
papier à chandelles, parut à Vire en 1828-182/1 en deuxvolumes in-18,
sous le titre d'Histoire de la chouannerie et de la restauration de la reli-
gion et de la monarchie en France.
ffCet historien de ses chouans que la Normandie a attendu pendant
près d'un siècle avec sa patience ordinaire (tardif eX taisant, deux adjec-
tifs qui ont à peu près le même sens, sont devenus des noms de famille
très communs en Normandie), elle vient enfm de le trouver dans l'au-
teur de Louis de Frotté, et elle vient de le trouver tel qu'elle n'a vrai-
ment plus rien à envier aux provinces ses voisines. En général, les sources
de l'histoire d'une période sont plus ou moins rassemblées à l'avance et
se trouvent pour ainsi dire à fleur de terre. Pour la chouannerie nor-
mande, au contraii'e, ces sources étaient éparses et comme cachées au
plus profond des archives de centaines de familles dont plus d'une avait
parfois intérêt à les tenir jalousement dans l'ombre. 11 a donc fallu,
d'abord, les découvrir, au moyen d'une enquête pom'suivie pendant
plus de vingt années, non seulement dans les cinq déparlements de l'an-
cienne Normandie, mais encore sur tous les points de la France. Cette
enquête une fois terminée, restait à acconq)lir la partie la plus malaisée
delà tâche, car il n'aurait servi de rien d'avoir découvert les documents
si Ion n'était parvenu ensuite, grâce à l'estime personnelle que l'on
inspirait et aussi h la diplomatie la plus persévérante, à en obtenir com-
munication intégrale ou partielle. Mais que ne peut l'amour de la science
lorsqu'il est aiguillonné par l'exaltation du patriotisme local? Originaire
du Bocage comme Louis de Frotté, c'est-à-dire de la région de basse
Normandie qui fut le plus ardent foyer des insurrections royalistes, M. de
la Sicotière a su triompher de toutes les difficultés, et le résultat qu'il
vient d'atteindre est assurément proportionné à la grandeur de lefforl.
rrLes deux volumes dont je présente un exemplaire à l'Académie com-
posent un ensemble de près de qninze cents pages, sans compter une
lable 1res complète et une carttî du théâtre de la chouannerie normande
qui achèvent de donner un caractère scientifique ;i la belle publication
de l'honorable sénateur de l'Orne. Le tiers de ces deux volumes est rempli
par des documents inédits, et si cette prodigalité de citations ne répond
point aux sc'vères exigences de l'art historique, elle assure en revanche
— ]:r, —
lii ronscrvnlioii (riiii ji^raiid nombre do toxlcs pn-cioiix ;i|)|»;irt(Mi;iiil ;i rios
jircliivcs piiiliciilicres cl exposes iiiiisi, plus (puis ne le seiideiil dans nos
df'pAls publics, à des cliaiices de deslriictioii volonlaire ou ibitiiite.
"[.es archives du cliAteaii de (loiilerne, résidence séculaire des Frollf?,
omI fourni l'appoint le plus considt'rable. Ces archives possAdenl une
niasse énoi'uie de papiers provenant de Louis de Frotté, correspon-
dances, brevets, nié/noires personnels restés inaclievc's, matériaux divers
rassemblés en vue de la continuation projetée de ces mémoires, recueils
de pièces détachées, registres de coni[)(al)ilité, tout, jusqu'aux essais lit-
téraires que le terrible Blondel, comme l'apijebiienl les bleus, trouvait le
temps d'improviser dans l'intervalle de deux de ces expéditions où il
couchait sur la ])aille d'une grange, son fusil entre les jambes. (7esl
dans ce trésor, inexploré jusqu'à ce jour, que M. de la Sicotière a puisé
à pleines mains pour retracer en toute sincérité, mais avec une com-
plaisance dont il ne se défend pas, la physionomie énergique et intelli-
gente du chef de la chouannerie bas-normande.
ff Après les papiers de Frotté viennent immédia (emeni par ordre
d'importance les mémoires inédits de Moulin, adjudant général du chef
de l'insurrection, brave houime autant qu'honinie brave, dont on a pu
dire avec vérité qu'il fut le plus Vendéen des chouans de Noi-mandie. Les
pages si curieuses que cite ou utilise l'hislorien de la chouannerie font
vivement désirer qu'une publication prochaine mette le texte entier de
ces mémoires à la disposition du public. C'est un vœu que nous sou-
mettons respectueusement à la pelite-lille de Moulin, qui porte avec une
distinction exquise le nom de l'un de nos plus regrettés et plus éminenls
confrères, enlevé naguère prématurément à deux classes de l'Inslitul.
ffSur des bases aussi larges et aussi profondes, l'auleiu' de Louis do
Frotté a élevé un édifice solide e( même un peu niassif où l'excellente
(pialité des matériaux de construction, la simplicité de l'ordonnance
générale, la sobriété de rornenienlation. le fini de beaucoup de détails
et l'aspect imposant de l'ensemble attestent le talent non moins que la
conscience de l'architecte. \\. de la Sicotière, en ell'et. ne se borne pas à
mettre en lumière des faits nouveaux; il les expose en un courant de
narration vive et rapide (pii emporte le lecteur. En outre, les jugements
<pi'il porte sur les événements ri '^ui' les hommes sont empreints le plu>^
souvent d'un rare bon sens. Nul hislorien. par exemple, n'a mieux saisi
les causes très complexes «fui présidèrent au rcciulemeni des premières
bandes organisées par Frotté. Sans doute, il put y avoir des adversaires
<le l'ordre de choses nouveau (\\\\ se firent chouans pour échapper, sui-
— 138 —
vant les fortes ex])ressions de M. Taine, rà la servitude inquiète et à
rr l'arbitraire incohérent de despolismes instables»; ce fut le cas d'une
minorité d'élite. Combien plus nombreux furent ceux qui allèrent grossir
les bandes insurrectionnelles, soit pour se soustraire à la conscription,
soit par entraînement irréfléchi et pour suivre l'exemple de leurs cama-
rades, soit par ce goiit des aventures qui appartient en propre à la jeu-
nesse, soit même pour assouvir les plus mauvaises passions et commettre,
sous le couvert de la guerre civile, des délits et jusqu'à des crimes de
droit commun!
crLe plus grave reproche que l'on puisse adresser à M. de la Sicolière,
c'est que dans sa méthode d'exposition il ne s'est point toujours assez
dépouillé d'anciennes habitudes professionnelles. Avant d'être investi
d'un mandat politique par la confiance de ses concitoyens, l'honorable
sénateur de l'Orne a longtemps occupé une place éminente au barreau
d'Alençon. Aussi, dans maint passage, il faut bien le reconnaître, l'avocat
qui plaide une cause reparaît sous le narrateur et tient un peu l'historien
en échec. Mais c'est le plus honnête et le plus convaincu des avocats.
Non content de communiquer le dossier des chouans, ses clients, aux
défenseurs de la partie adverse, il pousse la loyauté jusqu'à livrer
toutes les pièces du procès aux jurés, en d'autres termes à Topirnon pu-
blique.»
M. Maspero offre le Vocabolario geroglijico copto-ebmico , par le
D' Simeone Levi, vol. VI, supplément (Turin, 1889, in-i°).
ff C'est la dernière livraison dune œuvre considérable. Le moment de
faire un dictionnaire de l't'gyptien sur un plan conforme aux princi[)es
de la science moderne n'est pas encore venu : trop de monuments n'ont
pas encore été publiés , trop de ceux qui sont publiés n'ont été ni étudiés
ni traduits; les groupes de mots et de racines n'ont pas été encore ana-
lysés avec assez de détails ni avec un nombre d'exemples suffisant. M. Levi
a fait ce qu'il y a de plus utile pour le moment : il a réuni tous les mots
que contenaient les dictionnaires de Birch, de Brugsch et de Pierret, il y
a joint les mots et les acceptions diverses que ses propres études lui ont
fait connaître ou qui figurent par centaines dans les monographies dues
aux égyptologues contemporains. Le classement qu'il a adopté a le mé-
rite de la clarté; peut-être aurait-il pu bannir des acceptions ou recon-
nues fausses ou qui n'ont d'autre valeur que celle d'à peu près. Le bon
l'em{)orte sur le mauvais et même sur le médiocre dans son travail; et
son dictionnaire nous donne exactement l'étal de la science au moment
présent, v
— \M) —
M. Oi'PERT présenle, au nom du liln-aiie-edileui'. M. |{ap,ster, ••( du
directeur, M. A. -H. Sayce. le premier volume de la secomle série des
Hecorils ofthe past (Londres, 1888, in-S").
irLa première sërie de cette publication, contenant douze volumes, a
recueilli les textes les plus importants (jui nous sont parvenus des É}(y|)-
fiens et des Assvriens; elle [)arut sons les auspices et la diiorlion du
regietlable M. Birch. M. Bagster, un des éditeurs anglais les plus snncii'ux
des progiès de la science, a engagé M. Sayce à continuer l'œuvre h
laquelle s'était adonné M. Birch, et ce choix fait honneur à Tëdileur et
à celui qu'il a choisi. En effet, M. A.-H. Sayce est, après M. Rawlinson, le
cheldes assyriologues anglais, et Cflui [larmi les vivants qui sost occupé
avec le plus de suite et le plus de succès des textes assyriens. L'ii savoir
très étendu, une sagacité heureuse, une force de travail très féconde
l'ont rais à même de trouver des aperçus justes, et de faire, sur d'autres
domaines encore que celui des textes cunéiformes, des découvertes d'une
importiiuce capitale. M. Sayce a, un des premiers , établi les règles gram-
maticales de la langue sumérienne, dont il s'est toujours occupé depuis
avec un très giand succès et une remarquable sagacité. Dans cette nou-
velle série, !\1. Sayce a repris la traduction d^ plusieurs textes comius
depuis quarante ans, qui réclamaient une revision conforme aux progrès
de la science; il a lui-même donné également les versions de plusieurs
documents nouvellement découverts. Parmi les collaborateurs anglais,
nous nommons M. Pinches; il a recouru, pour les textes de Tellah, à
M. Amiaud, et, pour d'autres traductions, à l'auteur de cette comnnuii-
cation. Le recueil sera continué selon l'ancien plan, et le second fascicule
sera consacré aux travaux de divers ëgyptolo{;ues éminents. En tout état
de cause, nous félicitons les auteurs de la publication de n'avoir pas laissé
sans l'achever l'ancienne oeuvre des Records, si utile et si pratique, et de
lui avoir doimé une succession qui honore la science de la Grande-
Bretagne. »
M. Heuzey a la parole :
ff Je regrette vivement que des raisons de santé ne m'aient pas pei-mis
de me rendre plus tôt au désir de mon collègue du Musée du Louvre,
M. Louis Gourajod, qui m'avait pi'ié d'offrir en son nom à l'Académie un
travail tiré des Mémoires de la Société nalionale des autiquaires de France
(t. \LV11I) et intitulé: La polycliroinie dans la statuaire du moyen âge
et de la Renaissance (Paris, 1888, in-8°).
«rCette question, si intéressante et encore si débattue, de la sculpture
peinte, n'existe pas seulement pour ces deux époques; elle a ses origines
— lAO —
dans l"an(i(jiiité. C'est ce qui m'excusera de parler dun ouvrage qui toul
d'abord semble s'écarter quelque peu de mes études ordinaires.
ffLa méthode suivie par M. Gourajod me paraît excellente et la seule
qui, dans une matière aussi délicate, puisse conduire à la vérité. Il
commence par déclarer que la question qu'il étudie n'est pas une ques-
tion d'esthétique, mais une question d'histoire. Il ne se préoccupe pas
de décider si lusage de peindre les statues est bon ou mauvais, s'il doit
être repris ou rejeté pour toujours. Il se place nettement sur le terrain
des faits, et il montre que le procédé de la sculpture polychrome est une
tradition constante, qui a traversé tout le moyen âge, pour se perpétuer
jusque pendant la première moitié du xvf siècle, où elle a été encore
pratiquée par quelques-uns des maîtres les plus en renom de la sculp-
ture italienne et de la sculpture française, non seulement sur le bois ou
sur la terre cuite et les autres matières du même genre, mais aussi sur
le marbre et parfois même sur le métal.
tf Cette perpétuité est démontrée par deux sortes de preuves : — des
preuves écrites, tirées principalement des Hvres de comptes , montrant
les sommf s payées à des artistes, qui ne sont pas toujours les premiers
venus, pour la mise pu couleur de certaines sculptures célèbres; — des
preuves archéologiques, faisant passer sous les yeux du lecteur toute
«ne suite de statues, dont les unes ont conservé leurs couleurs et dont
les autres ne les ont perdues que par suite de nettoyages dûment con-
statés. Parmi ces exemples de la sculpture coloriée se trouvent plusieurs
figures qui ont enrichi depuis peu le Musée du Louvre.
"Le mouvement qui, à partir surtout de Michel-Ange, a fait aban-
donner la sculpture peinte est dû principalement, il'apiès M. Courajod,
aux nombreuses découvertes de statues antiques, qui tirent croire que le
goût des anciens était opposé à l'usage de colorier les statues. C'est ici
que l'auteur touche à la question de la polychromie dans la statuaire an-
tique et qu'il me sera peut-être permis d'inlroduire une réflexion per-
sonnelle.
ff Cette question a été renouvelée de nos jours par la découverte faite
à l'Acropole d'Athènes de toute une série votive de statues archaïques de
femmes, qui conservent encore leur riche décoration polychrome. Cepen-
dant il faut dire (jue. si les vêtomenls, les yeux, les chevelures sont
relevés par des colorations très brillantes, on n'en a pas constaté de
traces sur les chairs. Il semble donc que déjà le beau marbre grec eût
pani une matière assez belle et assez vivante pour se passer de la cou-
leur. On peut dire tpie. dès l'époque archaïque, la pohjchromie avnil corn-
— Vil —
mencé à veculcr devaiil le uim-ùre. Il osl assoz log'iquo de oioirc ([ue celte
r(isei'vr>, sans iilloriieiil-i'liv jusiiii'ii la (ItVolnrnfioii cnmplpfp, ndn s'accon-
tncr à mesure que la sculpliiic orecque s'aKacliait av. c une pn-dilcctioii
plus gfrande Ji la re|)résenlalioii du nu. Tels sont les ternies dans lesquels
le pr(d)lème se pose aujonrdliui. Si Ion parvient à lo résoudre, ce ne
sera pas par des dissertations d'esthétique, mais par lobservation métho-
dique d'un grand nond)n' de faits accumulés, suivant la méthode si
heurousemenl appliipK'C par .M. Gourajod à des temps plus voisins de
nous, f
M. Hkuzev présente ensuite à l'Académie le second fascicule de la
deuxième livraison des Découvertes en Chaldée , par M. Ernest de Sarzec,
publiées par ses soins (Paris, 1889, in-fol.).
r Maintenant, toutes les principales inscriptions découvertes à Tello,
celles des statues et d's grands cylindres de terre cuite, se trouvent
mises entre les mains des savants par des repioductions phototypiques
d'une fidélité indiscutable. y>
Î\I. Tahbé DucHESNE a la parole :
trJ'ai rhonneur de présenter à l'Académie le premier fascicule du
Liber ccnsuum de V Eglise romaine, de (jcncius Camérarius, édité par
M. Paul Fabre, ancien membre de l'Hlcoie de Rome, maître de confé-
rences à la Faculté des lettres de Lille (Paris, 1889, in-i°, formant le
volume VI, 'Lî° série, de la Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et
de Rome).
rrCel ouvrage important aurait pu vous être offert par des mains plus
autorisées; mais j'ai revendi([ué l'honneur et le plaisir de vous l'apporter,
en qualité de frère aîné des membres de l'Fcole de Rome et aussi à cause
de la parenté spéciale qui unit les études de M. Fabre et les miennes.
ffLe livre censier que publie M. Fabre n'est pas l'ancien Polyptyque
dont parle Jean Diacre dans la Vie de saint Grégoire. Celui-ci, dressé sons
le pape Gélase à la lin du v' siècle, et constamment tenu à jour, contenait
l'état des revenus que l'Eo-lise romaine tirait de ses patrimoines, de ses
propriétés foncières. Cette ancienne dotation immobilière, dont les ori-
gines peuvent être suivies en remontant jusqu'au delà de Constantin
et de Dioclétien, disparut peu h peu, soit par la confiscation des patri-
moines, soit par la répartition des propriétés entre les établisse-
ments ecclf'siastiques do Home, soit par l'emjjhyléose et finféodation.
A la fin du \i' siècle il n'en restait h peu près rien. La caisse pontificale
dut s'alimenter autrement. Sa principale ressource consistait dans la
perception des cens dont étaient grevés , h son profit . divers établissements
XVII. 10
luimurair «ino
— U2 —
religieux ou même politiques, évêchés, monastères, royaumes, etc.,
dans toutes les parties de la chrétienté. De nouveaux livres censiers
furent alors dressés; ils indiquaient par provinces et par diocèses les
établissements qui devaient le cens et la quotité de celui-ci, exprimée
suivant les divers systèmes monétaires du temps.
ffLa série de ces nouveaux livres censiers paraît remonter jusqu'au
temps de Grégoire VII; mais le plus ancien qui se soit conservé sous sa
forme propre, indépendante de toute compilation postérieure, c'est
celui qui fut rédigé en 1192 par le maître de la chambre apostolique
Crescentius ou Cencins , connu sous le nom de Camerarius , bien qu'il ait
fini par devenir pape et par s'appeler Honorius III.
tLc manuscrit original de Cencius est conservé au Vatican. Outre le
tableau des cens, il compread le dossier des documents qui en justifient
la perception et beaucoup d'autres pièces, relatives en général aux tem-
poralités de l'Eglise romaine. M. Fabre publiera tout cet ensemble. Il
commence naturellement par le tableau des cens, dont une partie seu-
lement, l'Italie et la Dalmatie, figurent dans ce fascicule. Tout original
qu'il est, le manuscrit du Vatican contient beaucoup de compléments
successivement ajoutés, au fur et à mesure que s'établissaient de nou-
veaux cens. M. Fabre est parvenu à distinguer dans ces adjonctions deux
couches bien nettes, l'une antérieure, Tautre postérieure à l'année i254;
il les a imprimées les unes en italique, les autres en petits caractères.
rrMais ce qu'il y a de plus remarquable et de plus méritoire dans son
travail, c'est l'immense annotation qu'il a jointe à ces textes. Grâce au
caractère œcuménique des cens pontificaux , tous les systèmes monétaires
du moyen âge sont représentés dans le Liber censuum. M. Fabre les
étudie l'un après l'autre, avec une conscience et une patience qui feront,
je n'en doute pas, l'édification de ceux de nos confrères qui s'occupent
de numismatique. Quant aux questions de géographie ecclésiastique et
politique, il me suffira de dire que, par les recherches de M. Fabre,
celte partie de la science sera entièrement renouvelée.
crEn somme, par M. Fabre l'Ecole fi'ançaise de Rome ajoute un livi*e
de haute valeur à la série de ses travaux, et plus particulièrement au
groupe de ceux qui intéressent l'histoire de Rome et de l'Italie. Ce
groupe est déjà considérable. Les travaux de M. Bloch sur l'origine du
sénat, de M. Lécrivain sur sa décadence, ceux de MM. Julian et Charles
Diehl sur l'administration de l'Italie depuis Auguste jusqu'à Pépin le
Bref, les monographies de MM. Fernique et de la Blanchère sur Préneste
et Terracine, les gros volumes des registres des papes, du Liber ponti-
ficalis , (lu Liber censuiiin, les rcclicccliL's ilc M. iMiiiit/ cL do M. Faucon
sur riiisloirc des arls et des hibliollièques à ht cour poiUilicale, l'explo-
ralioii des arcliives angevines de Naples par M. Paul Durrieu, lout cela
prouve assez qu'on ne perd pas son temps au [)alais Farnèse, et même
qu'on en consacre une noIoMo pari à nicllre en nieilleuri' lumière la
niorveill<'use histoire do Home et de l'Italie, n
SÉANCE DU 29 MARS.
L'ambassadeur d'Italie adresse en bomma^je à l'Académie un exem-
plaire du h' volume de Yliweiitario de/ U. Archivio di Stalo in Lucca
(Lucqucs, 1888, m-k").
Le cliar;;!' d'alliiires de Portugal fait parvenir un ouvrage intitulé :
H.Ç î ^^tX " Ilistoria de Minus Ademàs Sagad, rei de Elhiopia, texto
elhiopico, publicado , Iraduzido e annotado, |)ar Fr.-M. Esteves Pereira
(Lisbonne, 1888, in-8°), que son gouvernement l'a chargé d'oiïrir h
l'Académie.
Sont encore offerts :
Bihliolheca aiabo-sicula , par Michel Araaii, associé étranger de l'In-
stitut, Appendice (Turin, 1889, iu-i"; un autre titre porte : Ad reium
italicarwn scriplores Cl. Muratorit tomi I p. II additanienta);
L'œuvre d'Abel Bergaignc , leçon d'ouverture du cours de grammaire
comparée à In Facullé des lettres de Paris (aj janvier 188g), par M. V.
Henry (Paris, 1889, in-8°, extrait des Mémoires de la Société des
sciences de Lille);
Le culte de Jeanne d'Arc et sa nationalité, par A. Renard (Orléans,
i888,in-ia);
Rapport sur les temples égyptiens, adressé à S. E. le Ministre des tra-
vaux publics, par Grand bey (le (laire, 1888, texte et allas in-/r).
M. Joachiiu Menant présente Le Ravennate et son exposé cosmographique ,
par feu M. d'Avezac, membre de l'Académie, publié par MM. Jean et
Gabriel Cfravier, avec une notice biographique et bibliographique siu-
M. d'Avezac (Rouen, 1888, in-S").
«rj'ai l'honneur, dit notre confrère, d'offrir à l'Académie, au nom de
M. Gravier, président de la Société normande de géograpliic, un mé-
moire posthume de notre regretté confrère M. d'Avezac, sur les travaux
qui ont eu pour objet l'exposé de cosmographie de l'anonyme de Ra-
venne. C'est une charmante brochure in-/i°, (jui sort des presses de
M. Gagniard, notre imprimeur roucnnais, dinit j'ai eu déjà plusieurs fois
l'occasion de vous signaler le zèle et l'inb^lligence.
1 o.
-rPeu lie leraps avant sa moii, M. d'Avezac, qui honorait M. Gravier
d'une amitié' particulière, lui parla de deux manuscrits qu'il se disposait
à livrer à l'impression. — l'un, sur l'anonyme de Ravenne et son exposé
cosmographique, — l'autre, sur le triage et le classement final des docu-
ments cartographiques du moyen âge , publiés sous la direction du vicomte
de Santarem. En ce qui concernait le Ravennate, il restait à relier les
notes au texte et à dresser la carte; — pour les monuments cartogra-
phiques, il y avait encore un tableau à terminer, rr Lorsque je serai
ffmort, dit M. d'Avezac à son jeune ami, M. Charles Defrémery, mon
rr gendre, vous les remettra, et je compte sur vous pour les publier. n
M. Defrémery remit à M. Gravier le manuscrit du Ravennate; l'autre
ne fut pas re(rouvé.
ffM. Gravier a rempli consciencieusement le j)ieux devoii' dont il était
chargé, malgré les difficultés qu'il avait à surmonter. Vous connaissez
l'importance du livre à la fois savant et barbare de l'anonyme de Ra-
venne, et les nombreux travaux qu'il a suscités, soit pour déterminer
le nom de l'auteur, le lieu de sa naissance et l'époque à laquelle il ap-
partenait, soit pour reconstituer la géographie du monde; telle que le
Ravennate l'avait présentée. M. d'Avezac, avec sa grande sagacité, avait
étudié et élucidé toutes ces questions; il avait recueilli à l'appui de ses
appréciations une foule de notes nécessaires à la clarté ou à l'intelligence
de son texte. Il fallait rattacher ces notes au mémoire pour donner tout
son prix h l'étude à laquelle il s'était livré, et enfin dresser la carte dont
l'auteur avait indiqué les principaux cléments. C'est ce travail aride, auquel
M. Gravier, aidé de son fils, s'est livré, qui a retardé jusqu'ici la publi-
cation promise; elle est terminée aujourd'hui ; je suis heureux de vous la
présenter en vous rappelant deux confrères dont la mémoire est chère à
plusieurs d'entre nous, et d'ofl'rir à MM. Gravier de sincères félicita-
tions, ri
M. Gaston Paris offre, de la part de l'éditeur, M. A. d'Ancona, L'Italia
alla jine del sccolo xvi. Giornale del viaggio di Michèle de Montaigne
in Italia, ncl i58o e i58i. Nuova edizione del testa francese ed ita-
liano, con note ed un saggio di hihliografia dei viaggi in Italia (Città di
Castello, 1889, in-12).
ffLc Votjagc de Montaigne en Italie est peu connu; il est dédaigné
même de beaucoup parmi les plus fervents admirateurs des Essais. Il
ne mérite cependant ce mépris , ni de la })art de ceux qui veulent con-
prendre dans son ensemble le développement de cet incomparable esprit,
ni de la pari de ceux qui s'intéressent à l'histoire de la civilisation en
i
— l'iT) —
Italie. Les reinarquos do Monl.iiji-ne ont lai-emeiit une forme liltdrairo,
— d'atilaiil (|iie le journal a élt' iMl^/' , en fji-anile |»ailie du moins, par
le secrétaire qni racrompa^niait; en revanclie, elles nous présenlenl au vil
des impressions dont la sincérité absolue nous cause quelque surprise et
sou\ent une certaine déce|)lion, mais qui n'en sont que plus précieuses
poui- nVilre nullenieiit arrangées et retouche'es. H est certain qu'on se
passerait volontiei'S de lire tant do remarques sur l'eiïet des eaux miné-
rales et aulres et sur l'état minufieusement observé de la vessie du voya-
geur; mais Montaigne ne recueillait ces notes (|ue pour lui, et, connue le
(ait spirituellement observer le nouvel éditeur, il mettait là encore en
[)raliqiie la grande doctrine du Nosce le ipsuin. Mais c'est surtout par les
renseignements qu'il contient sur les villes d'Italie visitées par le voyageur
gascon (pie l'ouvrage est intéressant, et cet intérêt avait besoin d'être
signalé et mis en lumière. M. d'Ancona, illustré par ses beaux travaux
sur riiistoire et la littérature de l'Italie, s'est attaché à donner aux obser-
vations de Montaigne un commentaire abondant, critique et inslructil".
Grâce à lui, le Fo?/ff^e retrouvera certainement auprès du public lettré
l'attention qu'il mérite, et qu'il était d'ailleurs assez diflicile de lui ac-
corder, les deux éditions données par Meunier de ()uerlon étant devenues
tort rares.
f Comme conqilément à son curieux volume, li; savant professeur de
Pise a imiM'imé un Essai de bibliographie des voijnges en Italie ; les nom-
breux extraits, fort bien choisis et judicieusement appréciés, de ceux de
ces voyages qui ne sont pas généralement connus ajoutent beaucoup de
prix à cette bibliographie; il est à (b-sircr que lauteur la reprenne, l'en-
richisse et la complète. Klle forme déjà une c;)utribulion d'une grande
valeur à l'étude historique de la culture italienne depuis la Renaissance."
M. Siméon Luce insiste sur l'intérêt que présentent, dans le journal
de Montaigne, non seulement les jKirlies où il raconte son voyage en
Italie, mais aussi les quelques pages qu'il a consacrées au récit de son
court passage à travers la ('ihampa;;ne. On y trouve des renseignements
([ui ne se rencontrent pas ailleurs, nolanunent l'indicaliou des [)ein-
lures qui se voyaient sur la maison de Jeanne d'Arc, à Domremy.
M. Georges Peivrot fait hommage du Catalogue of Greek coi its , Coriiilh,
colonies of Corintk, etc., par Barclay V. Head, publié pnr Reginald Sluarf
Poole (Londres, 1889, 1 vol. in-8°, faisant partie du CaViloguc of tltc
Greck coins in lltc liritish Musciim).
ffLe Musée britaimique rontinuc, avec mw activité (pii est d'(m bon
exemple, h publier le catalogue de ses monnaies antiques; j ai déjà d(!-
— 146 —
posé sur le bureau de l' Académie les volumes précédents de cet ouvrage,
qui fait grond honneur à la libéralité éclairée des trustées, au zèle de
M. Reginald Stuart Poole, un de nos correspondants, et de M. Barclay
V. Head, qui a rédigé le présent volume. Celui-ci comprend les mon-
naies de Gorinthe et des cités de l'Italie méridionale, de la Sicile et delà
Grèce occidentale qui, soit qu'elles fussent colonies de Gorintbe, soit
dans le seul intérêt de leur commerce, ont assimilé leur monnayage à
celui de Gorinthe, en ont adopté les poids, les coupes et les types.
rrCe volume, comme les autres, est précédé dune savante et substan-
tielle introduction. L'auteur, M. Barclay V. Head, y fait l'histoire de la
naissance et du développement du monnayage corinthien, depuis 65o
environ avant notre ère jusqu'à la destruction de Gorinthe en 1 46; il y
étudie ensuite les pièces émises par la colonie romaine de Gorinthe depuis
le temps de Jules Gésar jusqu'au règne de Géta, où s'arrête cette série;
enfin il donne une classification géographique et chronologique des mon-
nayages quasi-corinthiens de l'Italie, de la Sicile, de rillyrie,de TEpire,
de Gorcyre et de l'Acarnanie, où il suit, dans ses grandes lignes, celle
qu'a préseutée M. Imhoof-BInmer dans son essai intitulé : Die Mimzeii
Akarnaniens (Numismalische Zcilschrift, X, 1878)."
M, DE Barthélémy dépose sur le bureau, de la part de M. le comte
de Gharencey, diverses publications de l'OEuvre de Saint-Jérôme :
1° Les noirs peints par eux-mêmes , par M. l'abbé Bouché, ancien
missionnaire apostolique à la côte des Esclaves (Paris, i883, in-S");
2° Essai de grammaire de la langue de Viti, d'après les manuscrits des
missionnaires maristes , par le P. A. G. (Paris, 188^1, in-8'');
3° Katekismu l'ede Yoruba, par le R. P. Baudin, des missions africaines
de Lyon (Paris, i88/i, in-ist);
U" Dictionnaire Intin-iwea, h l'usage des élèves du collège de Lano ,
•par les missionnaires maristes, revu par le P. A. G. (Paris, 1886,
in- 19).
rrM. le comte de Gharencey a désiré que je présentasse à l'Académie
les travaux dont je viens d'énumérer les titres; ils sont publiés par
l'OEuvre de Saint-Jérôme. Je m'empresse de satisfaire à ce vœu et de
faire connaître les efforts très louables tentés par cette association pour
encourager les missionnaires à faire connaître leurs observations. Gelles-
ci sont précieuses poui- la linguistique et pour r.'thnographie des popu-
lations évangéiisées par eux.
ff M. Bouché , en réunissant une série nombreuse de proverbes recueillis
chez les nègres, s'est donné la lâche d'établir que ceux-ci ont une intel-
— l/i7 —
lig^oiicp ([lie IViii est {rén(^i;ileinenl porh" à leur relïiser; do plus, que sur
la prudence, lajuslic»*, la force et la tenip(^raiice, ils loiil preuve d'une
conscience et d'un esprit qui indiquent cliez eux des principes sérieux de
morale.
«rLe P. A. G. , qui ne signe que de ses initiales, s'est surtout occupe'
de linguistique; il donne une grammaire de la langue de Vili on Fidji,
qui est [)ari('C dans l'arcliipel de ce nom, à l'est de la Nouvelle-Calé-
donie, plus un dictionnaire latin-uvea, idiome polynésien usité aux îles
VVallis et dans un grand nombre d'Iles océanieimes. Ce travail a été
entrepris pour les jeunes indigènes convertis au catholicisme et élevés
dans le collège fondé à Lono, l'un des principaux villages de l'île
d'Lvea.
rr Quant au R. P. Baudin, il a traduit le cab'chisrae de Cambrai en
nago, langue pariée dans le royaume de Yoruba, limitrophe du Niger et
du royaume de Dahomé. Cette traduction est destinée à être très pré-
cieuse |)our les missionnaires, puisque la langue nago est parlée par plus
de trois millions de noirs, dans la Guinée septentrionale.»
SÉANCE DU 5 AVRIL.
M. Ariodante Fabretti, correspondant de llnslilut, adresse en hom-
mage {( l'Académie deux publications qu il a ('liitées et qui sont inti-
tulées : 1° Documenti di storia perughui , vol. I (Turin, 1887, in-8");
2° Cronache délia città di Periigia, vol. 1 et III (^Turin, 1887 et 1888,
in-8°); ainsi que les Atli délia Società di archeologia c belle arli per la pro-
vincia di Torino, vol. V, fasc. 1 et 2 (Turin, 1887-1888, in-8°).
Sont encore offerts :
La mi/tholoffie égyptienne , les trarau.v de .1/1/. Bnigsch et Lantnne,
par M. .Maspero, membre de l'Institut i^ Paris, 1889, in-8% extrait de la
Revue de l'histoire des religions);
Manuel de la langue égyptienne, grammaire , tableau des hiéroglyphes ,
te-rtes et glossaire, par M. Victor Lord, 1" livraison (Paris, i88().
iu-/.');
Quinze ans sous le cercle polaire. MacLcnzie , Anderson , Youhon, par
M. l'abbé Emile Petitot (Paris, 1889, in-8").
M. Gustave Schlumiseuger a la parole pour une présentation :
ffj'ai riionneur de faire honmiage à 1" Académie, de la part de M. Cha-
bouillet, conservateur du Cabinet des médailles, im des vétérans di' la
science numismaticpie. d'un exemplaire du Discours \)vonoiué par lui à
— l/t8 —
la séance annuelle (16 décembre 188G) de la Société des antiquaires de
Normandie, en qualité de directeur de celte Société (Caen, i888,in-8°,
extrait du Bulletin de ladite Société).
rrCe discours, d'un tour d'esprit agréable, n'est du reste qu'un pré-
texte à une ou plutôt deux dissertations traitant des antiquités normandes.
La première est consacrée à la numismatique. C/est une revision de l'his-
toire du monnayage normand, à l'occasion d'une trouvaille de deniers
inédits de celte province, acquis par le Cabinet des médailles. La nou-
veauté du type de ces deniers est fort particulière. Ils portent des noms
de monnayeurs. En étudiant ces pièces curieuses, M. Chabouillet a été
appelé à passer en revue toute la numismatique du duché de Normandie.
Il n'a pas de peine à démontrer que la classification doit en être entière-
ment refaite. On n'est même pas d'accord pour désigner celles de ces
monnaies qui doivent prendre la tête de la série. Des lacunes nombreuses
existent. La suite des huit ducs ne comporte que trois noms différents :
Robert, Guillaume, Richard, ce qui est une grosse didiculté. Puis ces
monnaies sont d'une rareté extrême, ce qui n'a pas encore été bien ex-
pliqué. Toutes les questions si épineuses de cette numismatique si inté-
ressante sont successivement passées en revue par M. Chabouillet. Son
étude surtout critique sera très utilement consultée par celui qui voudi'a
entreprendre un travail d'ensemble sur la monnaie ducale normande.
M. Chabouillet, qui conclut que l'hisloire de cette monnaie est à refaire,
s'il ne la refait pas, apporte du moins sa pierie à l'édifice à reconstruire;
il éclaircit divers points demeurés jusqu'ici douteux. On peut lui repro-
cher trop de scepticisme ou plutôt d'hésitation; mais il a une grande
qualité, il est judicieux; du moins cette qualité lui a été plus d'une fois
reconnue par des juges d'ordinaire sévères.
ff Après ce coup d'oeil sur hs obscurités de l'histoire fie la monnaie
en Normandie, M. Chabouillet traite, dans une seconde dissertation,
d'oeuvres de sculpture exécutées dans cette même province par un artiste
du pays, Pierre Lefaye ou Lefeye; ce sont les deux statues funéraires de
Jacques André , sieur de Sainte-Croix , et de sa femme , conservées au musée
de Rayeux et exécutées au commencement du xva" siècle. A propos des
blasons de ces deux personnages, M. Chabouillet disserte sur le symbole
de la cordelière , qui entoure celui de la femme , morte alors que son époux
vivait encore. On sait que la cordelière passe pour être l'attribut des
veuves. Il faut, dit M. Chabouillet, distinguer suivant les temps. Ce
fut d'abord un simple symbole de dévotion à saint François. M. Cha-
bouillet. qui malmène (bit les heValdistes. le P. Ménestrier en particulier,
— i/l'.) —
s'élèvft contre los pii'Ienfliics lois du IjI.isoii; il iTy en avnil |»as; il n'y
eut en cette matière qiio des usiifres. Celle seconde dissorlalion est curieuse
au point de vue de la critique des auteiu-s liëraldisles, de l'c^piff rapide et
aussi à celui de l'histoire de l'art français. Elle fait honneur à la sûreté
de la science archéologique de l'auteur. i
M. OiM'EiiT présente, de la part de l'auteur, une brochure intilnlén: Indi-
cation appro.rimatii-e de vcsli^res laissés par les populations précolonihienncs
du yicara/jH:i , par M. Désiré Pector, pn-sidcnt de la Société améiicaine
de France, 'i' partie (Paris, i88(j, in-8°, extrait des Archives améri-
caines).
ff L'auteur de cet ouvrap^e traite avec une grande compétence ce sujet
intéressant et nouveau; il discute les diverses opinions émises par les
aniéricanistes sur l'origine des populations du Nicaragua, et rend
compte des lieux où se trouvent les antiquités les phis importantes. Une
carte dressée avec exactitude et quelques charmantes vues sont jointes à
la hrocliure. ri
M. RwAissoN offre, au nom de l'auteur, M. J. Berger, nn volume qui
porte pour titre : Ecole du Louvre : un nouveau contrat bilingue, déniotique-
grec, publié et expliqué {Vav'is, 1889, in-/»°).
tLc contrat cjui lait l'objet de cette étude est un contrat de vente réiligé
sous Évergète II, 187 ans avant J.-G. Les parties contractantes sont deux
femmes de la corporation des choachytes, qui n'pandaient les libations
sur les morts et leur présentaient des offrandes. Les biens vendus sont
des tombes,
ff Avant d'en venir au document lui-même, l'auteur rappelle briève-
ment les croyances et les pratiques qui peuvent servir à le faire mieux
comprendre. Quelles (étaient les croyances des Egyptiens sur la mort et
la vie future? quelles pratiques dérivaient de ces croyances? quelle sorte
de fonctionnaires étaient les choachytes? que savons-nous de leur offici' et
de leurs mœurs? telles sont les questions auxquelles répond d'abord
M. Berger.
fil étudie ensuite le contrat de vente, dont on possède un texte grec et
un texte démotique. Il en donne une traduction française, et en fait avec
soin et piécision l'analyse lexicograiihicpu' et ;;rammaticale. 'i
M. Delociik a la parole pour une présentation :
ffj'ai mission d'offrir à l'Acadt-mie, au nom de l'auteur, une bro-
chure inliluK'e : Voies antiques nvinifestées pur la nature de la végétation ,
piu- M. J. de Saint-Venant (Bourges, 1888, in-8").
trDans cette brochure, M. d<' Saint-VVnanl. inspecteur adjoint des
— 150 —
foi"êts, expose les circonstances dans lesquelles il a découvert sur le pla-
teau forestier de l'Orléanais des voies anciennes dont il n'existait aucune
trace apparente à la surface.
ffDans les sables et argiles de la Sologne, l'élément calcaire est entière-
ment absent, et la végétation se compose exclusivement d'ajoncs, de
bruyères, de fougères et de graminées, appelés dans le pays/en«sses ou
augères , c'est-à-dire de produits purement siUcicoles.
ff M. de Saint- Venant observa, dans ses tournées, la brusque dispari-
tion de ces plantes sur certaines bandes de ten-ain peu larges, recou-
vertes, en revanche, de végétaux tels que les cornouillers mâles et ner-
pruns , qui ne viennent qu'en terre calcaire , et aussi d'auti-es espèces :
viornes, fusains, troènes, etc. , qui se rencontrent parfois sur un sol non
calcaire , mais dont la réunion en masses dénote le voisinage de l'élément
calcaire.
ffM. de Saint-Venant remarqua que partout oh ils se produisaient,
ces changements dans la végétation prenaient la forme d'une coulée,
d'une faible largeur assez constante, de i5 à 5o mètres, et, rapportés sur
une carte, donnaient une hgne di'oite parfaite. Il fit pratiquer des coupes
en plusieurs endroits et trouva, à des profondeurs variables (suivant
l'épaisseur de la terre végétale), des pierres calcaires disposées par lits ré-
guliers et provenant de carrières éloignées. Dans les fonds humides les
radiers formaient, en alternant avec des couches de pierrailles noyées
dans un mortier, une chaussée dépassant souvent un mètre d'épaisseur,
et présentant tous les caractères des voies romaines.
frSur quelques points les pierres avaient disparu; mais ces pierres
ou des concrétions calcaires provenant de matériaux également disparus
avaient imprégné le sol de leurs principes chimiques, et avaient influencé
la végétation superficielle.
ffM. de Saint-Venant conclut de ces faits que la nature de la végétation
peut être quelquefois un guide précieux dans les recherches archéo-
logiques, pour retrouver des traces d'habitations et d'anciennes voies
dans les pays à sols argileux ou siliceux, et surtout dans les bois dont les
espèces ont un caractère déterminé.
ffOn voit, par cette analyse, l'intérêt considérable ipie présentent les
observations ingénieuses de M. de Saint- Venant. Elles apportent aux ex-
plorateurs une ressource nouvelle pour constater, sur des points où aucun
signe superficiel ne la décèle, la présence des débris du passé, et spécia-
lement des voies antiques, dont le tracé a tant d'importance sous le rap-
port de la géographie comparée. C'est un [)rocédé original et d'une pra-
— 151 —
lunio cnrfaino, que lo ('lomilé «li's lra\an\ lnslnHf|ue!^, dmil lYniiiioiit
|)r('si(lciit si(''<]i' |)nriiM nous, |)()iirrnil, ce me .si'iiil)lc, iTcoinniaialt;!- à
l'alloiition dos aicln-olojyues dos départements.
ffll ne nie paraît pas inutile d'ajouter que l'auteur de cette de'couverte
est le lils d un de nos confrères de T Académie des sciences, le comte de
Saint- Venant, dont le monde savant déplore la perle récente.
irje crois devoir encore rappeler à cctie occasion <pie, dans un li'avail
qui a ('té lu devant 1 "Académie [lital ancien et décadence d'une parlie du
Latiuni) et qui est inséré dans les Mémoires dits des Savants étrnnffci's ,
M. de la lîlanchère a indiqué un moyen analogue pour reconnaître les
voies romaines dans le bassin méditerranéen, moyen qu'il a lui-même
employé en Italie et en Afrique, et (pii consiste dans Tobservalion de cer-
tains vi'{jétaux de ces pays, qui allectionnent les terres où la pierre cal-
caire est presque à Heur de sol, particulièrement l'asphodèle {Asplto-
delus ramosus), dont iNibby avait fléjà remarqué l'abondance sur le tracé
des voies anciennes. »
M. Georjj-es Perrot dépose sur le bureau le fascicule du mois de mars
1889 du Bulletin de correspondance hellénique (Atbènes et Paris, 1889,
ia-8").
M. SciiEFER fait hommage à l'Académie, au nom de M. Hartwig Dercn-
bourj;', |)rofesseur d'ai-abe à l'École des langues orientales vivantes, du
dernier fascicule du traité grammatical de Sîbawaihi i'^î^-^^- <^^ Le lare
de Sibawailn , traité de {j-rannnaire arabe, par Sîboûya, dit Sîbawaihi,
texte arabe, publié d'après les manuscrits , etc., tome H, a" [)artie (Paris,
1889, gr. in-8").
frCe fascicide contient la Gu de l'ouvrage, dont les derniers chapitres
sont consacrés à la phonétique. Le texte en a été établi sur le manuscrit
de la bibliothèque de Paris et sur celui de TEscurial. Ce deinier manu-
scrit a ét<' surtout le guide de M. Derenbourg, car il est entièrement voca-
lisé et c'est sur la vocalisation que l'eposeut les théories exposées par Sî-
bawaihi à la lin de son ouvrage.
tEu présentant à l'Académie les différentes parties de ce traite-,
que les grammairiens arabes ont appelé le Livre par excellence, j'ai
déjà eu l'occasion d'en faire ressortir l'importance. M. Sil\e>-lre de Sacy
et M. de liosen en avaient déjà publié des extraits. Nous possédons au-
jourd'hui, grâce aux soins de M. llartwig Dereid)ourg, une édition com-
plète de l'œuvre du plus célèbre des grammairiens arabes. ■^
M. ScuEFER présente également, au nom de M. Aristide Marre,
chargé du cours de malais et de javanais à l'Ecole des langues orientales
— 152 —
vivantes, le premier fascicule du texte malais du code des successions et
du mariage : (^j^-J J^ çsjà yl>> ^^^^j J^ (Iode malais des successions et
du mariage, texte malais, publié, traduit et annoté, i" fascicule (Pa-
ris, i889,in-8°).
rrCe premier fascicule sera suivi de deux autres, qui seront consacrés
à la traduction , avec notes et observations. »
SEANCE DU 1 2 AVRIL.
Sont offerts :
Annuaire des bibliothèques et des archives pour i88g, publié sous
les auspices du Ministère de l'instruction publique [par M. Ulysse
Robert, inspecteur général des bibliothèques et archives] (Paris, 1889,
in-12);
Esquisses morphologiques, V: Les infinitifs latins, par Victor Henry,
chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris (Paris, 1889, in-8°).
M. Delisle présente à l'Académie les Lettres de Gerbert {QSS-ggj),
publiées avec une introduction et des notes par Julien Havet ( Paris , 1 889 ,
1 vol. in-8° de la Collection de textes pour servir à l'étude et à l'enseigne-
ment de l'histoire).
ff Cette publication est d'une grande importance pour les annales du
dernier quart du x' siècle. Jusqu'ici on n'avait pas encore réussi à mettre
en valeur toute la substance historique contenue dans les lettres de Ger-
bert. En beaucoup d'endroits, le texte en était resté obscur et la chrono-
logie incertaine. iM. Julien Havet a dissipé une partie de ces obscurités
et de ces incertitudes. U a le mérite d'avoir singulièrement amélioré le
texte, surtout à l'aide d'un manuscrit de la bibliothèque Vallicellane , qui
n'avait pas encore été employé. De plus, il a, le premier, déchiffn' des
passages écrits en caractères sténographiques , dont la lecture était indis-
pensable pour connaître le sens de plusieurs lettres. Par une discussion
très ferme et très fine, il a établi le classement des manuscrits et a dé-
terminé les conditions dans lesquelles le recueil a été formé, ce qui lui a
suggéré d'ingénieuses observations chronologiques.
fr L'introduction contient un exposé clair et complet de la vie de Ger-
bert, avec une apprc-ciatioii du caractère de ce prélat, qui est, à coup
sûr, un des hommes les plus distingués du \* siècle.^
M. Delisle présente ensuite :
1° Le tome VH, 2' série, des Souvenirs de la Flandre ivallone, offert
à l'Académie par M. Félix Brassart (Douai, 1887. in-S");
— 1."):^ —
'?." Les Notes historù/ue.'; sur Saini-Maudé, par M . L lysse Hoberl (Sainl-
Mandt', iH8(), in-iO).
frDans cet opuscule, M. Ulysse Robert a rc^uui avec soin tous les sou-
venirs anciens et modernes qui constiluenl l'hisloire de Saint-Mandf^ de-
puis le xm° siècle."
M. le marquis d'Hervey de Saint-Denys a la parole pour un honnnafje :
rrj'ai rhoiincur doUVir à l'Académie, de la part de M. Aboi dos Mi-
chels, professeur à l'École des langues orientales, un volume intitule :
(Ihuycii doi xua. Contes plaisants annamites, traduits en français pour
ta première fois, avec le texte original en appendice (Paris, 1888,
in-S").
fr^i. Abel (les Michels avait déjà donné quelques-uns de ces contes
dans une cbrestoniatliie cocliinchinoise publiée précédemment. Cette nou-
velle publication est d'autant |)lus utile qu'un instrument pratique de
cette nature manquait complètement jusqu'à ce jour. Elle sera d'un grand
profil pour les élèves de l'Kcole des langues orientales qui voudront étu-
dier la langue usuelle et familière de l'Annam. "
SEANCE DL 1 7 AVRIL.
(Séance avancée au merci edi à cause du Vendredi saint.)
Sont oITerls :
Anniversanj address to the Numismatic Society of London , June a i ,
1888, par M. John Evans, correspondant de l'Institut (Londres, 1888,
in-8°, extrait du Numismatic Chronicle , vol. VIII);
Une soirée chez les Aïssaoua, par M. Alfred Ravet (Rouen, 1 889 , in-4°,
extrait du Bulletin de la Société normande de fféoffraphie).
M. DE BvRTiiÉi.EMv présente à l'Académie, de la part de l'auteur, un
volume qui porte pour titre : l'judes archéologiques. Epoque des invasions
barbares; industrie anglo-saxonne , par le baron J. de Raye (Paris, i88tj,
in-li").
rj'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de M. Joseph do Baye, un
ouvrage rocemmonl publié ])ar lui dans le même ordre d'idc'os ({uo le
livTO du môme auteur présenté par moi il y a quelque temps. Il s'agit
des souvenirs de l'art pendant les invasions des v° et vi* siècles, révélés
par les fouilles d'anciennes sépultures. M. de Baye, après s'être occupé
des Lombards et des Vandales, consacre celte nouvelle élude aux Anglo-
Saxons. Cotte publication, enrichie de belles et nombreuses planches.
— 15/1 —
toujours gravées sur les dessins de l'auteur, rc'unit des faits dispersés un
peu partout; on y trouve des de'tails et des observations critiques exposés
pour la première fois. Par le fait, c'est un recueil qui, tout en concernant
particulièrement l'île de Bretagne, intéresse les ui-chéolog-ues du con-
tinent; ils V trouveront des rapprochements et des éléments de compa-
raison.
ffM. de Baye commence par exposer, avec une concision qui ne nuit
pas à l'exactitude , l'origine des barbares qui envahirent la Bretagne, les
Jutes, les Angles, les Saxons, les Frisons; ces différentes tribus ont laissé
dans leurs sépultures, fouillées avec soin depuis longtemps, des armes,
des bijoux, des objets d'usage personnel, des poteries, formant un tout
représentant pour l'auteur l'art anglo-saxon. Chacun de ces objets a un
chapitre particulier. Je signalerai la partie du livre relative aux fibules;
dans ce chapitre, on distingue nettement les types semblables à ceux
du continent et ceux qui paraissent exclusivement proj)res aux insu-
laires.
ffM. de Baye attribue aux Angles les fibules cruciformes, qui lui semblent
parentes de celles de Scandinavie, ainsi que certains objets qui peuvent
avoir été des attaches de sacs à l'usage des femmes; aux Saxons de l'ouest,
les fibules cupelliformes , que l'on ne rencontre pas ailleurs. Les riches
fibules circulaires enrichies de pierres précieuses, et plus tard de verre
coloré, fréquentes surtout dans le Kent et l'île de Wight, fournissent à
l'auteur l'occasion de confirmer ses appréciations antérieures sur l'origine
de l'orfèvrerie cloisonnée, qu'il cherche chez les Goths d'Orient, en laissant
de côté l'inQuence byzantine. Cette opmion, du reste, est partagée aujour-
d'hui ])ar plusieurs archéologues dont la compétence fait autorité, n
M. Siméon LncE a la jjarole pour un hommage :
ffj'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, an nom de l'auteur, M. Eugène
Lefèvre-Pontalis, bibliothécaire du Comité des travaux historiques et
scientifiques, un ouvrage intitulé : Monographie de l'église Saint-Maclou
de Pantoise {Ponloise, 1888, in-^").
ffCet ouvrage, enrichi d'un très grand nombre de pièces justificatives
et de fort belles planches, contient à la fois une histoire approfondie et
une description archéologique détaillée et précise de l'un des édifices reli-
gieux les plus intéi^essanls des environs de Paris. L'église Saiut-iMaclou de
Pon toise offre cela de très particulier qu'à un transept et à un chevet
élevés vers le milieu du \n° siècle on a soudé une façade et une sacristie
de la seconde moitié du xv°, une nef, des bas côtés et des chapelles
latérales du second quart dn xvi% enfin mi couronnement en forme
— 155 —
tlo dôme, encore inlacl aujoui-d'liui, doiil le marche' fut passif le 26 sep-
tembre i552. Ce couronnement est l'œuvre d'un architeclc nomriK^ Pierre
Lemercier, probablement Taïeul du C(^lèbre Jacques Lemercier qui, pen-
dant la première moitié du xvii" si/'de, attacha son nom h rachèvcmont
du Louvre, h la construction de la Sorbonne, du Palais-lloyal, de léffiise
Sainl-lloch ol tle l'Oratoire.
ff Beaucoup de personnes, qui n'ont pas étudié d'assez près notre his-
toire au xvni" siècle, s'imaginent que les monuments de l'art l'rançais
n'ont eu à souiïrir de ce que l'on a appelé le vandalisme qu'à l'époque
révolu! ionnaire. (l'est une profonde erreur, ainsi que le montre une fois
de plus M. Eu{;ène Lefèvre-Poutalis, en retraçant les annales de Saint-
Maclou de Pontoise sous les règnes de Louis XV et de Louis XVL Le
<) août 1789, les anciennes verrières de cette église furent eidevées par
l'ordre des marguilli(>rs. Quelques amiées plus tard, les tapisseries sus-
pendues aux murs furent mises aux enchères. Le 2 1 juillet 1 788 , l'Italien
Pierre Borrani, (|ui avait d('j;i déshonoiv' les deux cathédrales de Chartres,
de Sonlis et l'église abbatiale de Saint-Denis, s'engagea à recouvrir de
badigeon les murs de Saiiit-Maclou moyeimant la somme de 900 livres.
Enûn , la mutilation des piliers de la nef, qui coïncida avec la pose de ce
biidigeon, coula 3oo livres.
r-Par la solidité, par la plénitude de l'information, par la rectitude du
jugement, la réserve constante et la rigueur de la mi'thode critique, la
Moiiofrraphie de l'église Saint-Maclou de Pontoise fait le plus grand
honneur, non seulement à l'auteur, mais encore à l'enseignement de
M, de Lasteyrie, qui l'a formé et dont il est un des meilleurs élèves.»
SÉANCE DU 26 AVRIL.
Sont offei'ts :
Itinéraire de mon voyage aux pays Oromo et Sidama; observations sur
le cours de l'Otno (septembre 188 5 -septembre 1888), par M. Jules Bo-
relli (le Caire, 1889, in-/»", publication de la Soci('té khi'diviale de géo-
graphie);
La ville de Rodez à l'époque romaine, par M. B. Lunet (Bodez, 1888,
in-8°);
Inventarium iiber die Uinterlassenschaft des Erasmus vom z^.Juli i536,
publif' |)ar M. L. Sieber (Hàle, 1889, in-12).
M. Dklisle jirésente, de la [lart de l'auteur. Le dernier manuscrit de
l'historien Jacques Meycr. Recherches sur le manuscrit j3o de la bibtio-
— 156 —
thè(]ue de Saint-Omer, par le P. Henri Dussart, nouvelle édition, revue et
corrigée (Sainl-Omer, 1889, in-8°).
rrL'auteur de cette notice a montré l'importance d'un manuscrit dont
le caractère n'avait pas encore été reconnu. 11 a prouvé que le manu-
scrit 780 de Saint-Omer est un recueil formé par Jacques Meyer, le célèbre
annaliste de Flandre, mort en i552. Entre autres morceaux précieux, le
P. Dussart y a distingué de longs extraits de cette histoire des rois
Charles VII et Louis XI qui est devenue célèbre depuis^que J. Quicherat
l'a attribuée en toute certitude à Thomas Basin, évèque de Lisieux.
Jacques Meyer cite déjà cet ouvrage sous le nom de Thomas Basin , témoi-
gnage qui n'est pas à dédaigner pour corroborer l'opinion de Quicherat.
Le recueil de Meyer contient aussi des fragments très étendus d'un
journal historique du xv° siècle, qui ne semble pas nous être parvenu.
C'est l'œuvre d'un notaire de Bruges nommé Bomboud de Doppere. Le
P. Dussart y a relevé un article qui nous apprend la patrie première et
la date jusqu'à présent incertaine de la mort du peintre Jean Memling :
Die XI Augusti [lâgâ], Brugis ohiit magister Joannes Memmeli7ic , qttem
prœdicabanl perihssinmm fuisse et excellentissimum pictorcm totius tune
orhis christiani. Oriundus erat Magunciaco , sepnltus Brugis ad yEgidii. «
Ont encore été offerts :
Ahhandlungen der historischen Classe der Kôniglich Baijenschen Aka-
demie der Wissenschaften , vol. XVIII, 2" partie (Munich, 1888,
in-/»");
Annales du commerce extérieur, année 1889, 2", 3' et h" fascicules
(Paris, i889,gr. in-8');
Annales du Musée Guimet. Revue de l'histoire des religions, publiée sous
la direction de M. Jean Béville, 9= année, t. XVIII, n" 3 (Paris, 1888,
in-8°);
Annuaire statistique de la France, 11" année, 1888 (Nancy, 1888,
gr. in-8°);
Atti délia Rcale Accademia dei Lincei , 285" et 986" années, li° série,
Rendiconti, vol. IV, fasc. 10-12; vol. V, fasc. 1-2 (Bome, 1888-1889,
m-W);
Riblioteca nazionale centrale di Firenze. Bollettino délie pubblicazioni
italiane, n°' 76-79 (Florence, 1889, in-S");
Bibliotcca nazionale centrale Vitlorio Enianiiek di Borna. Bollettino délie
opère moderne straniere acquistate dalle biblioteche pubbliche governative
— 157 —
dd re^yno d'Uulia, \n|. III. n" 0; vol. IV, ii' i (Home, i888-i88(j,
10-8°);
liihlinllihiue de l'Ecole des chartes, l. XLIX, iV livniison (Paris, i888.
in-8");
liiilletiu di: la Suciélé des (in(i(ptniips de la Moiiiiic , '^Pl" aniK'o. nou-
velle si'rie, i6()'' livraison (Sainl-Oiiior, i88(), in-8");
Liullelin mensuel de la Société centrale des architectes français , 6" série,
vol. IV. n'^ 10 el M (Paris, i88(), in-8'');
Bulletins de ta Société des aulir/uaires de l'Ouest, fi' trimeslre do i888
(Poiti.Ts, iS8(), in-8");
Bulletins de la Société des antiquaires de Picardie, novembrfi fil dé-
cenihrf i 888 (Amiens, 1889, in-8");
Histoire de l'art dans l'antiquité, par MM. (^loorges Perrol, membre de
rAcadémie, (t Charles Chipiez, l. V, livraisons 926-236 (Paris, 1889,
gr. in-8"');
Mémoires de la Société nationale d'agriculture , sciences et arts d'Angers
{ancienne Académie d'Angers), h' sërie, t. Il (Angers, 1889, in-8'');
Proceedings of the Society of Biblical archœolog;/ , vol. \T, h" el 5' ])ar-
lies ( I^ondres , 1889, in-8'' ) ;
Bevista archeologica , pnbliée par M. A.-C. Borges de Figiieiredo,
vol. 111, n"' :] et h (I.isboime, 1889, in-8°);
Prévue africaine , journal des travaux de la Société historique algérienne ,
3a' année .'n" 189 (Alger, 1888, in-S");
Berne archéologique, ?/ série, 1. XIII, janvier-février 1889 (Paris,
i889,iii-8'');
Bévue de la Société des études historiques, U° série, (. VI (Paris, 1888,
ui-8");
Bévue des Pi/rénées el de fa France méridionale (organe de l'Association
pyrénéenne) , dm^éc [)ar MM. Julien Sacaze el le docteur F. Ciarrigou,
année 1889, l. l, n" 2 (Toulouse, in-8'');
Revue des questions historiques, 28° année, 90' livraison (Paris, 1889,
in-8'');
Revue épigraphique du midi de la France, dirigée par M. A. Allmei-,
correspondant de Tlnstilut, n" 5-3 (Vienne [Isèi-e], 1889, in-8'');
Berur géographique internationale , dirigée par M. Georges Renaud ,
i/i" aimée, n"' lôg, ttio (Paris, 1889, in-'i");
Berne numismatique , dirigée par MM. Anatole de Hai-lhélemy, Gustave
XVII. ' '
IMmiUPttlr. !liTtO,tLf.
— 158 —
Sclilumberger, mejnhresde l'Académie, et Ernest Babeloii. 3" série, t. Vil,
i" trimestre de 1889 (Paris, 1889, iii-8°);
Société centrale des architectes français. Annuaire pour l'année j88()
(Paris, 1889, in-8');
Viestnik hrvatskoga archeologihkogn druzlva, 1 1' année, n" 2 (Agram,
i889,in-8°).
COMPTES RENDUS DES SEANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRlPïlOiNS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1889.
COMPTES RKNDUS DES SEAINCES.
MAI-JUIN.
PRÉSIDENCE DE M. lîARBIEU DK MEYNAIUI
SÉANCE DU 3 MAI.
M. Maspero, au nom de la Commission du prix Loubat, lit le
rap]>oil suivant :
«La (commission, après cxanion dos ouvrajjes adresses au con-
cours, décide que le prix sera décerné à M. Léon de Rosny, pour
son Codex Peresianns.
K Grâce à la libéralité du fondateur, rAcadémic est en mesure
de disposer exceptionnellement, pour cette année, d'une somme
do mille francs. Cette somme est attribuée à l\L Rémi Siméon,à
titre de second prix, pour son ouvrage intitulé; Annales de Chi-
nudpakin. »
L'Académie donne acte à la Commission des conclusions de
son rapport.
M. René de La Blancliore, directeur du service dos anticpiilés
et des arts en Tunisie, conimunicpie ([uolcjuos ronseiguoinonls
sur les fouilles lécemmoiil exécutées. M. le commandant de La-
comble, major du 'i" tirailleurs, à Sousse. a exploré la nécropolo
XVII. I ;'•
ittr.iMtatr. itrtiii.Lr.
— 160 —
romaine d'Hadrumète, située non loin de cette ville, au camp
Sabaltier, sur la route de Kairouan.
Les tonnbeaux de cette nécropole sont généralement groupés
dans des hypogées voisins les uns des autres. Ils se composent de
massifs maçonnés, souvent décorés de peintures. Ils appartien-
nent en général au ii"" siècle de notre ère ou aux époques immé-
diatement voisines. Cette nécropole fait donc chronologiquement
suite à celle qui existe au camp actuel, et qui a fait Tobjet d'une
communication à l'Académie; elle précède en date celle que
M. de Lacomble croit avoir retrouvée plus loin de la ville, et
qu'on explorera plus tard.
M. de La Blanchère fait passer sous les yeux des membres de
l'Académie une série de terres cuites, qui représente la part du
Musée du Bardo dans le produit de la fouille. Ces objets figure-
ront dans les vitrines de la section tunisienne à l'Exposition uni-
verselle. Ce sont : une Vénus ouvrant son manteau, un Atys
jouant de la lyre, un lion, un Éros, un guerrier, un fragment
d'une Léda, deux têtes provenant de recherches antérieures faites
par M. le D"" Vercoulre, un médaillon représentant un Éros dor-
mant sur une peau de lion, un taureau, un cavalier, une femme
indigène sur un chameau , une plaque ronde, enfin, qui représente
une course de chars attelés de chameaux dans le cirque.
M. de La Blanchère reconnaît dans certaines de ces pièces des
surmoulages d'élégants modèles de style hellénistique, dans les
autres des copies d'originaux romains, dans les deux dernières
enfin des œuvres d'inspiration locale, dont l'une peut être rap-
prochée du texte de Suétone, paj- lequel on apprend que Néron,
le premier, fit courir des quadriges de chameaux. Il rappelle
que la fouille de M. de Lacomble a été visitée, sous sa conduite,
par la délégation ([ui vint, l'année dernière, assister à l'inaugu-
ration du musée où les objets présentés prendront place; sur la
proposition de son Secrétaire perpétuel, membre de cette déléga-
tion, l'Académie avait bien voulu voter, à titre d'encouragement,
un léger subside à l'auteur, qui est, parmi les officiers de la
brigade d'occupation, un des plus zélés et des plus intelligents
amateurs d'archéologie.
— ICI —
M. René de Maulde communique une noie inlilul('e : Un projet
iVexposhiou inlnnalionale en ih'jo ^^K
Il sifTnalc des loltios patentes en date du aG juillet t'i'yi, dont
il a l'elrouv»; le texte à la Bibliotliè(jiie nationale et ([ui nous font
connaître un projet de Louis XI, ijfnoré de tous les historiens.
Il s"a{|issait d'envoyer en Anjjletei-re un rhoix de marchandises
françaises, pour les faire apprécier du commerce anjjlais et as-
surer ainsi un débouché, de l'autre côté du détroit, aux pro-
duits de notre industrie. Diverses circonstances mirent obstacle
à l'exécution de l'entreprise.
M. Germain Bapst présente un nouveau mémoire sur la pro-
venance de l'étain aux temps anciens.
Il expose des faits d'où il résulte qu'il existe des mines d'étain
au sud du lac Bjiïkal, en Sibérie, et aux environs de Méched, en
Perse. Pour plusieurs raisons archéolofriqnes ou philolojficjues,
il est fort probable que ces mines ont dû (Mre les plus ancienne-
ment exploitées du (jlobc et que par conséquent c'est sur ces deux
points qu'a ét(* extrait l'étain (|ui a servi à fabriquer les premiers
bronzes, dont l'invention a marqué un des grands pas du progrès
de l'humanité.
M. Germain Bapst rappelle que, lorsqu'en 188G il soumit à
l'Académie une première communication sur l'origine de l'étain,
des observations lui furent faites par M. le marquis d'Hervey
de Saint-Denys et par M. Pavet de Courteille. La solution qu'il
apporte aujourd'hui sur ce problème répond, pense-t-il, à ces
observations de la façon la plus formelle.
M. B\rtBiER DE Mevnard fait observer que le nom de l'étain,
chez tous les peuples musulmans, est qalaî {^^':^ ou ^sAj).
Or, ce nom est aussi celui que les voyageurs et les géographes
arabes les plus anciens donnent à la presqu'île de Malacca. Il
semble naturel d'en conclure que l'étain aura été primitivement
tiré de la Malaisie et importé de là en Euro[)e, pendant le moyen
âge, par les navigateurs arabes et persans.
MM. Mairy et Opi'ert font observer que le plomb et l'étain ont
"' Voir aux Commi'mc^tions, ifXIVlp. 183-189).
1 a .
— 1G2 —
été souvent confondus. C'est un fait qu'il faut avoir présent à
l'esprit pour éviter de graves erreurs en cette matière.
M. Pavet de CouRTEiLLE peusc que le mot ^^'^ doit être d'ori-
gine turque. Les Turcs ont pour tous les métaux des noms tirés
de leur propre langue : il n'est pas vraisemblable qu'ils aient em-
prunté à un idiome étranger celui de l'étain.
M. le D' G. -A. Costomiris, professeur agrégé d'ophtalmologie
et d'otologie à Athènes, commence la lecture d'une Etude sur les
écrits encore inédits des médecins grecs, et sur ceux dont le texte grec
est perdu et dont il n^a été conservé que des traductions en latin ou en
arabe ^^^
SEANCE DU 10 MAI.
M. Menaînt commence la lecture d'un mémoire sur les inscrip-
tions de Hamath.
Il passe en revue les monuments de l'Asie Mineure et de la
Syrie dus à la civilisation hétéenne, à laquelle se rattachent ces
inscriptions; puis il rappelle les circonstances dans lesquelles
elles ont été découvertes et les travaux dont elles ont été l'objet.
L'étude des textes hétéens est de date récente. Jusqu'ici le
D' Hayes Ward, le D"^ Sayce et M. W. Wright sont les seuls qui
ont porté leur attention d'une manière fructueuse sur ces mys-
rieux hiéroglyphes. La lecture des inscriptions héléennes pro-
t les plus intéressantes révélations au sujet d'un peuple dont
on ne soupçonnait l'existence que par quelques passages de do-
cuments assyriens et égyptiens. Ceux-ci laissaient entrevoir le
rôle considérable des Khétas-Khassi depuis le xvf siècle avant
notre ère jusqu'au jour où Sargon, roi d'Assyrie, mit fin à leur
souveraineté sur les bords de TEuphrate par la prise de Karkemis
(717 ans avant notre ère).
M. Menant abordera, dans sa prochaine lecture, l'analyse des
textes.
M. Gaston Paris lit une note sur Martin de Braga et Sénèque.
C' Voir aux Commimcations, n° XV (p. 190-197).
— 1G3 —
M. Hauréau a montré que la première partie d'un livre inti-
tulé : De copia verborum, faussement attribuée à Sénèque, était
identique au Liber de quatuor virtiitibus, que beaucoup de manu-
scrits donnent aussi sous le nom de Sénèque, mais que Martin,
évéquc de Braga en Galice au vi^ siècle, donne formellement
pour son œuvre propre et qu'il intitule : Foi^ula honestœ vitœ.
Âfartin, selon M. Hauréau, aurait donc commis un plagiat.
M. Paris s'efforce d'élablir, au contraire, que Tévéque Martin,
dont tous les contemporains célèbrent les vertus et qui est encore
lionoré comme saint, na pas été plagiaire. Il a réellement com-
posé la Formula honestœ vitœ, qui, sous le titre de Liber de quatuor
virtutibus, a été attribuée par les copistes à Sénèque, puis incor-
porée au livre De copia verborum , centon de Sénèque composé au
iv^ siècle, sans doute par le même auteur à qui nous devons la
fausse correspondance entre Sénèque et saint Paul.
M. Hauréau serait tout disposé à admettre la rectification pro-
posée par M. Gaston Paris, s'il n'était arrêté par une dilficulté
de langue. On possède deux écrits qui sont certainement de
IMartin de Brnga, une Epistola moralis et une Homilia de correc-
tione rusticorum. Ils sont d'une langue barbare, qui ne rappelle
en rien la latinité fleurie et apprêtée du Liber de quatuor virtu-
tibus ^^h
M. Emile Cartailbac, directeur de la revue intitulée : Maté-
riaux pour r histoire primitive de l'homme, rend compte d'une explo-
ration arcliéologique des îles Baléares, Majorque et Minorque. 11
a principalement étudié les monuments primitifs appelés cijclo-
péens ou pclasgiques.
Il y a de véiitables villes, encore munies de leurs fortifications,
composées de blocs qui ont jusqu'à 9 mètres cubes. Les ruines
renfermées dans ces murailles comprennent ordinairement :
1° Des habitations établies très grossièrement an moyen de
blocs bruts soutenus à 2 mètres de haut par des piliers espacés
de 1'" 5o à 'î mètres; le visiteur de ces ruines, marchant sur le
toit de ces habitations, trouve à chaque pas un bloc éboulé et
'* Voir ci-après (p. 169).
— 16/4 —
peut ainsi pénétrer dans les galeries, qui couvrent des centaines
de mètres carrés;
2° Une construclion beaucoup plus grande, avec des blocs
assez bien dégrossis et occupant dans chaque ville le point cul-
minant ou principal; la voûte de ces édifices était formée par
des pierres plates, laiges et longues, aboutissant à un énorme
pilier central monolithe, qui a généralement gardé sa position
verticale et que les archéologues d'autrefois ont pris pour un autel;
3° Des tours rondes, rarement carrées, dites talayots, con-
struites au moyen d'assises très simples de blocs plats horizon-
taux et souvent volumineux (jusqu'à 3'" 5o), pjesque jamais
dégrossis; les murs, de 3 et /i mètres de diamètre, protègent une
petite crypte dont l'entrée a l'^'So à a mètres de hauteur, sur
1 mètre de largeur; la voûte de la crypte est formée par des
dalles à encorbellement; lorsque le diamètre dépasse 5 mètres
environ, il y a un ou deux piliers de soutènement;
h" Des grottes creusées dans la roche tendre qui forme le
sol; le plan de ces grottes rappelle celui des grottes sépulcrales
des environs d'Arles, en Provence.
En dehors des villes, on remarque les sépultures appelées nau
ou naveias; ce sont des tours allongées, dont la forme figure assez
bien une barque renversée. i\l. Cartailhac y a recueilli de nom-
breux débris humains.
Enfin, le long des côtes, on remarque, accumulées sur certains
points en nombre prodigieux, des grottes sépulcrales creusées dans
la roche et dont les détails architectoniques ont un grand intérêt.
En fait d'objets recueillis au cours des fouilles, M. Cartailhac
signale des poteries et des bronzes, dont il ne connaît nulle
part les similaires. L'âge de la pierre parait faire défaut dans les
îles; les plus anciens objets correspondent à la fin de notre âge
du bronze.
M, le D"" G.-A. Costomiris, professeur agrégé d'ophtalmologie et
d'otologie à Athènes, continue la lecture de son Elude sur les
écrits des médecins grecs, etc. t^'.
'') Voir aux Communications, n° XV (p. 190-197).
— 1G5 —
Le Iraité liippocratiqiie Des semaines cl un graiitl nombre des
œuvres de Galien n'existent qu'en lalin, et les six derniers livres
des Administrations anatomiques de Galien seulement en arabe;
ie texte grec de ces traites ayant été perdu, ce serait, dit M.Cos-
toniiris, une justice à rendre à ces grands médecins de Fanli-
(juité de les traduire en grec.
Plusieurs ouvrages très importants, dont le texte grec existe,
sont encore inédits. Tels sont : un grand nombre des écrits de
Galien ou pseudo-galéniques; le Rhizolomicon de Cralévas; le
Di/naméinn d'.Elius Promotus et ses écrits intitulés : <I>y(T<xà Kod
dvTinaOvTifioi et Ilep) ioêôXuv xa) S-n\r]TiTpiwv (papfjtdKoov ; le
traité Des maladies des femmes de Métrodora; six livres d'A(Uius
(X et Xll-XVI); les quatre derniers livres de la MétJiode thérapeu-
tique de Jean Acluarius; le Dijnaméron de Nicolas Myrepsus; une
grande partie des Hippiatriqnes; les Ephodes d'Abou J)jarar, tra-
duits en grec par Constantin de Rliégium; la Sy)iopsis de Jean
rArcliiatre; un traité anonyme très ini|)oitant sur la médecine
et un grand nombre de petits traités, dont les uns portent le
nom de leurs auteurs, tandis que les autres sont anonymes ou
pseudonymes. (îe serait un jfraiid service à rendre à la science,
au point de vue bistori([ue, pbilologique et même médical, de
publier le texte grec de ces divers ouvrages.
SEANCE DU 17 MAI.
Le Directeur de l'enseignement supérieur transmet à l'Aca-
démie deux mémoires de MM. Lechat et Bérard, membres de
l'École française d'Atbènes, intitulés, le premier : Klude sur les
sépultures archaïques de l'Acropole, et le second: U arbitrage inter-
national chez les Grecs. Ces mt'moires sont renvoyés à la Commis-
sion des Ecoles françaises d'Athènes et de Piome.
M, F. Hichter, de Vienne, présente à l'Académie deux tableaux
à l'encaustique et une tapisserie de haute lisse provenant de
l'Égvpte. (îes objets datent des temps compris depuis le i'' siècle
avant J.-C. jusqu'au m' siècle de notre ère. Ils font partie d'une
— 106 —
collection qui appartient à M. Th. Graf et qui est actuellement
exposée à Paris, rue de Rennes, IxU.
M. Maspero donne quelques de'tails sur la collection dont il s'agit.
La trouvaille a e'te' faite à Roubayàt (Fayoum). Les panneaux,
au nombre de quatre-vingt-douze, sont peints partie à la cire,
partie à l'œuf.
Les portraits appartiennent pour la plupart à l'époque des
Antonins. Ils proviennent de momies gréco-égyptiennes. Le mode
d'agencement des momies changea vers la fin du i" siècle. A la
forme conventionnelle que Ton donnait aux cercueils on sub-
stitua une forme nouvelle : uue caisse oblongue remplaça la
gaine modelée sur les contours vagues du corps; au lieu du
masque en relief, on inséra au-dessus de la place oii se trouvait
la tête un panneau en bois portant un portrait du mort ou de la
morte. Cet usage se retrouve à Thèbes comme au Fayoum : il
paraît avoir duré un siècle ou un siècle et demi environ.
Les tapisseries étaient appliquées sur les vêtements du mort:
les panneaux carrés dans le dos, des bandes le long des cou-
tures, parfois une calotte sur la lète et des chaussons en tapis-
serie aux pieds. Le point est le point des Gobelins. Les motifs
sont souvent païens.
La collection de M. Graf est la plus complète de ce genre
qu'on ait jamais vue et il serait à désirer qu'elle fût acquise par
quelque musée.
M. Ravaisson fait remarquer le caractère historique qu'offrent
les peintures présentées par M. Richter, et il ajoute qu'il en est
de même pour les représentations funéraires chez les Grecs. Aux
hautes époques, les morts, sur ces monuments, ont une physio-
nomie tout idéale; ce sont des héros ou demi-dieux, ou plutôt
des humains transformés en héros. Plus tard s'établit peu à peu
l'usage de les figurer tels qu'ils avaient été pendant leur vie.
Certains monuments grecs et un grand nombre de monuments
romains en témoignent. On voit qu'il en a été de même en
Egypte. En Eg\ptc comme en Grèce et à Rome, on a passé gra-
duellement d'un art tout idéaliste, pour ainsi dire, à un art de
caractère réaliste ou historique.
— 167 —
M. Aloïs Heiss communiciue une noie sur la démence de la
reine Jeanne de Castille, lemnie de Philippe le Beau et mère de
Charles-Quint.
M. Heiss combat la thèse de M. Bergenroth, qui a cherché à
prouver que la démence de Jeanne ne se manifesta que long-
temps après le décès de son mari et qu'en iSao cette princesse
était en possession de toutes ses facultés. La folie de la reine,
dans ce système, aurait été une invention de Ferdinand le Ca-
tholique pour s'emparer du gouvernement des Etats de sa fille,
et Charles-Quint, se servant du même prétexte, aurait maintenu
sa mère en captivité pour détenii' à son profit le royaume de
Castille. Enfin, les mauvais traitements infligés à Jeanne, d'après
les ordres donnés à ses geôliers par son père et par son fils,
auraient à la longue déterminé la terrible maladie mentale dont
la reine de Castille ne fut délivrée que par sa mort, arrivée
en i555.
Contrairement aux assertions de M. Bergenroth et en se fon-
dant sur des documents originaux publiés en Espagne, M. Heiss
s'attache à établir:
i" Que la fille des rois catholiques donna des symptômes non
équivoques de démence dès i5o3 et que Tannée suivante cette
démence était déclarée officiellement dans le testament de la
reine Isabelle, sa mère;
2° Que Jeanne ne fut pas enfermée à Tortesillas dès 1506,
comme le veut M. Bergenroth, mais qu'elle ne s'y installa qu'en
1609;
3° Que le corps de Philippe le Beau ne fut pas transporté
directement de la chartreuse de Miraflores, près de Burgos, à
Grenade, mais que Jeanne l'eut constamment auprès d'elle (jus-
qu'en i592) pendant les différents séjours qu'elle fit à Torque-
mada, à Hornillos et à Arcos;
k" Que les violences dont les gouverneurs de la maison de la
reine usèrent envers elle ont été singulièrement exagérées et
n'avaient d'autre but que de l'empêcher de mourir de faim, en
l'obligeant à prendre une nourriture que, dans sa folie, elle refu-
sait obstinément;
— 168 —
5° Que, si Charles -Quint a maintenu sa mère séparée du
monde, c'est parce que la malheureuse princesse était sujette à
des crises nerveuses pendant lesquelles elle perdait complètement
la conscience de son rang et de sa dignité.
M. le D' Costomiris achève la lecture de son Etude sur les écrits
des anciens médeœis grecs ^^\
SÉANCE DU 2 4 MAI.
Le Président annonce à TAcadémie la mort de M. W. Wright,
professeur de langues orientales à Cambridge.
Ce savant, qui était correspondant de l'Académie depuis dix
ans, a rendu par ses ouvrages et son enseignement des services
éminents à l'étude des langues sémitiques, en particulier aux
littératures syriaque et arabe. Sa mort laissera de profonds re-
grets au monde savant.
M. Geffroy, directeur de l'École française de Rome, adresse
deux lettres au Président de l'Académie.
Dans la première, notre confrère donne des détails sur deux
sarcophages qui viennent d'être trouvés dans le quartier des Prati
di CasteUo, à Rome, et qui contiennent les sépultures de deux
personnes de la gens Crepereia. L'un de ces sarcophages renfer-
mait, entre autres objets, une poupée de bois, articulée aux bras
et aux jambes et fort bien conservée f'-^.
Dans la seconde lettre, M. Geffroy entretient l'Académie des
résultats des dernières fouilles faites à Sélinonte et à Ostie, ainsi
que de la découverte d'un nouveau buste d'Auguste, trouvé à
Rome '^^.
Le Directeur de l'enseignement supérieur transmet à l'Aca-
démie deux mémoires de MM. Cadier et Miclion, membres de
l'École française de Rome, intitulés, le premier : Essai sur la
grande cour royale de Sicile pendant les règnes de Charles /" et de
Charles 11 d'Anjou, et le second : Etude sur Aléria. Ces mémoires
(') Voir aux Commi mcations, n" XV (p. 190-197).
(^) Voir aux Communications, n° XVI (p. 198-200).
(^) Voir aux Commcnications, n° XVII (p. aoo-201).
— IGD —
sonl renvoyés à la Commission des Ecoles françaises d'Athènes et
de Rome.
Le R. P. Augouard, provicaire apostolique du Con^jo fran-
çais, adresse au Secrétaire perpétuel une lettre par la([uelle il
prie l'Académie de vouloir bien admettre les missionnaires catbo-
li((ues de Brazzaville aux avantages de la fondation Benoit Garnier.
Cette lettre est renvoyée à la Commission de la fondation Garnier.
M. Hauréau lit une note sur le De ira attribué à Martin de
Braga.
Dans une communication précédente, M. Hauréau avait fait à
Martin, évèque de Braga, le reprocbe de s'être attribué le Liber
de quatuor virtutibm , dont l'auteur véritable serait le fabricateur
des fausses lettres de Sénèque et de saint Paul. M. Gaston Paris,
tout récemment, a cherché à défendre l'évêque galicien contre
celte imputation (^).
Un autre traité, publié sous ce titre : De ira, dans les œuvres
de Martin, offre pareillement une dédicace, dans laquelle cet
évèque écrit à son collègue Vitimir qu'il vient de rédiger, pour
lui complaire, cet opuscule sur l'art de tempérer la colère. Or,
ainsi que le montre M. Hauréau, cet opuscule n'est qu'un assem-
blage de i)hrases empruntées aux trois livres de Sénèque De ira
ad i\ovatuin. Ainsi Martin, évèque de Braga, aurait été, non pas
une seule fois, mais deux fois au moins, plagiaire.
M. Hauréau ne croit pas, d'ailleurs, que l'arrangement assez
habile des phrases prises à Sénèque soit l'œuvre de Martin; il
croit plutôt qu'il a trouvé ce travail tout fait et quil s'en est dit
l'auteur, comme il avait fait pour le Liber de quatuor virtutibus.
M. Gaston Paris, en présence du nouveau fait apporté par
M. Hauréau, ne croit pas devoir insister pour la défense de
révê({ue Martin de Biaga. Il reste, toutefois, profondément
étonné (juun prélat dont la piété et la vertu ont été vantées par
tous ses contemporains ait pu se rendre coupable, à deux re-
prises, d un pareil méfait,
M. Menant, continuant la lecture de son travail sur les textes
tO Voir ci-dessus (p. i6a).
— 170 —
hétëens, aborde l'analyse du système graphique que l'on recon-
naît dans ces textes, et qui repose sur le mélange des deux prin-
cipes hie'roglyphique et phonétique.
Il prend pour objet de sa démonstration les trois inscrip-
tions de Hamath. Déjà étudiées par M. Sayce, ces inscriptions
présentent un ensemble de signes et de groupes dont la compa-
j-aison permet d'établir une certaine analogie entre elles; mais
M. Menant, après avoir serré de près l'examen des signes et des
groupes, arrive à proposer une lecture qui s'écarte de celle de
M. Sayce. Sans même s'arrêter à discuter la question de savoir
jusqu'à quel point il est prudent d'accepter, comme nom du
prince rédacteur des inscriptions, celui de Tûmes ou Tuves, roi
de Hamath, identifié avec Tou ou Toi, contemporain de David,
M. Menant repousse l'identité absolue des trois textes, et signale
des variantes qui, selon lui, donnent une lecture dilïerente et
un sens autre, en ce qui concerne la filiation et les noms des
localités.
M. Oppert fait remarquer que l'expression rrroi des roisw, que
M. Menant croit trouver dans les textes en question , n'a pas été
admise par M. Sayce, parce qu'elle est toute moderne.
M. Menant explique que le mot ffrois^ au pluriel s'applique
aux trois personnes nommées dans les trois inscriptions, dont il
n'a pas donné les noms, et qui ont été confondues en une seule
par M. Sayce.
M. Lecoy de la Marche lit un mémoire duquel il résulte que
le grand sceau de nos rois, dit sceau de majesté, fut inventé à
l'avènement de Robert, en 996. Il appuie cette observation nou-
velle sur la confrontation des empreintes de cire avec les for-
mules des actes auxquels elles sont jointes. Les anneaux qui
servaient précédemment de sceau étant devenus trop petits,
malgré leurs agrandissements successifs, pour contenir l'image
du roi avec ses altribuls, il lailut en venir au sceau détaché de
l'anneau, au vrai seel, dont celui-ci est le premier type, et c'est
ce qui amena la rénovation de l'art de la gravure sur métal, si
développé au moyen âge.
— 171 —
SÉANCE DU 3l MAI.
Le Direclcur de renseignement supérieur tiausmcl à l'Aca-
déuiic un mémoire de M. Jamol, membre de l'Ecole d'Athènes,
intitulé : Le portra'U dans ht aculpture grecque. Ce mémoire est
renvoyé à la Commission des Écoles françaises d'Athènes et de
Rome.
M. Calleja, d'Alger, adresse à l'Académie une copie de sa nou-
velle traduction de l'inscription du tombeau d'Esmunazar. Cette
copie est renvoyée à la Commission du Corpus inscriptionum serni-
ticarum.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président annonce que
la Commission du prix de numismatique, fondé par M. Allier
de Hauteroche, a décerné ce prix à M, Théodore Reinach, pour
son ouvrage sur Les monnaies de trois royaumes d'Asie Mineure.
M. Georges Perrot communique, de la part de M. Victor
W'aille, une note sur une inscription latine, découverte à Cher-
cbel le 23 mai 1889. C'est une dédicace à Licinius Hiérociès,
gouverneur de la Maurétanie Césarienne, à la Gn du iii^ siècle
de notre ère^^'.
M. Paul Monceaux communique à l'Académie plusieurs frag-
ments du texte et les principales planches de la Restauration
d'OUpnpie , qn'û prépare en collaboration avec M. Laloux.
M. Monceaux rappelle le rôle important de la France dans les
découvertes d'Olympie. L'expédition de Morée en 1829 avait
commencé le travail de d('blaiement qu'une grande mission
allemande a terminé avec tant de persévérance et de succès.
MM. Laloux et Monceaux ont repris, avec l'aide du Gouverne-
ment et l'appui sympathique de nombreux membres de l'In-
stitut, l'œuvre de Blouct et de Dubois. Ils ont mis à profit tous
les précieux renseignements fournis par les dernières fouilles et
publieront prochainement une restauration générale des mo-
numents, des sculptures et des fêtes d'Olympie.
<" Voir aux Communications, n" XVIll (p. îoi-'io'!).
— Î72 —
Les fragments et les planches que M. Monceaux soumet à
TAcade'mie se rapportent à l'ensemble de l'enceinte sacrée et du
grand temple de Zeus. On doit signaler surtout les quatre grandes
planches qui donnent le plan et la vue perspective de l'Altis res-
tauré; la façade orientale du grand temple de Zeus; la restau-
ration des deux frontons et du célèbre Zeus de Phidias; les
métopes; la Victoire de Péonios et l'Hermès de Praxitèle. De
nombreux plans et fragments de toute sorte seront reproduits
dans l'ouvrage annoncé, où l'on trouvera une reconstitution
complète du plus fameux sanctuaire de l'ancienne Grèce.
M. Piette présente à la Compagnie divers monuments de l'art
des temps préhistoriques, recueillis dans la grotte du Mas d'Azil
(Ariège). Ces monuments sont de trois sortes : des gravures au
cbamplevé, faites sur des fragments d'os ou de bois de renne,
des bois de renne sculptés, enfin des galets peints ou pour mieux
dire coloriés.
Les gravures nous renseignent sur l'état de civilisation des
hommes qui les ont exécutées. Une d'entre elles nous montre
une femme couchée à côté d'un renne apprivoisé. Sur d'autres,
on voit des chevaux, avec un mors dans la bouche. Les popula-
tions de ces temps reculés possédaient donc déjà plusieurs espèces
d'animaux domestiques.
Les sculptures sont exécutées avec une habileté remarquable;
les artistes excellaient surtout à rendre les attitudes naturelles,
l'allure, le mouvement des animaux. M. Piette signale particu-
lièrement une étude de jambe d'aurochs et une statuette qui
représente un aurochs luttant, tête contre tête, ])iobablement
contre un autre animal. On remarque jusqu'à des études de
squelette et d'écorché : deux têtes de cheval, en sculpture de
petite dimension, dont l'une est représentée dépouillée de sa
chair, l'autre de sa peau.
Quant aux galets coloriés, M. Piette les attribue à une époque
postérieure, celle où, selon lui, l'humidité croissante et les inon-
dations avaient chassé le renne de nos climats et commençaient
à rendre les cavernes peu habitables. Ces peintures (si l'on peut
leur donner ce nom), les plus anciennes que l'on connaisse.
— 173 —
sont trîs {fvossiores. Quekjiics-uncs paraissent représenter des
piailles, d'autres offrent des dessins géonie'tn(|ues, croix, cercles
avec un disque concentrique, etc. Les plus nombreuses ne sont
que des assemblages de tacbes de couleur, dispose'es syme'triijue-
ment; elles font penser à des signes de nume'ration ou à des
marques de jeu.
SÉANCE DU 7 JUIN.
Le Président donne lecture d'une lettre de M. le D' J. Reboud,
annonçant la mort de son oncle, le médecin major Reboud, cor-
respondant de rAcadémie.
Le Président se rend l'interprète des regrets que cette perle
inspire à TAcadémie. Il rappelle les services rendus par ce
savant au recueil des inscriptions sémitiques, qu'il a enrichi
de nombreux documents recueillis pondant son long séjour en
Algérie. M. Reboud s'était occupé surtout de l'épigraphic libyco-
berbèro et il a recueilli dans une vaste publication un nombre
considérable d'inscriptions libyques, dont la science tirera un
grand profit.
M. Charles Garmer, membre de l'Inslitut, président de la
Société centrale des architectes, écrit au Secrétaire perpétuel pour
le prier de lui faire connaître le nom du membre de l'Ecole
d'Athènes ou de celle de Rome à qui devra être décernée la
médaille que la Société accorde tous les ans pour travaux ar-
chéologiques.
La Commission des Écoles d'Athènes et de Rome présentera
un candidat dans la prochaine séance.
M. Geffroy, directeur de l'École française de Rome, adresse
au Président une lettre relative à l'c-difice grec nouvellement
découvert à Sélinonte (Sicile), ainsi qu'aux fouilles de Vulci,
dirigées par M. Gsell, membre de l'École française'''.
M. Léon Gautier , au nom de la Commission du prix La Grange,
fait le rapport suivant :
(0 Voir aux Communications, n" XIX (p. :io4-3o5).
— 17i —
tfLa Commission, à rimanimité, décerne le prix de la fou-
dation La Grange à M. Emile Picot, pour ses deux ouvrages inti-
tule's , l'un : Le monologue dramatique dans V ancien théâtre français ,
l'autre : Les moralités politiques dans T ancien théâtre français , et
pour l'ensemble de ses travaux relatifs à la poésie française du
moyen âge.w
L'Académie donne acte à la Commission des conclusions de
son rapport.
M. Héron de Villefosse lit, au nom du R. P. Delattre, cha-
pelain de Saint-Louis de Carthage, une note sur la situation de
la ville antique de Neferis, qui n'avait pas été reconnue d'une
façon certaine f''.
Cette ville, qui joua un rôle considérable pendant la dernière
guerre punique, était peu éloignée de Carthage. Deux dédicaces
impériales, se rapportant à Septime Sévère et à Cai-acalla,
découvertes par M. Lançon, administrateur du vaste domaine
du Khangat-el-Hadjadj, ont été gravées, en l'honneur de ces deux
princes, au nom de la CIVITAS NEFERITANA. Cela prouve
que la colline désignée sous le nom de Henchir-Bou-Beker, oi!i
ces textes ont été relevés par le R. P. Delattre, correspond à
l'emplacement de l'antique Neferis et que, par conséquent, la
plaine voisine a été pendant la troisième guerre punique le té-
moin des exploits de Scipion et le théâtre des dernières luttes
des Carthaginois contre les Romains.
M. Monceaux continue sa communication parlielle du texte et
des planches de la publication intitulée : Restauration d'Olympie,
qu'il prépare en collaboration avec M. Laloux.
M. Cagnat, professeur au Collège de France, lit une note sur
les moyens employés à l'époque romaine pour assurer l'alimen-
tation de l'armée d'occupation de rAfri(|ue.
En temps de paix, les vivres militaires (blé et autres denrées,
fourrage pour les bétes de somme) étaient perçus à titre d'inipôt
sur les habitants de la province et versés dans des magasins
dépendant du procurateur de l'empereur, qui les livrait aux troupes
('' Voir aux Communications, n° XX (p. 9o5-2o8).
— 17:) —
sur le vu do bons de vivres, euiis par les chefs d<' corps. Les
troupeaux deslines à procurer la viaude IVaîclie étaieut confiés à
des soldats qui les menaient paître sur les territoires militaires,
particulièrement sur celui qui e'tait concède' à la ie'gion IH"
Augusta, autour de Lambèse. On récoltait aussi sur ce territoire
du foin pour les bêtes de somme.
En temps de guerre, les vivres nécessaires aux expéditions
étaient rassemblés, au moment de se mettre en campagne, par
des agents directs de l'empereur et déposés dans des magasins
créés pour la circonstance près du théâtre des opérations. Des
convois les portaient de là aux armées. M. Gagnât croit, contrai-
rement à l'opinion émise par certains savants, que le chameau
a dû être utilisé de bonne heure pour le transport des vivres mili-
taires en Afrique.
M. Siméon Luge est désigné pour lire, à la prochaine séance
trimestrielle de l'Institut, son mémoire sur Jeanne d'Arc et la for-
teresse de Domrémij.
SÉANCE DU lU JUIN.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président fait connaître
les conclusions prises par les Commissions du prix ordinaire, du
prix Julien et des Écoles d'Athènes et de Rome.
Le sujet du concours pour le prix ordinaire était une Etude
sur le théâtre hindou. Le prix est décerné au mémoire ayant pour
devise: M.é(xvrj(TO oit t;7ro«p<T)/s, etc. (Epictète, xvii).
Le Président ouvre le pli qui accompagnait ce mémoire; il
y lit le nom de M. Sylvain Lévi, maître de conférences à l'École
des hautes études.
Le prix Stanislas. lulien n'est pas décerné. Deux récompenses sont
accordées à titre d'encouragement, la première, de mille francs,
au R. P. Roucher, pour son ouvrage intitulé : La boussole du langage
mandwin, et la seconde, de cinq cents francs, à M. Terrien do
Lacouperie, pour l'ensemble de ses mémoires et notices sur
l'ethnographie des populations méridionales de l'empire chinois.
xvu. '«^
— 176 —
L'Aciulomie cidsignc, sur l'avis do la Commission des Ecoles
françaises d'Athènes et de Rome, M. Gsell, membre de l'Ecole de
Rome, pour recevoir la médaille de la Socie'té centrale des archi-
tectes. M. Gsell a exécute' cette année avec succès des fouilles à
Vulci.
M. Auguste Castan, correspondant de l'Académie à Besançon,
fait une communication sur Deux épitaphes romaines de femmes,
trouvées aux environs de Besançon.
Ces épitaphes sont celles de deux des sarcophages en pierre
qui bordaient un tronçon de la voie romaine par laquelle \ esontio
(Besançon) se reliait à Lyon, la métropole des Gaules.
Le seul subsistant de ces sarcophages fut découvert en 1828,
dans ie hameau de Saint-Ferjeux, qui appartient à la banlieue de
Besançon : il avait perdu son couvercle ainsi que son diîpôt funé-
raire. Un dessin de l'épitaphe qui le décorait ayant été envoyé
à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, Mongez fit sur ce
texte un assez long rapport, qui avait eu malheureusement pour
base une copie incorrecte. Plus tard , la même inscription fut
étudiée sur place par le général Creuly, dont Léon Renier rectifia
la lecture. La femme inhumée n'est désignée que par un qualifi-
catif amical, Virginia, dont la fin de l'épitaphe développe la si-
gnification en ces termes: SOLO CONTENTA MARITO. Son
époux s'appelait Marius Vitalis, double nom qui est suivi du
mot abrégé LEG, précédé d'un sigle signifiant centurio. Sur la
fonction de centurion légionnaire hors des cadres [centurio legio-
narius), on a une lettre de Pline, dont M. Castan s'autorise pour
assimiler cet officier de police militaire à ce qu'était chez nous
le commandant d'une place de guerre avant 1871. Le fils de la
défunte se nommait Marius Nigidianus (et non Nicidianus,
comme portaient les anciennes lectures). Ce double nom est
suivi du sigle Q surmonté d'une petite traverse. Ce sigle signifie
quœstor. Mais le fils d'un centurion plébéien aurait-il ou qualité
pour elre cjuesteur? De l'ordre sénatorial, non; de l'ordre muni-
cipal ou colonial, oui. Et M. Castan estime que le fils de Virginia
et du centurion Marius Vitalis était questeur de la magistrature
coloniale de Vesonlio.
— 177 —
La seconde (^pilaphc élail sur un magnifique sarcopliage dont
nous n\i\ons plus (pie de nonibi'euscs descriptions cl quelques
mauvais dessins. La découverte qui en lut l'aile, en 169^ , cul un
grand retenlissement : ce fut M^'^ de Scudéry qui en fil la com-
munication au Journal des Savanls. Le sarcopliage portait, quatre
lois répétée, l'image de Vascia, symbole de dédicace lumulaire
fré(]uent dans la région lyonnaise. Le populaire prit ce symbole
pour rimage de la croix, et un débat judiciaire eut lieu pour savoir
si le squelclle trouvé dans le sarcopliage élail celui d'une personne
païenne ou d'une personne chrétienne. Plusieurs savanls, parmi
lesquels élail Mabillon, furent d'avis que le tombeau était païen,
et dès lors les 700 livres de plomb que renfermait le sarcophage
firent le profit du marchand (]ui possédait le terrain où la trou-
vaille avait été faite. Le sarcophage fut douné aux Visitandines,
qui le convertirent en lavoir et mutilèrent Tépitaphe pour ne
plus éprouver Tcnnui de la faire voir aux curieux. Il ne subsista
de ce texte que les mots : VALE EVSEBI, gravés sur Tun des
flancs du sarcophage, circonstance qui valut à cette cuve l'étrange
sobri(iuet de tf Tombeau du valet d'Eusèbe^i. Ensebi, au vocatif,
était le nom d'amitié auquel répondait Ca3sonia Donata, la per-
sonne inhumée : elle était la femme de Candidus, esclave impé-
rial [verna Augusti noslri). Celle qualité est suivie dans l'épilaphe
de la formule EX TEST, qui se raccorde avec le verbe POSVIT
finissant la phrase. Mais pourquoi celte formule n'esl-elle pas,
comme de coutume, précédée du mol hœres ou d'un sigle on
tenant lieu? C'est parce que Candidus, esclave impérial, n'aurait
pu recevoir un héritage que pour le compte du maître auquel il
appartenait, et Cœsonia Donata, tout en chargeant son mari de
lui ériger un tombeau, ne tenait pas à ce que l'empereur héritât
de sa fortune.
L'épilaphe se termine par les deux mots abrégés LOC • LIB,
que M. Castan traduit par l'expression lociis Hberatus, voulant dire
que le tombeau était placé sur un lorrain étranger au domaine
public.
Voici la locluro et la traduction ([uo M. Castan flonne do ces
deux inscriptions :
i3.
— 178
I.
i,uRGlNIAE-MARIVS-VITALIS-CONIVNX-)(ce«tMno)LEGtononM«
ET- MARIVS • NIGIDIANVS • FlLitis ■~Quaeslor ■ MATRI-E-LON
GINQVO ■ ADPORTATAE • (ET) • HIC • CONDITAE ■ SEX • ET
TRIGINTA • ANN(s • VIXIT • INCVLPATA • MARITO • OB
SEQVIO RARO • SOLO CONTENTA MARITO D5
ff A Virginia, Marius Vitalis, son époux, centurion légionnaire, et Ma-
rins Nigidianus fils, questeur, à sa mère, ramenée de loin pour être ici
renfermée : elle vécut trente-six ans fidèle à son mari, soucieuse avant
tout de n'appartenir qu'à lui seul."
II.
CAESONIAE • DONATAE • QVAE ■ VIXSIT • ANNIS 53
XXXXVII • Mensibus (?) • Di?bm ■ XI • HORIS • IIII • CANDIDVS AVGusti
Noslri • VERNA • EX TESTamPiito ■ CONIVGI • BENE MERENTI
POSVITg) EVSEBI • HAVE • ET VALE
LOCms ç3 LlBeratus
AVE -EVSEBI VALE -EVSEBI
rh. Caesonia Donata, qui vécut quarante-sept années, (tant de) mois,
onze jours et quatre heures, Gandidus, esclave du domaine de notre
Empereur, érigea à sa bien méritante épouse, en vertu du testament de
celle-ci, ce tombeau placé sur un terrain privé. Chère Pieuse, bonjour
et adieu. — Bonjour, Pieuse ! Adieu, Pieuse!»
M. Héron de Villefosse entretient l'Académie d'une inscription
latine découverte vers i58o dans les murs du castmm de Dijon,
mais malheureusement perdue aujourd'hui.
Ce texte contient une mention géographique qui n'a jamais
été interprétée d'une façon satisfaisante.
A la ligne la, on lit : PAGANDOMO COhSISTENTES.
Tous les éditeurs ont transcrit : pagan(i) domo consistentes. Cette
interprétation n'est pas soutenable; il faut lire : pag[ï) Andomo con-
sistentes. Il en résulte que ce texte nous fournil le nom d'un pagus
inconnu jusqu'ici, mais dont la situation, sur le territoire de la
civitas Lingonum, présente un intérêt particulier. En effet, le chef-
lieu de cette civitas porte le nom d'Andematunum, qui ne nous est
— 179 —
transmis que dans des textes peu certains. Tous les inaniiscrits
de Ptole'niée contiennent la forme AvSofxixrovvov, qui paraît de-
voir être lapproche'e du nom du pagits Andomus. Le nom du
chef-lieu pourrait bien avoir été' formé sur celui du pagus.
M. Paul Regnaud communique un Mémoire sur T origine et la
valeur de ïidée de racine et de sujjixe dans les langues indo-européennes.
Les racines et les suffixes sont, dit M. Regnaud, le résultat de
l'analyse tout empirique à laquelle se sont livrés, sur le sanscrit,
les grammairiens hindous et tout particulièrement Pânini. Elles
n'ont jamais eu d'indépendance réelle. La théorie de l'aggluti-
nation, qui a été fondée sur l'hypothèse de cette indépendance,
doit être tenue pour suspecte.
La dérivation indo-européenne a eu probablement pour base
les monosyllabes communs à tous les idiomes de la famille,
comme pes . vox , -fer, -ger, -dex , etc. , du latin , qui tous à l'origine
étaient des adjectifs verbaux. Là sont les véritables racines, c'est-
à-dire le point de départ de la dérivation ou, en d'autres termes,
les primitifs.
Les racines, telles que les ont extraites et classées les gram-
mairiens hindous, n'en conservent pas moins une valeur mnémo-
technique et de classement, qui en rendra toujours l'usage utile.
SEANCE DU ai JUIN.
i\L Héron de Villefosse communique des renseignements qui
lui ont été adressés de Sousse par M. le commandant Privât, au
sujet de diverses découvertes faites à Gabès et à Gafsa ''\
Dans la première de ces deux localités, le savant officier a
fouillé une sépulture indigène sous tuniulus, antérieure à la
conquête romaine et dont le mobilier est fort intéressant. 11 a
également mis à jour, près de Sidi Boulbaba, un grand édifice
qui paraît avoir été anciennement un grenier destiné à conserver
les céréales nécessaires à l'alimentation des troupes.
A Gafsa, un capitaine du génie a trouvé une mosaïque dont
<" Voir aux Communications, n" XXI (p. 208-mt).
— 180 —
le sujet repre'sente les courses de chars dans TinteVieur du cirque.
On aperçoit sous les arcades, autour de l'arène, les tètes serrées
des spectateurs, qui semblent prendre un plaisir extrême à l'ac-
tion qui se de'roule devant eux.
Sur la proposition de la Commission du Corpus inscriptionum
semiticariim , TAcadéiiiie nomme membre de cette commission
M. Clermont-Ganneau.
L'Acade'mie procède ensuite à l'élection des deux membres qui
composeront la Commission chargée de vérifier les comptes de
recettes et de dépenses de l'Académie pendant l'année 1888.
MM. Croiset et de Barthélémy sont élus.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publicjue, M. d'Arbois de Jubain-
viLLE fait une communication sur le duel conventionnel, qui,
dans un état primitif de civilisation, a précédé le duel judiciaire.
On trouve le duel conventionnel dans le droit irlandais, l^a
convention qui le précède a pour effet de décharger le vainqueur
de toute responsabilité pour le meurtre de son adversaire.
Un exemple de ce duel couvimtionnel nous est donné par Tite-
Live, dans le récit de la seconde guerre punique. Scipion, en Es-
pagne, voulant célébrer des jeux funèbres en l'honneur de son
père, devait, suivant l'usage, y donner des combats de gladiateurs.
11 put y parvenir sans bourse délier. Parmi les alliés celtibériens
que lui avait donnés, en Espagne, la haine de Carihage, il se
trouvait plusieurs individus qui avaient des contestations entre eux
et qui, pour les terminer, se battirent en duel sous les yeux des
Romains et de leurs compatriotes.
M. Ravaisson annonce, de la part de la Société des amis des
monuments, la prochaine tenue d'un congrès pour la conserva-
tion des monuments. Ce congrès s'ouvrira lundi prochain 2Z1 juin.
SÉANCE DU 98 JUIN.
Le Ministre de finstruction publique invite l'Académie à s'oc-
cuper, dans une de ses prochaines séances, de la désignation
— LSI —
(li; (k'u\ ciiiulidats à la cliairc de i-Iiinois, vacaiile à 1 Ecole des
lanjfues orieulales \ivanles, par suile du décès de M. Jaiiietel.
Il adresse en même temps à l'Académie des cxtiails des
procès-verbaux : i" (riine séance de rassemblée des professeurs
de rÉcole , dans laquelle cette assembl<;c a présenté en première
lijjne M. Devéria, et, en seconde li^jne, M. Camille Imbaull-Huarl;
2° d'une séance du Conseil de perfectionnement de la même
Ecole, qui a fait les mêmes présentations, dans le même ordre.
L'Académie procédera aux présentations dans sa procbaine
séance.
Le Directeur de l'enseignement supérieur écrit au Secrétaire
perpétuel pour le prier de consulter la Commission des Ecoles
françaises d'Athènes et de Home au sujet du désir exprimé par
le Directeur de l'Ecole française d'Athènes de voir accorder une
quatrième année de séjour à M. Lechat, membre de ladite
Ecole. Renvoi à la Commission compétente.
M. Guichard, sénateur, président du Comité constitué poui-
élever un monument à la mémoire de M. Paul Bert, écrit à l'Aca-
démie pour la prier de vouloir bien assister à la cérémonie
d'inauguration, qui aura lieu, à Auxerre, le dimanche 7 juillet
prochain,
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publi(]ue, le Président annonce
que la Commission du prix Gobert propose de décerner le pre-
mier prix à M. iXoël Valois, pour ses deux ouvrages : Juvenlaire
des arrêls du Conseil d^Elat [règne de Henri IV) et Le Conseil du roi
aux xiv", xy" et xvi' siècles, et le second prix à M. Auguste Moli-
nier, pour sa Géographie historique de la province de Languedoc au
moyen âge.
Il est procédé au scrutin. Le premier prix est décerné à
M. Noël Valois, par 25 suffrages sur 38 votants, et le second prix
à M. Auguste Molinier, par 33 suffrages sur 37 votants.
M. Delislk lit une note intitulée : La chronique drs Tard-Venus.
On a donni; le nom de Tard-Venus à des bandes de routiers
qui, vers les ann«'es i3Go à i3G5, infestèrent le Lyonnais et
les régions avoisinantes. Eu 1873, un auiateur de Milan,
— 18-2 —
M. C. Morbio, annonça qu'il possédait dans su bibliothèque un
manuscrit important pour l'histoire de ces compagnies. C'était
une chronique en français, rédigée en iSgo et dédiée à l'arche-
vêque de Lyon par un chanoine de sa cathédrale. Cette chro-
nique occupait iSa pages de parchemin grossier, de petit format;
l'écriture présentait un aspect étrange et paraissait, ajoutait
M. Morbio, remonter au xvi^ siècle ou peut-être à une époque
plus ancienne.
Après la mort de M. Morbio, ses livres furent acquis par
M, Ackermann, libraire à Munich. M. le comte Riant, qui avait
entretenu des relations suivies avec M. Morbio, fit alors plusieurs
tentatives poui" assurer à notre Bibliothèque nationale la posses-
sion de la chronique des Tard-Venus. Elles restèrent sans succès.
Cette année enfin, un catalogue publié par MM. List et Francke,
libraires à Leipzig, ayant annoncé pour le 2/1 juin. 1889 la vente
aux enchères de la collection Morbio, le moment semblait venu
d'acquérir pour la Bibliothèque nationale un document signalé
comme ayant une valeur historique exceptionnelle. Mais certains
doutes, que la description de M. Morbio avait fait naître dans l'es-
prit de M. Delisle, furent accrus parla lecture de Tannoncedu ma-
nuscrit dans le catalogue publié par MM. List et Francke. Pour
savoir décidément à quoi s'en tenir, notre confrère demanda et
obtint des photographies de trois pages du manuscrit.
La vue de ces photographies ne laisse place à aucune hésita-
tion. La chronique des Tard- Venus a été fabriquée au xix* siècle
(probablement entre i85o et 1870), par un faussaire aussi
maladroit qu'ignorant. La Bibliothèque nationale doit se féliciter
de n'en avoir pas poursuivi l'acquisition.
Deux autres manuscrits, oià Ton reconnaît la main du même
faussaire, existent, l'un au Musée britannique (manuscrits addi-
tionnels, n" 3oo/i9), l'autre à la Bibliothèque nationale (nouvelles
acquisitions françaises, n° 6092). Le premier est décrit, dans le
catalogue du Musée britannique, comme r une transcription mo-
derne-, faussement datée de 1 5i 2 ». Le second fut donné à la Bi-
bliothèque, le 20 février 1876, par feu M. Henri Bordiei, tr comme
f'rhantillon d'imitation moderne des plus grossières n.
— 183 —
COMMUNICATIONS.
N° XIV.
ON ESSAI D'EXPOSITION INTERNATIONALE EN l^yO,
PAR M. DE MAULDE.
(séance DU 3 MAI 1889.)
Louis XI a toujours fait, dans ses préoccupations et dans
ses actes, une large |)iace aux questions économiques : par
esprit économique en même temps que par politique, il rêva
l'unité des poids et mesures, peut-être même l'unité de la lé-
gislation. Il cassa les compagnies permanentes pour se con-
stituer une armée de mercenaires étrangers. Lui qui aimait
les habits de bure et les vieux chapeaux, on le vit, à la fin de
sa vie, arborer tout à coup des étoffes de soie, d'or, dans le
double but, sans doute, d'encourager l'industrie et de voiler sa
défaillance. Il prit bien d'autres mesures, très diverses, et plus
ou moins efficaces, pour développer l'industrie française, pour
la mettre en état de lutter contre la concurrence flamande et
italienne : par exemple, il fit venir d'Italie d'habiles ouvriers
pour apprendre aux ouvriers français l'art de tisser les étoffes
de prix; il entreprit, à Arras, de ressusciter de toutes pièces,
d'un seul coup, un centre industriel. Dans sa politique exté-
rieure il porta les mêmes préoccupations.
L'Angleterre entretenait avec la Flandre, les Pays-Bas,
l'Italie, des relations actives et anciennes. Les industries tex-
tiles des bords du Rhin trouvaient chez elle un débouché;
elle recevait d'Italie, notamment de Lombardie, des matières
premières, surtout des laines brutes.
Louis XI crut rencontrer en ih-jo une occasion propice
— 184 —
pour ouvrir les marrhés anglais à l'industrie française, et,
dans ce but, il conçut un plan singulier, que nul historien
n'a indiqué. Des lettres patentes du 26 juillet 1/171 l'expo-
sent avec beaucoup de méthode et de clarté. Ces lettres pa-
raissent dignes d'attention, car elles contiennent, à notre
connaissance, la première manifestation d'une idée appelée à
une extension sur laquelle il est, sans doute, inutile d'insister,
l'idée d'une exposition internationale pour les produits indus-
triels.
En i/iyo, Louis XI profitait de la restauration de Henri VI
d'Angleterre par Warvv'ick pour négocier entre les deux cou-
ronnes un traité de «trêves, seur estât, abstinence de guerre
et entrecours de marchandise??, d'une durée de dix années.
Ce traité devait comporter l'établissement entre les deux pavs
d'un régime de libre-échange absolu , sans qu'aucune taxe
spéciale pût frapper les étrangers ni leurs produits, pas
même des taxes de quayage ou autres. C'est sous le couvert
de l'ambassade chargée de la négociation que le roi entreprit
de faire connaître à Londres les produits français. Il s'en-
tendit, et probablement non sans peine, avec les chefs de
deux grandes maisons de commerce de Tours, Jean de Beaune
et Jean Briçonnet, crlors riches et puissans»^^*, qui, sur ses
(') Sur ces deux personnajjes associés et étroitemeni alliés (Jean Briçonnet
était gendre de Jean de Beaune), on peut voir YHistoire généalogique de la mai-
son des Briçonnet, par le chanoine G. Bretonneau. Les Briçomiel avaient, du
reste, participé plus d'une fois aux grandes aflaires du royaume. Deux d'entre
eux, Bertrand et André, étaient ou avaient été notaires-secrétaires du roi. En
i/i56, nous voyons Guillaume Bnçonnet employé en mission par le roi
(ms. fr. 90690, p. 70).
En l'année 1^70 même, Louis XI envoya Jean Briçonnet en mission à Berne
(ms. fr. 20685, p. 5o3, reçu cité par M. de Boislisle, Etienne de Vesc, p. 30,
n. 9). Nous manquons de détails sur cette mission, mais il est fort probable
qu'elle avait mi objet commercial.
Jean de Beamie et Jean Briçonnet étaient, en outre, les banquiers du roi, et
le Trésor nvail chez eux une sorte de compte courant. En 1/173, ils nvancèrent
au roi 3o,ooo livres, gagées sur le montant d'une nouvelle taille (Vacsen,
— 185 —
instances et ses ordres, voulurent bien «condescendre» (mot
assez rare dans la chancellerie de Louis XI) à former une
collection de produits français, épiceries, draps d'or et de
soie, toiles et autres, d'une valeur de 36,000 écus, qui
devait entrer en Angleterre sous la garantie de l'immunité
accordée à la suite et aux bagages de l'ambassade. Il fut
expressément défendu '^^, sous peine de rébellion ou lèse-ma-
jesté, de rien vendre, de rien distribuer, à moins d'un ordre
spécial du comte de Warwick : en revanche, le roi prenait a
sa charge tous les risques et s'en portait garant à l'égard des
deux négociants. Jean Briçonnet et Jean de Beaune devaient
simplement K eux esvertuer a ce que les habitans dudit royaume
d'Angleterre cogneussent par effect que les marchans de France
estoient puissans pour les fournir comme les autres nacions».
L'envoi eut lieu dans ces conditions et arriva heureusement
en Angleterre. Pourtant, si bien conçu qu'il fût, le projet
échoua par des circonstances d'ordre majeur. ^^ arwick y
porta le premier coup. Ne pouvant, disait-il, k conduire»,
sans argent, les secours militaires promis à Louis XI, il força
Briçonnet à lui délivrer pour 17,000 écus de marchandises
et d'argent. On apprit aussi le retour offensif du roi Edouard :
Briçonnet se hâta de faire embarquer le reste des marchan-
dises sous la conduite du fils de Jean de Beaune, qu'il avait
amené avec lui. Peu après, les ambassadeurs eux-mêmes,
surpris par la rapidité des événements, n'eurent que le temps
de prendre le large pendant la nuit.
Cat<do<rus du Fonds Bourré , K 90). Aussi étaient-ils des personnages fort impor-
tants. Nous trouvons Jean Briçonnet sur la liste des pei-sonnes à qui la duchesse
d'Orléans adresse, en 1A70, un don de vin {Titres originaux, Orléans, tome XI,
compte de 1/170, fol. 7-'i'i-7'i9).
l'i Celte défense eut lieu après l'arrivée Au convoi à Londres; elle dut être
provoquée par des représentations du Gouvernement anglais contre l'extension
de l'immunité diplomatique à des objets qu'où ne pouvait qualifier bagages qu'à
condition de n'en pas faire le commerce.
— J86 —
Le retour fut désastreux : des Ostrelins surprirent le convoi
de marchandises, le capturèrent, et le fils de Jean de Beaune,
fait prisonnier, perdit même la vie*^'.
A la suite de cette catastrophe, Briçonnet et Jean de
Beaune recoururent au roi. Le Grand Conseil, avec l'adjonc-
tion des gens des comptes, reconnut le bien fondé de leur
réclamation et fixa leur indemnité à 3 0,000 livres. Pour
épargner cria foulle et charge du peuple, marchans et sub-
gietz», le Conseil alloua 6 deniers parisis par minot de sel
vendu dans les greniers à sel de Languedoc et Languedoil,
jusqu'à concurrence de 27,000 livres, c'est-à-dire pendant une
durée probable de trois ans, à partir de l'ouverture du prochain
exercice, i^' septembre et i*"^ octobre suivant les cas. On im-
posa sous une autre forme les pays ç^oii les greniers n'ont
point de cours» pour les 3,ooo livres restantes'-'.
Ce règlement fait l'objet des lettres patentes du 26 juillet
1/171, contenues dans deux expéditions authentiques du bail-
liage de Rouen, données le 5 septembre suivant. Les familles
Briçonnet et de Beaune trouvèrent aussi de larges compen-
sations dans les effets de la faveur toujours croissante du roi.
Ainsi, l'essai d'une exposition internationale tenté par
Louis XI aboutit à un échec, et les circonstances ne semblent
pas avoir permis au roi de le renouveler. L honneur n'en
revient pas moins à Louis XI d'avoir posé un principe qui
devait, par la suite, prendre de si grands développements.
'' C'est ce qui résulte du texte même de l'acte, bien qu'il soit question , dans
un compte, de la rrrançon'i du iils de Jean de Beaune.
'*' Ces trois mille livres furent payées dès l'année suivante (Compte de 1Z171-
1^73, cité par M. de Boislisle, op. cit., p. 36, n. 2). En 1^72, Louis XI dé-
légua aussi à Jean de Beaune 3, 000 livres dues par un marchand, Jean Plouvier
{Catalogue Bourré, J. lai).
— 187 —
LETTRES PATENTES DU 9 6 JUILLET l/j^l.
A lous ceulx qui ces présentes lellres verront, Jehan de Monlespedon,
escuier, seigneur de Beauvoir et de Bazoges, conseiller chambellan du Roy
nostre sire et son bailli de Rouen , salut. Savoir faisons que nous, au jour
d uy, cinquiesme jour de septembre , l'an de grâce mil quatre cens soixante
et unze, avons veues, tenues et leues, mot après mot, unes lettres royaulx
sellées en simple queue et cire jamie, saines et entières en seel, saingz et
escripture , desquelles la teneur s'ensuit.
Loys, par la grâce de Dieu Roy de France, a noz amez et feaulx les
generaulx conseillers par nous ordonnez sur le fait et gouvernement de
toutes noz finances, tant en Languedoil comme en Languedoc, salut et
dilection. Comme la reconsiliacion et aleance d'entre deffunctz noz frères
et cousins le Roy Henry d'Angleterre et le conte de Warvic ait esté, en
l'année derreniere passée, par nous pourparlée et consommée , par l'advis
et deliberacion de plusieurs de nostre sang et lignage et gens de nostre
conseil, par le mariage faisant de feu le prince de Galles, nostre cousin,
fdz dudit Roy Henry, ot de nostre cousine, la fille dudit conte de
Warvic, pour le ttes grant et apparant bien et paix finale de nostre
Royaume avec lesdits Royaume et subgietz d'Angleterre , lesquelz , tan-
tost aprez, au moyen de ladite aleance, furent paisiblement reduiz en
l'obbeissance du Roy Henry, leur vray Roy et naturel seigneur, et
Edouart de la \Iarcbi\ injuste usurpateur d'icelui, du tout en osli' et dé-
bouté; pour l'entretenement duquel Roy Henry et du cours de marchan-
dise entre lesdits Royaumes a tou'^jours mais, ainsi que pourparlé et
traicté avoit esté, entre autres choses, nous eussions, par l'advis que
dessus, au bien très évident de la chose publique de nostre Royaume,
pays et subgietz, envoyé plusieurs grans et notables persoimages, noz
ambassadeurs, ourlit Royaume d'Angleterre, et fait induire et con-
descendre nos bien amez, Jehan de Beaune et Jehan Bricon net, raarchans
de nostre ville de Tours, lors riches et puissans, charger ou faire charger,
transfreter et mener oudit Royaume d'Angleterre, soubz la seureté et
ordonnance de nous et de nosdits ambassadeurs , plusieur-; et très grans
qualitez de marchandises, tant d'espiceries, de drap d'or et de soye,
toilles et autres marchandises, jusques a la valeur el estimacion de vingt
et cinq mil escus ou environ, ainsi que de tout avons esté deuement
informez et advertiz. Lesquelles marchandises nous ordonnasmes ausdits
de Beaune et Briconnet charger et mener oudit Royautne d'Angleterre
— 188 —
en si grant quantité; et, en ce, eulx esvertuer a ce que les liabitans dudit
Royaume d'Angleterre congneussent par effect que les marchans de France
estoient puissans pour les fournir comme les autres nacions. Et, en ce
faisant, leur fu ])ar nous promis tpe, se aucune perte ou inconvénient
leur en avenoit, que nous les en desdoramagerions. Et soit ainsi que,
ledit Briconnet estant en Angleterre avec sadile marchandise, lui fu, a
la requeste dudit conte de VVarvic, par nosdits ambassadeurs et de par
nous deffendu, pour le bien et utilité de noslre Royaume, de ne distribuer
ne vendi'e aucunes desdites marchandises, sur paine d'estre réputé a
nous désobéissant et rebelle, sinon au plaisir et voulenté dudil conte de
Warvic; lequel de Warvic, congnoissant que sans argent \\ ne povoit
conduire son armée qu'il avoit mise sus pour cuider envoyer par deçà
en nostre service, fist tant envers lesdits ambassadeurs quilz contrain-
gnirent ledit Briconnet a lui fournir et délivrer, tant desdites marchan-
dises que argent comptant, jusques a la somme de dix sept mille escus,
et le sourplus desdites marchandises, ensemble le filz dudit Jehan de
Reauue, furent prins et raviz sur la mer ])ar les Austrelins, en retournant
par deçà pour les cuider mectre en seureté et hors des daiigiers dudit
Edouart, qui, tantost aprez, descendit ou Royaume d'Angleterre, ou-
quel temps ses faulleurs , noz anciens ennemis , cuiderent cautuleusement
surprendre et saisir au corps noscUts ambassadeurs, lesquelz, a ceste
cause, furent contrains eulx depaiiir de nuyt dudit Royaume, et autre-
ment eussent esté tous mors, prins ou perdus, comme il est advenu dudit
filz dudil Jehan de Beaune et du sourplus desdites marchandises. Et,
par ce moyen, sont lesdits de Beaune et Briconnet demourêz onlierement
desnuez et despoinlez de leurs dites marchandises et substance, et, sub-
sequamment, leurs femmes et enfans et plus seroienl, se par nous ne
leur estoit sur ce pourveu de nostre grâce et provision convenable, ainsi
que remonstré nous a esté. Pour ce est-il que nous, les choses dessus-
dites considérées et que les pertes et dommages que ont soufl'ert jusques
à présent lesdits de Beaune et Briconnet n'ont pas procédé par leur
coulpe, et que a esté par fortune de guerre subséquente nostredite enten-
cion et ordonnance, regardans le bien et ulilité de la chose publique de
nostre royaume, voulans a ceste cause les relever desdits grans perles
et dommages et d'icelles les recompenser a la mendre foulle et charge de
nostre peuple, marchans et subgictz, pour le bien desquclz et en nous
obéissant est advenue ladite grant perte, a iceulx Jehan de Beaune et Bri-
connet avons, par Tadvis etdeliberacion des gens de nostredit grant con-
seil, ouipiel les gens de noz finances estoient, donné et octroyé, donnons
— 189 —
el octroyons la sonimo do tn^nlc mil livres l. , pour aucunement les récom-
penser (losd. vinyl el cinq mil escus ou environ cpi'ilz ont perdus en la
manière que dit est, sur laquelle somme de trente mil livres t., par
l'advis et delihoracion que dessus, iiz prendront six deniers parisis sur
chacun niinot de sel qui sera vendu el tlistribuë en tous les greniers de
noslre Royamno, lant on Languodoil que en Langueiloc, en trois ans
conliniiolz el consoquulifz , conniienchans, c'est assavoir, en noslj-e pays
de Languodoil, au premier jour d'octobre prochain, et, en Languedoc,
au premier jour de septembre aussi prochain, jusques a la sonnne de
vingt et sept mil livres tourn. ; el, ou cas qu'ilz ne pourroient recouvrer
esdilos trois années lesdites xxvn.M. liv. tourn. a cause desdits vî d. p. pour
minot, nous voulons que lesdits six deniers par. pour minol soient piiiis
et levez, el que lesdils de Beaune et Briconnet les lecouvreut les aimées
après ensuivant ladite troysieme année passée , jusques a plain paiement
desd. xxvn.M. 1. t. Lesquelz six deniers par. pour minot, qui font trente
solz tournois pour muy, iesdits de Beaune et Briconnet, ou l'un d'eulx,
auront el prendront par leur simple quittance, ou de l'un d'eulx seulle-
meiit, par les mains des grenetiers ou de leurs commis, sans ce qu'il
leur soit besoing avoir autres acquilz el descharges de nous ou de vous
que cesdiles présentes. Et les trois mil livres lournois, pour le parfaict
desdits trente mil livres tournoys, se prendront ailleurs, sur noz pays
ou les greniers n'ont point de cours , par la forme et ainsi que par noz
autres lettres avons ordonné. Si vous mandons
Donné à Amboise, le vingt sisiesme jour de juillet l'an de grâce mil
quatre cens soixante et unze, et de nostre règne le xi°. Ainsi signé: Loys.
Par le Roy, en son conseil, Flameng.
En tesmoing de ce, nous, baili dessus nommé, avons fait sceller ce
vidinms ou transcripl, du graiit seel aux causes dudit bailliage. Ce fu
fait et donné a Rouen, en Tan et jour premiers dessus dits.
Daote, notaire (?).
(Ori(». , Bibl. nat. , tns. fr. 9571'!, n° i5(). — Une antre expédition semblable
se trouve dans le même volume, n° 157.)
— 190 —
N° XV.
RÉSUMÉ D'UN MÉMOIRE SUR LES ÉCRITS ENCORE INEDITS DES ANCIENS
MÉDECINS GRECS ET SDR CEUX DONT LE TEXTE, PERDU EN GREC,
EXISTE EN LATIN OU EN ARABE, PAR M. GEORGES-A. COSTOMIRIS,
PROFESSEUR AGRÉGÉ D'OPHTALMOLOGIE ET D'OTOLOGIE À ATHÈNES.
(séances DES 3, 10 et 17 mai 1889.)
Dans le préambule de ce mémoire, l'auteur reconnaît hau-
tement les progrès qu'a faits dans notre siècle l'œuvre de la
publication des anciens médecins grecs; il s'attache en même
temps à rendre justice au passé, et surtout à l'érudition du
xvf siècle et à l'enthousiasme des savants d'alors pour les an-
tiquités médicales. Il signale l'incorrection des éditions de
dalien, d'Aétius, de Paul d'Egine, de la Gijnécologie de Mos-
chion, de \ Optique de Damiane, de la Collection hippiatrique,
éditions pour la plupart très rares; mais il insiste avant tout
sur la nécessité de publier les textes originaux encore inédits
et de traduire en grec divers écrits d'Hippocrate, de Galien, de
Soranus d'Ephèse et de Théodore Priscien, dont le texte grec
est perdu et qui n'existent qu'en traductions latines ou arabes.
ç^Ilest pénible, dit-il, pour les descendants de ces éminents
génies de l'antiquité, de ne pas faire revivre dans leur langue
maternelle ces reliques des traductions latines et arabes; ce
serait une justice à rendre à ces auteurs de les traduire en
grec, et un grand service à rendre aux sciences, de publier
les ouvrages encore inédits des anciens médecins, qui sont
d'une réelle valeur et pour la médecine en particulier et pour
les sciences en général. ?5 '
Pour la constitution et l'intarprétation du texte, on doit
suivre les préceptes de Galien, sur lesquels Daremberg a basé
son plan , en remarquant que la base fondamentale d'une bonne
édition est de donner avant tout un texte correct et critique.
— 191 —
Enfin, M. Costomiris exprime une reconnaissance pro-
fondo pour tous les savants qui ont contribué à édaircir les
œuvres de ses ancêtres; il remercie le Gouvernement français
et les deux compafjnies savantes qui ont soutenu avec ardeur
les éditions classiques des médecins grecs; et il considère
comme un hommage pour l'antiquité et un devoir sacré pour
les sciences et pour sa propre nation, de faire connaître au
monde érudit et à ses compatriotes les trésors cachés dans les
bibliothèques, étant persuadé que l'Université d'Athènes, le
Gouvernement hellénique, la générosité reconnue des Hel-
lènes, dont l'amour-propre est intéressé dans cette question,
contribueront à la publication de ces œuvres si importantes.
Abordant ensuite la question, M. Costomiris divise la ma-
tière selon l'importance des auleurs; il cite tous les manuscrits
qui existent dans les diverses bibliothèques pour chaque au-
teur inédit; il signale j)articulièrement la valeur des manu-
scrits de Paris, qu'il a étudiés lui-même, et il mentionne les
opinions des autres auteurs sur l'importance des manuscrits
des autres bibliothèques. - ''
I. HippocRATE. Le traité Des semaines, Depi éêSonaScov
v 70 zrpœTGv Tsepi vovcrojv ro fjuxpÔTepov , n'existe qu'en lalm ,
publié dans l'édition Littré (t. VIII, p. 63/i et t. IX, p. /iSS).
Il n'en existe en grec que quelques fragments publiés par
Littré et un fragment peut-être inédit dans le manuscrit
T, in, 16, de l'Escurial, occupant une page, fol. 1 v°.
r
II. Galien. a. Ecrits de Galien dont le texte grec est perdu :
0. Il y a trois ouvrages en arabe, inédits encore:
1 . Les Administra lions anatomiques. La plus grande partie
du livre IX et les livres X à XV n'existent qu'en arabe et ils
sont inédits (mss. arabes 667 et 070 d Oxford et une copie
de Daremberg dans le Suppl. arabe looa- à Paris).
XVII.
fUtalMIBiK làriu^aLc
— 192 —
9. Comnienlairos de Gallen sur le IP livre des Epidhiies
d'Hipporrate, en six livres. Les livres II et III seulement exis-
tent en grec et en latin, tout à fait mutilés. Les six livres
entiers se trouvent en arabe dans un manuscrit de la biblio-
thèque Ambrosienne à Milan et une copie de ce manuscrit à
Paris, n° 2002^ du Suppl. arabe, fol. 1 à ic)5.
3. Commentaires de Galien sur le VP livre des Epidémies
d'Hippocrate, en huit livres. Les six premiers ont été publiés
en grec; une partie du VP livre, le VIP et le VHP, dont le
texte primitif est perdu, existent en arabe dans le n° 2002'
du Suppl. arabe, fol. 19 5 v° à 819, à Paris.
b. En outre, il y a des ouvrages de Galien qui n'existent
qu'en latin , publiés dans les éditions de Cbartier et des Juntes.
Les principaux sont les suivants :
1 . Le traité Hep) tcûv 'apoxaTapxTixwv ahiwv , De cmisis
procatarcticis , une des œuvres de Galien lui-même, n'existe
qu'en latin.
2. Hep) TOJv êv rôj YiXaTOJvos Tifxaioj îaipiKriûs sipii[J-svcov
vTro^w'^aTo. S\ De medîce dictis in Plotoms Ttniœo commentani IV.
Livre de Galien lui-même; quelques fragments seulement
existent en latin, occupant neuf pages de Cbartier -^^
3. YiixTteipDirjs dycoyijs vTTorvncoa-is^ Etnpiricœ inshtutioms
deformntio; en latin.
h. De motu thoracis et pulmonis. C'est un des trois livres de
Galien sur ce sujet ou un extrait.
5. An omnes parles animalis , quod procreatur,Jianl simul.
6. Vocalmm mstrumenlorum disseclio.
-j. De voce et anhclitu.
Cet écrit et le précédent sont des extraits des quatre livres
perdus de Galien : De la voix.
<') Tout récemment, M. Coslomiris a retrouvé le texte grec dans le manuscrit
grec 2383 de Paris, fol. 27 et suivants.
— 1*):^ —
8. De analomia virorum.
Q. De motibns manifcsds et ohscuvis-.
10. De nnntomin ocuhrum.
11. De oculis liber.
Ces quatre derniers ouvrages, manifestement apocryphes,
mais tirés en grande partie des œuvres perdues de Galien, ne
manquent pas d'importance. En outre, il y a d'autres traités
apocryphes publiés en latin, mais sans importance.
B. Ecrits de Galien dont le texte grec est inédit :
I. TaXinvov 'csepi IsTrlvvova-tjs Sianrjs xai ^axvvovcrïjs ^ De la
diète atténuante et engraissante, existe dans le Suppl. grec
n° 63/i, fol. i33, à Paris.
9. TaXrjvov 'zspbs Tavpov zfep) tov -nrôi? èyc^vypvvxai t(z 'é{JL-
€pt;a, Comment les embryons sont animés, dédié à Gavrus. Il se
trouve dans les mss. 635 et yay du Suppl. grec, à Paris.
3. Trois livres(?) intitulés : i° Hep) fxvcov. Des muscles;
2° Ilepî bcrlvv. Des os; 3" Hep) (pXe^ôiv, Des veines, autres
que les traités publiés, se trouvent en même temps que les
derniers dans le ms. T, m, 7,3 l'Escurial.
II. Hep] TOV oXov voa-i{[xaT05 (?). Ms. de l'Escurial 2, i, i5.
5. Tov TaXvvov 'ssep) àire-i^ias trrpayf/aTe/a , Traité de la
crudité. Ms. grec 2266 de Paris.
G. T(xkr)vov tsep\ Siahtis xa) S-spaTreiuv ispos KvziKévfJOpa
Darp/xiOf , De la diète et des thérapies, dédié à Anticensor Patri-
cius. Ms. grec 9 2 3o de Paris.
"y. TaXrjvov rà èpwTv^iaia Tris iazpixrjs., Questions médicales.
Cod. gr. /»69 de Munich,
8. Gakni de medicina Hippocratis. Biblioth. de Belgique,
n" ii3/i6.
q. Atto rcov ctTrAcov tov VaAtjvov avva-^is s'îs Tiva xsOoCkaiay
Synopsis des simples médicaments de Galien. Ms. gr. 2 2 3o de
Paris, fol. 37.
1/1.
— 19^ —
1 0. Une table des divisions en dix iivres de Galien, par un
auteur anonyme ancien. Cod. méd. gr. 35 de Vienne.
Les deux premiers traités sont sûrement de Galien lui-
même. Les jf' 3 et /( peut-être sont aussi de Galien, si ces
écrits ne sont pas inscrits par erreur dans le catalogue. Les
traités 5 à i o paraissent apocryphes.
III. SoRANUs û'Ephèse, contemporain de Galien, est l'au-
teur le plus important après ce dernier, et le méthodiste le
plus illustre. Son traité Sur les maladies aiguës et chroniques,
en huit livres, existe en traduction latine par Cœlius Auré-
lianus et a été publié plusieurs fois sous le nom de ce dernier.
IV. Théodore Priscien (vers 38o). Il existe, en traduction
latine, cpiatre livres de cet auteur sur la médecine, publiés
plusieurs fois.
V. Cratévas. Son Pt^oTO[xi}i6v fut estimé par tous les an-
ciens; c'est le traité de matière médicale le plus ancien avec
des figures des plantes en couleur. Il ne nous reste du Pi^o-
loyLiKÔv de Cratévas que quelques fragments, qui sont iné-
dits, dans les manuscrits médicaux n°' 5 et 6 de Vienne.
VI. .I^LiLs Promotus, d'Alexandrie. Cet auteur, antérieur
à Galien, a écrit trois livres, tous inédits:
1. Le Avva(jisp6v, qui se trouve dans la bibliothèque de
Saint-Marc, à Venise, ms. gr. 296, fol. 191 v°, et à l'Escu-
rial, cod. 0, i, 9 . fol. 1 36. C'est la première pharmacologie.
9. (^vaixà xa) àvxmaB-n'ïixd, existe dans le ms. grec de Vos-
sius, n" 29, à Leyde, dans le ms. grec du Vatican, n° 299,
fol. ^9-^ , et dans le ms. grec S. 3, fol. 1 1 4 de l'Ambro-
sienne. C'est le plus ancien traité De la superstition.
3. Uepl io^éXoov xai 3r)\-mïjp{c>)v (papfxaKcov , existe au Vati-
— 195 —
can, clans le ms. grec -J- [)()■. i<>l. Ay.']. cl dans l'Ambiosiennc,
S. 3 , fol. (hj v". C'est un traite anonyme, attribué à /Elius Pro-
motus, mais en tout cas c'est la toxicologie la plus ancienne.
VII. Mktrodora. L'époque où elle vivait est tout à fait in-
connue. Elle a écrit Sur les maladies des femmes; ce traité, divisé
en cent huit chapitres, contient les maladies de l'utérus, des
mamelles, de l'estomac et diverses recettes. Il se trouve à
Florence, Plut. 76. cod. gr. 3, fol. li v".
VIII. Traité de médecine anonyme. La vivacité du style et
le contenu démontrent rpie c'est un traite; très ancien et très
important. A propos de chaque maladie, il est question :
1" des causes; 9" des symptômes; 3" du traitement. Il se
trouve à Paris dans le ms. grec 2 02 à, fol. 1/16 v° à y 09 v";
dans le ms. 636 du Suppl. grec, fol. 9 1 à 8a , et dans le ms.
rnéd. grec 3 7 (o/im /ii) de Vienne, fol. i 3.
IX. Aétils (vers 5 00 après J.-C). Les livres les plus im-
portants d'Aétius, X et XII à XVI, sont encore inédits; il y
existe de nombreux extraits d'ouvrages complètement perdus
qu'on ne trouve pas ailleurs. Dans les diverses bibliothèques,
il existe quarante-sept manuscrits d'Aétius, dont dix complets
et trente-sept incomplets; la plupart de ces derniers contien-
nent des livres inédits d'Aétius. Il y en a dix-sept à Paris, dont
cinq complets. Les manuscrits les plus importants pour une
édition d'Aétius sont les n"' 2191, ai^S, 2196, 2228 et
Suppl. grec 602 de la Bibliothèque nationale de Paris, et
deux manuscrits du Mont-Athos, un à Batopède et un à Lavra;
X. Jean Actlarius (vers i3oo). Philosophe et médecin,
partisnnde la pratique raisonnée, Actuarius fut le dernier au^
teur éminent de la médecine grecque. Ce n'est pas un simple
compilateur, mais un vrai auteur. Les quatre derniers livres
de sa Méthode thérapeutique sont inédits. On en possède, dans les
— 196 —
diverses bibliothèques, quarante-six manuscrits; il y en a
treize à Paris : quatre comiilets, n"' aSo/i, 2806, aSoy et
2â56, et neuf incomplets, dont quatre contiennent les livres
inédits, n°' 2i53, 2233, aaSB et ms. Coisl. 33/i. Les plus
importants sont les mss. 2807 et 2266.
XI. Nicolas Myrepsus (vers i2 5o). 11 a écrit le Dynaméron
le plus complet, qui a dominé en France, pendant trois cent
trente-trois ans (jusqu'à 1 687 ), et presque dans toute l'Europe,
comme pharmacopée officielle. Il yen a trois manuscrits à Paris,
n°' 22/18, 2288 et 2287, dont le premier est le meilleur; un
à Oxford, cod. Bar. 171 ; un à l'Escurial, 2, 11, 8; et peut-
être le ms. méd. grec 1 1 de Vienne.
XII. Nic.EUS, Des maladies des reins. Cet ouvrage existe à
Vienne dans le ms. méd. grec /ii, fol. Zii v°; il y en a aussi
une copie dans les papiers de Daremberg.
XIII. Nicolas Cérameus, iatrophilosophe. Abrégé de la
partie théorique de la médecine. Cet écrit très important se
trouve à Vienne, dans le ms. grec suppl. Koll. n° 82, olim 53
(IV, D, 2 5), fol. 1 ; il y en a une copie dans les papiers de
Daremberg.
XIV. Léon le Philosophe, De la nature de l'homme. Une
copie se trouve dans les papiers de Daremberg.
XV. Théophaine Nonncs. Dans le ms. 76 A du Suppl. grec
de Paris, il existe une collection anonyme : Ta evirôptcrla..
C'est de Nonnus; outre le texte imprimé, ce manuscrit con-
tient : fol. 16 v" à 5/j, Synopsis des médicaments; fol. 88 v" à
97 v°, De la diète, en deux livres. Ces trois livres sont dédiés
par l'auteur à l'empereur Constantin.
XVI. HippiATRiQCES. Une grande partie de cette collection
est inédite. 11 existe à Paris tout ce qui est nécessaire pour
— 197 —
une édition : n°' 199-^, 9 0(ji, aSa^i, aa/i/i, 22/16; des co-
pies de Bussemaker, faites d'après d'autres manuscrits, se
trouvent dans les mss. o-yS, 58o, 58 1, 588 du Suppl. grec,
et une copie des chapitres inédits, avec des collations, dans
les papiers de Daremberg, à l'Académie de médecine. Il y a
six manuscrits dans diverses autres bibliothèques, dont les
copies ou les variantes existent à Paris.
XVII. Les Ephodes d'Abou Djafar, traduits en grec par
(Constantin de Khégium. Il y en a vingt-deux manuscrits, dont
sept à Paris. Les plus importants sont les n°" 3 00 du Vatican;
222/1, 2289, 22/11 et 2811 de Paris; 29 et 3o de Vienne,
et Plut. 7 5 , cod. à de Florence.
XVIII. Jean, gouverneur de Gonstantinople, tils de Michel.
Auteur tout à fait inconnu; il a écrit un traité complet de la
médecine théorique, en vingt livres, dont il n'existe que les
livres VI à X, dans le ms. 638 du Suppl. grec à Paris ''\
XIX. Jean l'Archiatre, Si/nopsis de tliénipeiUique. Cet ou-
vrage se trouve dans les mss. de Paris, n°' 222/1, 2286,
2816 et Suppl. grec 686, ainsi que dans le if 288 de
Munich.
XX. En outre, un grand nombre de ])etils traités, dont les
uns sont anonymes, les autres portent un nom d'auteur, res-
tent encore inédits.
«^J'espère, dit en terminant M. Costomiris, que l'Académie,
dans laquelle ont retenti les voix de Littré, de Malgaigne, de
Daremberg et celles de tant d'autres génies, soutiendra la
lâche d'un homme inspiré par un amour ardent pour l'anti-
quité et par un zèle infatigable pour le travail. »
<" L'ouvrage entier se trouve dans un manuscrit du Mont-Atlios, s'il faut en
croire le catalogue contenu dans un manuscrit de Paris, Suppl. grec 799, fol. 20.
— 1V)8 —
N° XVI.
LETTRE DE M. GEFFROV, DIRECTEOR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance du illl MAI 1889.)
Rome, le 18 mai 1889.
Monsieur le Président et cher confrère,
L'événement archéologique de cette semaine est déjà connu
sans doute de l'Académie par la voie des journaux. Il con-
vient d'en compléter et d'en contrôler de visu les récits. J'en-
voie par le même courrier une photographie.
Dimanche dernier, dans le nouveau quartier des Prati di
Castello, là oii va s'élever un Palais de justice, ont été trouvés,
à l'énorme profondeur de 8 mètres, deux sarcophages en
pierre.
L'un, sans aucune décoration extérieure, porte à l'un de
ses petits côtés cette inscription en mauvais caractères :
L ^ CREPEREI 0) çî' EVHOD a> <^
Le fond du sarcophage présente, pour soutenir la tète du
mort, une élévation de quelques centimètres. La tombe ne
contenait qu'un squelette.
L'autre sarcophage n'a sur sa façade qu'une double série
de strigiles. Le petit côté à gauche de la façade (pour le spec-
tateur) présente, en un bas-relief grossier mais expressif, la
morte étendue sur un lit, à droite un homme debout, dans
l'attitude d'une extrême douleur, et, à gauche, une femme
assise, tout en pleurs. Sur la partie extrême du rebord du
couvercle et vers ce bas-relief, à gauche du spectateur, on lit
cette inscription en bons caractères :
CREPEREIA TRYPHAENA
— 199 —
Les médailles de la gens Crepereia sont bien connues (voir
YOnomasticon du D' l)e-Vit).
Ce second sarcophage, dont il a fallu briser le couvercle,
fixé par des morceaux de fer plombé, était ])lein d'eau : c'est
peut-être ce qui en a conservé le riche contenu. On aperçut,
à mesure qu'on le vidait, un squelette et de nombreux
objets. L'eau avait déposé, particulièrement sur le crâne, des
fdaments végétaux formant un long voile, de sorte qu'au
premier aspect les ouvriers s'écrièrent que la morte avait
conservé toute sa longue chevelure.
L'aspect du crâne, des dents et des qs indique une jeune
femme.
Les objets ensevelis avec elle sont les suivants :
Un très beau collier en or; trente-cinq des pendeloques de
jaspe subsistent encore. L'or de ce collier et celui des autres
bijoux est aussi brillant qu'au premier jour;
Une paire de boucles d'oreille en or, avec perles;
Une broche, monture en or d'un camée-améthyste, repré-
sentant le combat d'un cerf et d'un hippogriffe;
Un anneau d'or massif ayant au chaton une cornaline
gravée: deux mains enlacées;
Une bague avec pierre dure, portant gravé ce nom : FI-
LETVS;
Un anneau formé de deux minces cercles d'or, mobiles à
la charnière;
Une longue épingle en ambre, taillée en spirale;
Deux petits peignes en bois;
Un petit miroir d'argent;
Parmi les menus débris, peut-être des restes de linceul,
et des feuilles probablement de myrte;
Enfin une poupée de bois, d'une hauteur de o'"3o,
articulée aux bras et aux jambes, d'un travail extrêmemeni
soigné. Le détail de la chevelure, le modelé des mains et des
— 200 —
doigts, y sont remarquables. Ce bois est admirablement con-
servé; il paraît être devenu très dur et comme pétrifié. Peut-
être cette poupée était-elle dorée; on l'a trouvée comme assise,
la jambe gauche relevée, sur l'épaule droite de Crepereia, et
l'omoplate droit du squelette conserve quelques traces dorées.
C'était l'usage, de quelque façon qu'on veuille l'expliquer,
que la fiancée offrit une pareille poupée à Vénus :
Veneri donatae a virgine puppas,
dit Pei'se [Sat., II, 70).
Ce curieux objet trouvé dans la tombe de Crepereia Try-
pbaena, les débris de sa couronne de myrte, feuillage con-
sacré à Vénus, le nom de FILET VS gravé sur l'un des anneaux,
les deux mains unies sur une des bagues, le luxe de ces riches
présents, tout cela autorise la conjecture que la jeune femme
ensevelie est morte au moment où elle allait être mariée.
Ce second sarcophage, un peu plus soigné que le premier,
a non seulement une élévation de la pierre pour soutenir la
tête du mort, mais encore une cavité ménagée dans ce sup-
port même pour que la convexité du crâne s'y adapte. Il faut
sans doute dater ces deux sarcophages du commencement du
iif siècle.
Agréez, etc.
A. Geffroy.
N" XVII.
LETTRE DE M. GEFFRO'Y, DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance du 2/1 MAI 1889.)
Rome, le 20 mai 1889.
Monsieur le Président et cher confrère.
Un télégramme arrivé hier à Rome annonce qu'on vient
de découvrir à Séhnonle. en Sicile, un vaste édifice de pur
— '20\ —
style grec. On ne sait encore rien de plus. Je m'oni})resserai
de transmettre à l'Académie les informalions nouvelles à ce
sujet.
Les fouilles d'Ostie sont closes, La saison y a été féconde,
par la découverte et le déblaiement de la caserne des Vigiles
et de l'Augusteum. M. le commandeur Lanciani, qui en a
tout le mérite, va publier dans les Notizie degli Scavi les nom-
breuses inscriptions recueillies. Le prochain fascicule des Mé-
langes de l'Ecole française de Rome donnera, avec quelques
pages de lui sur ce sujet, un plan des constructions antiques
qui ont été mises au jour.
Il n'y a pas lieu d'insister sur la découverte faite à Rome
d'un très beau buste d'Auguste , parce que le Bulletin de la
Commission communale archéologique va en donner la descrip-
tion et la photographie. \jn trait déjà observé sur quelques
bustes de cet empereur y paraît de nouveau et mérite atten-
tion : c'est une certaine irrégularité de la figure, oii le côté
gauche est plus développé que le côté droit. La tête est cou-
ronnée de myrte, allusion probable à la divine descendance
de la gens Julia.
Agréez, etc.
A. Geffroy.
N° XVIII.
NOTE DE M. VICTOR WAILLE , COMMUNIQUEE PAR M. GEORGES PERROT,
SUR UNE DÉDICACE À LICINIUS HIKROCLÈS, GOUVERNEUR DE LA MAU-
RÉTANIE CESARIENNE, DÉCOUVERTE À CHERCHEL LE 2 3 MAI 1889.
(séance do .3i mai 188g.)
Quelques détenus, affectés momentanément, sur ma de-
mande, à l'exploration du coin nord-est de l'Esplanade, vien-
nent d'exhumer une importante ijiscri])tion (douze lignes) sur
deux pierres mesurant ensemble i"' 80 sur o"" 96.
— 202 —
Le capitaine CJouet, commandant le pénitencier, a bien
voulu en faire prendre immédiatement l'estampage et me l'en-
voyer.
C'est une dédicace à Licinius Hiéroclès, gouverneur de la
province.
En voici le texte , copié sur l'estampage :
l-KcïNlO ■ HIEROCLETI -VIRO • EGREGIO PROC- AVGVSTI-N
p-AESIDI ■ PROVINCIAE- MAVRETANIAE- CAESARIENSIS
PRAESIDI • PROVINCIAE • SARDINIAE • PRAEFECTO • LEGIONS
SECVNdAE
PARTHICAE-SEVERIANAE alexandrianae VICE -LEGATI- PROC
5 HEREDITaTIVM • TRIBVNO COHORTIS • OCTAVAE • PR7ETO-
RIAE
PIAE VINDICIIS-SEVERIANAE alexandrianae ■?KPc.?0S\l0
EQVlTVM • ITEMQVE- PEDITVM IVNIORVM • M AVRORVM-IVRE
GLADlI-TRIBVNOS- COHORTIS -VNDECIMAE-VRB AN AE
SEVERIANAE alexandrianae PRIMIPILVM • BIS- ET
10 clavdiae-nervianae-conivgi-eivs-eT- liciniIs-hie-
rocleTi
HIEROCLIAE-PAVLINAE eT AXIAE- FILIIS- EORVM •
M • AELIVS • SATVRN IN VS • VETERANVs • EXDEC • ALARIO PA-
TRONIS-DIGNISSIMIS
L. 6. VINDICIIS pour VINDICIS existe sur la pierre.
L. 8. Le lapicide avait, dans une première gravure moins
profonde, écrit TRIBVNVS; en gravant définitivement l'in-
scription, il s'est aperçu de son erreur et a corrigé en TRI-
BVNO; les lettres VS sont encore parfaitement lisibles. Il ne
s'est pas aperçu, par contre, de la faute (pi'il a commise en
écrivant primipilum.
L. 19. Le s final de VETERANVS est plus petit, parce
que la pierre était trouée à la partie supérieure de la ligne
en cet endroit.
L. Licinius Hiéroclès était gouverneur de la Maurétanie Cé-
sarienne en 997 après J.-C. (Fallu de Lessert, Les gouverneurs
de Maurélanie [Jhdleiin des nnùquités africames. i88,)J, p. 1 2 A).
— -nys —
Il était dt'jà connu par trois inscriplions de (Àuii'chol (^C. I. L. ,
Vill, c)35/i, 9355, 9867).
Sa carrière est parfaitement régulière : après deux primi-
pilats, il arrive aux milices équestres et de là à des charges de
la carrière équestre. Deux seulement sont à noter :
1° Celle de préfet de la légion H" Parthique, où il tient la
place du légat : c'est le premier préfet de cette légion dont il
soit fait mention;
Q° Celle de praepositus equitum ilemqiœ peditum juniorum
Maurorum, jure gladil. La seconde partie du titre indique
qu'il avait reçu, étant à la tête de troupes maures, la juri-
diction capitale sur les citoyens romains de la province ou de
la région où campaient ces troupes, juridiction qui n'était
accordée d'ordinaire qu'aux gouverneurs de provinces sénato-
riales ou impériales; cette dérogation au principe trahit des
circonstances exceptionnelles. La première partie est plus inté-
ressante encore et constitue une nouveauté. On savait déjà
que les Maures étaient employés comme auxiliaires en Afrique
et ailleurs (C. /. L., VIII, 2716, 90/16, 9067; Eph. epigr., II,
626, 777; C. I. L., III, 822/1, 8/i/i/i, etc.). Mais jamais on
n'y avait trouvé la mention de Mauri jumores. Or il est admis
qu'après Dioctétien, lorsqu'un corps de troupes, légion ou
corps auxiliaire, était dédoublé, la portion de création an-
cienne se distinguait de la nouvelle par l'épithète de seniores
opposée à celle dejuniores, de même qu'antérieurement, lors-
({u'une légion était dédoublée, la vieille légion prenait le nom
de Primigenia. (i'est ainsi rju'on a des Jovn semores et des Jovii
juniorea, des Herculii seniores et des Herculù jumores , des Lan-
cinrù semores ei des Lanciarù jumores, etc. La nouvelle inscrip-
tion de Chcrchel nous prouve que cette habitude, pour les
corps semi-réguliers nommés numeri ou vexiUaUones . remonte
à une époque antérieure à Dioclélien. La l^oUce des dignités
nous cite plusieurs corps de Maun semores et de Mauri jumores
— 20^ —
en Italie [Not. Dign., Occ, V, 9o3 et ao/i); ies Mauri tonanles
seniores et les Mauri tonanles juniores en Tingitane i^ihid,, 2a i
et 229).
Le mot Alexamlrinnae a été martelé en deux endroits. La
restitution ne peut faire l'objet d'un doute.
N" XIX.
LETTRE DE M. GEFFROY, DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance du 7 JUIN 1889.)
Rome, le k juin 1889.
Monsieur le Président et cher confrère,
J'ai écrit dans ma dernière lettre que, suivant un télé-
gramme officiel communiqué à l'Académie royale des Lincei
dans sa séance du 19 mai, on venait de trouver en Sicile, à
Sélinonte, derrière les Propylées de Gaggera, sur la rive du
Sélinus, «un grand édifice de pur style grec».
D'après mes correspondances et d'après le récit d'un témoin
oculaire, il paraît impossible qu'on sache avant la prochaine
saison de fouilles quelque chose de certain à ce sujet. Les
travaux de la saison actuelle sont interrompus parla chaleur;
de plus, les ruines dont il s'agit se trouvent dans un terrain
qui appartient à un particulier : il faut donc, avant de conti-
nuer ou de reprendre les fouilles, traiter avec le propriétaire
ou procéder à une expropriation pour utilité publique.
Les ruines, situées à quelque distance des temples déjà
connus de Sélinonte, sont enfouies dans le sable. On n'a encore
déblayé que la partie supérieure de ce qui reste debout, et il
ap])araît tout au moins que l'édifice antique aurait été adapté
pendant le moyen âge aux convenances d'une église byzan-
tine. Pas de péristyle, pas de colonnes. Il faut évidemment
attendre de nouveaux travaux.
— 205 —
Le saiiKidi i" juin, se sont termint^es aussi, c\ cause de la
chaleur et des Iravaux des champs, les fouilles (jue M. Gsell,
membre de l'Ecole française de Rome, poursuivait depuis
quatre mois dans la nécropole de Vulci. L'Académie recevra
incessamment un rapport à ce sujet.
Agréez, etc.
A. Geffroy.
]\° XX.
NOTE SDR L'EMPLACEMENT DE NEFERIS (aFRIQUe),
PAR LE R. P. A.-L. DELATTRE, COMMUNIQUÉE PAR M. HERON DE VILLEFOSSE.
(séance du 7 JUIN 1889.)
On savait, par le témoignage des auteurs anciens, que la
ville de Neferis, qui joua un rôle si considérable durant la
dernière guerre punique, était située à 1 80 stades de Garthage,
environ 33 kilomètres. D'après Strabon, pour s'y rendre de
Garthage par mer, on abordait, après un trajet de 60 stades,
soit 11 kilomètres, à la rive opposée du golfe. Du point de
débarquement, une montée de 120 stades menait à Neferis,
ville bâtie sur un rocher dans une situation très forte.
Appien nous apprend en outre qu'un cours d'eau passait
dans la plaine à 3 stades seulement (55o mètres) de l'émi-
nence sur laquelle s'élevait Neferis.
Telles étaient les données que l'on possédait pour recher-
cher l'emplacement de cette ville. Mannert se trompa d'abord
en l'identifiant avec Mraïssa , située \is-à-vis même de Garthage
de l'autre côté du golfe. On sait aujourd'hui que Mraïssa est
l'ancienne (îarpis. D'autres errèrent davantage encore en pla-
çant Neferis à l'extrémité du cap Bon, à Sidi Daoud en-Nebi.
Une inscription du musée de Saint-Louis de Garthage, pro-
venant de cet endroit, prouve que cette localité correspond à
l'ancienne Missua.
— -206 —
Tissot a le premier, avec pleine raison . cherché l'empla-
cement de Neferis derrière le massif du Bou Korneïn. Mais
la localité qu'il a adoptée, sur le rapport de M. le capitaine
Prudhomme, quoique très vraisemblable, n'était point encore
le lieu précis de la forteresse d'Asdrubal.
Quand on se rend en voiture de Tunis à Grombalia , en
prenant la route directe qui naguère n'était qu'une piste arabe,
on arrive en deux heures, après avoir traversé la plaine de
Mornak, à des terrains élevés qui semblent relier le massif
du Bou Korneïn au Djebel Ressas. Au sommet de la montée
on aperçoit le Khangat-el-Hadjadj , vallée de forme elliptique,
large de 3 à 4 kilomètres, longue de 12 à i3, entourée de
montagnes absolument disposées en fer à cheval, dont la
partie ouverte regarde Grombalia, que l'on aperçoit au loin,
ainsi que le village de Beli et la montagne de Nebel.
Dans la plaine, que l'on pourrait comparer à l'arène d'un
immense amphithéâtre, serpente un oued, qui la parcourt
dans toute sa longueur.
A peu de distance de Voued, au fond du fer à cheval, vers
le Djebel Ressas qui disparaît complètement, on voit plusieurs
collines qui se détachent de la montagne. L'une d'elles, que
l'on m'a désignée sous le nom de Henchir-Bou-Beker, avait son
plateau autrefois protégé par des murailles qui enveloppent
encore de nombreuses citernes. Vers la plaine, les flancs de
cette colline sont escarpés, et du côté opposé, celui par lequel
on avait accès au plateau supérieur, les restes d'une grande
construction circulaire m'ont paru être la basi^ d'une tour.
Mais de hautes herbes et surtout des lentisques ont com-
plètement envahi les ruines et en rendent aujourd'hui l'étude
détaillée fort difficile, et mémo impossible tant que le terrain
n'aura pas été défriché.
C'est sur le sommet de cette colline que M. Lançon, ad-
ministrateur et en grande parli(> proj)riétnire du vaste do-
— 207 —
inaine du KliaDgal-el-Hadjadj , rcnuinjua plusieurs bloci de
jjierre porlanl une inscription. Ces jjierres gisaienl sur le sol.
Sur l'invitation de M. Lançon, je suis allé, le a/i mai,
prendre connaissance, copie et estampage de ces textes, qui
fixent désormais l'emplacement de Neferis, de cette ville car-
thaginoise où, pendant la dernière guerre punique, Asdrubal
avait établi son camp et que Scipion résolut de réduire avant
d'assiéger (J art h âge.
Voici les deux dédicaces impériales qui renferment le nom
de Neferis, avec sa véritable orthographe, civitas Neferitana.
Sur la face d'un piédestal de pierre, dont la corniche su-
périeure est ornée d'oves et de denticules, dans un encadre-
ment haut de o"'8o et large de o"' /i85; hauteur des lettres,
I.
IMP • CAES • M • AVRELIO
ANTONINO • PIO • AVG ■ P • M ■
TRIB • POT • VI • COS • P • I • ??^
IMP • CAES • L • SEPTIMI • SEVE
r. RI-PII-PERTIN^CIS -AVG -ARA
BICI • ADIABENICI • PART • MAX-
FIL^DIVI • M ■ ANTONINI • PII •
GERMANICI • SARMATICI
NEPOTI • DIVI • ANTONINI
10 PII • PRONEPOTI ■ DIVI • HA
DRIANI • ABNEPOTI ■ DIVI
TRAI ANI • PA R THI C I
DIVI • NERVAE • ADNEPOTI
CIVITAS ^ NEFERITANA
i5 D ^ D P P Ç&
La seconde inscription, qui donne également le nom de
*'' [A la ligne '.i , \pi lettres P-I- signifient />nnctp» juventutis. On sait que
Caracniia fut le premier Auguste qui porta re titre. A la lin rie la ligne 12, il
faut suppléer et. — A . H . de V.]
ivii. i5
(■riiup.kiB xiTiit^iti;.
— 208 —
Neferis, est gravée sur la face d'un piédestal haut de i"' 5o et
large de o'"70. Une moulure encadre l'inscription, qui oc-
cupe o"'86 en hauteur et o™58 en largeur; hauteur des
lettres, o™ o/i5 :
II.
I MP CAES divi m Atito
N I N I PII g- E RM sarm.
FIL DIV I COM Modi fr
AT RI DIVI Antonini pii
5 NEP DIVI H ADR mm pro
NEP DIVI TRAIANI ah
NEP DIVI NERVAE ADNEP •
SEPTIMIO SEVERO PIO PER
TINACI AVG ARABICO
10 ADIABEN^O PMTRBPOT
IIII IMP VIII COs iiWMmWM
CIVITAS NEFERITANA
D D P P
Ces deux inscriptions et les détails topographiques donnés
plus haut prouvent, on le voit, que la colline désignée sous le
nom de Henchir-Bou-Beker est bien l'emplacement de l'an-
cienne Neferis et que, par conséquent, la plaine du Khangat-
el-Hadjadj a été, pendant la troisième guerre punique, le
témoin des exploits de Scipion et le théâtre des dernières luttes
des Carthaginois contre les Romains unis aux Numides, avant
la dfîstruction complète de la métropole de l'Afrique.
N° XXI.
NOTE SUR DES DECOUVERTES FAITES À GABÈS ET À GAFSA ( TUNISIE ),
PAR M. HÉRON DE VILLEFOSSE.
(séance DD îîi jum 1889.)
J'ai reçu du commandant Privât, à la date du ig février
— -209 —
dernier, (l'intéressants détails sur des découvertes faites à
Gabès (l'antique Tacape) et à Gafsa [Cnpsa).
Sur reni[)laceinent de la première localité se trouvait un
petit monticule isolé. Pour l'explorer complètement, le com-
mandant Privât fit faire une tranchée de 2 mètres de largeur
et, au centre, à environ 3 mètres de profondeur, il constata
l'existence d'une auge longue de i'"90 et large de o"'8o,
creusée dans un tuf terreux sans consistance. Cette auge,
orientée du sud au nord, contenait quelques débris d'osse-
ments humains au milieu desquels il recueillit une pièce de
monnaie en bronze, un vase en terre grise, une petite coupe
en terre noire et un dé à jouer en os. Aucune pierre, aucune
brique n'avait été employée dans cette sépulture.
La pièce de monnaie et le dé à jouer étaient placés au
centre; la coupe et le vase se trouvaient en arrière de la tête.
La monnaie est une pièce de bronze à l'efligie d'un roi numide,
probablement Micipsa , avec le cheval au galop au revers. Le
dé à jouer porte des nombres sur deux de ses faces; sur
l'une le nombre 3 , sur l'autre le nombre 6 ; chaque unité est
représentée par deux petits cercles concentriques. La coupe est
en terre noire vernissée. Le vase, haut de 0™ i5, a la forme
d'une amphore grecque d'une époque basse.
Cette trouvaille est intéressante, puisqu'elle nous fournit
des détails sur la disposition et le mobilier d'une sépulture
indigène sous tumulus, antérieure à la conquête romaine.
Le commandant Privât a déblayé également , près de Sidi
Boulbaba, une vaste construction dont la destination est diffi-
cile à reconnaître d'une manière certaine; mais il en envoie le
plan, ainsi que les vues intérieures et extérieures de deux
des faces.
La forme générale du monument est celle d'un long rec-
tangle qui rappelle la forme des basilifjues; cependant l'examen
des dispositions intérieures ne permet pas de s'arrêter à
J!).
— i>10 —
cette |)remière supposition. Les quatre faces sont pourvues
de niches cimentées. Aucune fenêtre, aucune ouverture ne
donne de jour sur une vaste salle de 1 6 mètres de long sur
3 mètres de large. Un premier étage devait s'élever au-dessus
des piliers et des murs encore debout. Les gros piliers, les
contreforts et les murs sont construits en pisé fabriqué avec du
marbre et des cailloux. Le sol, dans les parties mises à jour,
est formé par un béton assez grossier, où le marbre entre dans
une notable proportion. Les niches sont recouvertes d'un ci-
ment de mauvaise qualité, ne ressemblant en rien à celui qui
a été employé pour la construction des nombreuses citernes
qui couvrent toute cette partie du plateau de Boulbaba.
Il est probable qu'il ne faut pas songer à reconnaître dans
cette construction un réservoir d'eau, mais plutôt un édifice
destiné h renfermer les provisions de céréales pour les troupes,
un de ces greniers (^liorrea^ dont les inscriptions nous ont
permis de constater l'existence sur divers points du territoire
de l'Afrique. Pendant le déblaiement on a découvert au pied
d'un des piliers une double tête de Jupiter et de Bacchus.
Les nombreux fragments de plaques en marbre blanc retrouvés
dans les décombres semblent appartenir à un revêtement in-
térieur.
Un capitaine du génie a découvert à Gafsa une mosaïque
assez délabrée, mais curieuse par la scène représentée et par
la naïveté du dessin. M. le commandant Privât en adresse un
croquis. On y voit une course de chars dans le cirque. La
partie qui subsiste contient encore deux chars à quatre
chevaux conduits par des auriges et tournant autour de la
spina, au milieu de laquelle se dresse un obélis(pie. Plusieurs
hommes à pied, tenant des palmes, regardent la course, pen-
dant qu'un cavalier semble s'exercer dans une autre partie de
l'arène. Sous les arcades qui limitent le grand côté du cirque
sont placés les spectateurs, dont les têtes serrées et attentives
— 211 —
semblent prendre un grand plaisir à l'action qui se dërouie
devant eux. Cette mosaïque a été découverte au mois d'oc-
tobre 1888.
M. le commandant Privât, qui me transmet ces renseigne-
ments, appartient au à" régiment de tirailleurs indigènes.
C'est un des officiers qui ont le plus activement contribué à
la découverte des belles mosaïques d'Hadrumète. On voit que
son zèle ne se ralentit pas et nous pouvons espérer qu'il ren-
dra encore de nouveaux services à la cause de l'archéologie
africaine.
LIVRES OFFERTS.
SÉANCE DU 3 MAI.
Sont oii'erls :
Sludien ûber die Enlstehiing der nordischen Gôtter- uiid Heldensagen , pai"
M. Sophus Bugge, professeur à l'Université de Christiania; traduction
allemande par M. Oscar Brenner, 3' fascicule (Munich, 1889, in-8°);
Les anciennes forêts du littoral et la spontanéité du pin maritime dans les
dunes de Gascogne, par M. E. Durègne (Bordeaux, in-8°, extrait du
Journal d'histoire naturelle de Bordeaux et du Sud-Ouest).
Le Secrétaire perpétuel présente, de la part de l'auteur, Le comte de
Chamhrun, ses études politiques et littéraires, par l'auteur de La comtesse
Jeanne (M"^ Clarisse Bader), 2' édition (Paris, 1889, in-8°).
L'auteur, en adressant cet ouvrage à M. Wallon, y avait joint une
lettre oii on remarque ce passage :
rrJe me suis appliquée ici avec un soin pieux à grouper les meilleures
pages du philosophe aveugle, en les rattachant à la grande pensée qui
les a inspirées. De ces pages, les unes ont déjà été publiées, les autres
sont inédites; toutes expriment l'idée fondamentale du psychologue qui,
en étudiant les diverses manifestations de la vie intellectuelle des peuples,
histoire, art, poésie, y cherche l'âme de l'humanité, i'âme de l'humanité
constituant à travers les siècles l'œuvre de la civilisation chrétienne. Chris-
tianisme et civilisation, tel est le dernier mot du comie de Chamhrun.
«■En considérant les diverses manières d'écrire l'histoire, le philosophe
a reconnu combien l'étude des sources, la paléographie, l'archéologie, la
numismatique, avaient renouvelé le caractère de l'histoire. A ce titre, je
désirerais qu'un exemplaire de mon travail fût ollert à l'Académie des
inscriptions. »
M. Wallon ajoute : rrL'ouvrage est plus de la compétence de l'Aca-
démie des sciences morales et politiques que de la nôtre; il nous touche
pourtant par le côté que vient d'indiquer l'auteur, indépendamment de
l'intérêt qui s'attache ;i l'œuvre du penseur aveugle et à la manière tout
à fait distinguée dont l'auteur de La comtesse Jeanne l'a résumée."
M. VioLLET a la parole pour un hommage :
ffJ'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de M. Marignan, un
ouvrage intitulé : Etudes sur l'état économique de la France pendant la
première partie du moyen âge, par M. Lampreclit; traduction de l'ouvrage
alleuiand, par iM. A. Mari^;i)an (Paris, 1889, in-S").
(fM. Lamprocht a lait paraître en 1878 une étude sur l'e'tat écono-
mique de la France au xi' siècle. Cet essai, qui fut remarque lors de sa
publication, vient d'être traduit en français par M. iMarijjnan, qui y a joint
quelques cha[)itres extraits du grand ouvrage de M. Lamprecht sur l'his-
toire de l'état écononii(ju(' do l'Allemagne au moyen Age.
frCes études, d une lecture attachante, sont aussi (-loignécs que possible
de tout esprit de système : elles constituent le commentaire et la glose,
au point de vue de l'histoire économique, de quelques fragments des lois
barbares, d'un grand nombre de diplômes et de chartes. xM. Marignan a
ajouté des notes fort uliles; sa traduction est intentionnellement calquée
sur le texte allemand : fidélité qui n'est peut-être pas toujours très con-
forme au génie de notre langue, -n
SÉANCE DU 10 MAI.
Le Secrktaire perpétcel dépose sur le bureau le 6"^ fascicule des
Comptes rciuliis des séances de l'Académie pour l'année 1888, novembre-
décembre (Pari-;, 1889, in-8°).
M. Delisle présente deux ouvrages de la part des auteurs :
1° Catalogue général des inanuscrits des bibliothèques publiques de France.
Catalogue des manuscrits de la bibliothèque de l'Arsenal, par M. Henry
Martin, tome IV (Paris, 1888, in-8°);
9." La prise de Jeanne d'Arc devant Compiègne et l'histoire des sièges de
la même ville sous Charles VI et Charles VII, d'après des documents
inédits, par M. Alexandre Sorel (Paris et Orléans, 1889, in-8°).
rr L'étude de la topographie et un di'pouillement minutieux des archives
municipales de Compiègne ont permis, dit AL Delisle, à M. Sorel d'ex-
poser en di'tail et avec des renseignements nouveaux tous les événements
qui se sont accomplis à Compiègne et aux environs depuis i4i3
jusqu'en t/i3o. Son livre est très utile à consulter j)our l'histoire de la
(in du règne de Charles VI et du commencement du règne de Charles VIL"
M. DE PioziÈRE a la parole pour un hommage :
ffj'ai l'honneur d'oflrir à l'Académie, de la part de M. le comte de
Beauchanq), ancien élève de l'École polytechnique, aujourd'hui capitaine
d'artillerie et professeur à l'Lcole d'application de Fontainebleau, un
volume publié sous les auspices de la Société des antiquaires de l'Ouest:
Château-Guillaume en Poitou , histoire , mœurs et coutumes, restauration du
— 2l/i —
château (Paris, 1888, iii-fol., extrait des Paysages et monnmenls du.
Poitou, photographiés par M. Jules Robuchon, livraisons 99-95).
frCe vohime est relatif au Château-Guillaume, situe dans la conunune
de Lignac, canton de Délabre, arrondissement du Blanc, département
de l'Indre.
ff La construction du Château-Guillaume remontait aux premières années
du xu' siècle. C'était un des monuments les plus importants et les plus
complets de l'époque féodale, comparable pour l'ampleur au château de
Pierrelbnds.
frDu xii' siècle à la fin du xvni', ce château avait à plusieurs reprises
changé de possesseur. A l'époque de la Révolution, il fut confisqué sur le
comte de la Faire, comme bien d'émigré, mis en vente, et adjngé à des
acquéreurs qui, en 1802, le rétrocédèrent à la famille de l'ancien pro-
priétaire.
ffiMais à cette époque il était dans un état de délabrement complet, et
c'est seulement en i8i6, lorsqu'il devint la propriété de la famille de
Beaucbanij), que cette honorable famille entreprit courageusement
et à grands frais de le restituer et de le reconstruire conformément
au plan qu'on en possédait. La reconstruction est aujourd'hui pres(|ue
complètement achevée.
ffLes dessins, les vues, les plans, les blasons, qui accompagnent le
volume que j'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, et qui présentent pour
l'histoire du Château-Guillaume un très grand intérêt, sembleraient de
nature à faire classer l'ouvrage de M. de Beauchamp au nombre des
albums plutôt que des ouvrages d'histoire proprement dite. Mais il suflfil
de lire les premières lignes du texte qui acconqiagne ces illustrations
pour se convaincre que ce texte a été établi sur les fondements les plus
solides et les plus scientifiques. 11 existait en effet au Château-Guillaume
un précieux chartrier, dont M. de Beauchamp a entrepris le classement
et le dépouillement, en même temps qu'il relevait les vieilles tours. C'est
avec Cl' chartrier qu'il a pu rétablir d'une façon certaine la liste des pro-
priétaires successifs du château. Sous ce rapport comme sous celui de la
restitution matérielle, ro[)éraliou touche à sa fin, et tout permet d'espérer
que M. de Beauchamp, qui a été assez heureux pour rencontrer parmi ses
parents et ses amis d'utiles collaboi-ateurs, ne tardera pas à nous donner
une monographie complète et détaillée de la vieille forteresse féodale."
Al. DE B01S1.ISLE offre, au nom de l'auteur, Le Père Grasset, chroniqueur
céleslin du xvir siècle, par M. \. Alazon (Lyon, 1889, in-8°, extrait de
la Renie du Li/onnais).
— 215 —
"M. Mazon, dont j'ai déjà eu Thonneur de pn%enler plusieurs écrits à
l'Académie, m'a chargi- aujoui-dliui d'oflVir ceUe notice sur une chro-
nique inédile du P. Grasset, relij'ieux céiestin et prieur du monastère de
Notre-Dame de Colombier, en Vivarais, qui mourut vers 1661. La chro-
nique a pour titre : Dtscows génva/ogique de la noble maison des Bertrand
et de leur alliance avec celle des Colombier. Non seulement elle traite des
événements relatifs à Tordre des Célestins et au monastère que l'auteur
dirigeait, mais elle renferme aussi des renseignements nouveaux sur
divers personnages historiques des xiv% xv', xvi' et xvii" siècles, tels que
les deux cardinaux Pierre Bertrand , d'Annonay, et Pierre Bertrand , neveu ,
de Colombier; Aymard de Uoussillon, sire d'Aimonay; Jean de Monluc,
évêque de Valence; le diplomate François Belle, agent du cardinal
Bertiand en Italie; l'abbé Jean Veriumi, qui s'attacha à l'empereur
Frédéric III et périt à la bataille d'Andrinople, etc. A en juger par
la notice de M. Mazon, il serait désirable (jue l'on publiât intégralement
cette chronique, dont un historien local a seulement donné quelques
extraits il y a cinquante ans. Elle ne laisserait pas de rendre quelques
services ^ surtout pour l'histoire du xiv' siècle, n
SÉANCE DU 17 M.VI.
Est offert : Contributions à l' élude de la chirurgie. La méthode antiseptique
chez les anciens, par M. A. Anagnostakis (Athènes, 1889, in-4°).
Le Président présente, de la part de notre confrère le général Faidherbe,
un ouvrage intitulé : Le Sénégal, la France dans l' Afrique occidentale
(Paris, 1889. in-8").
rDans cet important travail, l'auteur traite des deux grandes questions
h l'ordre du jour : la jonction du Niger à la partie navigable du Sénégal
et l'émancipaliou de la race nègre. Il ap[)orte dans l'examen de ces ques-
tions une connaissance approfondie du pays dont il a été longtemps le
gouverneur et un vif sentiment des intérêts véritables de la France dans
les régions occidentales de l'AIVique. v
Le Secrktauie perpétuel présente, de la part de M. Léon Aucoc,
membre de l'Académie des sciences morales et politiques, l'ouvrage qu'il
vient de publier sous ce litre : L'Institut de France (Paris, 1889, in-8°).
M, ScHEFER fait hommage h l'Académie de l'ouvrage que vient de faire
paraître M. G. Bapst, sous le titre d'Histoire des joijau.r de la couronne de
France (Paris, 1889, iii-8').
f Ce volume renferme l'histoire des pierreries et des bijoux précieux
— 216 —
conserves dans le tre'sor de la couronne, depuis sa création par Fran-
çois 1", en i53o, jusqu'à nos jours.
ffDans le cours de la seconde moitié du xvi' siècle, pendant les guerres
de religion , au moment de l'avènement de Henri 111 au trône de Pologne,
les joyaux de la couronne ont servi de gage pour les emprunts que le
délabi'ement des finances forçait à contracter à Venise, à Florence et à
Ferrare. Lem* valeur a permis de recueillir la somme de six millions de
livres exigée par le comte Palatin Jean-Casimir pour l'évacuation du
territoij-e irançais. La période qui s'étend depuis le commencement du
xvif siècle jusqu'au dernier quart du xvin" siècle n'est marquée que par
les acquisitions faites par les souverains qui se sont succédé sur le trône.
Les ordonnances et les inventaires dressés à difféi^entes époques figurent
dans ce volume, quelques-uns pour la première fois, et ils ajoutent un
réel intérêt au récit de M. Bapst. ■«
SÉANCE DU 9/1 MAI.
M. Alfred Maury offre, de la part de l'auteur, une notice intitulée :
Les cryptes de Jouarre , par M. G. Rethoré, de la Société d'archéologie
lie Seine-et-Marne (Paris, 1889, in-S").
crLes cryptes de Jouarre, qui étaient une annexe de la célèbre abbaye
de Notre-Dame, existant jadis dans ce bourg de la Brie, ont attiré de
bonne heure l'attention et les recherches des historiens et des antiquaires.
Frappé de leur importance archéologique, le Gouvernement a fait classer
ces cj-yptes au nombre des monuments historiques de notre pays, à la
conservation et à l'entretien desquels il pourvoit. Elles ont été, à plusieurs
reprises, l'objet de l'estaurations, en i8^3, en 18O9 et en 188/1. Ces
travaux amenèrent des fouilles dont les résultats ont été intéressants, et
l'examen auquel ont donné lieu, à différentes dates, ces sortes d'hypogées
permet d'écrire aujourd'hui, avec plus de précision qu'on ne le faisait
autrefois, leur histoire et de suivre leurs transformations.
ff Cette histoire, M. G. Relhoré, de la Société d'archéolop,ie de Seine-
et-Marne, l'a entreprise dans la notice ici présentée. En résumant et en
condensant ce qui avait été écrit avant lui , en vous entretenant des fouilles
opérées par M. l'abbé Thiercelin et auxquelles il a pris part, il émet ses
vues personnelles, qui ne sont pas toujours d'accord avec celles de ses
devanciers. Malheureusement la ])énurie de témoignages anciens et de
docuujcnts d'une époque reculée relatifs aux cryptes de Jouane laisse
régner beaucoup d'obscurités et d'incertitudes sur ce qui les coiicerne, et
M. Rethoré a dû souvent se contenter d'hypothèses.
— '211 —
ff Après avoir décrit IV'laL actuel de cos curieux monuments, l'auteur
(iludie sc^parénit-nl chacune des deux cryptes, la crypte Saint-Paul et la
crypte Saiut-Éhrégisile. On sail que le monastère de Jouarre l'ut fondé au
milieu du vn° siècle (63o-63/i) par Adon, trésorier du roi Dag-obert I",
qui en devint abbé. L'église primitive de ce monastère, placée sous le
vocable de saint Pierre et de saint Paul, a disparu depuis des siècles,
mais les iouilles exécutées en 1870 en ont fait retrouver remplacement
et ont permis d'en déterminer l'étendue. Le sanctuaire se trouvait situé
au-dessus de la crypte Saint-Paul, telle qu'elle s'offre actuellement. Les
bâtiments qu'habitaient dans le principe les religieux (l'abbaye de Jouarre
comprenait alors deux communautés, l'une d'hommes et l'autre de femmes)
ont été reconnus comme ayant existé là oii fut édifiée plus tard, vers le
milieu du ix' siècle, l'église de l'abbaye royale Notre-Dame de Jouarre;
c'est à l'époque de ces bâtiments que remonte, selon toute vraisemblance,
la plus ancienne desdeux cryptes, celle de Saint-Paul. Quant à la crypte de
Saint-Ébrégisile, M. Rethoré combat l'opinion soutenue par M. d'Espinay et
d'après laquellecetlegrotte sépulcrale n'aurait été tout d'abord qu'une simple
addition à la crypte voisine, destinée à recevoir le cercueil de saint Ébrégi-
sile, évéque de Meaux , et il ne fait pas remonter plus haut que l'année Sho
ou 85o la fondation de la seconde crypte, qui serait dès lors contempo-
raine de la construction de l'église de l'abbaye royale de Notre-Dame.
(tTohs les détails que M. Rethoré donne touchant l'histoire des deux
cryptes et les indications archéologiques qui les accompagnent sont
dignes de fixer l'attention des amis de nos antiquités nationales. Des
planches aident à suivre les descriptions et la discussion des faits
examinés. Elles ont été exécutées par la phototypie, d'après les clichés de
M. E. Billion. «
M. Alexandre Bertrand a la parole pour un honmiage :
ffDans une précédente séance, j'ai eu l'honneur d'offrir à l'Académie,
au nom de l'auteur, M. L. Baitzer, les douze premières livraisons d'un
important ouvrage sur les G/yphcs des rochers du Bohuslàn [Suède).
r-M. Baitzer envoie aujourd'hui la treizième livraison, exécutée avec le
même soin que les premières (Gothcmbourg, 1888, in-fol.).
frJe pense que l'Académie m'autoi-isera à adresser des remerciements
à M. Baitzer. T)
M. l'abbé DuciiESXE a la parole :
ffj'ai riionneur d'offrir à l'Académie un volume que je viens de faire
paraître. Il porte pour litre : Les origines du culte chrétien; pour sous-litre
et vrai litre : Elude sur la liturgie latine avant Charlemagne (i*aris, 1889.
— 218 —
in-S"). J'ai essayé d'y présenter une classificalion des manuscrits litur-
giques et des rites en usage dans les pays latins avant que, sous Charle-
niagne, les deux rites romain et gallican ne se fondissent ensemble. J'ai
passé en revue, non seulement la liturgie ordinaire, celle de la messe,
mais aussi les principales cérémonies du culte catholique, l'initiation
chrétienne (baptême et confirmation), l'ordination, à propos de laquelle
il a été traité du costume liturgique, la dédicace des églises, le
mariage, la consécration des vierges, la réconciliation des pénitents,
enfin l'office divin. Ce livre pourra servir à orienter les commençants
dans les études liturgiques, et à renseigner sur les détails du culte les
personnes qui ont affaire à la littérature ecclésiastique antérieure au
ix" siècle."
M. Georges Perrot présente, de la part de l'auteur, M. P. Monceaux,
La légende et l'hisloire en Thessalie (Paris, 1888, in-8°, extrait de la
Revue des études grecques), et les Fastes éponymiques de la ligne thessa-
lienne (Paris, 1889, in-8"', extrait de la Reinie archéologique).
(tM. Paul Monceaux, ancien membre de l'Ecole d'Athènes, quia visité
la Thessalie pendant son séjour en Grèce, n'a pas cessé de s'occuper de
l'histoire de ce pays, à laquelle il vient de consacrer deux intéressantes
études.
ffDans l'une d'elles, il étudie les légendes thessaliennes et en fait la cri-
tique et le départ avec beaucoup de tact et de pénétration; il constate
qu'elles se répartissent en trois groupes bien distincts : le cycle des
i'élages, les cycles des quatre grandes tribus helléniques, enfin le cycle
des Thessaliotes. L'histoire du pays et l'étude de ses institutions conduisent
aussi à distinguer dans la Thessalie de l'époque classique trois races, trois
classes d'hommes devant la loi. Chacune de ces races , et dans le groupe
hellénique chaque tribu , a dans ses chants héroïques raconté ses ambitions
et ses revers, son épouvante, ses victoires ou son exil. Ainsi se constitue
le trésor de la mythologie thessalienne, dont les Hellènes ont emporté
une partie dans leurs migrations et où depuis trois mille ans ont puisé
tant de poètes et d'artistes.
ffDans le second de ces essais, M. Monceaux se place sur le terrain de
l'histoire proprement dite et de la chronologie. A l'aide des textes des
auteurs, des inscriptions et des monnaies, il reconstitue les fastes épony-
miques de la ligue thessalienne, depuis les rayai., magistrats fédéraux
à vie, qui en sont les chefs entre le vu' et le iv' siècle avant notre ère,
jusqu'aux stratèges, qui continuent d'êlre placés à sa tête sous l'empire
roinahi et dont le dernier est du temps d'Hadrien. Ce travail peut
parailre aride et ne se prèle |);is ù une lecture courante; mais il est
appelf^ à rendre de {grands services;! tous ceux (pii s'occuperont désormais
de cette province et il lixe bien des points restds jusqu'à présent obscurs
et douteux. On ne peut (jue lui savoir grand gré d'avoir piis la peine de
discuter et de résoudre nombre de problèmes ditlicilos, dont aucun n'a
par lui-même une très grande importance , mais dont les solutions réunies
constituent la trame des annales thessaliennes. »
M. DK Rozii:nE offre à l'Académie, au nom de M. Edouard Bonvalol,
un travail intitulé: Les féaulés en Lorraine (Paris, 1889, in-8", extrait
de la Nouvelle reme historique de droit).
fOn donnait en Lorraine le nom àe féautcH à des groupes de popu-
lation, généralement à des paroisses, dont les habitants constituaient un
tribunal spécial statuant entre voisins sur les contestations relatives à la
propriété foncière, aux limites des héritages et à l'abornement des
chemins.
"Dans l'intéressante brochure que j'ai l'honneur d'offrir à l'Académie,
M. Bon valut, ancien conseiller aux cours de Golmar et de Dijon, a cherché
à démêler l'origine et l'organisation de ce tribunal, absolument indé-
pendant des autres juridictions locales, et dont le véritable caractère
n'avait pas encore été nettement défini.
ff A la suite de son exposé, M. Bonvalot a donné le texte de trois docu-
ments des xv% \vi^ et xvn° siècles, relatifs aux féaulés d'un certain notidire
de localités lorraines.?»
SÉANCE DU 3l MAI.
Sont offerts :
Christophe Colomb , Français, Corse et Calvais. Etude historique sur la
patrie du Grand Amiral de l'Océan, par l'abbé J. Peretti (Paris et Bastia,
1888, in-8'');
Nederlandsch-chineesch woordenboek, etc., par M. G. Schlegel, t. IV,
2° livraison (Leyde, 1889, gr. in-8°);
Ubcr den zweiten , grammntischen, Pdrasîprakâça des Krishnadâsa , par
M. A. Weber (Berlin, 1889, m-h" , extrait des Abhandlungen de l'Aca-
démie royale).
Le Secrétaire perpétuel présente, de la part de M. K. Revillout :
1° Le nouveau papyrus d'Hypéride (Paris, 1889, in-8", extrait de la
Hevue des études grecques) ;
2° La morale êgxjptiennr , leçon professée à l'école du Louvre (Paris,
1889. in-/i").
— 220 —
M. BoissiER présente à l'Académie trois opuscules de M. Gagnât, qui
concernent tous l'épigraphie romaine.
ffLe premier est intitulé: L'année épigraphiqiie (Paris, 1889, in-8°).
Depuis quelque temps les journaux savants se sont beaucoup multipliés
et, si cette abondance est une preuve d'activité scientifique, elle présente
aussi quelques inconvénients. Ceux qui veulent être informés des décou-
vertes qui se font dans les diverses contrées ont besoin de lectures plus
étendues et il leur est plus difficile de se tenir au courant. M. Gagnât
s'est donné la tâche de réunir ce qui païaît de plus important sur l'épi-
grapliie latine dans les recueils qui se publient partout. Il rend ainsi un
très grand service à tous les savants, à qui il évite des recheiches pénibles.
rfLes deux autres mémoires de M. Gagnât traitent, l'un, Le camp el le
pracloriiim de la IH légion Aiigusta à Lambhe (Paris, 1889, in-S", ex-
trait de la Revue archéologique)^ des ruines de Lambèse, qui viennent
d'être l'objet de fouilles importantes; l'autre. Sur les manuels profes-
sionnels des graveurs d'inscriptions romaines (Paris, 1889, in-8°, extrait
de la Revue de philologie)^ de ces manuels où puisaient les graveurs
d'inscriptions, pour y trouver des formules toutes faites. M. Gagnât
montre, surtout à l'aide fies inscriptions de l'Afrique, qu'ils s'en ser-
vaient un peu au hasard et sans beaucoup de discernement. Dans une
épitaphe, qu'il a trouvée et (pi'il publie pour la première fois, à propos
d'un vieillard qui est mort à quatre-vingt-deux ans, le gi'aveur a copié
des vers faits pour un jeune garçon, et dans lesquels on déplore qu'il ait
si peu vécu."
M. Menant a la parole pour un hommage :
ffj'ai l'honneur de présentera l'Académie une brochure de M. de Mély,
intitulée: Le poisson dans les pierres gravées (^Varis, 1889, in-8°, extrait
de la Revue archéologique).
cf L'auteur, en étudiant les symboles ([u'on trouve sur les pierres gravées
de l'antiquité, s'est arrêté ))arliculièremeat au poisson et aux légendes
dans lesquelles il ligure, sans se préoccuper du caractère religieux qui
lui a été attribué dans tous les dogmes. M. de Mély a relevé les dift'érentes
espèces de poisson mentionnées dans lesGyranides, qui nous sont connues
par la traduction de lîivinus; il a pu signaler ainsi, et présenter dans un
ordre alphabétique, un certain nombre de poissons, auxquels sont atta-
chées des propriétés talismaniques , pour la guérison des maladies , lorsque
leur image est gravée sur une pierre précieuse ou sur le chaton d'une
bague.
ff C'est un intéressant travail, dont vous avez, du reste, déjà entendu
— '2-2\ —
la lecture (séance du 9 mars 1888), et (|iii a été publie dans la Revue
archèoloiriqne , en 1889 (t. Xll, 3' série). n
M. i)R BoisLisi.E l'ail homniasp à l'Académie d'un volume qu'il vient
de publier, pour la Socit'té de l'histoire de Paris , sur La place des Victoires
et la place de Vendôme, ainsi que sur les autres monuments élevf's à la
gloire de Louis XIV, de iG85 à 171 5 (Paris, 1889, in-8°, extrait des
Mémoires de ladite Société).
Il fait liomma,o^e aussi d'une brochure de Lettres de Saint-Simon au
cardinal Guallcrio, publiées pour la Société de l'histoire de France,
d'après les originaux appartenant à M. Alfred Morrison, de Londres
(Paris, 1889, in-8'', extrait de V Annuaire-Bulletin de cette Société).
M. Paul Meyeu présente à l'Académii', de la part de M. F. de Mély,
deux opuscules :
(t]J\\n, Le cardinal Etienne de Frt«czrt (Paris, 1889, in-/i°, extrait de
la Revue de l'art chrétien), a été lu à l'Académie dans sa séance du 8 fé-
vrier dernier.
rf L'autre. La table d'or de don Pedro de Castille (Paris, 1889, in-8°),
a pour objet de déterminer la forme et le caractère d'une table d'or
pouvant se plier en croix, h l'aide de charnières, enrichie de pierres pré-
cieuses, au nombre desquelles se trouvait une escarboucle lumineuse, et
ornée de dessins représentant les douze pairs. La description de ce pré-
cieux oltjot nous a été donnée par Cuvelierdans son poème sur Du Gues-
clin. Selon Ctivelier, cette table, dont la trace est perdue, aurait été
donnée par don Pèdre au prince de Galles. A ce proj)os, M. de Mély pré-
sente d'intéressantes recherches sur la croyance, si répandue pendant le
moyen âge, à l'existence de pierres ayant par elles-mêmes un pouvoir
éclairant.»
M. Delisle présente :
1° Delà part de M. Brassart, archiviste de la ville de Douai, les Sou-
venirs de la Flandre wallonne, -2° série, t. VIII (Douai, 1889, in-8°).
(tCest la continuation d'un recueil qui renferme beaucoup de docu-
ments et de notices se rapportant à l'histoire du nord de la France. Ce
volume est en grande partie rempli par des actes relatifs à la famille de
Lalaing, depuis le xn' siècle.
2° De la part de M. Ai-thur de la Borderie, l'un de nos correspon-
dants , une Elude bibliographique sur les Chroniques de Bretagne d'Alain
Bouchart {i^i à~i 5ài) [Rennes, 1889, in-/i"].
cr Le livre d'Alain Bouchart,qni a eu cinq éditions, depuis i5i^» jus-
qu'en ifi/ii, i-eprésente (idèlemeiil filer qu'on se faisait des annales
— 222 —
hreloniips au commencement du xvi° siècle, alors que la crilique la plus
ële'raentaire n'avail pas essaye d'en dissiper les obscurités. La Société des
bibliophiles bretons a re'solu de le remettre en lumière, et le président
de cette société, M. de la Borderie, a profité de l'occasion pour étudier
les diflérences que présentent les diverses éditions des Chroniques de
Bretagne. La comparaison minutieuse qu'il en a faite l'a conduit à des
résultats assez importants. Il n'y a en réalité que deux éditions des Chro-
niques qu'on puisse attribuer à l'auteur ou à ses représentants autorisés:
celle de i5i/i et celle de i53i. Les autres ne sont que des entreprises
mercantiles, que des sortes de contrefaçons; il s'y trouve, à la vérité , quel-
ques additions, mais ce n'est pas Alain Bouchart qui les a rédigées. L'édi-
tion de i5/n se réduit même à un rajeunissement de l'édition de i532 :
le libraire, pour écouler la lin de l'édition de i532, a fait imprimer un
nouveau titre et deux cahiers complémentaires qui furent assez maladroi-
tement soudés à la fin du volume.
rr C'est ainsi que M. de la Borderie a rigoureusement déterminé la va-
leur historique et littéraire de chacune des éditions de l'œuvre d'Alain
Bouchart, et qu'il a expliqué et justifié le plan adopté parla Société des
bibliophiles bretons pour la réimpression."
SÉANCE DU -y JUIN.
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau le i" fascicule des Comptes
rendus des séances de l'Académie, pendant l'anné^ 1889, janvier-février
(Paris, 1889, iu-8").
Sont offerts :
Histoire cl description des musées de la ville de Besançon, par M. Au-
guste Castan, correspondant de l'Institut (Paris, 1889, gr. in-8'', ex-
trait de V Inventaire des richesses d'art de la France);
L'ancienne école de peinture et de sculpture de Besançon, lyôS-ijgi.
Histoire, notices, annales, rédigées et publiées par le même (Besançon,
1889, in-8°, extraits des Mémoires de la Société d'émulation du Doubs) ;
La phusionomie primitive du retable de fra Bartolommeo à la cathédrale
de Besançon, par le même (Besançon, 1889, in-8°);
Address qf John Evans, esq., etc. , président of the Society qf antiquaries
of London, délirer ed at iheir annioersary meeting, April 3o , i8Sg
(Londres, 1889, in-8");
Charte d'acensetnent du xin" siècle en langue d'oc , publiée par M. Ed.
Bondurand (Paris, 1889, in-8°, extrait des Mémoires de l'Académie de
Nîmes);
— 2n —
Iloiiiniagc en lun/pte d'oc à l'évèquc dr Memlc , iS-i->.. par le mt^ine
(^ Paris, 1889,111-8°, extrait (le la inènie publicalion);
Mémoires présentés et lus à l'Institut K(>ijplien , piihljt's sous les auspices
(le S. A. MélK^niet Tliewiik paciia, kliédive d'I'^gyple. I. II, 1" et
â' partie (le Caire. 1889, in-Zj");
llrralski spomcnici u kninskoj okolici i: ostale suvremene dalmntinske
i: dobe nnrndne hrvalske dinastije , par l'r. Bulic, I(AgTam, 1 888 , in-6");
Djcla Pctra Zoranica, Anluna Sasina, Savkn Gucelic'a , Bendevisevic'n
(Agram, 1888, in-8", formant le (orne XVI des Stari pisci lirvalski);
Ljetopis jii/joslrirenske Aradeniijc znanosti i innjcinnsti ( \grani. 1888.
in-8").
SKANCI-; DU 1 fl JMN.
M. Alfred Maurv otTre à rAoade'mie, au nom de M. Alexandre Bruel,
sous-chel' (le seclion aux Archives nationales, le tome IV de l'ouvrage
inlilulé : llecueil des chartes de l'abbaye de CAuny (Paris, 1888, in-6"),
lormt' par feu Auguste Bernard, et que le savant archiviste complète,
revise et publie.
ffCet ouvrage fait partie de la grande Collection de documents inédits
sur l'histoire de France, que nous devons au Ministère fie rinstruclion
pnhli([uc.
-'Le tome IV, ici présente, se com|)ose d'une suite de documents allant
de lannée 1027 à raimoe 1090. Une partie dudit volume repond donc
au temps du pontificat de Grégoire VU, et Ton y trouvera reproduites
ou analysées plusieurs lettres et huiles de ce pape, qui avait appartenu
à Tordre de Gluny ot e'iudié dans son monastère métropolitain, à l'illus-
tration duquel il a tant conlrihué. Les pièces que nous donne M. Bruel
dans le tome IV sont imprimées avec le même soin et la même intelli-
gence pali'ographiquc que celles des voknnes antérieurs. Il s'est attaché
;i constituer sévèrement le texte et a souvent corrigé des transcriptions
fjui avaient été déjà publiées. Des notes explicatives sont placées au bas
des pages. Des errata et des additions terminent le volume; ils se
rapportent aux pièces que renferment les tomes précédents.
•'L œuvre de M. Bruel a droit aux encouragements de notre Omipagnie,
qui avait naguère marqué l'estime qu'elle a pour elle, à l'apparilifin des
premiers volumes.
•'Une table des noms de personnes et de lieux ne se trouve pas dans
ce l(mie IV. parce (pi'uiie telle table doit être mise à la (in du dernier
volume e( endjrasser tout leusemble de la |)ul)liciition.
wii. ai
iatlivraiB lâtiosiir.
— -m —
^L'intérêt des pièces que M. Bruel a réunies, sur les pas de feu
M. Auguste Bernard, nous est un siir garant des services qu'une sem-
blable publication fendra à l'histoire de la France au moyen âge, parti-
culièrement à riiistoire de l'Eglise, où l'abbaye de Gluny a, pendant des
siècles, occupe' une place considérable. «
M. Pavet de Courteille présente Le traité de Catean-Cainhrésh , a et
3 avril i55g , par le baron Alphonse de Rnble (Paris, 1889. in-8°).
ffDans ce volume, fort bien écrit et rédigé à l'aide des documents ori-
ginaux les plus sérieux, l'auteur s entrepris de prouver que le traité de
Cateau-Gambrésis, bien loin d'être désavantageux à la France, comme
on l'a cru jusqu'ici, avait été au contraire le point de départ de son
unité et d'une cohésion poUtique que les plus formidables bouleversements
n'ont pu ébranler. On y trouve en outre des détails très piquants, puisés
aux sources, sur Elisabeth de Valois, seconde femme de Philippe II, et
sur la vie de cette princesse à la cour d'Espagne, n
M. Delisle présente, au nom de M. Ch. de Robillard de Beaurepaire,
notre correspondant, le tome II des Cahiers des Etats de Normandie sous
le règne de Henri III. Documents relatifs à ces assemblées, 1 58-2-1 588
(Rouen, 1888, in-8").
M. Croiset olïi'e à la Compagnie deux opuscules de M. Ch.-Ém.
Ruelle :
1° Le chant des sept voyelles grecques , d'après Démétvins et les papynis
de Leyde (Paris, 1889, in-8°, extrait de la Eemie des études grecques).
ff Divers papyrus mentionnent des chants composés d'une suite de
voyelles. Démétrius en parle aussi dans le Traité de l'tAoculion : on les
exécutait en Egypte en l'honneur des dieux. Un papyrus de Leyde donne
des échantillons assez nombreux de ces chants , où l'on voit les sept
voyelles grecques diversement groupées. M. Ruelle a essayé de déterminer
à quelles noies musicales elles conespondaient. Ce problème avait déjà
occupé l'abbé Barthélémy, qui avait indiqué en partie la méthode à
suivre pour le résoudre; M. Ruelle, en possession de documents plus
complets, a pu l'étudier à son tour avec plus de précision et arriver à des
iésultats qui ont déjà reçu en partie la confirmation de l'exécution musi-
cale, et qui semblent vrais. Il a montré dans ce travail une curiosité pa-
tiente et ingénieuse, r
2° Sur un quatrième manmcrit grec exécuté par le copiste du Platon de
Paris n" i8oj (Paris, 1888, in-8°, extrait de la même Revue).
ffCe quatrième (ou plutôt ce cinquième) manuscrit, — car c'est bien
au chiffre cinq qu'on arrive. — serait, d'après M. Ruelle, le Lauren-
— 2L>r) —
tianus, lAXX, 9. Le ropisle, encore méconnu, à qui l'on devrait ces
divers mainiscrits, aurait v<^cu au x° siècle, ou peut-être au ix*. 1
M. A. DE Barthéi.emv fait lioniniapjp du Congrès bibliographique inteima-
tional tenu à Paris, du 3 au 7 avril 1888 (Paris, 1889, in-8'').
frLa Société bibliographique, qui a commencé il y a près d'un demi-
siècle, a conquis une place considérable, grâce au zèle et au dévouement
du marquis de Beaucourl, son fondateur et son président. En présence
des services importants que la bibliographie peut rendre à tous les tra-
vailleurs, le conseil de la Société a tenté de réunir, en 1878, un congrès
international dont la mission était de passer en revue le mouvement scien-
tifique et littéraire, dans le monde érudit, pendant les dix années précé-
dentes. Celte tentative eut un si bon résultat que Tan dernier la Société
convoqua un nouveau congrès, qui réunit un nombre encore plus consi-
dérable d'adhérents. Des communications fort intéressantes, des rapports
détaillés ont été présentf's sur cette nouvelle période décennale. Les tra-
vaux sont publiés dans un volume de près de 900 pages, et le marquis
de Beaucourt m'a chargé d'en faire hommage à l'Académie, en son nom
et au nom de la Société bibliographique.
ffDans ce volume, on trouve des renseignements précieux sur le mou-
vement scientifique et littéraire en général; les sciences, l'économie poli-
tique y tiennent une large place; je n'ai à signaler que ce qui se rattache
plus intimement à nos études. Je citerai particulièrement les pages con-
sacrées aux recherches géographiques, aux antiquités chrétiennes, aux
sources de l'histoire de France, aux études franques, à la paléographie
et à la diplomatique. Ces comptes rendus ne sont pas de simples énu-
mérations; rédigés par des hommes compétents, ils contiennent des ap-
préciations sommaires, mais précises; je me hâte d'ajouter que ces appré-
ciations sont faites avec une mesure qui fait honneur à l'impartialité de
la Société bibliographique, qui professe le culte de la vérité historique,
en même temps que des sentiments orthodoxes que personne n'ignore.
A l'occasion de ce congrès, nos confrères MM. L. Delisle et L. Gautier
ont fait aux savants étrangers les honneurs de la Bibliothèque nationale et
des Archives.''
M. Alexandre Bertrand a la parole pour un hommage :
fj'ai l'honneur de présenter à l'Académie, au nom du directeur,
M. Charles Normand, le n" 7 (t. Il) de L'Ami des monuments (Paris,
1889, in-S").
'• Ce numéro contient , comme les précédents , plusieurs notes et articles
d'un grand intérêt. Je citerai :
— 2-26 —
(fi° La restauration des sculptures , noie, par iiolie savant confrère
M. Félix Ravaisson;
<t2° Le château de Madaillan, par Benouville et Ch. Tholin;
«•3° Le château de Saint-Germain , par Salomon Reiuach;
fth" Néris d'après les monuments , par Albert Lenoir.
ft Je joins à ce fascicule un certain nombre d'exemplaires de la liste
des fondateurs et membres du comité de la revue, pour être distri-
bués aux membres de la Compagnie qui s'intéressent à cette œuvre
utile, n
Est offert :
Les représentants du peuple en mission et la justice révolutionnaire dans
les départements en l'an u [lygS-t'jgâ) , t. III : Le Sud-Est, l'Est et la
région de Paris, par M. Henri Wallon, membre de l'Institut (Paris,
1889, in-8°).
SÉANCE DU 2 1 JUIN.
M. le marquis dHervey de Saint-Denys a la parole pour un hommage :
ffj'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de M. G. Appert,
d'abord une Cai^te du Japon de l'époque féodale, pour l'intelligence des
anciennes relations concernant l'histoire de ce pays, et ensuite un vo-
lume intitulé : Ancien Japon , par G. A|)pert, professeur à la faculté de
droit de Tokio, avec la collaboration de M. H. Kinoshila, bibHothécaire en
chef de l'université impériale du Japon (Tokio, 1888, in-16), ouvrage
dans lequel se trouvent réunis, sous une forme concise et pratique,
quantité de renseignements importants, pour la plupart inconnus en
Europe jusqu'à ce jour, ou tout au moins qui n'avaient jamais été ras-
semblés encore et présentés d'une aianière méthodique.
ff Après un exposé des procédés qu'emploient les Japonais pour écrire
les dates, l'ouvrage contient la liste des empereurs du Japon, celle des
Shogoun, et celle des ères japonaises, ou Nen-go. L'ordre alphabétique
adopté facilite éminemment les recherches.
"Dans la chronologie qui suit, l'auteur s'est attaché à faire ressortir,
à côté des faits saillanis des annales japonaises, le trait dominant de
chaque période.
irLa seconde partie du travail est une sorte d'armorial de la noblesse
japonaise, très précieux pour reconnaître la source de beaucoup d'objets
d'art et de haute curiosité oii des armoiries sont lîgurées. Près du nom
de chaque famille, l'auteur signale le rang qu'elle occupait, ses origines ,
sa résidence, les châteaux et les richesses (|u'elle possédait.
'■2-21
fLa troisième partie se compose principalement d un dictionnaire
consacré aux coutumes, aux institutions, aux choses caractéristiques de
l'ancien Japon et aux biog^rapliies de ses hommes célèbres.
ff D'abondantes indications bibiiojjraphiques renvoient le lecteur aux
études, déjà pubhées et plus étendues, qu'il pourra consulter, s'il veut
ajjprofondir quokpie sujet.
f Ajoutons qu'une ])liice spéciale est faite à l'art japonais, (jni la
mérite bien. L'auteur donne les titres des ouvrages illustrés les plus re-
marquables, ainsi que les noms des peintres célèbres et le fac-similé d'en-
viron deux cents de leurs signatures et cachets.
ffEn somme, ['Ancien Japon est un excellent compendiumqui sera de
la plus grande utilité, r^
.M. llicRON DE ViLLEFOSSE préscnlc à l'Académie un travail de M. Wil-
liam-N. Groll", intitulé : Les deux versions démotiques du décvetde Canope;
textes, étude comparative, traduction, commentaires historiques et philolo-
giques (Paris, 1888, gr. in-8°, thèse soutenue à l'École du Louvre).
rrLe décret de Canope fut promulgué en l'an 9 d'Evergète 1" (988),
au moment de la plus grande puissance des Lagides. Les prêtres réunis
en concile à (^anope. après avoir rappelé les bienfaits dont le roi et la
reine avaient comblé l'Egypte, décrétèrent de nouveaux honneurs aux
frdieux Évergètesn. On décida d'intercaler un jour tous les quatre ans
dans l'année de 365 jours, afin de niainlenii- l'ordre des saisons confor-
mément au ciel, et on fit placer dans les temples ce décret, rédigé en
langue sacrée (hiéroglyphes), en démotique et en grec.
rrlln exemplaire découvert en 1866 contient les textes grec et hiéro-
glyphique; ils occupent la face principale de la pierre. La version en
langue vulgaire qui se lit sur le côté semble avoir été gravée postérieu-
rement, sans doute à la suite d'une réclamation du peuple. Dans un
exemplaire découvert plus réremnieut, les textes grec et hiéroglyphique
correspondent très exactement aux textes analogues de l'exemplaire trouvé
en 1866, ce qui parait indiquer que ces deux textes ont été promulgués
dès le principe par les prêtres égyptiens. Entre les textes démotiques,
au contraire, on remarque de nombreuses variantes, au point de vue
paléographique et au point de vue linguistique. La construction gram-
maticale est didérente, plus correcte et plus complète dans le nouvel
exemplaire; plusieurs phrases du texte grec négligées par les rédacteurs
de l'ancienne version s'y trouvent traduites.
"Pour faire ressortir ces variantes, M. Groiïa placé les deux versions dé-
motiques, en mot à mot. l'une à côté de l'autre, sur deux colonnes. 11 a
— t>l>8 —
accompagné son travail d'un commentaire où les variantes des textes sont
étudiées : cette partie autographiée est précédée d'une introduction im-
primée, dans laquelle les circonstances de la promulgation du décret
sont discutées au double point de vue de l'histoire et de la langue. Dans
une lettre-préface écrite h l'auteur, M. Eug. Revillout apporte aussi de
nouveaux éclaircissements sur les questions étudiées dans cet intéressant
mémoire, n
M. Héron de Villefosse offre ensuite à l'Académie, de la part de l'au-
teur, M. R. Mowat, une publication intitulée .: Rapport sur les papiers et
documents épigraphiques réunis par feu Léon Renier en vue d'un recueil des
inscriptions romaines de la Gftw/e (Paris, 1889, in-8°, extrait du Bulletin
archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques , année
1888).
(fLe II septembre i885, moins de trois mois après la mort de Léon
Renier, M. Ernest Desjardins annonçait à l'Académie que l'État avait pris
possession des papiers du déiunt et que ces papiers avaient été déposés à
la bibliothèque des Sociétés savantes , près la bibliothèque Mazarine. Deux
ans plus tard, le 16 avril 1887, le Ministre de l'instruction publique
confiait à M. R. Mowat le soin d'examiner les documents relatifs à la
Gaule et d'en rédiger l'inventaire. Ces documents avaient été réunis de-
puis près de cinquante ans en vue d'un Recueil des inscriptions romaines
de notre pays. Personne ne pouvait en faire ressortir l'intérêt avec plus
de compétence et d'autorité que M. R. Mowat.
ffSon rapport débute par un exposé très clair et très net des variations,
hélas! trop nombreuses, subies par le projet français de publication otli-
cielle des inscriptions romaines de la Gaule. L'idée première de ce re-
cueil appartient incontestablement h Philippe Le Ras, mais d'autres sa-
vants finançais, parmi lesquels il faut citer Mérimée, Letronne, Egger et
L. Renier, prirent une part très active à ce projet, qui, malheureusement,
et malgré tant defî'orls, ne devait se réaliser qu'en partie. Grâce à notre
savant confrère M. Edmond Le Riant, nous possédons au moins aujour-
d'hui toute la série des inscriptions chrétiennes des premiers siècles, dont
la publication lui avait été confiée en 1 856.
"Une excellente bibliographie des projets de recueils généraux
d'inscriptions latines précède l'inventaire sommaire des papiers de Léon
Renier. Il y a lieu de distinguer dans ces papiers, d'une part, les fiches
épigraphiques, schedœ, qui avec quelques notes et brouillons de lettres
représentent le travail personnel du maître, d'autre part, les documents
qui lui ont été fournis par diverses personnes, tels que lettres, mémoires.
— 229 —
noies, dessins autographes, estampages, enipreiutes ou frottis, calques,
phologiophies et gravures. Lîn catalogue très complet de ces divers docu-
ments a été dressé par M. R. Mowat. Tout ce qui est relatif à des pays
autres que la Gaule, tels que l'Afrique. lArménie, la Bilhynie, la Corse,
la Dalmatie, TEgypte. l'Espagne, la Grèce, l'Italie, la Macédoine, les deux
Mésies, la Syrie et la Tlirace, a été inventorié dans un paragraphe spécial.
ffLa sixième division a pour titre : Correspondance inédile de Léon Re-
nier. On y remarque quatre dissertations intéressantes : la première sur
l'inscription de Sens consacrée à C. Amafius Paternimis, la seconde
sur le rétablissement des noms de Philippe et d'Olacille marlolés dans
ime inscription de P»onie, la troisième sur mie inscription du musée de
Colmar, la quatrième sur un cachet d'oculiste. Un choix d'inscriptions
inédites ou imparfaitement publiées, retrouvées par M. Mowat au mi-
lieu des papiers de L. Renier, tennine ce substantiel rapport.
trDès h présent, tous les documents cités sont à la disposition des épi-
graphistes. En les classant avec un soin parfait, en signalant leur valeur
et leur intérêt avec une judicieuse critique, M. R. Mowat a rendu un
nouveau service aux études d'épigraphie latine et à la cause de nos anti-
quités nationales, qu'il sert depuis longtemps avec un succès qui ne s'est
jamais démenti. 55
M. Renan présente, de la part de M. Patinot, directeur du Journal des
Débats, un exemplaire sur papier de choix, réservé expressément à la
Compagnie, du volume publié par le journal à propos du centenaire de
sa fondation : Le livre du centenaire du Journal des Débats (Paris, 1889,
gr. in-8°).
ff L'Académie, ajoute M. Renan , trouvera dans ce beau livre le souvenir
de plusieiu's membres qui lui furent chers: MM. Laboulaye, Boissonade
et beaucoup d'autres. '■
M. DK RoziÈRE offre, au nom de M. Tamizey de Larroque, notre cor-
respondant, le fascicule xvi des Correspondants de Peiresc : François
Luillier, Lettres inédites écrites de Paris à Peiresc, i63o-i636 (Paris,
1889, in-8^).
SÉANCE DU 28 JUIN.
Sont offerts :
TIteodori Prodromi Commenturios in carmina sacra melodorum Cosmœ
Hierosohjinitani et Joannis Damasceni adjidem codd. inss. priinum edidit et
varietatc lectionis instruxit in quinffnagesimum sncerdotii natalem Leo-
nis XII f Pont. Majc. H. M. Stevenson (Rome, 1888, \n-li");
— 230 —
Codices mcmusciipli grœci reginœ Sueconun et PU PP. Il hibliothecœ
Vaiicanœ, par H. Stevenson senior (Rome, 1888, in-/»°);
H Neà A.iadyJKy]. Novum testamentum e codice Vaticano lùoq nativi
grœci primo omnium pJiototijpice reprœsentatum , auspice Leone XIII Pont.
Max., curante Joseplio Cotza-Luci , etc. (Rome, 1889, in-l'ol.j;
Tlie old new world, an account ofthe explorations of the Hemenway south
western archœological expédition, etc., par M. Sylvester Baxter (Salem
[Mass.], 1888, in-8°);
Essai comparatif sur l'origine et l'histoire des rythmes, par M. Maximi-
lien Kawczynski (Paris, 1889, in-8°);
Poésies languedociennes de Louis -Diogène Guiraldenc {i8âo-i86o),
publiées, etc., par A. Roque-Ferrier (Montpellier, 1888, in-S").
M.Henri Weil offre à la Qom\)Cign\e Philonis Alexandrini lihellus de
opificio mundi, e'dité d'après les nieilleurs manuscrits par M. Ijëopold Gohn
(Breslau, 1889, in-8'').
rrCet ouvrage comprend une introduction, des rapprochements entre
des passages parallèles de Philon et d autres auteurs grecs, qui jettent du
jour sur le texte publié. C'est un travail excellent, qiii à e'té couronné par
l'Académie de Berlin, et qui s'annonce comme un spécimen d'une édition
complète des œuvres de Pbilon.»
M. Héron de Villefosse présente à l'Académie, de la part de l'auteur,
M. F. Thiollier, un ouvrage intitulé : Le Forez, pittoresque et monumental ,
histoire et description du département de la Loire et de ses confins , ouvrage
illustré de g8o gravures ou eaux-fortes , publié sous les auspices de la
Diana, société historique et archéologique du Foret (Lyon, 1889, a vol.
in-fol.).
rrCes deux volumes sont le fruit d'un labeur de vingt années, pendant
lesquelles lauteur n'a épargné ni son temps ni sa peine; il a réussi à
faire une œuvre absolument originale et intéressante. Le texte est établi
sur un plan simple et commode, la division par cantons et par com-
munes. Chaque page contient trois ou quatre vignettes qui placent im-
médiatement sous les yeux du lecteur le monumeni ou l'objet décrit. Ces
vignettes sont d'une exactitude absolue, ayant toujours été exécutées,
quand il s'agit d'un monument encore existant, d'après une photo-
graphie.
ff L'auteur de cet ouvrage a fait faire un grand pas à l'archéologie et à
l'histoire du Forez en condensant, d'une part, tout ce qui, depuis Théo-
dore Ogier, a été publié isolément sur quelques localités déterminées,
et, d'autre part, en piovoquant et eu conduisant avec méthode un im-
— L>;n —
iiiense travail île nnisioii liisloriiinc el iiioimiiieiilalc poiii' cliacjut' com-
niuiic (In (léparteinoiit. travail (|iii Ta amené à inetlie en lumière une
foule (le faits ignorés ou coniplètenii'iit nouveaux. La préparation d'une
œuvre aussi considérable a été longue et laborieuse, soit au point de vue
de la rechercbe des sources imprimées ou manuscrites, soit h celui des
pérégrinations el des constatations eu pleine campagne, chaque commune
ayant été visitée plusieurs fois.
f-Un autre mérite de fouviage est d'être tout à fait forézien, aussi
bien par l'esprit qui l'a conçu que par les collaborateurs, artistes ou au-
teurs, qui sont presque tous du Forez. Un des principaux est M. Vincent
Durand, h qui le livre est dédié; c'est le savant et infatigable secrétaire
de la Diana.
ff.le ne veux point parler du désintéressement de M. F. Tbiollier, qui
a publié ces deux volumes à ses frais et qui a ainsi l'honneur d'avoir
doté sa province d'un monument impérissable. .Mais je tiens à dire que
ce Mécène est doublé d'un artiste consciencieux et habile, dont le mérite
est facile à constater. Il suffit de parcourir son ouvrage pour être édifié.
M. F. Tbiollier a l'amour de sa province: il Ta visitée en tous sens; il en
a contemplé et reproduit tous les aspects. Il a pris le soin de rechercher
et il est parvenu à retrouver, quelquefois très loin de leur pays natal,
bien des œuvres exécutées en Forez et qui sont aujourd'hui l'ornement
des galeries publiques ou des collections privées. Monuments et paysages
se sont accumulés dans ses porlefeuilles; il a su mettre en œuvre tant
de documents recueillis avec une longue patience. Le second volume con-
tient à lui seul i55 planches, la plupart reproduites pitr le procédé de
l'héliogravure; on ne peut rien souhaiter de plus exact et de plus sûr. Si
chacune de nos anciennes provinces possédait un pareil recueil, l'inven-
taire des richesses d'art de la France serait complèlemenl terminé et de
la façon la plus utile el la plus pratique. i
M. Gaston Paris fait hommage d'ini volume qui porte pour titre : La
légende syriaque de saint Alexis , l'Iiomme de Dieu, par Arthur Amiaud
(Paris, 1889, in-8°, 79" fascicule de la Bibliothèque de l'Ecole des hautes
éttides).
ffCette belle publication, à la suite d'un événement aussi funeste
qu'imprévu , n'est oiïerle à l'Académie qu'après la mort de son auteur, bien
qu'elle eùl paru quelipies jours auparavant. Des juges compétents garan-
tissent l'excellence de l'édition du texte syriaque, faite d'après les mé-
thodes critiques les plus rigoureuses et avec la connaissance la plus fine
et la plus exacte de la langue, .le ne puis parler que de l'introduction
— ni —
liisloriquft, où l'auleur recherche les origines et ëludie le développement
de la légende de saint Alexis jusqu'au moment où elle fut introduite à
Rome, et de là dans tout l'Occident , à la fin du \° siècle. J'ai moi-même
esquissé autrefois ce curieux chapitre d'histoire littéraire et hagiogra-
phique, dont M. l'ahbé Duchesne, dans un mémoire malheureusement
resté inédit, a éclairci les dernières phases. M. Amiaud complète et rec-
tifie sur beaucoup de points ce que j'avais dit, et son travail peut être
considéré comme à peu près définitif. Cet ouvrage donne quelque idée
de la perte qu'ont faite les études syriaques par la mort du jeune maître;
d'autres écrits , trop peu nombreux , permettent de mesurer ce qu'ont
perdu en lui les études assyriologiqiies , auxquelles il s'était adonné avec
ardeur dans les derniers temps de sa vie, et qui sont frappées par sa
mort aussi cruellement qu'elles l'ont été par celle de Stanislas Guyard,
son prédécesseur à l'École des haules études. -
Sont encore offerts :
Annales du commerce extérieur, année 1889 , 5° et 6' fascicules (Paris,
i889,gr. in-S");
Annuaire de l'Université catholifjue de Louvain , 1889 , 53' année (Lou-
vain, in- 16) ;
Archiv fur ôsterreichiscke Geschichte, vol. LXXII, 1" partie, et
vol. LXXIII, 1" et 2' parties (Vienne, 1888, in-8°);
Atti délia Heale Accademia dei Lincei , 286*^ année, h' série, Rendiconti,
vol. V, fasc. 3-5 (Rome, 1889, in-/i°);
Biblioteca nationale centrale di Firenze Bollettino délie pubblicazioni
italiane ricevute per diritto di stimpa, n" 8o-83 (Florence, 1 889, in-8°);
Biblioteca nationale centrale Vittorio Emanuele di Roma. Bollettino délie
opère moderne straniere acquistate dalle pubbliche biblioteche governative
del regno d'Italia , vol. IV, n' a (Rome, 1889, in-8°);
Bibliothèque de l'École des chartes , t. L, 1" et 2' livraisons (Paris,
1889, in-8");
Bulletin de correspondance hellénique, 1 3' année, avril 1889 (Athènes
et Paris, in-8");
Bulletin mensuel de la Société centrale des architectes français , 6' série,
vol. VI, n" 1-3 (Paris, 1889, in-8°);
Histoire de l'art dans l'antiquité , par MM. Georges Perrot, membre
de l'Institut, et Charles Chipiez, t. V, livr.iisoiis 9 35-2 /i 3 (Paris, 1889,
gr. in-8");
Journal asiatique , 8' série, t. XIII, n" a (Paris, 1889, in-8°);
— 233 —
Jounuil of proceedi)ig.s ofthe Royal Imtilule qf Brilish architecls , vol. V
(le la nouvelle sërie, ii°' i/j-iO ( Londres, 1889, in-A°);
Procccdi/iffs of the Societi/ qf Bihlical avchœology, vol. XI, n" 6, 7
(Londres, 1889, in-B");
Publications de la section historique de l'înstilut royal grand-ducal de
Luxembourg , vol. XL (Luxembourg, 188g, in-S");
Revue africaine , journal des travaux de la Société historique algérienne,
39°annf^e. n"' 190, 191 (Alger, 1888, in-8");
Revue archéologique , 3" série, t. XII (Paris, 1889, in-8°);
Revue de Coinminges , t. IV, 1888, li' trimestre (Saint-Gaudens, 1888,
i"-8°);
Revue des Pyrénées et de la France méridionale , organe de l'Association
pyrénéenne, publication trimestrielle dirige'e par Julien Sacaze et le
D' F. Garrigou, 1. 1, annëe 1889, 1" trimestre (Toulouse, in-8°);
Revue géographique internationale , i!x' année, n" 16a (Paris, 1889,
in-li");
Revue numismatique, 3" série, t. VII, 9" trimestre de 188 y (Paris,
in-8°);
Sitzungsberichte der kaiserlichen Akademie der Wissenschaflen , philoso-
phisch-historische Classe, vol. CXVI (Vienne. 1888, in-8");
Sitzungsberichte der philosophisch-philologischen und historischen Classe
der A. B. Akademie der Wissenschaften tu Mùnchen, 1889, fascicule 1
(Munich, ia-S");
Société de géographie commerciale de Bordeaux : Bulletin, i:i' année,
2° série, n" 12 (Bordeaux, 1889, in-B").
I
4
COMPTES RENDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1889.
COMPTKS RENDUS DES SÉANCES.
JUILLET-AOÛT.
PRÉSIDENCE DE M. BARBIER DE MEYNARD.
SK.VNGE DU f) JLILLET.
M. le Ministre de l'inslriiclion publique nulorise rAcade'mic à
pre'lever sur ses fonds disponil)les une somme de 5oo francs,
pour r<'dtribution d'une quatrième me'daille dans \g concours des
Antiquités de la France de cotte année.
Le Secrétaire peri-étuel annonce que dou\ cartes d'invitalion
ont été adressées à l'Académie pour l'inauguration de la statue
de M. Paul Bert,qui doit avoir lieu à Auxerrc.
Le Président du Comité formé pour élever une statue à Lazare
Carnot,sur une des places du village de Carnot (Algérie), adresse
à l'Académie une invitation à souscrire. La liste destinée à re-
cueillir les souscriptions sera déposée an secrétariat de l'Institut.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président annonce (|ue
l'Académie va procéder à la désignation de deux candidats pour
la chaire de langue chinoise vacante à l'Ecole des langues orien-
tales vivantes.
XVII. ,-
i«rai«iRii »«(i.>i(ir.
— 236 —
Pour la présentation en première ligne, M. Deve'ria obtient
l'unanimité' des suffrages.
Pour la présentation en seconde ligne, M. Imbaull-Huart ob-
tient également l'unanimité des suffrages.
En conséquence, M. Devéria sera présenté en première ligne
et M. Imbault-Huart en seconde ligne.
M. Héron de Villefosse fait connaître, ainsi qu'il suit, les
résultats du concours des Antiquités de la France pour 1889:
ff La Commission des Antiquités de la France a décidé que les
médailles et mentions, pour le concours de 1889, seront attri-
buées dans l'ordre suivant :
1''*' MÉDAILLE. — M. E. Jarry, La vie politique de Louis de France ,
duc d'Orléans [1 3 j 2-1 ûoj). Paris et Orléans, 1889, in-8°.
2^ MÉDAILLE. — M. Paul Guériu, Recueil des documents concer-
nant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France,
t. IV {i369-i3j6). Poitiers, 1888, in-8°.
3* MÉDAILLE. — M. Clément Pallu de Lessert, Les fastes de la
Numidie sous la domination romaine. Constantine et Paris, 1888,
in-8''.
U" MÉDAILLE, autorisée pour cette année par une décision mi-
nistérielle. — MiM. Camille Favre et Léon Lecestre,Le Jouvencel,
par Jean de Bueil , suivi du commentaire de Guillaume Tringant,
publié pour la Société de l'histoire de France. Introduction bio-
graphique et littéraire par Camille Favre; texte établi et annoté
par Léon Lecestre, t. I et II. Paris, 1887-1888, in-8°.
i'" MENTION. — M. le duc de la Trémoille, Archives d'un servi-
teur de Louis XL Documents et lettres [iâ5i-iâ8i), publiés d'après les
originaux. Nantes, 1888, in-4°.
2* MENTION. — M. Ch. Morel, Genève et la colonie de Vienne.
Elude sur une organisation municipale à l'époque romaine. Genève et
Paris, 1888, in-8''.
3* MENTION. — MM. les docteurs Bleicher et Faudel, Maté-
riaux pour une étude préhistorique de VAlsace. Colmar, 1878-1888,
5 fascicules in-8°.
U^ MENTION. — M. Prndhomme, Histoire de Grenoble. Grenoble,
1888, in-8°.
— -237 —
5" MKNTiON. — M. Henri Siciii, Olivier de la Mavchc, hislorien,
poète et diplumate bourguignon. Paris, 1888, in-/i°.
6° MF.MiON. — M. G. d'Espinay, La coutume de Touraine au
Av' siècle. Tours, 1888, in-8°.
M. BoissiER lit un mémoire sur le christianisme do Boèce.
Il examine Topinion des savants qui ont pense' que Boèce était
païen. Celle opinion parait peu vraisemblable, quand on sait
de quelle famille Boèce était issu, son union intime avec Sym-
maque, dont il épousa la fille et qui était très dévoué au chris-
tianisme. Il suffît, du reste, pour affirmer qu'elle est fausse, de
savoir que les traités de théologie que les manuscrits lui attri-
buent, et dont on a souvent contesté l'atli-ibution, sont bien de
lui. C'est ce qu'a mis hors de doute la découverte faite par
Holder de l'extrait d'un ouvrage aujourd'hui perdu de Cassio-
dore,qui attribue ces traités à Boèce. Evidemment, un homme
qui avait pris la plume pour défendre le christianisme était
chrétien.
Mais alors, comment peut-on s'expliquer qu'un chrétien soit
l'auteur de la Consolation philosophique , qui a paru être un ou-
vrage païen? Pour l'expliquer, i\I. Boissier commence par établir
qu'il n'est pas tout à fait vrai de prétendre que la Consolation soit
un livre païen. Boèce l'a tirée sans doute des ouvrages des anciens
philosophes de la Grèce et de Rome, mais il n'a pris chez eux
que ce qui était conforme à la doctrine de l'Eglise, en sorte que
l'ouvrage est païen et chrétien à la fois. M. Boissier fait voir
ensuite que plusieurs Pères de l'Eglise ont fait comme Boèce,
qu'ils ont traité les matières philosophiques, sans y faire inter-
venir les Ecritures, et avec les seuls arguments que fournit la
raison. Il le montre surtout par l'exemple de saint Augustin et
de ses Dialogues philosophiques. Dans ces traités, qu'il a coui[)Osés
au moment où il se préparait à recevoir le baptême, après les
grandes crises qu'il a racontées dans ses Confessions, il n'est pas
question du Chiisl ni des livres saints, et tout est tiré de Platon
et de Cicéron. Quand on les a lus, on comprend comment un
chrétien pouvait écrire la Consolation philosophique.
«7'
— 238 —
SEANCE DU 1 2 JUILLET.
L'Académie se ('orme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président annonce
que la Commission chargée de juger ie concours ouvert pour le
prix Bordin, dont le sujet était : Etudier les sources qui ont servi
à Tacite pour composer ses Annales et ses Histoires, n'a pas décerné
le prix et qu'elle a prorogé le concours, en maintenant la même
question, à l'année 1891.
Les mémoires seront reçus au secrétariat de l'Institut jusqu'au
3i décembre 1890.
M. i'abbé Dughesne communique une étude sur un recueil de
Vies des papes, conservé dans un manuscrit de Saint-Gilles. Il
s'attache à montrer que, pour la partie qui correspond à la fin
du xi^ siècle et au commencement du xif siècle, le texte de ces
notices pontificales (remanié çà et là par Pierre Guillaume, bi-
bliothécaire de Saint-Gilles), est de la main du cardinal Pan-
dolphe, l'un des partisans de l'antipape Anaclet II. Jusqu'à pré-
sent, on attribuait cette première partie du recueil au cardinal
ï'ierre de Pise.
M. Hérox de Villefosse offre à l'Académie, de la part de
M. Ad. Démy, la photogravure d'un document épigraphique de
la plus haute importance, dont il a déjà entretenu la Compagnie
il y a plus d'un an. Ce document est malheureusement incom-
plet, mais, même dans cet état, il doit être considéré comme
un des monuments les plus précieux que nous possédions pour
riiistoire des institutions romaines.
Gravé sur une plaque de bronze doré, il a été découvert à
Narbonne, au mois de janvier 1888, au milieu des ruines d'un
bain antique, dans un champ appartenant à M. Dolprat, sur la
route d'Armissan. C'est un fragment d'une loi relative aux fonc-
tions du flamine d'Auguste à Narbonne et aux honneurs qui
devaient lui être rendus. Cette loi (au moins ce qui en subsiste)
tranche également certaines questions du règlement de l'As-
semblée provinciale de la Narbonnaise, doni le flamine avait la
présidence. Elle a dû être faite par l'empereur Auguste lui-
— L>39 —
inrinc, on l'a» 27 avant Tère chrétienne, au nioniont où il tint
à \arbonne la célèbre asseiiibléiî d'où sortit toute l'organisation
des provinces de la Gaule.
M. Ad. De'my, très habilement secondé par M. J. Letaille,
élève de l'Ecole pratique des hautes études, est parvenu à se
rendre acquéreur de ce texte important, et, avec une générosité
({ui l'honore, il en a fait don au Musée du Louvre. En attendant
le moment où elle sera remise à cet établissement, la plaque de
Narbonneest exposée au Champ-de-.Mars, dans l'une des galeries
de rilistoire du travail. Cette circonstance a permis à M. Héron
de Villefosse de mettre sous les yeux de l'Académie le monument
original lui-même, que M. Ad. Démy a bien voulu lui confier,
dans l'espoir que cet examen intéresserait la Compagnie.
M. Maspkro annonce à la Compagnie qu'au nombre des per-
sonnes qui assislenl à la séance, on compte un des explorateurs
de 1 Egypte, ù qui l'on doit des découvertes importantes,
M. Edouard rsavillc.
Le Président invile M. Naville à prendre la parole.
M. Edouard .\aville fait une description sommaire de ses
fouilles dans le grand temple de Bubaste. Ce qui reste de l'édi-
licc a été déblayé en entier, sur une longueur de près de
300 mètres. Les inscriptions qui y ont été retrouvées permettent de
suivre l'histoire de l'édifice pendant plus de trois mille ans, de-
puis la construction des pyramides de Chéops et de Cliefsct jusqu'à
Ptolémée Epiphane. Les monuments les plus importants qui ont
été découverts à Bubaste sont deux grandes statues dans le slylc
qu'on a allribué aux Hyksos, la statue du roi inconnu lanra ou
Baian, qu'il faut placer à la même époque, ainsi qu'une inscrip-
tion du roi Apepi.
SÉA.NCE DU IJ) JUILLET.
Le SECRÉTAinE PERPÉTUEL communique à l'Académie deux lettres
que M. le Ministre de l'instruction publique et des beaux-arts a
adressées au Président de llnstitut.
Dans la première, le Ministre annonce que la distribution des
— uo —
prix du concours général entre les lycées et coHèges de la Seine
et de Versailles aura lieu sous sa présidence, à la Sorbonne, le
29 juillet, à midi, et il prie les membres de l'Institut de vouloir
bien assister à cette solennité.
Dans la seconde lettre, le Ministre invite les cinq Académies à
se faire représenter à Tinauguration des bâtiments de la nouvelle
Sorbonne, qui aura lieu le 5 août, à trois heures de l'après-midi.
M. Sicoré, beau-fils de M. Charles Nisard, adresse au Secré-
taire perpétuel la lettre suivante :
Paris, 16 juiilet 1889.
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
J'ai la profonde douleur de vous annoncer la mort de mon beau-père ,
M. Charles Nisard, l'un des membres de TAcadémie des inscriptions,
arrivée aujourd'hui à deux heures et demie.
Conformément à ses instructions, j'ai l'honneur de vous prier de
vouloir bien communiquer à l'Académie le passage suivant de ses dispo-
sitions testamentaires :
ffJe désire qu'il n'y ait aucun appareil officiel à mes obsèques,
qu'aucun discours n'y soit prononcé, et qu'on n'y entende d'autres
voix que celle du prêtre , d'autres paroles que les prières des morts. Je
veux sortir du monde aussi obscurément que j'y suis entré. Je prie
mes chers confrères de fAcadémie des inscriptions de trouver bon que
je leur épargne la fatigue d'honorer en moi le plus petit d'entre eux.
rrJe les remercie des égai'ds, des attentions qu'ils m'ont toujours
témoignés pendant que j'ai fait partie de leur savante Compagnie,
et quoique mon passage y ait eu peu d'éclat. Mais ce temps ayant été
le plus honorable, le plus glorieux de ma vie, j'ai le besoin et le devoir
d'en montrer toute ma reconnaissance h ceux qui ont bien voulu m'en
assurer la possession.
"Paris, le 20 septembre iSSS.»
Veuillez recevoir, Monsiem- le Secrétaù'e perpétuel, l'hommage de
mes sentiments très respectueux.
G. SiCORÉ.
Après la lecture de cette letti^, le Président prononce l'aHo-
cution suivante :
,
•2:11 —
ff Messieurs,
ffNciulredi dernier, i\I. Nisard veiuiit encore s'asseoir parmi
nous; oominc toujours, il nous donnait l'exemple de Tassiduilé;
comme toujours, il avait eu pour chacun de nous un bon sou-
rire et une cordiale poignée de main. Hier, la nouvelle de sa
mort subite est venue jeter la tristesse dans nos cœurs et nous
rappeler Tincerlilude du lendemain et la fragilité de nos espe'-
rances. En le frappant d'un seul coup, la mort a été clémente
pour lui, cruelle seulement pour sa famille et ses amis : elle l'a
renversé sur le champ d'honneur, dans son cabinet de travail,
le front penché sur quelque lexte rare dont il nous réservait la
primeur.
cr Modeste comme il l'était et ennemi de tout apparat ofHciel, le
confrère que nous ne reverrons plus avait depuis longtemps re-
commandé (jue nul discours ne fût prononcé sur sa tombe : il
n'y voulait, disait-il, que des prières. Sa volonté a été respectée:
nous l'avons accompagné à sa dernière demeure, et là, du fond
du cœur, au nom de l'Académie tout entière, nous lui avons
adressé un suprême adieu. Mais ce n'est pas trahir les vœux
d'un mourant (|ue de lui rendre ici l'hommage qui lui est du.
IN'est-ce pas après tout la meilleure consolation de ceux qui res-
tent ? L'Académie est une famille, elle a le droit et le pieux
devoir d'évoquer le souvenir de ceux qu'elle a perdus. Permettez-
moi, Messieurs, de le faiie en votre nom et de rappeler en quel-
ques mots seulement ce qu'a été l'homme et le lettré. Je n'ai
nullement la prétention de retracer un tableau complet de son
œuvre qui est considérable: le temps me fait défaut et, plus
encore que le temps, la compétence nécessaire pour l'apprécier
dignement.
tf Marie-Léonard-Charles Nisard est né à Cbâtillon-sur-Seine,
en 1808. Comme la plupart d'entre nous, il n'a pas d'histoire,
ce qui fera dire de nous (jue nous avons été parmi lus heureux
de ce monde; et, en le disant, on ne se trompera guère, car si
un peu de bonheur est compatible avec la destinée humaine, c'est
dans le sanctuaire des lettres qu'il faut le chercher. Nisard leur
appartenait tout entier. Après avoir termine ses études avec
succès, il fut dirigé vers le commerce par la volonté de sa
famille. Un sentiment de déférence filiale l'y retint pendant deux
ou trois ans, mais la curiosité et la délicatesse de son esprit,
son excellente préparation classique, sans doute aussi la réputa-
tion naissante de son frère aîné, décidèrent bientôt de sa voca-
tion. Le romantisme était alors en plein épanouissement. Nisard
s'y jeta avec l'indépendance et Feuthousiasme du néophyte. Il
s'en déclara le partisan ardent dans une épilre en vers, ou, pour
mieux dire, dans une satire contre les adversaires de la nou-
velle école. Je ne parle que par ouï-dire de cette improvisation,
dont on retrouverait difficilement la trace : l'auteur lui-même la
désavoua et chercha à en faire disparaître les exemplaires.
ffCe fut, je crois, la seule fois qu'il essaya de parler la langue
des dieux. Une révolution plus sérieuse venait d'éclater. i83o le
trouva à côté de Désiré Nisard dans les rangs de ceux qui défen-
dirent les libertés menacées. Après la victoire, il entra dans la
maison du roi Louis-Philippe en qualité de secrétaire. Ce fut la
période militante de sa vie, si cette expression peut s'appliquer
à une existence exclusivement consacrée au culte des lettres, il
écrivit alors dans les journaux conservateurs et ne cessa d'y sou-
tenir la cause de la monarchie parlementaire, l'alliance de la
liberté avec Tordre et le respect des lois. Plus soucieux de la dé-
fense de ces principes salutaires que de la forme même du gou-
vernement, il ne refusa pas ses services à l'Empire et celui-ci sut
lui donner des fonctions en rapport avec ses aptitudes.
tf Notre confrère fut, pendant dix années environ, bibliothé-
caire du Ministère de l'intérieur, ce qui lui donna accès à la
commission du colportage de la librairie. Il écrivit à cette occa-
sion son Histoire des livres populaires, esquisse incomplète au
point de vue bibliographique, mais pleine de considérations
sages et pratiques sur le genre d'ouvrages qu'il est utile de ré-
pandre dans les classes laborieuses. On doit rattachera la même
époque un curieux mémoire sur les Chansons populaires chez les
Anciens et chez les Français, suivi d'une Etude sur les chansons des rues
contemporaines. Dans cet ouvrage, tout en remontant jusqu à l'an-
— -2/13 —
lu|uilc classique, laulcur dierche moins à laiie étalage dVnutii-
lioii qu'à suivre les traces du génie populaire qui, à travers les
âges et les civilisations, se manifeste par des productions spon-
tane'es, marquées d'un air de famille toujours reconnaissable.
ffTout ce qui se rattachait aux formes vulgaires du langage,
tout jusqu'à Targot, avait de l'attrait pour notre e'minent con-
frère. H en a donné la preuve dans une brochure intitulée : Le
Parisiatmme populaire, et, avec plus de développement, dans une
Etude sur le patois de Paris et de la banlieue. Cette dernière n'est
qu'un fragment d'un travail fort étendu dont le manuscrit, des-
tiné à Y Histoire de Paris, a péri dans l'incendie de l'Hùtel de
Ville pendant la Commune. L'auteur n'était pas philologue de
profession, il ne se tenait pas au jour le jour au courant des
progrès accomplis par la linguistique dans ces dernières années:
de là les erreurs inévitables qui se sont glissées dans ces deux
essais, dont la lecture est loin cependant d'être sans valeur pour
fhistoire de notre langue et de notre civilisation.
aMais les ouvrages dont je viens d'énumérer les titres ne sont,
à vrai dire, que des écrits de circonstance, auxquels il attachait
sans doute le moindre prix. Vous connaissez, Messieurs, et vous
avez pu apprécier à leur véritable valeur ceux qui ont fondé sa
réputation d'érudit et d'écrivain. Vous savez la part importante
qu'il a prise à la Collection des auteurs latins, qui est en quelque
sorte un patrimoine de sa famille et qui a coniribué à en
populariser le nom. H a donné à ce grand recueil la traduclion
de Valérius Flaccus, de Martial, des fragments d'Ovide, de Titc-
Live et de Cicéron. Bien qu'elles datent d'une époque où la cri-
tique des textes s'exerçait avec moins de sévérité qu'aujourd'hui,
ses traductions se recommandent par la fidélité, l'élégance et la
justesse de l'expression; elles ne versent jamais ni dons la péri-
phrase pompeuse de l'école de La Harpe et de Delille, ni dans
la sécheresse des exercices de classe. On y retrouve partout le
bon latiniste et l'écrivain d'un goût exercé. Mais ce travail d'adap-
tation ne pouvait suffire à factivité littéraire de Nisard. Sa curio-
sité toujours en éveil s'est tournée vers les sujets les plus variés;
il semble qu'elle ait de préférence recherché les recoins obscurs
de la bibliographie, les terres morles de riiistoire littéraire, pour
y porter la lumière et la vie. Je citerai dans cet ordre de recher-
ches ses éditions des Mémoires du P. Garasse, de la Compagnie de
Jésus, des Mémoires de Huet, évèque d' Avra^iches , et, en pi'emière
ligne, de la Cotrespondance du comte de Caylus avec le P. Paciaudi,
dont il retrouva la copie originale dans la Bibliothèque de
Parme (1877). ^^ ftvait déjà publié, en 1862, quelques-unes
de ces lettres, mais une foule de passages étaient restés obscurs:
la découverte de la correspondance complète en donne l'explica-
tion véritable et les annotations que le nouvel éditeur y ajoute
achèvent d'y porter la lumière. Caylus, on le sait, avait fait
entrer l'archéologie dans une voie nouvelle. Il avait été un des
premiers à lui demander la révélation de la vie ancienne, de la
religion, des mœurs et des usages de la Grèce et de Rome, C'est
donc à l'archéologie surtout que Nisard a rendu, par cette publi-
cation, un service éminent. Je voudrais pouvoir citer aussi les
nombreux articles qu'il a donnés au Dictionnaire de la conversation,
AU Journal de F Instruction publique, à YAthenœum, articles pleins
de trouvailles heureuses dans le domaine des lettres et de l'éru-
dition et présentés avec la verve humoristique et l'enthousiasme
qui étaient une des caractéristiques de son talent.
'fLes grandes querelles des érudits de la Renaissance et du
siècle suivant furent un de ses sujets favoris. Dans ses deux mé-
moires intitulés : Les Gladiateurs de la république des lettres, du
.w" au AVii" siècle, et Les Triumvirs littéraires. Juste Lipse , Scaliger
et Casaubon, il raconte avec la fidélité de l'historien et juge avec
l'impartialité de la critique moderne les polémiques acerbes,
souvent cyniques, qui ont terni la réputation de ces grands éru-
dits. C'est en signalant, en 1876, ces deux publications h votre
Compagnie qui allait admettre Charles Nisard dans ses rangs,
qu'un de nos plus illustres prédécesseurs, M. de Longpérier,
louait chez le candidat l'élévation des id(^'es, l'habileté avec la-
quelle il sait intéresser à un sujet et en placer sous le meilleur
jour les côtés les plus saillants, tf Pressentes par lui, ajoutait M. de
fr Longpérier, ses Gladiateurs des lettres cessent de rebuter le lec-
'tteur : cela tient à cette élévation de pensée 011 M. Nisard sait
— 'lllh —
'fse maintenir. C'est conimo lorsqu'on pravil une montagne, à
tfune certaine hauteur les aspe'rites disparaissent et le paysage
f: présente un aspect harmonieux, w
trLes atteintes de Tàge n'ont pas ralenti son ardeur; il semble
quil ait cherche' dans ces derniers temps, par des communica-
tions plus fre'quentcs, un dédommagement à Tobsiacle physique
qui l'empêchait de prendre une part immédiate à nos séances.
Qui de nous a oublié ses dernières lectures sur le poète Fortunat
et sur sainte Radegonde? Qui ne se rappelle avec quelle fermeté
d'accent et de débit, avec quelle chaleur communicative il reven-
diquait pour la sainte patronne de Poitiers les deux poèmes qu'on
avait à la légère attribués à Fortunat? Noire bon et regretté con-
frère nous ménageait encore de nouvelles et curieuses révélations,
lorsque la mort est venue le condamner à Téternel silence. La
mémoire de Charles Nisard restera parmi nous chère et vénérée :
pendant tout ie cours de sa longue existence, il a soutenu vail-
lamment l'honneur de son nom, d'un nom qui ne réveille que
de glorieux souvenirs, qui ne rappelle et n'enseigne que le culte
désintéressé des lettres, l'amour du beau et du bien, la dignité
dans la vie et dans le travail, tî
Ce discours sera imprimé et distribué.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de son rapport sur les
travaux dos Commissions de publication de l'Académie pendant
le premier semestre de 1889^^^.
M. l'abbé Duchesxe est désigné pour faire une lecture, au nom
de l'Académie, à la séance publique annuelle que tiendra l'Li-
stitut, le 95 octobre prochain.
M. C. Carapanos, député au Parlement hellénique, corres-
pondant de l'Académie, fait connaître les résultats des fouilles
qu'il vient de faire faire sur un terrain qui lui appartient, dans
l'ile de Corfou, l'ancienne Corcyre. Sur la désignation de M. Fou-
cart, directeur de l'École française d'Athènes, la conduite de
ces fouilles avait été confiée à un mcuibre de l'Ecole française,
M. Lechat. Elles ont amené la découverte d'environ un millier
"' Voir rAppEM'icE n 111 (p. 269-370).
— 2/i6 —
de staluetles de terre cuite, qui toutes représentent une déesse,
tenant un arc et jouant avec une biche. Ce sont évidemment des
images d'Artémis (Diane); elles avaient été déposées à titre d'of-
frandes au pied d'une colonne, qui subsiste encore en partie et
qui servait sans douie de piédestal à une statue de la déesse.
C'est la collection de terres cuites archaïques la plus importante
qui ail été découverte jusqu'ici sur le sol hellénique.
M. J. Halévy commence la lecture d'un mémoire sur le
psaume lxviii, qui commence, dans la Vulgate latine, par les
mots : Exsurgat Deus.
M. Salomon Reinach fait une communication sur les résultats
scientifiques des voyages du général Callier en Asie Mineure.
M. S. Reinach a découvert dans les papiers du général Anl.-
Camille Callier, qui parcourut l'Asie Mineure de i83o à i834,
un grand nombre de copies d'inscriptions grecques et latines,
dont plusieurs, encore inédites, sont intéressantes pour la géo-
graphie comparée.
L'une d'elles, découverte à Kirgol , dans la vallée du Rhyndacus,
fait connaître le bourg d'Alia, probablement distinct d'une cité
homonyme dont on possède des monnaies.
D'autres établissent pour la première fois que la ville mo-
derne d'Oushak, centre d'une importante fabrication de tapis,
occupe l'emplacement de l'ancienne Tcmenothyrœ, qui, sous
l'Empire, ajouta à son nom celui de Flaviopolis. Un peu plus à
l'est était la ville de Grymenothyrœ, qui prit le nom de Traja-
nopolis sous Hadrien. Les géographes avaient jusqu'à présent
placé Temenothyrœ fort à l'ouest de sa situation véritable, à
proximité du mont Temnos, dans la pensée que le nom grec de
la ville signifiait rcles passages w ou 'cles portes w du Temnos.
M. Reinach fait observer qu'il existe en Lydie une ville nommée
Teira et une autre, bien connue, nommée Thyateira; il en con-
clut que teira est un mot lydien signifiant « villes ou r forte-
resse-^ et que le vrai nom de Temenothyrae devrait être Temeno-
teira. D'autre part, nous savons par des monnaies de Temenothyrœ
qu'il y avait un héros éponyme nommé Temenos, qu'on regardait
comme le fondateur de la ville. Par suite, Temenoteira est frla
— 2'j7 —
l'ortcrosse do ïonienosw el.sison nom lui Iransi'oniio, à ré[)oqu<'
ororquc, en celui de Temenolliyra), c'est qu'on cherclia à lui don-
ner une sifrnitication en langue hellénique. Il y a donc là un
phénomène d'étymologie populaire, analogue à celui qui a lait
appeler rHvniette Monte Matto par les navigateurs italiens du
moyen âge: Mnnle Mntto signifie ffla montagne folles, d'oii les
Grecs ont fait à leur tour, par une traduction littérale, Trelo
Vouno, nom sous lequel cette montagne est désignée aujourd'hui.
Les copies manuscrites de M. Callier ont été données à la
bibliothèque de l'Institut par sa veuve. M"" la générale Callier,
qui a offert à la Société de géographie les relevés topographiques
exécutés par son mari en Asie Mineure.
SÉANCE DU 26 JUILLET.
M. le duc d'xUmale, par une lettre adressée au Secrétaire
perpétuel, informe l'Académie que les galeries du château de
Chantilly seront ouvertes au\ membres de l'Institut et à leurs
familles, les mercredis 3 1 juillet, 7, lietai août, de deux heures
à quatre heures.
Sur la proposition du PnKsiDEM, l'Académie des inscriptions,
informée de l'attentat auquel vient d'échapper S. M. dom Pedro,
empereur du Brésil, associé étranger de l'Institut, exprime la
satisfaction qu'elle éprouve de la protection providentielle qui a
sauvé les jours de Sa Majesté. Elle désire que cette manifestation
de ses sentiments soit jointe à celle des autres Académies.
Le Président, annonçant ensuite à l'Académie une nouvelle
perte qu'elle vient de faire, s'exprime en ces termes :
ff J'ai encore aujourd'hui une douloureuse nouvelle à commu-
niquer à l'Académie. L'un de ses associés étrangers, M. Michel
Amari, vient de mourir à Florence dans un âge avancé.
ff M. Amari a été à la fois un grand citoyen, tout dévoué à l'af-
franchissement et à l'unité de l'Italie, et un orientaliste du mérite
le plus distingué. On peut même aflirmerque c'est l'amour de la
patrie qui, après l'avoir fait proscrire, la dirigé vers l'élude de
la langue et de l'histoire des Arabes, Pendant son long exil, ré-
— us —
l'ugié dans notre pays, quil aimait comme une seconde patrie,
il s'est occupé de recueillir tous les documents arabes qui se rap-
portent à VHistoire des musulmans de Sicile. Cet ouvrage et son
histoire des Vêpres siciliennes sont les deux œuvres maîtresses qui
ont rendu son nom populaire en Italie et lui ont valu Testime du
monde savant.
«•Après son retour en Italie, il devint ministre de Tinstruction
publique, puis sénateur du royaume. iMais ses fonctions poli-
tiques ne font jamais détourné de la grande entreprise liisto-
rique à laquelle il avait consacré sa vie. Même dans sa vieillesse,
il na cessé de recueillir et de traduire les traités, les chartes,
les documents de toute espèce qui se rapportent aux relations
politiques et commerciales de l'Italie avec la Syrie, TÉgypte et
l'Afrique du Nord.
cfM. Amari était notre associé étranger depuis 1871. Il a tou-
jours gardé une reconnaissance profonde à la France pour l'hos-
pitalité et aussi pour l'enseignement scientifique qu'elle lui avait
largement accordés.
tr L'Académie s'associera aux regrets que nous inspire la perte
de cet homme de grand cœur et de haute intelligence, qui était
le doyen vénéré des études orientales en Europe. «
L'Académie exprime, à l'unanimité, la douleur que lui cause
cet événement.
MM. BoissiER et Gaston Paris rappellent les sentiments d'at-
tachement pour la France que M. Amari leur avait plusieurs fois
exprimés. Il avait coutume de dire que rtout savant avait une
seconde patrie, c'était la France w.
MM. Barbier de Meynard et Wallon sont désignés pour repré-
senter l'Académie à l'inauguration des bâtiments de la nouvelle
Sorbonne, qui doit avoir lieu le 5 août prochain.
Le Président annonce que la Commission des Ecoles fran-
çaises d'Athènes et de Rome a émis un avis favorable sur la pro-
longation d'une année de séjour à l'École d'Athènes, qui a été
demandée, pour M. Lechat, par M. le Directeur de cette école.
L'Académie adopte les propositions de la Commission.
M. ilalévy termine la lecture de son mémoire sur le psaume
— ^2M) —
uwiii, (|iii c(»minenc(>, dans la Vulgale ialine, par les mois
Exsurgat Deiis
Ce psaume ne pre'senle, dans le texle acluel, dit M. Hale'vy,
qu'une agglomération de versets sans suite. L'auteur de la com-
munication s'elVorce de rétablir Tordre primitif. Le sujet du poème
en ressort aussitôt, dit-il, avec toute la clarté' de'sirable.
Le psaume date des dernières anne'es du règne de Sédécias.
La Palestine s'attendait alors à être envahie par les arme'es baby-
loniennes commande'es par Nabuchodonosor; elle e'tait, par sur-
croît de mallieur, affligée d'une grande se'cheresse et par suite
menacée d'une lamine prochaine. D"aulre part, on espérait le
secours de Néchao, roi d'Egypte et d'Élhiopie. Pendant ces temps
troublés, une grave scission s'était fait jour dans l'école prophé-
tique, au sujet de la politique étrangère. L'école présidée par
le prophète Jérémie avait des sympathies pour la Babylonie
et se méfiait des promesses faites par l'Egypte. L'école adverse,
dirigée par le prophète Ananias, fils d'Azur, penchait pour l'al-
liance avec l'Egypte et détestait la Babylonie. L'autour du
psaume lxvhi appartenait, pense M. Halévy, à ce dernier parti.
Il prédit la chute de l'empire babylonien et le retour des captifs.
Cette grave scission de l'école prophétique hâta la ruine de
Jérusalem.
Le psaume eu question rappelle, en le remaniant, le récit du
Pentateuque, au sujet de la loi donnée sur le Siuaï, ainsi que
celui de la bataille du mont Hermon, que Josué, d'après le livre
qui porte son nom, livra aux Chananéens du Nord. Cela prouve,
dit M. Halévy, que ces écrits existaient avant la destruction de
Jérusalem et qu'on doit rejeter recette théorie critique, qui fait
verser dans la pseudépigraphie les livres les plus authentiques
de la Bible ?i.
Est adressé à l'Académie, pour le prochain concours des Anti-
quités de la France :
Le livre juraloire de Beaumonl-de-Lomagne , cartulaire d'une bas-
tide de Gascogne, transcrit et annoté par ^L Gustave Babinet de
Bencogne, publié sous la direction de iM. François \Ioulen(|
(Montauban, 1888, iu-S").
— 250 —
Al. Tabbc' Uaboisson commence la lecliire cruiio Eiude géogru-
phùpie de l" Assyrie, d'Accad, etc., au temps de Smmi Rammân IV.
SÉANCE DU 2 AOUT.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la lettre suivante,
qu'il a reçue de M. J. de Wilte :
Lundi soir.
Monsieur,
J'ai la profonde douleur de vous annoncer que mon pauvre père vient
de succomber après tant de mois de souffrance. J'étais malheureusement
à la campagne et le dénouement a été tellement prompt que je suis arrivé
ici deux heures après que tout était fini. Ma mère se trouvait seule au-
près de mon père en ce moment.
Je vous prie, Monsieur, de vouloir bien faire part de cette triste
nouvelle à l'Inslilut. Le jour du service n'est pas encore (ixé : ce sera
probablemeut jeudi.
Veuillez agréer, Monsieur, l'hommage de ma haute et respectueuse
considération.
Jehan de Witte.
Le Secrétaire perpétuel rappelle que la (Compagnie, par Tor-
gane de son Président, a rendu hier un dernier hommage à
rassocie' si éminent qu'elle vient de perdre.
Le Président ajoute :
K Notre Académie est cruellement éprouve'e depuis quelque
temps. C'est la troisième fois en moins d'un mois que je me
lève pour constater un nouveau vide dans nos rangs. Coup sur
coup, nous venons de perdre deux de nos plus anciens associés
étrangers : hier, Michel Amari, le célèbre orientaliste italien; au-
jourd'hui, M. le baron de Witte, qui, par ses travaux et par ses
libéralités, a si largement contribué aux progrès de l'archéo-
logic et de la numismatique.
ffEn l'accompagnant hier à sa dernière demeure et en lui adres-
sant les derniers adieux de l'Académie, j'ai rendu hommage à
cette vie toute de travail et de dévouement scientifiques.
ffJe n'ai pas besoin, Messieurs, de vous rappeler les titres qui
— -251 —
assurent à M. do Wille une j)la('o dislinjjuc'C dfins les ran<|s do
l'érudition IVan^Mise; je dis IVançaise, parce que noire confrère
considérait la France comme sa patrie d'adoption. Collaborateur
et ami de Charles Lenormant, il a, dans ses Monuments céramo-
graplnques, donné à l'étude de l'archéologie une méthode plus ri-
goureuse et substitué à la simple description des monuments une
interprétation plus large et plus rigoui'euse. La Gazette archéolo-
gique, qu'il fonda, en 1876, avec François Lenormant, si préma-
turément enlevé à notre Compagnie et à l'érudition, manjue un
nouveau progrès dans cette voie. Le plan suivi fidèlement par les
deux coUaboraleuis consistait à réunir, en un seul corps, les
monuments de l'antiquité figurée grecque et romaine, en choi-
sissant de préférence ceux qui présentent la plus haute expres-
sion des formes plastiques. Collaborateur assidu des principales
revues de numismatique, M. de Wille a écrit aussi ï Histoire des
empereurs romains en Gaule au m" siècle, livre qui est une utile con-
tribution à Fbisloire des monnaies romaines. Mais pour donner
une juste idée de son activité et de son labour infatigable, il
faudrait citer toutes les revues, tous les recueils périodiques de
France et de l'étranger oi'i il signalait et étudiait les découvertes
les plus récentes.
tf C'est à nous, d'ailleurs, qu'il on réservait la primeur. Vous sa-
vez avec quelle assiduité il assistait à nos séances, et de combien
de communications intéressantes nos comptes rendus lui sont
redevables ! Vous vous rappelez aussi les dons généreux dont il en-
richit à plusieurs reprises le Cabinet des médailles. Le baron de
Witte était de la race des grands seigneurs érudits d'autrefois : sa
libéralité était sans limites, son bonheur était de se mettre au
service de la science et des savants. Notre Compagnie ressentira
vivement le nouveau deuil qui l'atteint, elle conservera le meil-
leur souvenir du confrère bon et obligeant, dont la modestie
égalait le sa\oir, et qui, pendant un quart de siècle, a pris une
part si active à nos travaux. ■«
Le Présidknt annonce que l'insolation dont notre confrère
M. Maury a été frappé, aux funérailles de M. le baron de Witle,
ne paraît pas avoir de suites graves.
XVII. ,g
lurciuLBir SATIoXLr.
— 252 —
Il dit aussi que le bruit accueilli par les journaux, sur la sauté
du général Faidlierbe, est tout à fait exagéré. Le général avait
repris hier ses travaux.
M. Menant lit une notice sur Un cijUndre du Musée britan-
nique.
L'objet de cette communication est d'exposer les doutes que
notre confrère a conçus sur l'authenticité du monument dont il
s'agit.
Ce cylindre était connu depuis longtemps par un dessin de
Rich, exécuté vers 1818, d'après un original qui appartenait au
D"^ Jobn Hine, assistant politique de l'Angleterre à Bagdad. Cette
copie parvint à Grotefend, et celui-ci, en 1819, en fit l'objet
d'une communication que Dorow inséra dans son mémoire sur les
écritures cunéiformes, publié à Wiesbaden en 1820. C'est sur
cette copie que les savants ont pu d'abord étudier ce curieux mo-
nument, ornement, amulette ou cachet d'un des plus anciens rois
de Chaldée, connu sous le nom d'Urkham. Ce prince régnait à
Ur, la pairie d'Abraham, environ trente siècles avant notre ère.
L'inscription est très importante et le sujet du plus haut intérêt;
il se rapporte à une cérémonie religieuse encore inexpliquée : un
pontife présente, en le conduisant par la main, un néophyte à
un Dieu assis sur un trône élevé de quelques degrés; derrière
lui, un second personnage se tient debout dans la pose de l'ado-
ration. La scène, le costume et la pose des personnages sem-
blent faits d'après un type consacré qui se retrouve sur tous les
monuments analogues.
Aucun détail n'est indifférent. M. Menant, qui a particulière-
ment étudié les monuments de la glyptique chaldéenne, fait re-
marquer que le dessin de Rich présente précisément un détail qui
ne se retrouve nulle part ailleurs : un des pieds du trône sur
lequel repose la divinité est orné d'un pied de biche. Les monu-
ments de cette époque ont été pendant quelque temps assez rares,
et ce détail passa inaperçu ; mais il arriva que les monuments
analogues devinrent nombreux, et que le fameux cylindre qui de-
vait avoir servi de modèle à Rich fut un jour retrouvé entre les
mains de M. Cobham , commissioner à Larnaka. Celui-ci en fit gêné-
— 253 —
reusemonl don au Musée l)rilanni([ne. ol il fiffure aujourd'hui
dans les vilriues do la Koi/ninuljik Gallerij.
M. Menant s'attache à donionircr que ie dessin de Ricli n'est
pas conl'onne au type que les autres cylindres de ia basse Chal-
dée nous font connaître et qu'il donne aux supports du trône
sur lequel repose la divinité' une forme qui n'existe sur aucun
des monuments de cette e'poque. M. Menant cite à l'appui plus
de soixante cylindres de la basse Chalde'e ; il en conclut que ie
dessin de Rich est inexact, et, comme le cylindre du Muse'e
britannique reproduit les mêmes défauts que ce dessin, ainsi que
le détail caractéristique qui ne se trouve nulle part ailleurs, il
s'ensuit que ce cylindre, au lieu d'être un original, n'est que la
copie du dessin de llich.
M. Bréal commence la lecture d'un mémoire intitulé : Deux
prétendus cas d'analogie.
Dans cette première partie de sa communication, notre con-
frère traite de la première personne du pluriel dans les verbes
français.
Selon la théorie aujourd'hui admise par la majorité des lin-
guistes, la désinence de cette personne, -ons, ne peut venir de
la désinence latine -amus, car l'a latin n'aurait pu devenir o en
français. On préfère expliquer cette désinence par un emprunt que
les diverses conjugaisons auraient fait au verbe être, dans lequel la
première personne du pluriel a été autrefois nom sons, du latin
sumus.
M. Bréal oppose à cette théorie diverses objections. L'analogie,
d'ordinaire, porte du régulier sur l'irrégulier; on comprendrait
que la première conjugaison latine, à laquelle appartient le grand
nombre des verbes latins, eut exercé une influence sur la conju-
gaison capricieuse et exceptionnelle du verbe sum, mais non in-
versement. On ne voit pas non plus pourquoi ce verbe aurait
prêté aux autres une seule forme, celle de la première personne
du pluriel, plutôt que celle de la seconde ou de la troisième
personne. On peut, enfin, s'étonner que cet emprunt ait eu lieu
seulement en français et que les autres langues lomanes n'of-
frent aucun exemple d'un phénomène semblable.
18.
— 25/4 —
i\I. Bréal persiste à croire, malgré les plionétistes, que la de'-
sinence -ons vient de -amus; il faut voir là une preuve de la
possibilité' de la transformation d'à latin en o français.
M. Gaston Paris refuse d'admettre celte possibilité'. Puisque
famem a donné la faim, puisque ramos a donné (en vieux langage)
des rains, le latin cantamus n'aurait pu donner en français autre
chose que nous chantains. Il faut donc chercher dans l'analogie,
dans un emprunt fait à quelque autre verbe, l'origine de la dési-
nence -ons. C'est un procédé d'autant plus légitime, que l'ana-
logie a joué un rôle très considérable dans toutes les parties de
la conjugaison française.
M. l'abbé Raboisson continue sa lecture sur la détermination
des éléments géographiques contenus dans l'inscription de Samsi
Rammân IV.
Dans la première partie de cette communication, l'auteur a
exposé les procédés de sa méthode d'identification, qu'il a appe-
lée wla méthode des coordonnées archéologiques v. Elle consiste à
comparer entre elles toutes les données de relations topogra-
phiques extraites des textes, à les noter par des tracés graphiques
et à relever ensuite les identités phonétiques des noms anciens
et des noms actuels qui peuvent se trouver sur ces tracés.
Sur les quatre-vingt-dix-neuf noms géographiques contenus
dans l'inscription de Samsi Rammân IV, sept seulement étaient
connus. M, Raboisson, au moyen de sa méthode, croit pouvoir
en déterminer quatre-vingt-dix autres.
Une des localités dont il avait déjà parlé lui semble mériter
une attention spéciale : c'est la fameuse Karkemis, que l'on avait
cherchée jusqu'à ce jour sur la rive droite de l'Euphrate. M. Ra-
boisson s'attache à démontrer, avec plus de développement qu'il
ne l'avait fait encore, que cette ville était certainement sur la rive
gauche et à une certaine distance du fleuve. Il cite à l'appui de
cette opinion, outre deux textes assyriens, un passage de l'histo-
rien Josèphe, qui est, dit-il, des plus explicites.
255
SÉANCE DU 9 AOUT.
M. le Miiiislro de rinstriiction pul)lique adresse au Sf^crélaire
perpétuel, qui en donne lecture, rampliationd'un décret autorisant
TAcadémie des inscriptions et belles-lettres à accepter les legs
que lui a (ails M. le D"" Joseph Saintoux, par son testament en
date du iG novembre 1887.
L'Académie prononce l'acceptation de ces legs et délègue son
Secrétaire perpétuel dans les formes ordinaires, à l'efTet de rece-
voir de qui il appartiendra les sommes provenant desdits legs.
M. le Directeur de renseignement supérieur transmet à l'Aca-
démie la copie du rapport que vient de lui adresser M. le Direc-
teur de l'École IVançaise de Rome, sur l'étal actuel des travaux
exécutés par les membres de cet établissement.
Ce rapport sera communiqué à la Commission compétente.
M. Lecocq, professeur de dessin, adresse à l'Académie un pli
cacheté, qui ne sera ouvert que sur sa demande.
M. VioLLET donne lecture d'un mémoire sur Les premiers rois
qui aient pris le titre de rois par la grâce de Dieu.
La formule gi-alia Dei rex a été mise eu usage pour la première
fois chez nous sous le règne de Charlemagne.
Cette formule n'avait pas, quand elle fut introduite, lo sens
qu'on lui a donné de nos jours. Loin de l'appeler le droit hérédi-
taire, le droit divin, tel que nous entendons vulgairement ce mot,
elle en était précisément la pieuse antithèse, ff Aucun roi, lisons-
nous dans un concile de Paris, de l'an 899, ne doit dire qu'il
tient son royaume de ses ancêtres, mais il doit croire humble-
ment qu'il le tient en vérité de Dieu, qui a dit : rrPar moi régnent
tries rois; par moi les princes gouvernent et les puissants rendent
rrla justice.. . T> Quant à ceux qui croient que les royaumes de ce
monde leur viennent de leurs ancêtres et non pas de Dieu, ils
sont semblables à ceux que Dieu réprouve en ces termes par la
voix du prophète : tr Ils ont régné par eux-mêmes et non par moi;
ff ils ont été princes et je ne l'ai point su.w
Pour venir de Dieu, le pouvoir royal n'en est ni plus im-
muable, ni moins contrôlé. Dîeu ne manifeste pas sa volonté di-
— 25G —
rectement, mais par rintermédiaire des hommes, qui restent ses
instruments ordinaires; l'élection est le moyen par lequel Dieu
manifeste sa volonté (Hincraar). La grâce de Dieu n'implique,
on le voit, en aucune manière le droit héréditaire : Louis le Bègue
s'intitule (comme, mille ans plus tard. Napoléon III): rtMiseri-
oordia domini Dei nostri et electione populi rex constitutus.^i
M. Bréal termine sa lecture sur Deux prétendus cas d'à» alogie.
Dans un travail récent sur l'origine du genre dans les langues
indo-européennes, M. Brugmann a émis une supposition d'une
singulière hardiesse. La distinction du féminin et du masculin
dans ces langues, selon lui, ne serait pas un fait ancien et fon-
damental; il prétend l'expliquer par un simple fait d'analogie, ou,
pour parler plus exactement, par une erreur du langage. Il y
avait dans notre famille de langues quelques noms, tels que
mâmà, frmèreii, gnâ, rr femme r», qui étaient formés à l'aide d'un
suffixe â, suffixe absolument indifférent par lui-même à la no-
tion du genre. A partir d'une certaine époque, l'idée féminine
impliquée dans ces noms a paru exprimée par le suffixe à, et l'on
a cru que ce suffixe avait pour objet propre la distinction du
genre. Telle est l'hypothèse de M. Brugmann ; M. Bréal s'attache
à établir qu'elle est dénuée de tout fondement sérieux et de toute
vraisemblance.
M. Bréal propose ensuite quelques étymologies, telles que
celles des mots rabies, cœliim, etc.
Rabies se rattache à un verbe rabere, dont le sens demande à
être précisé. Or, parmi les symptômes de la rage, l'un des plus
constants est le suivant : les animaux atteints de celte maladie,
sous l'empire d'une inquiétude extrême, courent et errent au ha-
sard. C'est précisément le sens du verbe grec psfx^co, qui veut
dire tf errer, tournoyer w. M. Bréal pense que rabere a le même
sens et que c'est un mot venu du grec par une transmission
demi-savante. Il fait remarquer, incidemment, que le français
rêver a eu aussi à l'origine le sens de rr vaguer, vagabonder n et
qu'il pourrait bien venir de rabies, par l'intermédiaire d'un sub-
stantif bas-latin rabia et d'un substantif français raive.
Cmlum (telle est la vraie orthographe latine, et non cœhm) a
— 257 —
été d'abord un terme d'architecture. H a signifié rame voûte w,
et il na passé au sens de rrcielr) que par une métaphore, ana-
logue à celle par laquelle nous disons la voûte des deux. M. Bréal
pense que ce mot a été formé de cœdere, comme pilum de pinsere,
vélum de veliere, prehim de premere.
M. Paul Meyer, en réponse à un passage de cette lecture, ob-
jecte que ni le sens ni la forme du mot français rêver ne convien-
nent, selon lui, à fétymologie proposée par M. Bréal.
SÉANCK DU iG AOÛT.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance redevient publique.
Le Président annonce à TAcadémie qu'il a reçu de bonnes
nouvelles de la santé de M. Maury.
M. fabbé Raboisson continue sa lecture sur la géographie de
l'Assyrie, etc. Il identifie quarante-huit noms appartenant à Naïri
(l'Arménie) et suit pas à pas l'expédition de Samsi Raminàn; il
voit dans Sagbila, capitale des Matai, l'Ecbatane du Nord de
Rawlinson. Il détermine ensuite les villes de la dernière expédi-
tion du monarque assyrien et particulièrement Dm- Pap Siikal,
qu'il trouve à Chouster.
M. Offert, tout en rendant hommage à la sagacité et au sa-
voir du savant ecclésiastique, croit devoir contester f assimilation
de certains noms de lieux antiques. Il adopte fopinion selon la-
quelle le théâtre de la première campagne du roi assyrien n'est
pas l'Azerbeidjan, mais bien le nord de l'Arménie. Il donne en-
suite quelques éclaircissements sur le lieu de la quatrième cam-
pagne, qui se dénoua, dit-il, non pas en Susiane, mais au cœur
même de la Mésopotamie.
M. Salomon Reinach adresse à l'Académie, pour le prochain
concours des Antiquités de la France, son volume intitulé : Anti-
quités nationales. Description raisonnée du musée de Saint-Cermain-en-
Laije. I. Epoque des alluvions et des cavernes (Paris, in-8").
M. Salomon Reinach présente des observations sur une in-
scription de file de Chypre.
— 258 —
Dans le catalogue de la collection de M. de Banimeville, vendue
à Paris en 1881, M. S. Reinach a rencontre' la transcription fau-
tive d'une inscription grecque, donnée sans indication de prove-
nance. Grâce à des de'couvertes récentes faites dans l'île de
Chypre, M. Reinach restitue le texte de cette inscription et de'-
montre qu elle provient des environs de Paphos. C'est une de'di-
cace à Opaon Me'lanthios, divinité que d'autres inscriptions de
même provenance permettent d'assimiler à Apollon. Or, Opaon,
c'est-à-dire gardien (des troupeaux), est, dans Pindare, une épi-
thète d'Aristée, forme primitive de l'Apollon arcadien. D'autre
part, il ne manque pas d'indices qui établissent l'existence d'an-
ciennes relations entre l'Arcadie et Chypre; en particulier, la ville
de Paphos avait été fondée par i'Arcadien Agapénor. Le second
nom, Mélanthios, est plus difficile à expliquer. M. Reinach le
rapproche de celui d'un héros attique qui était l'éponyme du
hourg de Mélainai; or, une très ancienne ville du même nom
existait en Arcadie. Mélanthios pourrait donc être, comme Opaon,
le nom d'une vieille divinité arcadienne dont le culte fut trans-
féré à Chypre et confondu avec celui d'Apollon.
M. Clermont-Ganneau fait remarquer que l'inscription commu-
niquée par M. Reinach n'est pas inconnue ; une copie très exacte
en a été publiée, il y a plusieurs années, dans un volume pos-
thume de M. Colonna-Ceccaldi, Monuments antiques de Chypre.
Ce jeune et regretté savant a rendu à l'archéologie cypriote de
grands services; M. Clermont-Ganneau tient à les rappeler au
souvenir de la Compagnie. Le même volume contient aussi une
autre inscription dédiée au même Opaon Mélanthios. Colonna-
Ceccaldi avait pressenti la vraie nature de ce personnage divin,
aujourd'hui mise en pleine lumière par M. S. Reinach. Il pro-
posait d'y voir un héros grec, dorien, colonisateur de Chypre.
SÉANCE DU 28 AOUT.
M. .Tohn Evans, président de la Société des antiquaires de Lon-
dres, correspondant de l'Académie, étant présent à la séance, le
Président lui souhaite la bienvenue.
— 2:)9 —
M. Wallon, seci-elaiie perpéluol , par une lelUe quil adresse
au Président, inlormc TAcademie qu'il va prendre un congé de
(quelques semaines, durant lequel il sera suppléé parMM. Delisle
et Deloche.
Il est donne lecture d'une lettre de M. Douay, de Nice, qui
offre à l'Académie une note qu'il a rédigée sur La philologie améri-
caine et riiisloire précolombienne.
Le Président rappelle que depuis la mort de M. Charles Nisard,
membre libre, il s'est écoulé plus d'un mois. L'Académie, dit-il,
doit être, aux termes de son règlement, consultée sur la question
de savoir s'il y a lieu de remplacer notre regretté confrère.
Il est procédé au scrutin sur cette question, qui est résolue par
l'alfirmative, à la majorité des membres présents.
Quant à la date à laquelle il sera procédé à la nomination du
successeur de M. Ch. Nisard, il est décidé qu'elle sera fixée ulté-
rieurement.
M. Le Blant lit une note intitulée : Les songes et les visions des
martyrs.
Le monde ancien, dit notre confrère, croyait à la valeur des
visions de la nuit; on s'ingéniait à en chercher le sens. Le
triomphe du christianisme ne changea rien à cette part des
vieilles croyances. Comme la littérature païenne, la littérature
chrétienne des premiers siècles est pleine de récits de songes et
d'apparitions nocturnes. Dans l'une comme dans l'autre, ces ré-
cits présentent les mêmes traits caractéristiques. Qu'un dieu de
la fable se montre, à la faveur des illusions du sommeil, à un
païen, ou le Christ à un chrétien, la figure divine est toujours de
taille gigantesque; toujours elle est environnée d'une lumière
éclatante. M. Le Blant développe ce parallèle et cite, à l'appui
des idées qu'il met en lumière, un grand nombre de passages
empruntés aux actes des martyrs et aux écrits des Pères de
l'Église.
M. Clermont-Ganneau propose des identifications géographiques
pour diverses localités de la Palestine, qui figurent dans des do-
cuments de l'époque des croisades et dont l'emplacement n'avait
pu être déterminé jusqu'ici, ou ne l'avait été que d'une façon
— 260 —
contestable. Ces localités appartiennent à la seigneurie d'Arsur
ou Arsoûf, ville importante de la côte, située au nord de Jaffa.
Par un acte en date du mois de juin 12/n , Jean d'ibelin, sei-
gneur d'Arsur, cède au grand maître de THôpital de Saint-Jean
de Jérusalem des moulins et des terrains, situés dans une cfile75,
insula, au lieu appelé Très Pontes, près de deux ruisseaux qui
descendent de Jorjilia (variante : Jorjilra) et devant une colline
connue sous le nom de toro Jilie de Comar. Cette « île v , pense
M. Clermont-Ganneau, n'est autre que la presqu'île située au
confluent de trois cours d'eau dont la réunion forme le Nahr
el-'Audja, et dont la traversée successive exigeait la présence de
trois ponts. L'un de ces ponts existe encore sur le cours d'eau
central, ainsi qu'une partie des moulins. Jorjilia (la leqonJorjib-a
doit être rejetée comme fautive) est un village qui porte encore
aujourd'hui le nom de Djildjoûlia ( Lî^:^^::^ ) et d'où descendent
à la fois l'un des cours d'eau en question et un de ses affluents.
Quant au toro fuie de Comar, on doit voir dans ce nom une alté-
ration de celui du Tell el-Mokhmâr (^l.«^iJo), colline qui do-
mine la presqu'île et au pied de laquelle passe, en effet, le
cours d'eau venant de Djildjoûlia. D'après les habitudes de tran-
scription constatées dans les chartes de la Terre Sainte, le nom
de Tell cl-Mokhmâr a dû être rendu primitivement par tj^H^l-
tttOCmar, fdmOCOmar, ou quelque forme de ce genre, d'oii
une fausse lecture aura fait ftU^^CCOtttât.
Dans un autre acte, en lanoue française , daté de 1 26 1 et relatif
également aux dépendances de la seigneurie d'Arsur, il est question
d'un cflac de Catorie^i.
M. Rey a pensé qu'il s'agissait de la Birket Ramadhan et
M. Rohricht de la Birket 'Ata, deux étangs situés, l'un et l'autre,
beaucoup trop loin d'Arsoûf, daus la direction du nord, ce dernier
surtout, qui appartient certainement à l'ancien territoire du comté
de Césarée.
M. Clermont-Ganneau signale l'existence, tout près d'Arsoûf,
sur la côte, d'un vaste marais, jadis relié à la mer par un ancien
canal souterrain, de i65 mètres de longueur, creusé dans le roc;
— 2G1 —
c'est la Bahrel Qaloûriè (aj;^ »j^)- ^^ ^^i^ remarquer que
cfCatorier' est ia transcri])tioii litléraie de Qatoûriè, iù^^ki, de
même que kIacv est la tratluction exacte de iL>?. Uidentifioation
ne peut donc laisser place à aucun doute. La Bahrct Qatoûriè
paraît tirer son nom de celui d'une localité' situe'e tout près du
lac et appelée Qantoûr (jj^jkAi); la suppression ou l'assimilation de
la nasale est, en eflet, un phénomène bien connu dans les langues
sémitiques.
M. Clermont-Ganneau croit reconnaître à ce nom de Qantoûr
une physionomie grecque ou latine; il s'appuie sur l'analogie
de i-kjLi, qantara, rrpont^, qui vient de tiévTpov, et il se demande
s'il lauch-ait \oir dans Qantoûr une délormation du latin cantarus,
pour ca7itharns'^\ régout, conduit pourTeaui^, désignant le canal
d'écoulement; ou bien une transcription, qui serait très exacte, de
centurio, xevrouptcov, réminiscence de l'origine et de la qualité du
personnage chargé peut-être d'exécuter ce travail d'art. Une in-
scription delaNabatène'^^ mentionne unprw»p/?flnMs comme con-
structeur d'un réservoir. Une inscription bilingue latine et palmy-
rénienne d'Afrique ^^^ nous montre le mot centaria transcrit Nnt]p,
ce qui tend à justifier l'équivalence admise par M. Clermont-
Ganneau entre Qantoûr et Qatoûriè et à rattacher celte double
forme au mot centurio. Le nom d'el-Qantoûr se retrouve dans la
toponymie de l'Algérie, où ia domination romaine a laissé tant
de Iraces; c'est celui d'une localité située au nord et non loin
de Constanline.
M. Ch.-Éni. Ruelle commence la lecture d'un mémoire sur
Damascius, son traité des premiers principes.
SÉANCE DU 3o AOÛT.
M. Pavet de Courteille lit, au nom de l'auteur, M. Paul Kiraly,
(') L'existence de celle forme hypothétique cantarus serait nécessaire pour jus-
tilicr l'orthographe -jt^:». le b étant le représentant normal du t ou du (, et le
^ celui du 0 ou du ih. Cf. d'ailleurs canlcrius et cantherius.
'•■-> Waddinijlon, Inscr. gr. et lai., n" 1968.
W L. Renier, Inscr. rom. de l'Algérie, n" 1689.
— 262 —
prolesseui' à TEcole normale supérieure de Budapest, un frag-
ment intitulé : L'écriture hunno-scythique.
Ce mémoire est accompagné du fac-similé et de la transcription
de la Aingt-huitième page du manuscrit connu sous le nom de
codex Karacsay.
Le savant professeur commence par établir que l'écriture hon-
groise proprement dite, employée dans le manuscrit en question,
a été remplacée dès le règne de saint Etienne par l'écriture la-
tine, qui l'a complètement supplantée. Il s'ell'orce ensuite de com-
battre l'opinion de ceux qui nient l'authenticité An codex Karacsay .
Il fait appel aux savants français, dont il invoque le jugement
dans cette question dilïîcile.
M. Geffroy dépose sur le bureau de l'Académie le rapport ré-
digé par M. Gselî, membre de l'École française de Rome, de
troisième année, à la suite des fouilles quïl a dirigées pendant
ces derniers mois à Vulcit^'.
On sait que ces fouilles ont valu à M. Gsell, sur la propo-
sition de l'Académie, la médaille de la Société centrale des ar-
chitectes de France. M. GelTroy saisit cette occasion d'exprimer les
remerciements de l'Ecole française de Rome envers S. Exe. le prince
Torlonia, qui a bien voulu confier à l'École la conduite des
fouilles dans sa propriété de Musignano, de laquelle dépend
la nécropole étrusque de Vulci. M. Gsell décrit en détail
i5o lombes explorées par lui; il étudie la construction de cha-
cune d'elles, les diverses sortes de fabrication des fragments con-
servés. C'est à l'aide de pareils catalogues que l'on parviendra à
constituer dans l'étude des antiquités étrusques une chronologie
relative.
M. Ch.-Em. Ruelle continue la lecture de son mémoire intitulé :
Damascius , son traité des premiers pnncipes.
Les écoles néoplatoniciennes d'Alexandrie et d'Athènes ont
produit plusieurs travaux sur le Parménide de Platon et sur la
question des premiers principes (l'un, l'un-être, l'intellect, etc.)
qui en est le sujet. Une nous reste que trois de ces écrits : iecom-
(') Voir aux Communications, n" XXII (p. 265-369).
— -if) 3 —
lucnlaire dcProclus, lo complément anonyme de ce commentaire,
que M. Ruelle propose d'attribuer à Olympiodore le jeune, et le
texte qui, dans le manuscrit prototype [Marcianus a^G, à Venise,
du w" ou du x*' siècle), porte en suscription : Danmscius, Doutes et
solutions sur les premiers principes {zrep) àpywv), et en souscription
finale : Doutes et solutions sur le Parménide de Platon. Ce prototype
est affecté vers le milieu, comme Ta dû être son orifjinal , d'une
lacune indiquée par plusieurs feuillets blancs. Delà deux opinions
divergentes sur la composition du texte : Tune, dont le dernier
représentant est I\l. Emile Heitz et d'après laquelle le prototype
contient deux ouvrages distincts, mutilés à leur point de jonction;
l'autre, soutenue par l'auteur de la communication, qui conclut à
l'unificalion du texte, lequel aurait déjà été dédoublé dans l'ori-
ginal du prototype. Il se fonde sur la corrélation constante qu'il
croit voir et (ju'il montre entre le texte intégral contenu dans les
manuscrits et le dialogue du Parménide, dont il retrouve l'inter-
prétation, page par page, d'ua bout à l'autre de ce texte.
M. Ruelle donne une notice des vingt-neuf manuscrits dullepi
àpywv, suivie de leur stemma. Il fait ensuite une analyse succincte
du traité, il en indique l'importance pour l'histoire de la philo-
sophie et de la mvtliologie, les rapports avec le commentaire de
Proclus sur le Parménide, la Théologie platonique du même, et
avec les écrits conservés ou perdus de Platon, de Porphyre et de
Jamblique. Un grand nombre de passages de Damascius, où sont
visés ces auteurs et plusieurs autres, fourniraient un nouveau
contingent assez important aux Fragmenta philosophorum grœco-
ncm de Mullarh.
M. Ruelle fera paraître, dans quelques jours, la partie restée
inédiie du Ilspï àp)(ôjv.
M. J. de Morgan signale à l'Académie l'existence, au Caucase
et dans l'Arménie, d anneaux-monnaies présentant les poids des
mesures assyriennes, dont l'étalon est, suivant M. Oppert, le sicle
de 8 gr. 417.
Dans les nombreuses nécropoles préhistoriques que M, de Mor-
gan a eu l'occasion de fouiller dans l'Arménie russe, les tombes
renfermaient des îinneaux en grand nombre. Ces bracelets pré-
— 'W-x —
sentent tous des multiples du sicle assyrien, y compris la mine de
60 sicles {hok gr.), qui jouait dans rantiquité le rôle de la livre
encore usitée de nos jours.
M. Alexandre Bertrand et M. de Morgan ont fait des pese'es sur
les bracelets du muse'e de Saint-Germain. Ils ont retrouvé les
mêmes caractères dans ceux qui ont été rapportés du Caucase
par M. E. Chantre, mais ils n'ont rien trouvé de semblable dans
les bracelets de bronze européens antérieurs à Tère historique.
L'usage de compter des objets d'un poids déterminé, au lieu
de peser chaque fois les lingots, était donc en vigueur dans
l'Asie antérieure, dit M. de ^Morgan, bien avant l'invention des
monnaies lydiennes. En Europe, au contraire, il ne semble pas
avoir existé aux époques préhistoriques.
-JG-) —
(<OMMUMCVTIOîV.
N° XXII.
NOTE SUR LES FOUILLES DE VULCI, PRESENTEE PAR M. GEFFROY,
DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance du 3o août 1889.)
J'ai riionneur de déposer sur le bureau de l'Académie un
rapport étendu de M. Gsell, membre de l'Ecole française de
Rome, sur les fouilles qu'il vient de diriger dans la nécropole
étrusque de Vulci, et qui lui ont valu déjà, sur la proposition
de l'Académie, la médaille de la Société centrale des archi-
tectes de France. Ce travail se recommande doublement, par
les circonstances auxquelles il se rapporte, et par la méthode
dont il témoigne.
Au mois de février dernier, Son Excellence le prince Tor-
lonia , désireux de tenter de nouvelles fouilles dans son do-
maine de Musignano, d'où dépend la nécropole de Vulci,
voulut bien confier ce travail à l'Ecole française de Rome , qui
lui en est demeurée très reconnaissante. Il offrait de supporter
toutes les dépenses, les objets trouvés devant lui appartenir.
L'École se réservait la faculté de publier dans ses Mélanges la
relation et le commentaire critique.
Aux termes de l'édit Pacca, du 7 avril 1820, seul texte
législatif pour ce qui concerne les fouilles à Rome et dans les
anciennes provinces pontificales, le Prince demanda l'autori-
sation du Gouvernement italien, en déclarant la particq)ation
de l'École française de Rome. Aux termes des règlements admi-
nistratifs, la Surintendance des fouilles désigna deux gardes
qui durent résider à Musignano pendant toute la durée des
— :266 —
travaux. On fit plus. La doctrine de l'administration italienne
paraît être désormais que nulle fouille ne se puisse faire en
aucun lieu d'Italie sans qu'à l'autorisation et à la surveillance
oflicielle ne s'ajoute aussi la direction ofTective , exercée par
un agent immédiat du Gouvernement. Il est très vrai que,
dans le passé, les fouilles ont été pratiquées trop souvent en
Italie sans autres mobiles que la cupidité ou une curiosité peu
soucieuse des intérêts de la science. On comprend que des
efforts soient tentés pour mettre un terme à ce qui était de-
venu parfois un véritable pillage. La Surintendance entend
qu'aussitôt un projet de fouille déclaré, un de ses inspecteurs
se rende sur les lieux, examine, décide comment on devra
procéder, et commence même les travaux. Les requérants
seront ensuite admis per studiare. On a agi de la sorte, peu
avant la demande du prince Torlonia, avec l'Institut alle-
mand de correspondance archéologique de Rome, qui souhai-
tait de faire des fouilles à Anagni : un inspecteur y fut envoyé
tout d'abord; il mit la première main aux travaux, et l'on
donna ensuite aux archéologues allemands l'autorisation de
venir studiare.
Conformément à ces résolutions, la Surintendance envoya
immédiatement à Vulci M. le comte Cozza , architecte et des-
sinateur habile, bien connu pour la part qu'il a prise récem-
ment aux belles fouilles de Cività Castellana , en suite desquelles
M. le professeur Barnabei a si savamment disposé le nouveau
musée de la lulla di Papa Giulio. M. le comte Cozza resta une
quinzaine de jours à Vulci, laissant à M. Gsell la responsabi-
lité entière. M. Gsell dut envoyer à M. le commandeur
Fiorelli (l'édit Pacca contenait déjà cette prescription) un
rapport hebdomadaire, ou mensuel tout au moins, lequel
était résumé dans les Notizie degli Scnvi publiées par le Gou-
vernement.
iM. Gsell a été secondé pendant (oufe la compagne par le
— "267 —
sieur Marcolliani, le mémo saivatore fort expérimente que feu
le prince dom Alessandro Torlonia avait employé dans toutes
ses dernières fouilles. Les travaux, commencés aux premiers
jours de lévrier, ont duré sans interruption notable, avec
une vingtaine d'ouvriers, jus(pi'au i"" juin, c'est-à-dire pen-
dant quatre mois, au cours desquels M. Gsell a témoigné
d'une réelle habileté scientifique et pratique, d'une persévé-
rance et d'une fermeté à l'épreuve de bien des difficultés et
de bien des obstacles.
L'Académie comprendra facilement que son rapport, bien
qu'il compte déjà 3oo pages et une cinquantaine de petits des-
sins ou plans dressés par lui-même, ne puisse pas encore être
complet. En elTet, ce rapport contient la description des
i5o tombes explorées; mais il faut attendre que les fragments
des principaux vases découverts soient réunis suivant les in-
structions laissées par M. Gsell au sieur Marceliianl; il faut
attendre que ces vases, a[)portés à Rome dans le musée Tor-
lonia, soient rendus à l'étude, et que nous ayons eu le temps
de les faire dessiner, afin de joindre au commentaire critique
des représentations figurées, tout à fait nécessaires.
La nécropole de Vulci a été bien souvent exploitée et dé-
pouillée. En 1828, Lucien Bonaparte en a tiré cette vaste
moisson de vases magnifiques dont se sont enrichis plusieurs
grands musées de l'Europe. Noël Desvergers et Alessandro
François y ont trouvé en 1 858-1 8.5t) les célèbres peintures
murales représentant, entre autres scènes, l'histoire de Mas-
tarna. Enfin le prince dom Alessandro Torlonia, de 1880
à 1880, y a pratiqué des fouilles qui lui ont livré encore
beaucoup (ro])jets.
Il n'est donc pas étonnant que les dernières recherches
n'aient pas obtenu en très grand nonibre les morceaux de pre-
mier ordre. Mais une science attentive (>t éclairée sait niain-
tenant allachci un grand prix à certains traits qu'on d<'(lai-
wii. iç)
— 268 —
giiait trop naguère. Tels sont, à Vnlci, les divers systèmes de
construrtion des sé[)ultures et les divers degrés de fabrication
des fragments conservés dans ces sépultures. Les archéologues
qui ont étudié dans ces derniers temps les antiquités étrusques
sont parvenus, comme on sait, à distinguer les tombes n pozzo,
qui sont les j)li]s anciennes et attestent l'incinération, les
tombes n fossa, où les corps ont été ensevelis, les tombes a
caméra, les tombes a cassone, les tombes a strada, etc. De
plus, il est telle nécropole étrusque pour laquelle il a été
déjà possible de comparer des séries assez complètes de frag-
ments empruntés à chacune de ces sortes de tombes; on a pu
constater un développement continu dans la fabrication des
vases même les plus humbles, dans ce qu'on peut appeler cet
art primitif. Une chronologie relative a pu commencer ainsi
de s'établir.
Il Y avait donc lieu de penser qu'en dressant un catalogue
détaillé, patient, exact, du principal contenu de chacune des
i5o tombes explorées à Vulci, on donnerait à la science les
éléments d'une étude sur cette nécropole qui viendrait à l'appui
de l'étude commencée par M. Helbig sur la nécropole de Cor-
neto. C'est ce qu'a voulu faire M. Gsell. Il dit avec un soin
minutieux les conditions de construction, la disposition des
chambres sépulcrales, les mesures des portes et des parois; il
accompagne ces indications de très nombreux plans figurés. Il
décrit, également avec dessins à l'appui, les diverses sortes
de fibules, les ustensiles et les ornements. Il énumère quelles
diverses espèces de vases les fragments retrouvés lui révèlent.
Il donne, en un mol, comme la photographie de chaque
tombe, sans négliger, bien entendu, la description spéciale des
beaux vases qu'il faut maintenant reconstruire. Si l'œuvre
s'achève, les fouilles de Vulci auront donné à S. E. le prince
Torlonia une série considérable d'objets étrusques scientifi-
quement disposés et commentés.
— •2(\\) —
En attendant, le rapport de M. Gsell est un vaste catalo{,Mio
critique et descriptif, ex(^rut6 avec rigueur. L'Académie jugera
de la valeur et de la portée de ce sérieux effort.
APPKNDICl^ A m.
rapport du secretaire perpetuel de l'academie des inscriptions et relles-
lettres, sur les travaux des cobimissions de publication de cette aca-
demie pexdant le premier semestre de 1889, lu lk i9 juillet 1889.
Messieirs,
Notre pi-dcionsc collection des Inscriptions sémitiques s'est enrichie au
commencement (lu dernier semestre d'un fascicule nouveau: le i" de la
h' partie, Inscriptions hinujarites. Il embrasse soixante -neuf grands
textes, dont plusieurs historiques, trouvés à Sàna et aux environs, et
provenant en {i[i-ande partie des missions dont TAcade'mie avait chargé,
soit M. Joseph ILiie'vy, soit M. Giaser.
De la i"" j)artie (Inscriptions phéniciennes) , le i" fascicule du tome II
est en voie de publication. Les feuilles i à 3 sont en pages: le reste du
manuscrit est prêt à être envoyé à l'impression. La Commission espèrç
pouvoir présenter ce nouveau fascicule à l'Académie avant la fin de
Tannée.
Quant à la -3" partie {Inscriptions araméennes), les feuilles i à i5,
qui formeraient à elles seules plus d'un fascicule ordinaire, sont en bon
à tirer. La fin du fascicule est tout entière en placards. La Commission
compte également donner avant la fin de l'année ce fascicule, qui for-
mera presque un demi-volume et sera d'un rare intérêt. Il comprendra
toutes les inscriptions araméennes anciennes, depuis les pierres gravées
et les inscriptions que Ion trouve en Assyrie, soit sur des tablettes de
terre cuite, soit sur des poids en forme de lions, jusqu'aux papyrus ara-
méens d'Egypte qui correspondent a l'époque persane.
Sur la proposition de la Commission des inscriptions sémiti(]iies, notre
savant confi'ère M. Clermont-Ganneau apportera désormais son concours
aux travaux de la Commission.
Historiens des Croisades. M. de Mas Latrie, (pii a repris de M. Hiaiil.
'9-
— 270 —
pour l'achever, ie tome V des Historiens occidcntmix , a donné imc forte
im|nilsion à cette œuvre si longtemps retardée par la maladie de noire
regrctlé confrère; cinquante feuilles de ce volume sont aujourd'hui tirdcs,
dix en bon à tirer et toute la fin du volume en placards.
M. de Mas Latrie poursuit en même temps, avec notre confrère
M. Schefer, la publication du tome II des Historiens arméniens des Croi-
sades. Le Directorium de Brochard est à peu près imprimé, texte latin
et texte français; toute la copie qui doit achever le volume est mise en
état pour Fimpi'ession.
Le tome XXIV des Historiens de France suit une marche régulière :
feuilles i-oi tirées, 82-/12 en bon à tirer et une cinquantaine do placards
en correction.
Dans la suiti^ de nos Mémoires, la lacune accusée par la publication
anticipée du tome XXXIII, 1" partie, est à la veille de se combler. Le
tome XXXII, 2" partie, contient déjà sept mémoires, mais on en attend
un ou deux autres pour le coni})léter.
Le recueil ouvert aux mémoires des savants étrangers à l'Académie ne
compte toujours que ti'ois mémoires, mais ils forment plus de la moitié
d'un volume.
Notices et extraits des manuscrits. La section réservée exclusivement
aux études orientales avant le tome XXX se complétera incessamiuent.
M. Barth vient de reprendre, sous la direction de notre confrère M. Se-
nart, la j)ublication des Inscriptions khmer de Campa, interronqiue par la
mort si cruelle de notre confière M. Bergaigne. Les placards 1 à 5i du
tome XXVII, 1" partie, ont été envoyés à l'imprimerie pour être mis
en pages.
Le tome XXIX, 1" partie, qui commence avec les Documents épigra-
phirjues recueillis dans le Nord de l'Arabie par M. Doughty, s'achèvera
avec une notice de M. Amélineau, dont huit feuilles sont déjà tirées,
La section nouvelle qui, à partir du tome XXXI, ne distingue plus
entre les genres d'études, s'accroît rapidement. Nous en sonnues au
tome XXXIII, i"^' partie, qui comprend cinq articles et dont trente
feuilles sont tirées.
pjidn notre Histoire littéraire de la France ne nous a pas plus tôt donné
iu\ volume qu'elle nous en promet un nouveau : ce sera le tome XXXI,
dont treize feuilles sont tirées, cinq bonnes à tii'cr, et la copie préparée
pour le reste du volume,
H. WALLON,
Secrétaire perpcluel.
— 21\ —
LIVRES OFFEUTS.
SÉANCE DU 5 JUILLET.
M. Mk.nvnt il la parole pour un hommage:
ffj'ai riionneiir de présenter à rAcaddmie un livre de M. Saycc, inli-
lulé : The Hiltilcs , ihe story of a forgoUcii empire ( Londres , 1888, in- 1 G ,
n° XII des By-paths of Bible knoivledgc).
ffJe vous ai parlé dernièromcnl de cet empire oublié, des documents
dont on dispose pour en reconstituer riiisloiio, des travaux accomplis
pour d(:cbiirrer les inscriptions qui le feront connaître, et enfin des essais
d'interprétation auxquels je me suis livré. Je n'ai donc pas à vous rap-
peler quel est ce peuple, dont on trouve les traces dans toute l'Asie
Mineure, depuis les bords de l'Oronte jusqu'au Pont-Euxin, depuis
Karkemis jusqu'à la mer Egée. Au nond)rc des savants qui se sont
occupés des études provorpées par l'écriture et la langue encore inconnue
des Ilétéens, M. Sayce est celui qui aura le mérite incontestable d'avoir
présenté le premier ime tentative d'interprétation vraiment scientilîquc.
Pour lui rendre pleinement justice, je citerai ses propres paroles lors-
qu'il se fait juge de ses travaux : rrlls ne mènent pas bien loin, dit-il,
rmais il n'y a pas lieu de s'en étonner, lorsqu'on considère le petit
rrnombre d'inscriptions dont on dispose et leur état de mutilation; d'ail-
ffleurs, un commencement de déchiffren)ent vaut mieux que l'absence
ffde tout déchiffrement '''.« M. Sayce a raison; mais je répondrai à cet
aveu trop modeste que son commencement de déchiffrement sera le
point de départ d.' tous les travaux sérieux qu'on pourra désormais
entreprendre.
fr Le livre qne je vous présente n'a point la prétention de s'adresser
au monde savant. C'est dans les Transactions de la Société d'archéologie
biblique et dans les Appendices du volume publié par le regretté William
Wright qu'il faut étudier la méthode de M. Sayce et recueillir les résul-
tats qu'il a oblenus. C(! livre a une forme essentiellement populaii-e: il a
('té publié aux liais d'une société de propagande religieuse, et il est des-
tiné h. ap[)eler l'attention d'un grand j)ublic sur une nouvelle branche de
Ihistoire de l'Orient, qui, comme celle de IKgypIe et de l'Assyrie, se
(" Voir W. Wright, Thn Empire nf llm Ililtitcx. p. 179.
— '212 —
relie aux études bibliques. En Angleterre, l'importance qu'on accorde à
ces dernières études apporte aux travaux des savants orientalistes une
popularité qui permet de répandre et de faire accepter des notions justes
et précises sur les découvertes de la philologie moderne. C'est ce dont
M. Savce a su profiter; aussi \\ s'est dispensé des notes et des citations
techniques, qui auraient pu rebuter ses lecteurs, et il a donné à son ré-
cit une forme à la fois élégante et claire, qui fera goûter tout l'intérêt
qui s'attache aux révélations scientifiques les pkis inattendues, -n
M. E. Levassedr présente à l'Académie le premier volume de son o\i-
\rage sur La population française , etc. (Paris, 1889, in-8°).
Cet ouvrage relève de l'Académie des sciences morales et politiques,
parce que la démographie est une science sociale, et de l'Académie des
sciences, parce que la statistique procède par des nombres et des calculs.
Il appartient à l'Académie des inscriptions et belles-lettres par sa partie
historique, dont les treize chapitres sont consacrés à l'étude du nombre
et de la répartition des habitants et de leur condition matérielle, depuis
les populations primitives de la Gaule jusqu'en 1789. M. Levasseur a
communiijué deux chapitres de cette partie à l'Académie, et il renou-
velle l'expression de ses remerciements pour le concours que plusieurs
membres lui ont fourni par leurs observations, faites ici en séance, ou
aux Archives. Il ajoute qu'il doit aussi aux Archives nationales, grâce aux
recherches de M. Rocquain, la connaissance de précieux documents qui
lui ont permis d'établir, sous le règne de Louis XVI, l'état des nais-
sances, décès et mariages par bailliages.
Le chapitre xiii résume les hypothèses par lesquelles l'auteur a pu
déterminer la population à neuf époques, sur le territoire actuel de la
France (528,4oo kilomètres carrés). La Gaule barbare à l'époque de
César renfermait environ 6,700,000 habitants; au \\" siècle, après la
mort de Charlemagne, ce nombre était peut-être de 8 raillions; au
XI v' siècle, avant la guerre de Cent ans, il s'était élevé jusqu'à une
vingtaine de millions. La guerre de Cent ans dépeupla le territoire; la
population répara ses pertes vers la fin du règne de Charles VII et du-
rant la première moitié du xvi' siècle; les guerres de religion lui furent
de nouveau funestes et, une fois encore, elle se releva au xvii" siècle
jusqu'au temps de la révocation de l'édit de Nantes et de la guerre de la
succession d'Espagne , qui réduisirent vraisemblablement à 1 8 millions le
nombre des habitants. Sous Louis XV et Louis XVI , deux règnes relati-
vement pacifiques, elle augmenta et M. Levasseur estime qu'en 1789 le
ombre était d'à peu près 96 millions.
— -21 :\ —
M, Levasseiir l'ail voir, à l'aide d'une ligure de slalistique qui est
reproduite en petit dans son ouvrage, qu'au xvin' siècle (d'après Kxpillv.
1769; Moheau et Lavoisier, 1778 et 1790), la proportion des enfants
était sensiblement plus forte et celle des adultes sensiblement moindre
qu'aujourd'hui (d'après les derniers recensements).
M. Georges Pekrot présente la publication intitulée : Ecole française de
Rome. Mélanges d'archéologie cl d'histoire, 9* année, fascicules 1 el 9,
juin 1889 (Rome, in-8°).
irLe premier fascicule de la neuvième année des Mélanges d'archéo-
logie et d'histoire a été préparé par M. (iefTroy, qui a fondé ce recueil
pendant son premier diroctorat; l'intérêt et la variétf' des articles qu'il
renferme suflisent à prouver que, malgré toutes les dillicullés que ren-
contre l'impression à l'étranger d'une revue comme celle-ci, notre savant
confrère est bien décidé à poursuivre la publication des Mélanges et à
chercher tous les moyens d'en augmenter la valeur scientifique. Toutes
les branches d'étude que cultive notre Ecole de Rome sont représentées
dans ce cahier, par des dissertations dont chacune a son mérite et apporte
des faits nouveaux. M. Wolfgang Helbig y décrit avec sa science élé-
gante et sûre une coupe attique trouvée en Etrurie; MM. Audollent et
R. Lanciani s'y occupent de l'archéologie romaine, l'un du temple de
Jupiter Capitolin et l'autre du port d'Oslie.
ff Reprenant une tradition qu'il avait inaugurée jadis, M. Gelfroy, pour
mieux faire connaître ces monuments de Rome dont toutes les descrip-
tions purement littéraires ne donnent qu'une idée si imparfaite, fait appel
au concours de nos architectes de l'Académie de France; il saisit toutes
les occasions de reproduire et de publier ces levés et ces restaurations, qui
vont d'ordinaire s'ensevelir dans les cartons des artistes ou dans ceux de la
bibliothèque de l'Ecole des beaux-arts, sans que les archéologues puissent
profiter de ces précieux documents ou même en soupçonner l'exist^'iice.
C'est ainsi que, dans ce numéro, après un article de M. Rodolphe Lan-
ciani sur Les récentes fouilles d'Ostie, la caserne des Vigiles el l'Augus-
teum, il donne une note de M. Pierre André, un des pensionnaires de la
Villa Médicis, accompagnée d'un plan levé par cet architecte à Ostie. Un
long et curieux nK-moire de M. H. Deglane, ancien jiensionnaire, est
consacré au Stade du Palatin et accompagné de nombreux croquis dans
le texte et de trois planches qui en montrent Yétat actuel , la restaura-
tion et les élévations. Nous ne pouvons qu'applaudir à cet effort tenté
pour établir un lien entre l'Ecole française et l'Acadf'inie de France ; les
archéologues tireront um grand profil de la pivimple publicité ainsi
— 27/1 —
assurée à quelques-uns des meilleurs travaux de nos jeunes archi-
tectes.
rr C'est à l'histoire ancienne et à i'épigraphie que se l'attache le mé-
moire de M. Gseli , intitulé : Chronologie des expéditions de Domitien pen-
dant /'rt?mee (Ç^. Les philologues et paléographes consulteront les notes
de MM. Macé et Batiffol sur Les fragments d'Asper d'après le palimpseste
de Corbie el sm' Les manuscrits grecs de Lollino , évéque de Bellune. Les
historiens du moyen âge et de la Renaissance ne seront pas moins heu-
reux de trouver ici la suite des études de M. Mùntz sur Les arts à la cour
des papes; ils rencontreront plus d'un renseignement tout h fait neuf dans
la monographie dont le sujet a été fourni à M. Léon Gadier par Le loin-
beau du pape Paul III Farnesc. Enlin , avec M. Jordan , nous avons quel-
ques pages d'un livre sur l'histoire politique du Milanais sou? les Sforza,
que prépare le jeune savant; il résume très clairement les négociations
auxquelles la succession lombarde donna lieu entre Florence, Milan et
François Sforza, de \hk^ à \kho. Nous aimons à croire que le second
des fascicules annuels suivra de près le premier et n'offrira pas un moins
remarquable choix d'articles. i?
M. Siméon Lcce a la parole :
ff J'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Charles
Joret, notre correspondant à Aix, une brochure intitulée: Le voyageur
Tavernier {i Sjo-iÔSf)) , etc. (Paris, 1889, in-8°, extrait delà Retuc de
géographie).
rr Cette brochure complète heiu-eusement , et même rectifie, sur cer-
tains points, l'ouvrage que j"ai eu l'honneur de présenter naguère à la
Compagnie. La découverte faite à la bibliothèque de Hanovre du début
de la Défense de Chappuzeau, l'arrangeur des Relations des six voyages,
a permis à l'auteur de cette brochure d'établir que le célèbre voyageur
et le coreligionnaire qui lui devait prêter le secouis de sa plume s'étaient
connus beaucoup pins tôt qu'on ne le croit généralement, en même temps
que l'élude d'un manuscrit appartenant à notre savant confrère AL Schel'er
donnait à M. Joret la conviction que Tavernier avait rédigé lui-même de
véritables mémoires, dont Chappuzeau s'était souvent borné à modifier
l'ordonnance et à revoir le slyle. L'appoint le plus considérable apporté
à la biographie de Tavernier, dans la dissertation dont je fais hommage à
l'Académie, se rapporte au lieu de la mort de cet infatigable voyageur.
Ce lieu n'est ni Moscou ni Copenhague, suivant les deux opinions qui
avaient eu cours jusqu'à présent, mais Smolensk,où Tavernier rendit le
dernier soupir dans le courant de février 1689, au moment oii il s(! pré-
'275
p.-irail il eiilrcjUTiulro un nouveau voyage en Perse par la Moscovie. Gela
résulte «l'une lellro ilun résilient suédois h Moscou, datée du 8 mars
suivant, n
M. le marquis d'Hkrvey Saint-Denvs présente, de la part de l'au-
teur, M. Abcl des Michels, le i" fascicule d'un ouvrage intitulé: Les an-
nales impériales de l'Annam, traduites en entier pour la première fois du
icxle chinois (Paris, 1889, gr. in-8°).
M. Gaston Paris fait hommage du Roman d'Arles, texte provençal,
publié en entier pour la première J'ois , d'après le manuscrit de M. Paul
Arbaud, par M. Gamille Ghnbaneau, correspondant de l'Institut (Pai-is,
i88y. in-8°).
M. L. Delisle offre, au nom des auteui's, les deux publications sui-
vantes :
1° Cartulaire de Mulhouse, par M. X.Mossmann, tome V (Strasbourg
et Golmar, 1889, iu-4°);
•2° Parts en ij8g, par M. Albert Cabeau, correspondant de l'institut
(Paris, 1889, in-8°).
M. ScuEFER présente le a' fascicule du Code malais des successions et
du mariage, texte malais, publié, traduit et annoté par M. Aristide
Marre (Paris, 1889, in-S").
M. Paul Meyeu offre Le Ma/jré Dardeqé, dictionnaire hcbrcu-ilalien de la
fin du xiv" siècle, reconstitué et transcrit par M. Moïse Schwab (Paris,
'1889, in-8").
SÉANCE DU 1 9 JUILLET,
Est offert :
Cultulcabirilorin Dacia, par Tenhari Antonescu (Bucarest, i889,in-8°).
M. Boissuvu présente le 1" fascicule des Annales de l'enseignement
supérieur de Grenoble (iWcnohU'i, 1889, in-8"').
frGe recueil est pubhé à la lois par les facultés de droit, des sciences
et des lettres, et par l'école de médecine de cette ville; à ce propos
on remarquera que ces divers établissements d'enseignement supi-rieur,
qui, depuis le commencement du siècle, vivaient séparés et à 1 écart
les uns des autres, ont aujourd'hui une tendance manif(>sle à se réu-
nir et à vivre d'une vie commune, ce qui est un grand bien. Le fasci-
cule (pu est offert à rAca<lémie est presque entièrement occupé par les
sciences et la médecine, mais les lettres et l'érudition y occu|)ent une
place, et il faut csi)érer que cette place deviendra, dans la suite, plus
considérable.-
— 276 —
M. Jules GiRAHD olFre, de la part de M. Paul Girard, maître de confé-
rences à la Faculté des lettres de Paris, L'éducation athénienne au v' et au
iv' siècle avant J.-C. , ouvrage couronné par l'Académie des inscriptions et
belles-lettres (Paris, 1889, gr. in-8°).
ff L'Académie a couronné en 1886 le mémoire qui est devenu l'excel-
lent livre que j'ai l'honneur de lui présenter au nom de l'auteur. La
commission chargée de juger le concours avait déjà apprécié les qualités
distinguées qui recommandaient le mémoire à ses suffrages; la simplicité
et la netteté du plan, le bon usage des textes, des inscriptions et de l'ar-
chéologie figurée, l'intelligence et l'amour du génie athénien. Ces qua-
lités, bien entendu, se retrouvent foutes et entières dans le travail de
M. Paul Girard sous la nouvelle forme qu'il lui a donnée. Tout en restant
fidèle à son plan primitif, il a cru devoir ajouter deux parties : l'une sur
la gymnastique, qui, d'après le programme de l'Académie, avait du être
mise à peu près de côté; l'autre sur l'éphébie, qui était en dehors des
limites du même programme. Ses lecteurs ne se plaindront pas d'avoir,
grâce à ces deux additions, un tableau complet de l'éducation athé-
nienne. Du reste, l'auteur s'est borné, pour la gymnastique, à un ré-
sumé assez rapide. Il ne s'est pas non plus longuement étendu sur
l'éphébie. Quelques textes épigrnphiques récemment découverts lui ont
permis d'ajouter quelque chose aux travaux de MM. Albert Dumont et
Dittenberger. Un chapitre seulement pourra sembler disproportionné.
A propos des études des éphèbes au iv" siècle , il nous donne un travail
sur Isocrate et sur son enseignement, auquel on reprocherai! davantage
de s'écarter du sujet, si la lecture en était moins intéressante.
rrJe recommanderai particulièrement à l'attention de l'Académie l'in-
troduction et toute la première partie, intitulée : L'éducation athénienne et
l'État. L'auteur y fait tout de suite apprécier l'esprit large et juste qui
préside à tout son travail. Il expose très nettement, en montrant bien ce
qu'il y a de vrai ou de systémati(}ue chez les philosophes, surtout chez
Platon et Aristote, et en s'appuyant sur les faits connus, quelles étaient
les idées des Grecs sur l'éducation, le but qu'ils lui assignaient dans
l'intérêt delà cité, et l'importance particulière qui lui était attribuée k
Athènes, et cependant la liberté que la même ville laissait aux m:iitres,
aux parents et aux enfants, au moins jusqu'à lâge de l'éphébie, pendant
la période de la puissance athénienne.
ffCes considéi-ations garderont leur place au milieu des détails où
M. Paul Girard doit s'engager pour exposer avec précision en quoi con-
sistait l'éducation athénienne dans la famille, chez le grammatiste. le
— 277 —
citharisle, le pc-tlotribe et chez les maîtres de l'éphébie. Les changements
apportés par le temps, par le mouvement des mœurs et par Taffaiblisse-
ment de lespril militaire et patriotique, sont marqués avec netteté et
rapportés autant que possible à leur date. L'étude des monuments archéo-
logiques, en particulier du vase de Douris et des deux amphores qui
sont à Londres, (juil a eu soin de faire reproduire dans le texte avec un
certain nombre d'autres pehitures de vases, me parait avoir été poussée
aussi loin que possible.
ffJe répète, en terminant, que le résultat de toutes ces recherches et
de tout ce travail est excellent. Il a le mérite de nous mettre sous les
yeux, dans une image assez fidèle, à ce qu'il me semble, la vie de la
jeunesse athénienne, et, en même temps, il nous montre une lois de
plus à quel point nous dillérons des Grecs, n
M. Ravaisson lait hommage, au nom de son (ils, M. Charles Ravaisson-
Mollien, du quati'ième volume de sa publication des Manuscrits de Léo-
nard de Lmce (Paris, 1889, in-fol.), qui doit être complète en six vo-
lumes.
rrCe volume renferme des études très variées, accompagnant nombre
de dessins, sur la géométrie, la physique, les fossiles, [hydraulique,
l'optique et la peinture. Parmi les dessins se rencontre un petit portrait
de Léonard dessiné par lui-même, n
M. G. Perrot |)résente le 5° fascicule (mai 1889) du Bulletin de cor-
respondance hellénique (Athènes et Paris, in-8").
M. HiiuzEY fait hommage, au nom de M"" veuve Albert Dumont, du
"]' fascicule de la seconde partie de la publiciition intitulée : Les céra-
miques de la Grèce propre, par j\lM. Albert Dumont et Jules Chaplain,
membres de l'Institut (Paris, 1889, gr. in-/i°).
Le Prksidkxt offre Les correspondants de Peiresc , fasc. xv : Tlionias
d'Arcos, par M. Tamizey de Larroque, correspondant de l'Académie
(Alger, 1889, in-8").
ffiM. Tamizey de Larroque, qui publie, l'Académie sait avec quels
soins, la volumineuse correspondance de Peiresc, a fait paraître dans la
Revue africaine une série de lettres adressées à ce savant par un certain
Thomas d'Arcos. C'est im personnage d'une physionomie fort originale,
que léditeur a tiré de l'oubli en compulsant avec sa curiosité toujours
heureuse les collections bibliographiques de Paris et de Provence et, en
premier lieu, celles de Carpenlras. Ce d'Arcos, possédé de la passion des
voyages et de l'archéologie, quitta le service du cardinal de Joyeuse pour
courir le monde. Au cours d'une de ses navigations dans la Méditerranée,
il tomba aiL\ mains des corsaires barbaresques. fut conduit à Tunis, se
fît musulman et prit le nom dOsman. Il se plut tellement dans sa nou-
velle condition qu'il resta en Tunisie même après avoir recou\Té sa
liberté.
!-D'Arcos a été un des correspondants les plus zélés de Peiresc. Il lui
adresse, soit par l'entremise d'un sieur Aycard dont M. Tamizey de Lar-
roque nous donne quelques lettres, soit dii'ectement, des antiquités
romaines et phéniciennes , des manuscrits arabes , des caméléons et les
ossements d'un fameux géant qui n'étaient sans doute qu'un fragment de
squelette d'élépbant. A ces curiosités exotiques il joint des ouvrages de
sa composition, entre autres une Histoire de la création du monde, une
Me d'Ale-randre le Grand, une Histoire d'Afrique, un Traité de lois, etc.
De tous ces écrits, que l'auteur jugeait avec modestie -n'être pas viande
-pour l'estomach» de Peiresc, il ne reste aucune trace et il est permis de
douter que la perte en soit regrettable. En revanche ses lettres méritaient
d'être publiées, non seulement à cause de l'illustre savant à qui elles
sont adressées, mais aussi comme un document de plus pour l'histoire
de la colonie franc{ue de Tunisie au xvu' siècle. M. Tamizey de Larroque
les a tirées de la Bibliothèque nationale, en les illustrant de tous les ren-
seignements bibliographiques et anecdotiques que son intarissable érudi-
tion pouvait lui fournir. Pour ce qui est des noms arabes et des détails
particulière de l'histoire de l'Afrique musulmane , il a consulté avec profit
M. de Grammont. auteur d'ime Histoire d'Alger fart estimée. Tout cela
se lit avec profit et plaisir, et prouve avec quelle scrupuleuse sollicitude
M. Tamizey de Larroque pom-suit la grande tâche dont il s'est chargé. »
SÉANCE DU 1 9 JUILLET.
Est offert :
Notice sur l'emploi des hachettes celtiques comme amulettes et talismans,
par M. Henry Corot (Dijon, 1889, in-12).
M. Heuzey présente h l'Académie, de la part de M. HomolIe,une
série de planches, qui sont comme les prémices de l'important ouvrage
qu'il imprime sur ses fouilles dans l'île de Délos. D'autres membres de
l'École d'Athènes. MM. Lebègue, Hauvetle. Salotnon Pieinach. ont
exploré différents points de ce champ de fouilles; à M. Homolle revient
particulièrement l'honneur d'avoir étudié à fond le grand sanctuaire
de l'ile, le temple et le téménos d'Apollon Déhen. Les planches olTertes à
l'Académie comprennent les plans et les essais de restauration , des études
comparées sur Ifs différents ordres d'archiiecturo. M. Heuzey appelle
— 279 —
suiloiit raltenlion sur une suilc de chapileaux, qui donnent comme une
histoire de l'ordre ionique en Grèce depuis les temps les plus anciens.
Les premiers de ces chapiteaux sont remarquables j)ar leurs proportions
e'troiles et très allong'ées, qui raj)pelloiit visihiement les dispositions des
constructions en bois. L'un des plus priiuilifs devait porter une scid[)ture
du vieux mitUrc AvUieriiios , filsde l///./.mf/p.s, dont M. Homolleareliouvé,
diiulrc part, une ligure avec son inscripliou archaïque. C'est un syn-
chronisme des jdus instructifs entre 1 histoire de l'architecture et celle de
la sculpture.
M. Saglio présente à l'Académie le i3' fascicule (Dil-Don) du Diction-
naire des antiquités grecques et romaines, publié sous sa direction (Paris,
1889, gr. in-/.").
Il signale un certain nombre d'articles de ses collaborateurs , notam-
ment ceux de M. Jules Girard sur les fêtes dionysiaques et de M. Foucart
sur les artistes dionysiaques (dionysiaci artifices); un long article de
M. Bouché-Leclercq, professeur à la Faculté des lettres, sur Thistoire et
les procédés de la divination; im article de M. HomoUe, professeur
suppléant au Collège de France, sur les oITrandes (donaria); d'autres de
M. Caillemor, doyen de la Faculté de droit de Lyon, sur plusieurs sujets
appartenant à l'histoire du droit et des institutions grecques, de MiM. Sa-
lomon lleinach , P. Monceaux, Bloch, C. JuUian. Gagnât, anciens membres
des écoles d'Athènes et de Rome , enûn de M. Pottier, qui a rédigé pour
ce fascicule plusieurs articles importants, indépendamment des soins
journaliers quil donne à la publication.
SÉANCE DU 2 G JUILLET.
Le Gouvernement austro-hongrois offre à l'Académie, par l'entremise
du Ministre de l'instruction publique, le 1"' fascicule d'un ouvrage de
M. le professeur Otto Benndorf et un cahier illustn-, intitulés : Dus Ileroon
von Gjôliaschi-Tnjsa (Vienne, 1889, in-fol.).
Le Secrétaire perpétcel rappelle avec quel zèle et quille sûreté de
jugement M. Humbert, vice-président du Sénat et ancien garde des
sceaux, dirige la traduction du Manuel des antiquités romaines, de
M^L Mommsen et Marquardt. M. Humbert l'a chargé doflrir à l'Aca-
démie deux nouveaux volumes de cette publication, où Ion retrouve les
mêmes qualités d exactitude et de clailé : L.e droit public romain, par
M. Tht'odore Mitmmsen , traduit par M. Paul-Frédi-ric Girard, professeur
agrégé à la Facidlé de droit «h- Paris, tome VL 2' partie (Paris. 1889,
— 280 —
in-8°), el Le culte chez les Romains, par M. Joachim Marquardt, traduit
de l'allemand par M. Brissaud, professeur à la Facullë de droit de Tou-
louse, tome I (Paris, 1889, in-S").
Sont encore offerts :
Le peintre Claude Rately, en religion frère Prothade de Besançon, de
l'ordre des Capucins, et sa <:r Vierge aux Saints n , datée de 1606, par
M, Auguste Gastan, cori'espondant de Tlnslitiit (Besançon, 1889, in-8°,
extrait du Bulletin de la Société d'émulation du Doubs ) ;
Bibliographie sommaire , par M. N. Maillant (Paris et Epinal, 1889,
in-8°, extrait de l'ouvrage : Le département des Vosges, publié par M. Léon
Louis).
M. Simëon Luce a la parole pour un hommage :
ff J'ai l'honneur de présenter à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Paul
Marin, capitaine d'artillerie, un ouvrage intitulé: L'art militaire dans la
première moitié du xv' siècle. Jeanne Darc tacticien et stratégiste; cam-
pagne de l'Oise [lâSo); siège de Compiègne (Paris, 1889, 10-8°).
frLes talents militaires de Jeanne d'Arc ont été attestés, dès le xv° siècle,
par un témoin compétent, qui l'avait vue à l'œuvre, le duc d'Alenoon;
mais les adversaires de la Pucelle avaient prétendu que son génie l'avait
abandonnée vers la fin de sa carrière, dans sa campagne sur l'Oise
en i63o et au siège de Compiègne. M. Marin, qui est un artilleur de
profession, a soumis ces deux opérations h un examen rigoureusement
technique et démontre que l'opinion accréditée par les ennemis de la
Pucelle n'est nullement fondée. La conclusion de son savant travail,
c'est que la libératrice d'Orléans n'a pas montré moins de supériorité,
au point de vue de la tactique et de la stratégie, dans la chevauchée de
l'Oise et la défense de Compiègne que dans ses opérations antérieures, n
SÉANCE DU 9 AOIJT.
M. Gaviii Hamillon offre à l'Académie l'ouvrage qu'il vient de faire
paraître sous ce litre : The moods qf ihe English Bible, the same as in Latin
andGreek, contnisted with their treatment bij Priscian's German folloxvers
(Edimbourg, 1 889 , in-/i°).
M. Hamilton a joint à son envoi une lettre en latin, adressée au Secré-
taire perpétuel, dans laquelle il rappelle les témoignages d'estime el de
sympathie que lui a donnés autrefois notre regretté confrère M. Egger,
et il insiste sur l'adhésion que ses vues ont rencontrée parmi les philo-
logues de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis.
— 281 —
Sont encore oflerls :
La capselln argonlea ajncana ojjirla al soimiio ponkjice Leone XIII
dall'Eîiw sig. card. Lnvigerie, arcivescovo di Cartagine , par le coninian-
rleiir J.-B. de Rossi (Rome, 1889, in-folio);
Biographie de M. Lecoiutrc- Dupont, par M. J.-L. de la Marsonnière
(Poitiers, 1889, in-8")-
Le Pkéside.nt présente à i'Acade'mie, de la part de M. E. Fagnan, un
volume inlitulé : JwJ.i^ c5>>>-ïa« ja.' J^ J-JoJI iUJI Concordances du manuel
de droit de Sidi Khalil, dressées d'après l'ordre des racines sur l'édition de
Prtns (Alger, 1889, in-8").
ff.M. Fagnan, chargé d'un cours d'arabe à l'Ecole des lettres d'Alger,
rend par la publication de cette table un véritable service aux interprètes
civils et militaires de notre colonie algérienne. Le traité juridique de droit
malékite rédigé par Sidi Khalil jouit d'une autorité absolue dans tout le
nord de TAfricpie; il est entre les mains de tous les cadis et sert de base
à leurs jugements. Le travail méritoire de AL Fagnan rendra désormais
plus facile la recherche à faire dans ce manuel, rédigé en style algé-
brique, et qui a donné naissance à un grand nombre de commentaires
constituant en quelque sorte la jurisprudence des tribunaux algériens.
Ces concordances sont dressées d'après l'édition du texte arabe publiée
par la Société asiatique et sur le plan adopté par Fluegel pour le texte
du Coran, v
SÉAXCE DU f) AGIT.
Sont ofî'erts :
A Uun-Magi/ar iras es annak Jennmaradt emlékei, par M. K.-A. Fischer
(Budapest, 1889, in-/i°);
Les moines égyptiens, pai- E. Amélineau : Vie de Schnotidi (Paris, 1 889,
in-16).
Le Secrétaiue i'erpétuel dépose sm" le bureau le a' fascicule des
Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, pendant
l'année 1889, mars-avril (Paris, 1889, in-8°).
M. le marquis d'Hervey Saint-Denys a la pai'ole pour une double pré-
sentation :
ffj'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, de la part de l'antenr, M. Terrien
de Lacouperie, un fascicule du travail quil poursuit sur lethnographie
des populations chinoises, The Djurlclien of Mandsluiria : thcir names ,
langnage , and lilerature (in-8°, extrait du Journal of ihe Royal Asiatic
Society, vol. XXI, avril 1889). Ce fascicule contient des recherches sur
l'origine et les différents noms de la peuplade généralement connue
— 282 —
sons celui de Niu-tchi. Ce travail etlinographique de M. Terrien de La-
couperie lui ayant valu un encouragement dans le dernier concours
Stanislas Julien, je rappellerai en le pre'sentant que TAcadémie Ta jugé
digne dintérêt.
rrJ'offre également à TAcadémie un volume que je viens de i)ublier
sous ce titre : La tunique de perles, un serviteur méritant et Tang le
Kiaï-youen, trois nouvelles traduites pour la première fois du chinois (Paris,
1889, in-12). Ce livre fait suite à un autre volume, que j'ai eu l'hon-
neur d'offrir précédemment et qui renfermait aussi trois nouvelles , toutes
tirées d'un recueil imprimé en Chine vers le milieu de notre xvi" siècle
et où les mœurs de la vieille société chinoise sont prises sur le vif. Après
avoir montré les Chinois désabusés de la pierre philosophale, alors que
sa recherche était le plus en faveur parmi nous , après avoir pris une
idée de leurs croyances touchant la transmigration des âmes et de leurs
sentiments sur le mariage, nous voyons maintenant le riche marchand,
personnage important du monde oriental, dans sa vie intime et galante,
l'état des individus de la classe servile, le romantisme sentimental, tel
que l'entendent les déUcats de l'empire du Milieu.
ffOn est surpris, dans ces i-écits, par la manière d'envisager et de
peser les choses de la vie , par l'importance accordée h certains détails ,
par la disproportion entre certaines causes et certains effets selon nos
appréciations occidentales. Il estcmieux de constater l'influence si grande
du miheu social sm- les jugements de l'esprit humain. Peut-être cela pa-
raîtra-t-il intéressant, et c'est ce qui me détermine à déposer sur le bureau
de l'Académie une œuvre dont le tissu, par lui-même, semblerait bien
léger pour mériter cet honneur, r,
SÉANCE DU 16 AOÛT.
Est offert :
Histoire documentaire de l'Académie de peinture et de sculpture de Mar-
seille, par M. Etienne Parrocel (Paris, 1889, in-S").
M. Oppert présente de la part de l'auteur, le R. P. Slrassmaier, le
second et dernier fascicule des textes juridiques et commerciaux du règne
de Nabuchodonosor : Bahylonische Texte, F/ (Leipzig, 1889, in-8°).
rrLinfatigable auteur livj-e au public savant quatre cent soixante in-
scriptions, qui s'étendent sur les quarante-trois années du règne du
destructeur de Jérusalem. Ces documents sont d'une très grande im-
portance pour l'archéologie et le droit des Chaldéens, et compléteront
les l'enseignenu'nts, si amples déjà, (]u'on possédait sur le lemj)s dos
— L>S8 —
successeurs de Nabucliodonosor. Pour accomplir un travail pareil ù celui
du H. P. Slrassuiaier. il no faut pas seulement pouvoir lire les si<yncs, ce
qui est dt^jà très dilllcile, mais il est indispensable de se rendre rouiplo
du sens, car souvent le mauvais état de l'écriture oblige le copiste à sa-
voir ce qui peut avoir été écrit. M. Strassmaier s'est acquitt»^ de celte
tâche avec une supériorité marquée, qui lui vaut la reconnaissance des
érudils spéciaux. Après ce travail, les textes sont abordables môme pour
les commençants en assyriologie, ce qui devrait le préserver des plagiais ,
<lont ses ouvrages si laborieusement achevés ont quelquefois été victimes.
Espérons que le savant jésuite meltra à exécution son dessein de publier
les milliers de documents qui nous restent des règnes de Gyrus, de Cam-
byse, de Darius et d'Artaxerxès. r
M. A. Bertrand a la parole pour un hommage :
ffj'ai l'honneur de présenter, au nom de l'auteur, M. Emile Cartailhac,
un volume intitulé : La France 'préJmloriqnc , d'après les sépultures et les
vwniimcnts (Varh, 1889, in-8°).
rrM. Carlailliac a eu autrefois quelques faiblesses pour le roman pré-
hislori(pie. Je suis heureux de constater que dans ce nouveau travail, ré-
sumé de deux ans d'études , aucune trace ne reste de ces premières erreurs.
crLa France préhistorique est un résumé clair et précis des faits con-
statés, sans aucun mélange de conjectures hasardées. Les problèmes
non encore résolus, et il y en a beaucoup, sont nettement formulés. Les
solutions proposées sont exposées avec im[)artialité. C'est un très bon
livre, (jui peut rendre de grands services.
ff 1 G2 gravures dans le texte , d'une scrujiuleuse exactitude , ajoutent h
la valeur de l'œuvre en rendant les explications plus lumineuses.»
M, Léon Gautier oflfre la Paléographie musicale , fac-similés photofjra-
pliiques des principaux manuscrits du chant grégorien ,amhrosien , mozarabe,
gallic>in, publiés par les Bénédictins de Solesmes, 1'° année (Paris cl
Leipzig, i88(), m-lx").
ff Eloignés de leur monastère en des circonstances qu'il ne m'appartient
pas de rappeler, les Bénédictins de Solesmes n'ont pas cru qu'un tel exil
leur donnât droit au repos. Ils se sont rerais vaillamment à l'œuvre, et,
dans ce j)f'til village de Solesmes auquel leur nom restera toujours at-
taché, ont fondé une imprimerie qui peut dès aujourd'hui passer pour
une des meilleures de la province. A ces presses nouvelles ils confient
surtout leurs propres œuvres, et c'est de l'imprimerie Saint-Pierre que
sort en ell'et cette Paléographie musicale (ju'au nom des Bénédictins d*-
Solesmes j ai rhonn>'iii- ilc déposer sui" le bureau de l'Académie.
XVII. 20
— 28/i —
ff L'œuvre, qui est périodique, paraît sous la forme de fascicules tri-
luestriels. Elle se compose de deux éléments : un lexlc typographique et
des lac-similés qui sont dus au procédé de la ])liolotypie.
'fDans Y Introduction générale , qui n'est pas signée, la question des
études sur la musique ecclésiastique du moyen âge, cette question, jus-
quici obscure, est nettement posée. Rien n'est plus clair ni plus consolant
que ces pages, qui attestent véritablement un grand progrès. Les neuraes
(cette notation musicale qui est antérieure à la notation guidonienue)
étaient encore si mal connus à la fin du dernier siècle qu'un des plus
grands liturgistes de cette époque, Martin Gerbert, les traitait comme
une quantité négligeable et n'essayait même pas d'en faire estime : Notu-
las veteres omittimus. C'est le retour à la liturgie romaine qui a mis réelle-
ment les esprits en éveil et les érudits en mouvement, cl qui a donné
à quelques téméraires l'idée de reproduire en fac-similé cette graphie
d'une étude si pratique, mais d'un abord si difficile. En 1801, le P. Lara-
billotte, plus hardi que tous les autres (et l'on ne lui a peut-être pas
assez tenu compte de cette intelligente initiative) publia le fac-similé com-
plet du beau manuscrit SSg de la Bibliothèque de Saint-Gall. Je vous
étonnerai peiit-êlre en ajoutant que le livre eut deux éditions; mais ce
qui ne sera pas de natiu-e à vous satisfaire au même degré, c'est quun
aussi noble exeinjde ne fut pas suivi. Depuis le P. Lambillolte jusqu'à la
Paléographie musicale, depuis 1 80 1 jusqu'à 1 889, personne n"a osé entre-
pr.-ndre la reproduction intégrale d'un seul manuscrit neumalique, et
certes vous estimerez comme moi que les Bénédictins de Solesmes ont
peut-être quelque mérite à tenter aujourd'hui l'aventuie.
ffll faut tout dire : ils se sont eux-mêmes frayé la voie et se sont rendu
leur lâche plus facile en donnant au monde savant, il y a quelques an-
nées, un juaître livre d'un de leurs frères, de dom Pothier : Les mélodies
grcgoriouies d'après la tradition, œuvre dont il est permis de discuter
(|uel(jiu^s parties, mais qui reste encore le meilleur guide et, pour ainsi
])arlor, le bréviaire d'une science encore si nouvelle.
fcLes auteiu's de la Paléographie musicale se sont rendu un conq)te
exact des sources auxquelles peuvent remonter les historiens de la mu-
sique ecclésiastique, et ils ont fait preuve d'un rare esprit critique en
[ilarant la reproduction des textes musicaux bien au-dessus de tous les
conuuentaires des Pères et de tous les traités techniques du moyen
âge. Rien ne vaut un fait, et rien, si ce n'est le manuscrit lui-même, ne
vaut un fac-similé phologra[)hique. Telle est la voie oîi ils se jettent un
peu à corps perdu, mais avec une confiance qui ne déplaît pas: 'fA l'aide
— 285 —
rrcl'uno critiqiio sévère, disoiil-ils, examinons les lexles, tels qne les ma-
ffunscrils nous les donnent; eliidions-les en dehors de (oulesprit de parti,
«en nous gardant de les adapter à une théorie toute faite, « On ne sau-
rait mieux dire, et c'est la première loi de toute érudition sincère.
ff Ce qu'il faut donc admirer le plus dans le livre que je place sous vos
yeux, ce n'est pas cette hitrodiirfion gènhale où il y a tant de clartés
de tout, ni la Dissertation sur le manuscrit 889 de Saint-Gali; mais
c'est la reproduction de ce manuscrit lui-même, de ce manuscrit tout
entier, et il convient ici de se rappeler ces paroles de M. Léopold Delisle :
ffLa plioto{|raphie a modifié de fond en comble les anciennes conditions
ffde la reproduction d( s textes. Un nouveau genre d'('ditions a paru né-
ffcessaire." Les Bénédictins de Solesmes, qui citent ces paroles, les ont
mises à profit.
ff Avec une modestie toute béiic'dictine , ils ont caché leurs noms , et ils ont
cru nécessaire de s'excuser sur la grande liberté qu'ils ont prise quelque-
fois de n'être pas sui- la matière du même avis que les techniciens du
moyen âge; mais ils se sont enhardis à la lecture de cette charmante
page d'un de nos confrères : rrll y a de la hardiesse sans doute à mieux
«juger du grec et du latin que Denys et que Cicéron; mais il n'y en a
ff peut-être pas autant qu'on pourrait le croire. Il arrive tous les jours que
ffceux qui possèdent le plus parfaitement un certain art, qui en ont le
ffsentiment le plus vif et le plus juste, exposent les procédés de cet art
ff d'une manière moins satisfaisante que ceux qui cherchent à s'en rendre
ff maîtres par l'étude, n A Solesmes on connaît M. Weil.
ff L'œuvre, dédiée au pape Léon XIII, est toute pleine du souvenir
encore vivant de dom Guéranger, qui a guidé mes premiers pas dans
l'étude de la liturgie et dont je ne saurais prononcer le nom siins quelque
émotion. Elle sera d'une double utilité. Au point de vue strictement
théorique, elle permettra d'établir les thèses définitives sur les dévelop-
pements de l'art nmsical au sein de l'Eglise; au point de vue pratique,
elle fournira de précieux éléments h cette revision du chant sacn; que
nous attendons avec tant d'impatience.
ffLes Bénédictins de Solesmes ont voulu vous faire honnnage, avant
Ions autres, de ces résultats de leur labeur. Ce qu'ils ont en effet de
plus cher après Dieu, ce sont les consolations que donne le d-avail et les
encouragements d'une Compagnie telle que la votre. 'i
M. Senart présente, de la part de i\l. le D' J. Gerson da Cunha, les
ouvrages suivants :
Memoiv ou llie hinlonf oftlie loolh relie f)fCei//on ( Londres , 1 876 , in-8") :
90.
— 286 —
Noces on llie histonj and antù/uilies of Clinul ami Bassein (Bombay,
i87(),in-8°);
Conlrihulions ta the sludy of Indo-Portvguese numismatics (Bombay,
i883, in-8°);
The Konhani language and literature (Bombay, 1881, in-8°);
Catalogue of the coins in the numismatic cabinet belonging tù J. Gerson
da Cmha (Bombay, 1888-1889, m-8°).
fi- J'ai Thomieur d'olTrir à TAcadémie, dit notre confrère, une sërie de
publications , dont l'auteur, à l'exemple de beaucoup (!e fonctionnaires
anglo-indiens, a su conque'rir sur des occupations très absorbantes des
loisirs studieux; il les a consacrés spécialement à l'étude de l'Inde por-
tugaise. C'est particulièrement comme numismate que M. Gerson da
Gunba s'est fait connaître. Sa collection unique de monnaies portugaises
de l'Inde figure en ce moment même à lExpoi^tion. Mais, comme sa
collection de médailles, sa curiosité éclairée s'est étendue ii tout le domaine
de l'Inrle ancienne. Les titres qui précèdent en font foi. Qu'il étudie les
curieuses vicissitudes qu'a traversées la célèbre relique de la pré-
tendue dent du Bouddha conservée à Candy, ou qu'il examine les restes
des vieux établissements de Ghaul et de Bassein, ou qu'il étudie l'ensemble
des questions qui se rattachent à la langue et à la littérature du Konkana ,
on le trouve toujcurs à la hauteur de sa tâche, armé d'une érudition
exacte et vivante. G'est pour moi un véritable plaisir d'être, auprès de
l'Académie, l'intermédiaire du précieux envoi que je signale à sa bien-
veillante attention.»
Le Priîsidicxt offre Le Yih-King , texte primitif, rétabli , traduit et com-
menté, par M. Gb. de Harlez (Bruxelles, 1889, in-4°, extrait des Mé-
moires de l'Académie royale de Belgique).
ff Parmi les livres sacrés de la Ghine, le Yih-King est peut-être le plus
vénéré, parce que les Chinois le considèrent comme le principe de toute
sagesse, la base de toute doctrine, le fondement de toute science. Ce
texte vingt fois séculaire n'a encore rien perdu de son prestige, h ce point
qu'ils affirment qu'il n'y a pas une seule des grandes découvertes modernes ,
la vapeur, l'électricité, etc., qui ne s'y trouve décrite ou tout au moins
annoncée. Il va sans dire que c'est en même temps un des livres les plus
obscurs de la littérature cliinoise; aussi a-t-il donné naissance à plus de
quatorze cents commentaires.
fr Jusqu'à ce jour, tous les commentateurs indigènes ou européens s'ac-
cordaient à voir dans le Yih-King un livre de bonne aventui-e, un recueil
d'oracles que l'on consulte pour ])révoir l'issue heureuse ou malheureuse
— l>87 —
(le telle ou lelle entreprise. Tel est le caraclèn; (|iii n'a cessé tie lui (Hic
atlribuc, eu Europe, depuis le P. R('{jis jusqu'à M. Pliilastre, le tiernier
Iraduclour de ce singulier ouvrage. M. de Harlez vient de rompre en
visière avec celte opinion comme avec Tanlique tradition des Chinois.
Pour lui, le YHi-kiiig est un recueil de sentencc^s pliilosopliiqut^s, morales
et m(îme lexicograpliiquos, classi-cs sous 0/j litres. 11 rojrlte tous les pas-
sages ayant un sens divinatoire, (pii lui paraissent avoir élé aj(»utés au
texte primitif, environ i,-2oo ans avant l'ère chrétienne, et il se borne à
donner à chaque mot de c:^ texte son acception ordinaire, usuelle. De là
une interprétation (jui se poursuit d'un bout à l'autre du mystérieux
livre, avec une logi(]MC et un accord si j)aiiails (pi'on ne peut se défendre
dune certaine impiiétude et qu on se (h^maiule comment un résidtat aussi
simple avait échappé à la sagacité des sinologues. C'est aux spécialistes
de dire ce que vaut la thèse du savant académicien de Belgique. Je me
borne, pour ma part, à la signalera l'Académie, en lui rappelant (jue
M. de Harlez, par son activité d'esprit cl [)ar la diversité de ses connais-
sancr's philologiques, a rendu depuis longtemps d'éminenls services à
rtîi'utUtioa orientale."
SÉANCE DU 2 0 AOUT.
Sont oflerts :
Relations politiques des Pays-Bas et de l'Angleterre sous le règne de
Philippe II , \)ii\Mi'es [)ar M. le baron Kervyn de Lettenhove, président
de la Commission royale dhistoirede iAcadémie des sciences, des lettres
et des beaux-arts de Belgique: tome VI, Gourernemcnl du duc d'Albe;
t. VII, Gouvernement de llequesens (Bruxelles, i 888 , m-k" , -i volumes de
la Collection de chroniques belges inédites) ;
Correspondance du cardinal de Granvelle , j 565-1 083 , [)ubliée |)ar
M. (îh. Piot, membre de la même Conmiission (Bruxelles, 2887, in-'i",
même Collection);
^ Etude de la formation des mesures assyriennes de capacité, par M. A.
Aurès (Paris, 1889, i"-^")-
M. Léon G.vuTiEu a la parole pour une présentation :
r:Au nom de l'auleur, M. \. Jenne[)in, jai Ihonneur de déposer sur le
bureau de l'Académie le premiei- voUnut." d'ime Histoire de la ville de
Maubeuge , depuis sa fondation Jusqu'en i'JQO, tome l (Maubenge, i88(),
iu-8").
"Les monographies qui ont pour objet l'histoire de nos villes et celle
même de nos villages se multiplient de jour en jour, et il serait intéres-
sant d'en coimaitre aujourd'hui la statisli(pje exacte. Je m'assure que leur
— 288 —
seule nomenclature, depuis cinquante ans, tonnerait déjà la matière d'un
volume considérable. Il convient, d'ailleurs, de se féliciter d'un tel pro-
grès, et notre grande histoire nationale ne pourra être e'tablie sur des
bases vraiment solides que lorsque toutes ces histoires locales auront été
scientifiquement menées à bonne fin,
ff L'œuvre de M. Jennepin est de celles qui vont activer un aussi heu-
reux mouvement, et l'on ne saurait guère adresser h l'auteur de Y His-
toire de Maubeuge qu'un seul reproche, qui se rapporte h l'agencement
général et à la composition de son livre. Il eût été à souhaiter qu'au lieu
de couper son sujet en tronçons qui cherchent péniblement à se rejoindre,
il eût adopté franchement l'ordre chronologique, qui est encore celui
dont le lecteur aura toujours le inoins à se plaindre.
rf Cette réserve une fois faite, on ne peut que s'intéresser vivement à
ce long récit, que l'auteur a partagé sagement en deux grandes parties :
rrl. Avant la période française; II. Période française, n M. Jennepin a vu
clair dans l'histoire de cette fière petite ville du Hainaut, qui a joué son
rôle dans notre histoire et n'y fait pas mauvaise ilgnre.
rrLes tableaux se succèdent dans ce livre vivant et coloré, et la plupart
sont saisissants. C'est d'abord, en l'an 67, la grande et mortelle bataille
de César contre les Nerviens. dont le théâtre n'a pas encore été nettement
déterminé et que M. Jeimepin serait tenté de placer à Hautmont, au sud-
ouest de Maubeuge. Puis , aux temps féodaux , — en faisant un large bond
au-dessus de l'empire romain et de la période mérovingienne, — c'est
l'antique ville de Maubeuge aux mains du comte de Hainaut, qui est le
puissant avoué de l'abbaye et des chanoinesses de Sainte-Aldegonde. C'est
encore cette administration des pi'évôts , au sujet de laquelle M. Jennepin
est entré en des détails véritablement excessifs. C'est la commune de
Maubeuge, dont on trouve la première mention dans un acte de 1178
et qui est administrée par un mayeur et sept échevins. C'est surtout
l'étonnant développement, à Maubeuge, de celte fabrication des draps
qui n'occupe pas, au xiu° siècle, moins de deux mille rr métiers bat-
tants^; c'est cette foule de marchands espagnols, lombards, portugais,
flamands, allemands et romains qui viennent aux halles de Maubeuge
acheter cette bonne marchandise du Hainaut. Pourquoi faut-il qu'une
malencontreuse émeute ait mis fin, pour longtemps, à une aussi longue
prospérité? En 1298, une bande d'émeuliers menace Jean d'Avesnes et
pénètre, l'arme au poing, dans son château. Il est vrai que les habitants
de Maubeuge se repentirent bien vite de cette échauffourée ; mais elle n'en
fut pas moins fatale au commerce de la draperie, qui fut dès lors frappé
— i)80 —
tlo charges iînornies,fl à la richesse d'uiio villo jadis si o[Kilt'iil(>. Toul dé-
clina. La j;uerre de Cent ans nV'lait pas laite pour relever les affaires de
MauheUjO'e, et voici ces terribles anarchies et ces barbaries du xv' siècle;
voici cette justice cruelle et ces atroces pénalités contre lesquelles M. Jenne-
pin n'a que trop raison de s'indigner. 11 faut encore ici fairo une enjambée
énorme et se reporter, pour notre consolation, à cet article onzf du traité
deNimègue,qui.le 17 septembre 1G78 , céda MaubeugeauroidcFrance.
Le grand Vauban , avec le regard du génie, comprit rapidement l'impor-
tance de cette place et l'entoura de ces forlilications auxquelles l'art du
temps savait donner un aspect gracieux; témoin ces deux belles portes de
Mons et d'Avesnes, qui Font penser à nos deux portes Saint-Denis et
Saint-Martin. C'est le même arl, im peu guindé, uiais noble, et rappe-
lant de grands souvenirs. Il ne reste plus guère qu'à évoquer les dates
illustres du i3 juin 1793 et de septembre 1794. Les Autrichiens furent
battus en 1792 et durent, eu 179^, lever le siège de la ville après la
bataille de Wattignies. Vhigt ans plus tard, Maubeuge faisait une dé-
fense héroïque contre les armées alliées. Il nous semble que cette brave
petite ville a de belles inscriptions à graver sur ses tables de marbre, et
quelle méritait vraiment d'avoir son historien.
ffCe sont là les grandes lignes du livre de U. Jennepin; mais les char-
mants détails y abondent, et Jious sommes de ceux qui leur trou-
vent plus de savem- qu'aux grands événements. 11 faut féliciter l'auteur
de cette Histoire de nous en avoir fourni toute une gerbe. Que diront
les fr antimicrobiens n de notre temps lorsqu'ils apprendront que,
dans un rapjjort oiliciel de 1788, il est constati? que tries brasseurs pré-
(tfèrent, pour la confection de leui-s bières, l'eau croupie à celle qui est
ffclaire et limpide, et que ce préjugé est presque général dans toute la
<t Flandre". Michelet a dit quelque part qu'on n'avait pas en France frpris
rrun seul bain durant mille ans :i : Michelet s'est trompé, et voici qu'à Mau-
beuge nous trouvons de nombreuses étuves qui, s'il faut tout dire,
devinrent aux xv' et xvi" siècles d'assez mauvais lieux utilement surveillés
par la police. Les amateurs de chasse n'apprendront pas sans quelque
plaisir que le comte de Hainaut entretenait à Maubeuge mie partie de
sa meute; mais les historiens de la charité, qui sont très supérieurs à
ceux de la cynégétique, constateront, de leur côté, qu'il y avait dans
Maubeuge, à la chapelle Saint-Antoine, un hôpital pour les pauvres pè-
lerins passagers et infirmes. L'histoire des pèlerinages est, d'ailleurs, bien
loin d'être achevée ; mais nous savions déjà et nous ne sommes pas étonnés
de voir qu'à Maubeuge comme ailleurs, jusqu'à la lin du xvi* siècle, les
— 290 —
pèlerinages ont constilué une véritable pe'nalitë. Les principaux pèleri-
nages où l'on adi'esse les coupables sont ici ceux de la Sainte-Larme à
Vendôme, de Saint-Nicolas-du-Port, de Saint-Antoine en Viennois, et,
chose plus rare peut-être , de Saint-Ambroise de Milan et de Saint-Marc
de Venise. 11 s'en faut d'ailleurs que toutes les pénalite's aient été aussi
douces, et rien n'est sauvage comme la procédure contre les sorciers et
sorcières. Les suicides sont i-ares à Maubeuge, mais c'est qu'on avait
pris soin d'y entourer ce crime dune suprême horreur, et c]ue le cada\Te
du suicidé, objet du mépris universel, était ti-aîné sur une claie, pendu
à une fourche, jeté à la voirie. La moralité publique , sans cesse menacée,
est plus ou moins ingénieusement défendue, et il nous faut ici assister
au supphce de la corhilette ou de la manderlcttc , qui était réservé aux
folles filles et aux blasphémateurs. On mettait la femme dans im vaste
panier très haut perché qu'à l'aide de poulies et de trucs divers l'on
faisait descendre jusque dans la rivière. . . mclusivement et à plusieurs
reprises. Nous ignorons si ce rafraicliissement a été favorable aux bonnes
mœurs. Mais il ne faudrait pas, d'ailleurs, rester sur ce spectacle. Il en
est d'autres qui nous dédommagent de tant de rudesses , et c'est avec
quelque attendrissement (le cas est connu) que nous voyons une jeune
iille, Mikelette du Colombier, racheter, en 16/12, mi condamné à mort en
l'épousant. Voilà qui vaut mieux que la corbilelte.
rrLe livre de M. Jennepin est plein de faits, plein d'épisodes, plein
d'anecdotes. Il ne sera pas goûté uniquement par les habitants de Mau-
beuge et inspirera quelque chose de plus grand et de plus vif (jue le
patriotisme de clocher."
M. Léon Gautier offre ensuite, de la part de M. Gustave Saige, une
bi'ochure intitulée : Sceaux extraits du trésor des chartes du comté de Re-
thel. Catalogue des moulages exposes au pavillon de Monaco , à l' Exposi-
tion universelle (Monaco , i88(), in-S").
!\I. Léon Gautier l'ait ressortir l'intérêt de la collection dont il s'agit.
II insiste sur les services que M. Saige a rendus à la science historique,
en faisant connaître les trésors recelés dans les tu-chives de la princi-
pauté de Monaco. Il signale enlhi ia perfection à laquelle ont été amenés,
depuis quelque temps, les procédés employés pour la reproduction exacte
des anciens sceaux.
SÉANCE DU 3o AOÛT.
Sont offerts :
Sculptures et inscriptions de Palmyre h la gUiptothhquc de Ntj Carlsberg,
décrites et expliquées par M. Simoiisen. rabbin, avec 8 planches zin-
— :>1M —
co^nraphiées, dessinées par M. le D' J. Eiitin», prolesscur à l'Universild
(1(1 Slrasbourg, et 18 photo^iravures (Copenhajjue, 1889, in-8°);
Epifrophia Indica and record of the archfpo/offical mrvny of Indin , rfcueil
publié pur M. J. liiirgess, 3' partie, avril 1889 (Calcutta, 1889, in-/»").
M. Jules (îiRAKD présente, de la part de M. Lebaicrue, une brochure
intitulée : La réforme orthoQrapliifjHC et l' Académie française (Pai'is, 1889,
in-8").
Le PuiîsiDENT oITre, au nom de l'auteui-, Si Mobanuned es-Senoussy,
un volume intitulé : c^;!;^! ij-*-^ Le lever des planètes, traité juridique
de la propriété foncière.
rLa loi beylicalc du 1" juillet i885 a eu pour objet d'appliquer le
régime dit de YAct Torrens à la propriété foncière en Tunisie. Bien (jue
ce réfjime soit facultatif, le Gouvernement tunisien a jugé bon d'en faire
connaître à ses sujets tous les avantages et aussi de leur montrer qu'il
n'était point en contradiction avec les principes les plus rigoureux de la
législation musulmane. Si Mohammed es-Senoussy, cjui a été chargé de
celte double tâche, s'en est acquitté avec le plus rare bonheur. Non seide-
ment ce savant jurisconsulte musulman s'est ellbrcé de faire ressortir tous
les avantages du nouveau système de constitution de la propriété foncière ,
mais encore il a pris soin de rechercher dans les législations anciennes ,
hébraïque, grecque et romaine, aussi bien que dans la loi musulmane,
tous les arguments qui pouvaient militer en faveur de la thèse qu'il avait
mission de soutenir. Son ouvrage, dont le litre est Le lever des planètes , est
écrit avec une correction et une méthode qui ne sont ordinairement pas
en usage parmi les auteurs juridiques orientaux; c'est, en effet, une
chose admise chez les musulmans que la science du droit s'allie rarement
à un talent littéraire. Mais Si Mohammed es-Senoussy est un fin lettré, qui
manie le vers avec facilité, et il appartient à cette classe de magistrats
littérateurs dont la France, en particulier, a eu de si nombreux et si
illustres représentants, n
Ont encore été offerts :
Académie d'IIippone. Comptes rendns des réunions. Bulletin n" -3/1
(Bônc, 1889, in-8');
Académie des sciences et Ivllrcs de Montpellier. Mémoires de la section
des lettres, t. VIII, 3° fascicule (Montpellier, 1889, in-Zi");
Académie roijale de Belgique. Compte rendu des séances de la Commis-
sion royale d'histoire, ou Recueil de ses bulletins, t. \IV, XV et XVI
(Bruxelles, 1 887-1 H89. in-8'");
— 292 —
Académie royale des sciences, des lettres et des heaux-arts de Belgique.
Introduction au tome VU de la Table chronologique des chartes et diplômes
imprimés concernant l'histoire de la Belgique (Bruxelles, 1888, in-Zi°);
Annales du commerce extérieur, année 1889, 7' et 8' fascicules (Paris,
i889,in-8°);
Annales du musée Guimet. Bévue de l'histoire des religions, publiée
sous la direction de M. Jean Réville, 10' année, t. XIX, 11°' i-3 (Paris,
1889, in-S");
Atti délia Beale Accademia dei Lincei , 286' année. A' série, Bendiconti ,
vol. V, fasc. 6-12 , etc. (Rome, 1889, in-4°);
Biblioteca nazionale centrale di Firenzc. Bolleltino délie pubblicazioni
italiane ricevute per diritto di stampa, n°' 8/1-87 (Florence, 1889, in-S");
Bibliothèque de l'École des chartes, tome L, 3' livraison (Paris, 1889,
in-8");
Biographie nationale, publiée par l'Académie royale des sciences, des
lettres et des beaux-arts de Belgique, l. IX, 3' fasc, et t. X, i"fasc.
(Bruxelles, 1886-1887, in-8°);
Bulletin de la Société archéologique et historique de la Charente, t. X,
année 1888 (Angoulême, 1889, in-8°);
Bulletin de la Société archéologique , scientifique et littéraire de Béziers
{Hérault), û' série, t. XIV, 2' livraison (Béziers, 1889, in-8°);
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, année 1889, n° 1
(Amiens, in- 8");
Bulletin historique de la Société des antiquaires de la Morinic , 38' année,
i5o° livraison (Saint-Omer, 1889, in-8°);
Bulletins de la Société des antiquaires de l'Ouest, 1" trimestre de 1889
(Poitiers, in-8'');
Commission royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances
de la Belgique. Procès-verbaux des séances, VIP volume, 2' cahier
(Rruxelles, 1889, in-8");
École française de Bome. Mélanges d'archéologie et d'histoire, 9' année,
fasc. i-ii (Paris, 1889, in-8");
Histoire de l'art dans l'antiquité, par IMM. Georges Perrot, membre
de rinstitul, et Charles Chipiez, t. V, livraisons ^kk-ûbi (Paris, 1889,
gr.in-8°);
Journal asiatique , n° 3, avril-juin 1889 (Paris, in-8'');
Mémoires couronnés et autres mémoires publics par l'Académie royale
des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique, t. XL, XLI el
XLII (Bnixelles, 1887-1 889 . in-8°);
— '2\rs —
Mémoires couronnes cl mémoires des savants ctranffcrs , publics par
l'Académie royale des sciences , des lettres et des beaux-arts de Bclgi'iue ,
l. \1J\ (lîruxelles, 1888, in-/i°);
Mémoires de l'Académie de Stanislas, 1888 (Nancy, 1889, in-8"');
Mémoires de la Société des antiquaires de Picardie , 3' série, t. X (Paris,
iS8(), in-S");
Proceedin^s nf tlte Society of antiquanes of London, 2' série, vol. XII,
n"3 (Londres, 1889, in-8°);
Recueil des notices et mémoires de la Société archéologique du départe-
ment de Constanlinc, 1888-1889 (Conslanline, Alger et Paris, in-8'');
Jlcvue africaine, o3%innée, 11° 192 (Alger, 1889, in-8°);
Pïcvuc arcltéolofrique, 3* série, t. XIII, mai-juin 1889 (Paris, in-8°);
Revue des études juives , t. XVIII, n° 36 (Paris, 1889, in-8°);
Revue des Pyrénées, etc., t. I, 1889, 3° trimestre (Toulouse, in-S");
Revue des questions historiques, ^k' année, 91' livraison (Paris, 1 889 ,
in-8^);
Revue épigraphique du midi de la France , n" 53 (\ ienne [Isère], 1889,
in-8»);
Rivista archeoloffica , j)ubliée par M. A. -G. Borges de Figueiredo,
vol. III, n"" 5-7 (Lisbonne, 1889, in-S");
Viestnik hrvatshoffa arkeologickoga druzlva, 11' année, n° 3 (Agram,
1889, in-8').
COMPTES REÎVDUS DES SÉANCES
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1889.
COMPTES RENDUS DES SEANCES.
SEPTEMBRE-OCTOBRE.
PRÉSIDENCE DE M. BARBIER DE MEYNARD.
SÉANCE DU G SEPTEMBRE.
Le Secrétaire perpétuel communique à i'Acadëmie une lettre
de faire part qui annonce la mort de notre correspondant à
Heidelber<j, M. Gustave Weil, décédé le 99 août dernier.
Le Président rappelle que M. Gustave Weil, dont la mort est
annoncée à l'Académie, était depuis longtemps professeur de
langues orientales à l'Université de Heidelberg. Il a écrit plusieurs
ouvrages estimés des orientalistes, entre autres une histoire des
califes, rédigée d'après des documents arabes qui étaient inédits
lorsqu'il publia cet important ouvrage. M. Weil a aussi collaboré
à plusieurs revues d'érudition, où il exerçait avec une impartialité
(|uelquofois un peu sévère les droits de la critique.
Le Président rappelle qu'un mois s'est écoulé depuis la mort
de M. Amnri et de M. le baron de Wifte, associés étrangers de
l'Académie.
L'Académie, consultée, décide, par un vote, qu'il y a lieu de
procéder à leur remplacement. Elle nommera dans le cours du
XVII. 21
— 296 —
mois prochain la Commission qui sera chargée de dresser une
liste de candidats pour chacune des deux places vacantes.
M. L. Delisle communique une note intitulée : Fragments d'un
registre des enquêteurs de saint Louis f'^.
Notre confrère rappelle combien de débris des premiers mo-
numents de la typographie, combien de fragments littéraires latins
et français, combien de chartes ou de diplômes anciens ont été
retrouvés dans le parchemin des reliures. C'est une nouvelle dé-
couverte de ce genre, d'une grande importance historique, qui
vient d'être faite. Elle est due à M. Alfred Richard, archiviste du
département de la Vienne.
Dans les cartonnages de trois exemplaires d'une Chrestomathie
grecque avec lexique grec-français , qui est l'œuvre de notre ancien
et regretté confrère Joseph-Victor Le Clerc et qui parut à la librairie
Delalain en 1828, M. Alfred Richard a trouvé six feuillets de
parchemin, couverts d'une écriture du xiii* siècle. Ce sont des
fragments des procès-verbaux dressés par quelques-uns de ces
commissaires que saint Louis avait chargés de faire une enquête
détaillée et approfondie sur l'administration des officiers royaux
et sur les plaintes auxquelles elle donnait lieu. Ces fragments sont
de 12^7 ou 12^8 et concernent spécialement la Picardie (pré-
vôtés de Béthisy, de Compiègne, de Péronue, de Pont-Sainte-
Maxence, de Saint-Quentin, de Senlis, etc.).
M. Delisle fait ressortir la valeur des mentions contenues dans
les feuillets découverts par M. Richard. Quelques-unes se rappor-
tent à des familles dont le nom intéresse l'histoire, telles que
celle de Robert de Clari, l'historien de la conquête de Constan-
tinople en i2oi, et celle de Gérard La Truie, chevalier lorrain,
un des héros de la journée de Bouvines. D'autres attestent, une
fois de plus, l'étendue des scrupules de saint Louis, qui se croyait
responsable des abus commis dans ses Etats, non seulement par
ses agents, mais encore par ceux de son père Louis VIII et de son
aïeul Philippe Auguste. C'est ainsi qu'on remarque, parmi les
griefs soumis aux enquêteurs, des plaintes qui remontent à une
'') Voir aux Communicatio.ns, n° XXIIl (p. 3i 5-336).
— 297 —
date liés ancienne et dont les auteurs ne pouvaient plus invoquer
d'autres le'nioins que la notoriété' pul)Ii(|ue : testis fama pairie.
Enlin, notre confrère signale une série darticlcs relatifs aux juifs
de Saint-Quentin. On y voit que ces juifs avaient e'té expulses
vers i2/i5 et leurs biens confisqués; des chrétiens, qui se plai-
gnaient d avoir été autrefois victimes de leurs procédés usuraires,
demandèrent aux enquêteurs la restitution de ce qu ils avaient
perdu. M. Delisle a relevé dans cette partie du rapport les nom^
d'une cinquantaine de personnages juifs des deux sexes, qui habi-
taient Saint-Quentin dans la première moitié du xiii^ siècle.
et Les librairies et les bibliothèques pourvues de livres qui ser-
vaient aux écoliers du temps de la Restauration, dit en terminant
M. Delisle, renferment peut-être des volumes couverts de frag-
ments analogues à ceux que je viens de faire connaître. Je ne
regretterais pas d'en avoir fait la remarque, si des recherches
dirigées de ce côté amenaient un jour la découverte de nouveaux
feuillets des procès-verbaux des enquêteurs de saint Louis.-»
M. Ch.-Ém. Ruelle termine la lecture de son mémoire inlitulé:
Dnmascim; soti traité (ks premiers principes ^^\
SBANCE DU l3 SEPTEMBRE.
Le Pkésidenï annonce qu'il met à l'ordre du jour de la séance
du 2 0 septembre la désignation d'une lecture à faire à la pro-
chaine séance trimestrielle des cinq Académies.
M. Joachim Menant donne la première lecture d'un mémoire
sur la ville antique de Karkemis, en Asie Mineure.
Votre confrère s'atlaclie à établir que cette ville occupait rem-
placement où se trouve aujourd'hui un /«him/hs connu sous le nom
de Kalaat Jérablus, sur la live droite de l'Euphrate, à six heures
de marche de la forteresse de Biredjek. A l'appui de cette opinion,
il donne un nouveau commcnlaire géographique des inscriptions
où Teglat-Pal-Asar et Assur-Nasir-Habal ont raconte le détail de
leurs expéditions.
'') Voii' uiix CojiMiM(MTio\s. n" WIV Cf». .■{••(l-N.'^/i),
ni .
— 298 —
M, Aloïss Heiss présente à rAcadéinie la pliotograpliie d'une
lettre autographe et ine'dite de don Carlos, fds de Philippe II,
adressée, le i8 février 1567, à son ambassadeur à Rome.
Dans cette lettre, l'héritier présomptif de Philippe 11 demande,
entre autres choses, deux reliques du Christ conservées à Piome,
et insiste pour que chaque jour, à son intention, on célèbre des
messes, depuis 10 heures du matin jusqu'au coucher du soleil.
D'après de volumineuses correspondances privées et de nom-
breux rapports secrets des ambassadeurs et chargés d'affaires alle-
mands, anglais, espagnols, français, vénitiens, etc., M. Heiss se
croit autorisé à préciser le sens de ces demandes. tfLe prince,
dit-il, ayant été une première fois rendu miraculeusement à la
santé par le contact du corps de saint Diego, espérait, en écrivant
à Rome, obtenir du ciel, grâce à la présence des saintes reliques
de Notre Seigneur et à l'efficacité des messes journellement célé-
brées, le nouveau miracle qu'il attendait au moment d'épouser
sa cousine Anne d'Autriche, n
M. Heiss met ensuite sous les yeux des membres de l'Académie :
1° Un portrait de don Carlos à l'âge de onze ans, photographié
d'après le tableau original de Coello, au musée de Madrid;
9° Une médaille de bronze de Pompeo Leoni, à l'effigie du
même prince et datée de 1567 ;
3° La photographie du dernier portrait de don Carlos, appar-
tenant au comte d'Onate. Cette peinture est datée de 1667, c'est-
à-dire de l'année même oi*i fut écrite la lettre qui fait l'objet de
la communication de M. Heiss.
M. Casati fait une nouvelle communication sur l'archéologie
étrusque.
Dans plusieurs lectures antérieures, M. Casati a signalé la per-
fection oij avait été porté, chez les Etrusques, l'art de travailler
les métaux, le bronze, l'or et l'argent. Il présente aujourd'hui à
l'Académie plusieurs spécimens qui proviennent des dernières
fouilles faites à Orvieto, àChiusi et à Pérouse. Ce sont d'abord des
bijoux, qui se font remarquer par ces granulations d'une ténuité
extrême que l'art moderne réussit à peine à imiter, des boucles
d'oreilles, des spirales, des anneaux d'or, des têtes de broches;
— 299 —
puis j)lusieiiis objets de bronze fiiioinciit ciselés, une tète de
statuette, Tanse d'une situla, deux œs rude, monnaie primitive
provenant d'Orvieto. M. Casati y joint deux monnaies d'argent de
Populonia, dans lesquelles il voit le modèle du denier et du ses-
terce romain. Le denier, qui représente une tête de femme, porte
la marque X, c'est-à-dire dix as, ce qui est aussi la valeur du
denier romain.
En terminant, M. Casati transcrit sur le tableau une inscrip-
tion étrusque découverte tout récemment dans les fouilles faites
à Véies pour le compte de S. M. dom Pedro, empereur du Brésil,
et il en propose une interprétation.
M. Théodore Reinach communique quelques observations nou-
velles sur une inscription latine et hébraïque, d'ailleurs connue
et publiée depuis longtemps, qui est conservée au musée de Nar-
bonne et qui doit provenir de cette ville ou des environs. Ce
texte, qui commence par la figure grossière du chandelier à sept
branches, se lit ainsi :
le requiescunt in pace benememori très fili dni Paragori de filio
condam dni Sapimdi, id est Justus, Matrona et Dulciorella, qui
vixserunt Justus annos.iAj^, Matrona anns xx, Diikiorela annos vnii.
'7N"!2/'[''] b^ Wib'^- Obuerunr anno secundo dmi Egicani régis.
rici reposent en paix les trois enfants d'heureuse mémoire du
seigneur Paragorus, fils du défunt seigneur Sapaudus, à savoir
Justus, Matrona et Dulciorella, qui ont vécu, Justus trente ans,
Matrona vingt ans, Dulciorella neuf ans. Paix sur Israël! Ils sont
décédés dans la deuxième année du seigneur Égica, roi.ii
La forme des lettres est aussi barbare ([ue la langue et Tortho-
grapho; on ne saurait s'en étonner, si l'on considère la date de
l'inscription, l'an ii du roi goth Egica ou Egiza, c'est-à-dire
l'an 688 ou 689 de notre ère.
L'intérêt principal de ce texte réside dans les noms propres des
cinq personnages (juil mentionne. Ce sont certainement des juifs,
et plusieurs portaient probablement des noms hébreux. Paragorus
(et non Parator ou Paratorius, comme on a lu à tort), pour Pa-
regorus, Ilapr/yopos, représente riiébrcu Menahem (oniD), 'con-
— 300 —
solaleui"". JusUis est, soit une traduction de Gaddiq (pn2i), soit
une transcription par i\ peu près d'un nom tel que Joseph. Dul-
ciorella ou Dulciorela est une des formes par lesquelles on a
cherche' à rendre en latin le nom de Noémi ("iDVJ). Au contraire,
Sapaudus ctMatrona sont, à ce qu'il semble, des noms purement
romains; le premier est peut-être à Torigine un ethnique de'signant
un personnage originaire de la Savoie, Sapaiulia.
SEANCE DU 2 0 SEPTEMBRE.
M. Joachim Menant lit une nouvelle note''' sur un cylindre
du Muse'e britannique, qui a fait Tobjet d'une première observa-
tion présentée par lui à la séance du 2 août dernier C-l
Ce cylindre, gravé au nom d'Urkham, roi chaldéen qui ré-
gnait au moins vingt siècles avant notre ère, n a été connu d'abord
que par des dessins exécutés vers 1820 et reproduisant un original
appartenant alors à M. John Hine. En 1880, cet original fut
donné au Musée britannique par M. C.-D. Cobham, cominissioner
à Larnaca. Notre confrère, remarquant dans la gravure un détail
qui ne peut, dit-il, appartenir à l'époque d'Urkham (le pied d'un
trône taillé en forme de pied de biche), en avait conclu que le
monument était apocryphe. Il avait, en outre, émis incidemment
l'hypothèse que le cylindre de M. Cobham pouvait avoir été 1j\-
briqué en notre siècle, d'après les dessins de 1820, dessins qui
eux-mêmes auraient reproduit inexactement un original authen-
tique, aujourd'hui perdu.
Cette dernière hypothèse parait devoir être abandonnée : par
une lettre adressée à l'Académie, M. Cobham a fait savoir que le
cylindre donné par lui au Musée britannique lui était venu di-
rectement de la succession du premier possesseur, M. John Hine.
M. Menant en conclut que la fabrication peut avoir eu lieu à une
date plus reculée qu'il ne l'avait pensé d'abord; mais il maintient
(|ue le monument est, dans tous les cas, apocryphe.
''^ Voir ;iiix (IommlivicatioiNs, ii"XXV (ji. 3o/i-338).
<-) Voir ci-(le^siiR (p. -^J^'i).
— 301 —
L'Académie désigne M. Bréal pour donner lecture, à la pro-
chaine séance trimestrielle des cinq classes de l'Institut, de son
mémoire intitulé: Deux prétendus cas (V analogie.
M. Terrien de Lacoupcrie, de Londres, fait une communica-
tion sur Une monnaie hactro-chinoisc bilingue du i" siècle avant
notre ère'^h
Ce spécimen, unique jusqu'ici, représente un monnayage émis
par le roi grec de Bactriane, Herniœus, et le roi des Yueh-ti,
lorsque les deux peuples vinrenten contact, vers les années 6o-3o
avant notre ère. L'inscription en caractères indo-bactriens est
vérifiée par celles des autres monnayages du même roi, tandis
que l'inscription chinoise rappelle celles de certaines monnaies
chinoises du \\f siècle avant notre ère, dont les Yueh-ti eurent
connaissance et qu'ils imitèrent alors qu'ils étaient établis vers
les frontières nord-ouest de l'empire du Milieu.
M. Oppert rend compte d'un petit baril, contenant une in-
scription métrologique, qui confirme, dit-il, ses découvertes re-
latives aux signes numériques des volumes de capacité dans les
textes cunéiformes. Ce monument nous fait connaître, d'ailleurs,
un système métrologique nouveau dans ces textes, le système
centésimal , au lieu du système sexagésimal , suivi dans les textes
juridiques de la Chaldée.
SÉANCE DU 27 SEPTEMBRE.
Le Ministre de l'instruction publique transmet à l'Académie
les propositions de M. le Directeur de l'École française de Rome,
tendant à accorder une prolongation de séjour d'une année à
M.M. Audolient, Jordan et Gsell, membres de l'Ecole.
Renvoi à la Commission compétente.
Par une autre lettre, le Ministre de finstruction publique
communique, de la part du Ministre des affaires étrangères, di-
verses inscriptions grecques recueillies à Maronée pai' M. Degrand ,
consul de France à Andrinople.
<" Voir aux Communications, n° XXVI (p. 338-368).
— 30-2 —
(Jes inscriptions sont soumises séance tenante à l'examen de
M. Weil.
M. Sime'on Luce lit une notice sur Les jeux -populaires en France
au XIV' siècle, d'après une ordonnance de Charles V.
M. Weil rend compte sommairement des inscriplions recueillies
par le Consul de France à Andrinople'^'.
M. Menant commence la seconde lecture de son me'moire sur
la ville antique de Karkemis.
SÉANCE DU h OCTOBRE.
Le Président prend la parole en ces termes :
tf Messieurs, vous connaissez tous la perte cruelle qui vient
encore, et pour la troisième fois en moins de trois mois, affliger
l'Académie. La mort du général Faidherbe est un deuil national.
cfj'ai rempli, mardi dernier, l'honorable mais triste devoir
d'adresser, en votre nom d'abord et au nom de l'Institut tout
entier, un adieu suprême devant le cercueil de ce soldat illustre
qui a été aussi un vaillant soldat de la science. D'après les usages
de l'Académie, l'hommage que j'ai adressé à sa mémoire sera
bientôt publié : je me bornerai donc à rappeler en quelques mots
les titres scientifiques qui ont valu à notre regretté confrère l'hon-
neur d'entrer dans notre Compagnie.
tfDans une courte notice rédigée par le général quand il
sollicitait vos suffrages, il avait inscrit en tête les trois mots :
linguistique, ethnographie, épigraphie; ces mots déterminent
d'une façon précise la part qu'il a prise aux progrès des études
africaines,
ff C'est à Faidherbe que revient l'honneur d'avoir abordé le
premier l'étude raisonnée d'un dialecte berbère et du plus impor-
tant peut-être parmi ces dialectes, le zenaga. On donne ce nom
à une tribu qui, au xii" siècle de notre ère, sortit des rives du
Sénégal pour faire la conquête des Etats barbarcsques et fonder
la puissante dynastie des Almoravidcs. Vous avez couronné, en
(1)
Voir aux Commukications, n" XXVII (p, 3/i8-35o).
— 303 —
iSbh , l'essai liii{>;uisti(|U(' que noire confrère publia sui' celte
obscure question. Cet ouvrage, qu'il a par la suile considérable-
ment amélioré et enrichi, est remarquable par l'ordre, la raélhode,
la clarté de l'exposition, la sûreté avec laquelle les faits phoné-
tiques sont observés et ramenés à leurs lois naturelles. Un excel-
lent juge, notre confièrc M. Bréal, a constaté que la puhlication
de ce livre était un service rendu à la science du langage.
r C'est une chose vraiment digne d'admiration que, pendant les
six années de son gouvernement, aux prises avec des dillicultés
et des périls de toute sorte, insurrections à réprimer, établisse-
ment militaire et colonial à fonder, lutte contre le climat et les
hommes, le générai ait pu apprendre à fond les quatre langues
principales de ces régions, eu rédiger la grammaire et préparer
les mat(M"iaux de son beau travail sur le Sénégal, son dernier et
son meilleur travail. Ce livre est, à vrai dire, l'histoire de l'éta-
blissement de la France dans l'Afrique occidentale depuis le
xvii" siècle jusqu'à nos jours. C'est aussi une sorte de testament
politi(|ue dicté par le sage gouverneur et de l'observation duquel
dépendent peut-être l'avenir et la prospérité de notre colonie.
Vous savez aussi, Messieurs, le goût que notre confrère avait pour
l'épigraphie africaine. C'est à ses persévérantes recherches et à
ses encouragements que nous devons la collection complète des
inscriptions numidiques, recueil de matériaux précieux pour le
déchilfrement de ces textes dilTiciles. Mais ce que l'on doit dire
avant tout de ses travaux considérés dans leur ensemble, c'est
qu'un patriotisme ardent les inspirait et les dirigeait : il a servi
son pays par la plume et par l'épée et c'est ce qui doit rendre sa
mémoire plus respectée et plus chère. Nous avons vu, hélas! notre
confrère bien rarement parmi nous ; une glorieuse infirmité le
condamnait, depuis longues années, à un repos presque absolu,
mais du fond de son cabinet et sur son lit de douleur il suivait
avec intérêt nos délibérations et nos travaux.
fr L'Académie conservera un pieux et durable souvenir de ce
soldat héroïque, de ce travailleur infatigable dont la glorieuse vie
peut se résumer en ces mots : amour de la [)atrie, dévouement à
la science! 71
— 30/i —
L'Académie fixe au vendredi 22 novembre ie jour de sa séance
publique.
M. VioLLET prend la parole pour compléler brièvement une
communication faite par lui à une séance précédente '^^.
La notion de la loi, lex, au sens antique de décision prise par
le peuple, a persisté, dit notre confrère, dans les écrits de cer-
tains jurisconsultes sous l'empire romain : on la trouve même
dans le Digeste, promulgué en 533. Voici les textes :
Capilo, au commencement de Tempire, disait: tfLex est gé-
nérale jussum populi aut plebis, rogante magistralu.i: (Aulu-
Gelle, X, 90.)
Julianus : ripsae leges nulla alla ex causa nos teneant, quam
quod judicio populi receptœ sunt. a (Digeste, I, m, De legibus,
32, îx.)
M. Deloche fait observer que ces textes constatent tout au plus
un souvenir et n'impliquent point que les hommes du temps de
l'empire eussent la notion de la participation effective du peuple
à la confection des lois.
M. VioLLET dit qu'il n'entend pas, en effet, tirer de ces textes
la preuve que l'antique notion de la loi fût, à cette époque, dans
l'esprit des Romains, une réalité vivante; il a voulu prouvei- seule-
ment que cette notion persistait dans les œuvres de certains juris-
consultes. Dans sa communication précédente, il avait déjà appelé
l'attention de ses savants confrères sur ce point : un membre de
l'Académie lui avait fait observer que les textes allégués ne par-
laient quedu^îw et non de la lex. Les citations qui précèdent prou-
vent que l'antique notion, non seulement du jus, mais de la Jex,
persiste dans certaines parties delà littérature juridique impériale.
Il faut joindre à ces textes un passage important d'Isidore de
Séville {Etym., V, 10).
M. Menant achève la seconde lecture de son mémoire sur la
ville antique de Karkemis.
M. René de la Blanclière, directeur du service des antiquités
et des arts dans la régence de Tunis, communique le résultat
^1 Voir ci-dessiis (p. 109).
— ;5o:) —
(les lotiilli's ('iilic[)iisL's par ce service dans la néci()])()le de Inilla
Hegia (llanmiain Deiradji), aux environs de Souk-cl-Arba.
Ces Ibiiilles, qui ont dure près d'un an, ont e'té conduites par
M. le D*" Carton, médecin militaire. Elles ont fourni, outre des
notions beaucoup plus pre'cises sur la topographie de Bulla, ses
nécropoles et son histoire, un grand nombre d'objets,- déposés
aujourd'hui au musée Alaoui,au Bardo, et dont une série figure
à l'Exposition universelle dans le Pavillon tunisien. Le produit
total de la fouille comprend environ six cents lampes, doni plus
de deux cents à sujets, et près de cent à marques de fabri([uc;
quarante ou cinquante miroirs de bronze, dont quatre à couvercle
décoré de sujets en relief, plusieurs centaines de vases, dont un
assez grand nombre sont curieux par leur forme, des pierres
gravées, des plombs, des terres cuites et tout un mobilier funé-
raire très varié, en tout plus d'un millier de pièces des trois pre-
miers siècles de notre ère. M. de la Blanchère fait passer sous les
veux des membres présents différents spécimens des trouvailles
de Bulla Regia.
RI. Leitner, directeur de l'Institut oriental deWoking (Grande-
Bretagne), fait une communication sur la langue, la religion et
les mœurs des habitants du llounza, territoire situé sur un ver-
sant du Pamir (^>.
SÉANCE DU 1 1 OCTOBRK.
Le Président fait connaître à l'Académie que la Commission
des Écoles d'Athènes et de Rome a été d'avis d'accorder une pro-
longation de séjour d'une année à MM. Audollent, Jordan et Gsell,
membres de l'Ecole française de Rome.
L'Académie adopte cet avis. Le Ministre de l'instruction pu-
blique en sera informé.
L'Académie se forme en Comité secret pour entendre la lecture
du rapport de la Commission des Antiquités de la France sur le?
ouvrages envoyés au concours de cette année'-'.
f) Voir .uix CoMML.MCATioNt-, n" WVIII (p. 350-3.56).
;=) Voir apijciulice n" IV.
— 306 —
La séance étant redevenue publique, M. Anatole de Barthé-
lémy lit une note intitulée: Les cités alliées et libres de la Gaule,
diaprés les monnaies ^^K
La liste des cités de la Gaule auxquelles Rome reconnaissait,
soit le titre de libres, soit celui d'alliées ou fédérées, a été donnée
par Pline. L'épigraphie a déjà fourni le moyen de compléter cette
liste par l'addition de quelques noms; la numismatique, dit notre
confrère, permet d'en ajouter encore d'autres. En effet, il semble
que le droit de battre monnaie ait été attaché au titre de cité
libre ou fédérée. M. de Barthélémy appuie cette opinion sur l'ana-
logie des faits constatés dans la numismatique grecque et ajoute
des remarques relatives aux cités alliées ou libres de la Gaule dont
les monnaies nous sont parvenues.
Est adressé à l'Académie, pour le prochain concours des Anti-
quités de la France :
Archives de Bretagne. Recueil d'actes, de chroniques et de documents
historiques rares ou inédits, publié par la Société des bibliophiles
bretons, etc., tome IV : Lettres et mandements de Jean V, duc de
Bretagne, de iâo-2 à iâo6, publiés avec notes et introduction
par M. René Blanchard (Nantes, 1889, in-li°).
M. Théodore Reinach communique à l'Académie liois balles de
fronde grecques, appartenant, l'une à M. Gustave Schlumberger,
les deux autres au musée de Saînt-Germain-en-Laye.
M. de Longpérier avait lu la légende de la première balle
BABYP2A et avait reconnu dans ce mot le nom d'une forteresse
arménienne: la balle, trouvée à Rhodes, aurait été tirée par des
frondeurs arméniens au service de Milhridate, en 88 avant notre
ère. M. Théodore Reinach montre, par la comparaison des exem-
plaires de Saint-Germain-en-Laye, que la légende doit être lue
BABYPTA, génitif dorien du nom propre Ba^tipras; c'est un
général rhodien d'ailleurs inconnu. Ce même nom Baé'upTas,
qui se trouve chez Polybe et chez Hésychius, doit être rétabli sur
plusieurs inscriptions où sa présence a été méconnue jusqu'ici.
Enfin, M. Reinach saisit l'occasion du mémoire de Long[)érier
f) Voir aux Commimcatio.ns, n" XXIX (p. 35/i-36o).
— 307 —
pour comballrc la Id^jondc truuc pidlendiio ville do Cartilage en
Arménie : les textes allègues par Longpérier pour prouver l'exis-
tence de celte ville ne résistent pas, dit-il, à un examen critique.
SÉANCE DU 18 OCTOBRE.
T/Acade'mie décide ([u'en raison de la sdance publique annuelle
de 1 Institut et de la lèle de la Toussaint, qui tombent, cette année,
le vendredi, ses deux procbaines séances seront avancées, la pre-
mière au mercredi 28, la seconde au mercredi 3o de ce mois.
L'Académie procède à la nomination de deux commissions qui
seront cbargées de proposer des sujets de prix dans Tordre des
éludes relatives au moyen âge et à l'antiquité classique.
Sont désignés :
Pour la Commission du moyen âge (prix ordinaire et prix
Delalande-Guérineau): MM. Delisle, Hauréau, Luce et P. xMeyer;
Pour la Commission de l'antiquité (prix Bordin) : MM. Girard,
Heuzey, Weil et Héron de Villelossc.
M. Simt>on Luce est désigné comme lecteur à la prochaine
séance publique annuelle de l'Académie.
M. J. Evans adresse, pour le concours de numismatique (Allier
de Hauteroche) de 1891, son ouvrage intitulé: The rhorsemenv of
Tarentum. A contribution towards the numismatic history of Great
Greece (Londres, 1889, in-8°, extrait du Numismatic chronicle) .
M. Georges PERROîlitune sixième noteC' de M. Victor Waille,
professeur à l'École des lettres d'Alger, sur les fouilles qu'il dirige
depuis plusieurs années à Chcrcliell [Julia Cœsarea).
L'auteur de ce rapport comnience par rappeler les travaux qui
ont été exécutés, depuis 18/12, parmi les ruines de l'ancienne
ville et les principales découvertes qui y ont été faites. Il montre
comment on a été conduit à faire porter les reclierclies surtout
sur cet énorme massif auquel, dès le débul de l'occupation, on
avait proposé de donner le nom de palais des thermes; les dé-
couvertes ultérieures ont confirmé la justesse de cette conjecture.
Le déblaiement de ce vaste édifice est aujourd'hui achevé. Deux
<*' Voir aux Communications, n" XXX (p. 36o-368).
— 308 —
uouvelles salles ont été dublayées depuis le moment où M. Waille
avait entretenu rAcadéraie de Te'lat des fouilles; elles sont à
Fouest de la grande salle centrale et pre'sentent quelques parti-
cularités intéressantes. Dans Tune d'elles on a trouvé une belle
statue de marbre, qui est peut-être une Cérès. 11 y a aussi une
tête casquée qui fait songer aux têtes d'amazone. Les fragments
d'une inscription en grandes lettres contiennent le nom de Trajan;
mais on n a pu rétablir encore l'ensemble du texte. Tous ces mo-
numents vont prendre place dans le musée de Cherchell, qui
renferme déjà un grand nombre de pièces intéressantes et ([ui
s'enrichit d'année en année.
Les fouilles vont être reprises prochainement. M. Waille en
attribue les résultats et le succès au concours du conseil mu-
nicipal et de l'autorité militaire ; il rend hommage au zèle qu'ont
déployé les capitaines qui ont été successivement placés à la
tête du pénitencier; il exprime le désir que le monument soit
désormais entouré d'une grille et efficacement protégé. 11 est déjà
en butte à ces dilapidations quotidiennes qui ont à notre grand
regret, on pourrait presque dire à notre honte, fait disparaître
plusieurs beaux monuments de l'antiquité, qui existaient encore
sur le sol de fAlgérie quand nous nous y sommes élablis.
M. Georges Bénédite rend compte d'une mission épigraphique
au Sinaï, dont il a été chargé par l'Académie des inscriptions
et belles-lettres.
L'explorateur a suivi d'abord la route du Nord ou itinéraire de
Niebuhr, jusqu'au massif des montagnes sacrées; il est revenu
par le Feiran. Il a rapporté neuf cent cinquante textes, dont le
plus grand nombre inédits. Sur ce nombre, la région du Nord,
assez pauvre, ne figure que pour cent cinquante. Les régions les
plus riches sont le Feiran et le Mukatteb.
Quelques observations sur l'emplacement de ces textes, qu'on
trouve plus fréquemment sur les routes, aux endroits de halte
ou de campement, que sur les sommets, tondent à faire élargir
la signification qu'on leur prêtait. Ils peuvent avoir été placés en
ces endroits, non seulement, comme on le supposait, à l'occasion
de pèlerinages, mais en toute autre occasion.
— 300 —
M. Benédile ajoute cVaiilrcs delails, d'une nature purement
e'pigrapliique, qui peuvent servir à fixer le classement de ces
inscriptions par e'poques.
Il fait remarquer, enfin, que les symboles chre'tiens, qu'on
rattachait par erreur à quelques-unes de ces inscriptions, en
sont nettement distincts; ces marques sont dVpoque et de main,
sinon posle'rieures, du moins diffe'rentes.
M. J. Halévy commence la lecture d'un me'moire intitule' :
L'époque d: Abraham, d'après les documents égyptiens et babyloniens.
SÉANCE DU 2 3 OCTOBRE.
( Séance avancée au mercredi , à cause de la séance publique annuelle de l'Institut ,
qui a lieu le vendredi aS octobre.)
M. Emile Cliënon, professeur à la Faculté de droit de Rennes,
adresse à TAcade'mie, pour le prochain concours des Antiquite's
de la France, deux ouvrages dont il est fauteur, intituie's, le
premier : Étude sur lldstoirc des alleux en France (Paris, 1888,
in-8"), et le second : Histoire de Sainte- Sévère- en- Berr y (Paris,
1889, in-S").
Il est proce'de' à la nomination d'une Commission qui sera
charge'e de préparer le programme du prix Loubat à décerner
en 1899.
Sont élus: MM. Maury, d'Hervey Saint-Denys, Oppert, Mas-
pero.
L'Académie se forme en comité secret pour entendre la lecture
des rapports des Commissions chargées de proposer des sujets de
prix pour les concours de 1892.
La séance étant redevenue publique, le Président annonce que
l'Académie a choisi les sujets suivants :
t" Pour le prix ordinaire à décerner en 1892 : Etude sur les
ouvrages composés en France et en Angleterre qui sont généralement
connus sous le nom cdArs diclaminisr>;
2° Pour le prix Bordin à décerner en 1892 : Rechercher ce que
Catulle doit aux poètes alexandrins et ce qu'il doit aux vieux lyriques
grecs.
— 811) —
L'Academip a, en oulro, décidé que le prix Delalandc-Guéri-
iieaii de 1899 serait décerne' au meilleur ouvrage de critique sur des
documents imprimés ou manuscrits relatifs à l'histoire ecclésiastique ou
à ïhistoire civile du moyen âge.
Les mémoires sur chacune de ces trois questions devront être
déposés au secrétariat de Tlnstilut avant le 1" janvier 1899.
M. Hauréau lit un mémoire sur un des ouvrages les plus sou-
vent copiés au moyen âge, le Moralium dogma philosophorum ,
attribué par divers scribes et par divers bibliographes à un assez
grand nombre d'auteurs différents. L'objet du mémoire de M. Hau-
réau est de prouver que cette curieuse compilation Tut faite, à la
demande de Henri II Plantagenet, roi d'Angleterre, par son
ancien précepteur Guillaume de Couches.
M. Joseph Halévy termine la lecture de son mémoire sur la
date à laquelle doit être placée, selon lui, l'existence d'Abraham,
d'après les indications fournies par la chronologie égypto-baby-
lonienne.
Divers auteurs bibliques fournissent des dates partielles, dont
la somme totale fait remonter l'immigration d'Abraham, en Pa-
lestine, aux environs de l'an 2100 avant notre ère. La Genèse
fournit, en outre, un synchronisme important en racontant le
succès remporté par Abraham sur l'armée élamito-babylonienne,
commandée par Kodorlogomor, roi d'Élam ou de Susiane, et par
les princes ses vassaux, Amraphel, de Sennaar ou Babylone,
Arioch, d'Ellasar ou Larsa, et Tidal, d'une nation indéterminée.
D'autre part, on sait par les inscriptions cunéiformes qu'un prince
élamile de Babylonie, du nom de Kudur-Lagamari, eut un fils
nommé Eri-Akou, qui régna à Larsa, et un vassal babylonien ap-
pelé Amrapalt ou Hammurabi. M. Halévy, à l'exemple de plusieurs
assyriologues, a déjà soutenu, dans deux mémoires soumis à l'Aca-
démie, l'identité de ces princes avec ceux dont parle la Genèse.
Il reste à démontrer que Hammurabi a réellement vécu au
temps d'Abraham, et non, comme on l'a soutenu récemment,
deux cents ans avant ce patriarche. A l'appui de cette dernière
opinion, on a allégué, entre autres documents, un fragment ba-
bylonien trouvé à Tell Armana (Egypte). M. Halévy combat les
conoliisions qui oui clé tirées des (ioniK'Osdc cclVagmonl. Il pense
que, dans l'iiilcrpretation de ces données, il faut prendre pour
point de départ la dale aslronomiqueinent fixée de Tlioulmès III
(1503-1/469), ce qui l'ait rapporler ravènement d'Aniénophis lil
à Tan 1619 et celui d'Aniénophis IV, correspondant de Burna-
Luriash, loi de Babylone, à la fin du xiv" siècle avant notre ère.
Or, comme, d'après une indication de Nabonide, le règne de Ham-
murabi est antérieur de sept cents ans à celui de Burnaburiash,
il en résulte que Hammurabi est contemporain d'Abraham, comme
le veut le système défendu par M. Halévy.
M. Oppert refuse absolument d'admettre la thèse de M. Halévy
et y répond en quelques mois.
L'assimilation que l'auteur de la communication a voulu faire
entre le roi cissien (non cosséen) de Babylone, Hammurabi, et
le roi de Sennaar, nommé Amrapbel dans la Genèse, a déjà été
repoussée par notre confrère, et c'est pour la détruire qu'il a
présenté une série de déductions clironologiques, dont M. Halévy
cherche en vain, dit-il, à atténuer la valeur.
Le système chronologique de M. Oppert a pour lui l'opinion
des savants les plus autorisés, MM. Schrader, Tiele, Hommel,
Amiaud, etc. D'ailleurs, il s'appuie, en dehors du document
contesté par M. Halévy, sur un calcul mathématique très précis.
Hammurabi, en effet, d'après un texte non contesté, fut le
sixième roi d'une dynastie de onze rois, laquelle régna doU ans.
La dynastie suivante, composée également de onze rois, régna
368 ans.
Et une troisième, dont la liste ne nous est pas parvenue com-
plète, 677 ans.
Le total des trois dynasties est donc de 1,2/49 ans.
Or, Hammurabi parvint au trône 112 ans après le conmien-
cement de la première de ces dynasties; et un roi nonuné Saga-
saltiyas régna, dans la troisième, 9/4 ans avant la fin. Le nombre
des années qui s'écoulèrent depuis l'avènement de Hammurabi
jusqu'à celui de Sagasaltiyas doit donc s'obtenir en retranchant
de la durée totale des ti"ois dynasties un chiffre de iia-j-Q^^
soit 9oO ans, ce qui donne 1,06 3 ans.
XVII. 32
lUI ail XATtoMLI
— 312 —
Mais, d'aulre part, un témoignage précis du roi Nabonide
(555-538 avant notre ère) atteste que ce prince régna huitsiècles
après Sagasaltiyas. Il régna donc plus de dix-huit siècles après
Hammurabi, et celui-ci ne peut avoir vécu plus tard que le
xxiv*' siècle avant notre ère, c'est-à-dire deux siècles au moins
avant Abraham.
M. Renax, à propos de l'allusion qui a été faite aux tablettes
cunéiformes de Tell Armana, demande s'il ne serait pas à propos
de soumettre ces monuments à un examen critique rigoureux. Il
est étrange de voii", longtemps avant l'établissement de la puis-
sance de Babylone, les villes de Phénicie écrire et expédier des
documents rédigés en langue babylonienne. On sait d'ailleurs
combien les faux d'un caractère scientifique se sont multipliés en
Orient depuis un petit nombre d'années.
SÉANCE DU 3o OCTOBRE.
(Séance avancée au mercredi, à cause de la fèlo de la Toussaint.)
Le Président rappelle qu'un mois s'est écoulé depuis la mort
du général Faidherbe, et il consulte l'Académie pour savoir s'il
y a lieu de le remplacer.
L'Académie décide, au scrutin, qu'il y a lieu.
Le Président rappelle ensuite que l'Académie avait déjà décidé
quelle fixerait, lorsqu'elle serait plus nombreuse, la date de
l'élection du successeur de M. Ch. Nisard. 11 demande à l'Aca-
démie s'il y a lieu de fixer au même jour la date de ces deux
élections.
La question étant résolue par la négative, l'Académie fixe au
29 novembre 1889, pour le fauteuil de M. Ch. INisard, et au
17 janvier 1890, pour celui du général Faidherbe, l'examen des
titres des candidats.
L'Académie procède à la nomination d'une Commission de
six membres, qui sera chargée de présenter deux listes de can-
didats aux places d'associés étrangers, laissées vacantes par la
mort de M. Amari et de M. le baron de Witte.
SonI (îliis: MM. lieiinn, Dclisle, (i. Paris, Bréal, iMas|toro et
I)()issior.
L'Acadôinio se forme on comité secret.
La séance étant redevenue puljli(|ue, le Prksidenï annonce que
l'Académie a rédige dans les termes suivants le programme du
concours pour le prix Loubat à décerner en 1892 :
ff Le prix sera décerné au meilleur ouvrage imprimé concernant
riiistoire, la géographie, Tarcbéologie, l'ethnographie, la linguis-
tique, la Jiumismatiquc de TAmérique du Nord.
cr L'Académie fixe, comme limite de temps et extrême des ma-
tières traitées dans les ouvrages soumis au concours, la date de
177G.
t' Seront admis au concours les ouvrages publiés en langue
latine, française, anglaise, espagnole et italienne depuis le
1" janvier 1889.^
M. Georges Peruot commence la lecture d'une étude qui doit
former le dernier chapitre du tome V de VHistoire de l'art dans
rantiquité, publiée par lui en collaboration avec M. Chipiez. Ce
chapitre est consacré à l'analyse et à l'appréciation des caractères
généraux de l'art de la Perse.
M. J. Menant appelle l'attention de M. Perrot sur un objet qui
figure, dans une des mains de Cyrus, sur le bas-relief de Mour-
ghab, ce qui peut faire supposer que c'est un symbole hétéen.
M. Perrot répond que robjcl en question est trop indistinct
pour qu'on puisse asseoir une conjecture à ce sujet.
M. Jivaiidji Jamshedji Modi, grand |)rètre parsi de Bombay, lit
une note intitulée : Quelques observations sur les ossuaires rapportés
de Perse par M. Dieulafoij et déposés au musée du Louvre^^K
U résulte des recherches de M. Modi que les anciens Perses
avaient la coutume de conserver, dans un réceptacle distinct et
isolé, les ossements des morts, après cjne la chair avait été dévorée
par les oiseaux de proie. Le chapitre vi du Vendidàd traite de deux
opérations dilférentes auxquelles on devait soumettre les corps
morts, l'une consistant à déposer le corps sur le sommet d'une
<" Vi)ir ;ui\ (loMMUMCATioNs, irXWI ([». ;sr)-)-.'}7'i ).
— 31A —
montagne exposée aux rayons du soleil, l'autre à recueillir les
ossements après que la chair avait disparu. L'ouvrage pehlevi in-
titulé Dadistan-i-dini contient des dispositions spéciales sur la con-
struction des ossuaires, appelés astodans, et la desciiption quil
en donne les montre parfaitement semblables à ceux qui ont été
rapportés par M. Dieulafoy. Si l'on conservait ainsi les ossements,
c'était en vue de l'époque de la résurrection future, époque oià,
selon la doctrine des Parsis, il est dit que les morts ce se relèveront
de leurs o^v.
I
315 —
COMMUNICATIONS.
N" XXIII.
FRAGMENT D'UN REGISTRE DES ENQUETEURS DE SAINT LOUIS,
PAR M. L. DELISLE.
(séance do 6 SEPTEMBRE tSSg.)
Souvent on s'est indigné contre la barbarie des libraires et
des relieurs qui ont sacrifie des documents précieux pour for-
mer des cartons et couvrir des volumes plus ou moins vul-
gaires. Quelque légitime que soit en apparence cette indigna-
tion, il faut reconnaître que, dans beaucoup de cas, l'industrie
des relieurs a sauvé des morceaux de la plus haute importance
pour l'histoire et la littérature, morceaux qui, sans cette cir-
constance, ne nous seraient point parvenus.
C'est par centaines que l'on compte les anciens monuments
typographiques qui, depuis plus d'un siècle, ont été décou-
verts dans des reliures anciennes et dont beaucoup sont jour-
nellement cités dans les discussions relatives aux origines de
l'art typographique.
Les fragments de chartes et de manuscrits employés par les
relieurs n'ont pas fourni matière à de moins utiles travaux. De
combien de textes de l'antiquité et du moyen âge ne leur
sommes-nous pas redevables? De quelle ressource n'ont-ils
pas été pour la critique et le classement des anciennes copies
des ouvrages classiques, en prose et en vers, des premières
versions latines de l'Ancien et du Nouveau Testament et des
écrits des pères de l'Eglise? Dans un autre ordre d'études,
quel parti n'ont pas tiré des vieilles couvertures de certains re-
gistres ceux de nos confrères qui se sont donné pour mission
— 316 —
d'arracher à l'oubli et de remettre en honneur ces vieux
poèmes français dont la célébrité a jadis fait le tour de l'Eu-
rope ?
La diplomatique a été tout aussi favorisée que l'histoire lit-
téraire, et, pour rappeler un seul exemple, l'Académie n'a pas
oublié que c'est sur des registres de l'état civil de diverses
communes du département d'Indre-et-Loire qu'on a retrouvé,
dans ces dernières années, une notable partie des chartes car-
lovingicnnes de la Touraine.
On comprend donc aisément avec quel soin les bibliothé-
caires examinent le dos et les plats des volumes recouverts de
parchemin. On ne doit pas s'étonner du scrupule avec lequel
ils surveillent les déchets des ateliers de reliure. Le plus sou-
vent les fragments qu'ds ont à passer en revue sont absolument
dénués de valeur, et méritent d'être impitoyablement mis au
rebut. Mais au cours de cette besogne, souvent fastidieuse, on
e&t, de temps à autre, amplement dédommagé de sa peine.
Pour ma part, je n'ai jamais regretté le temps consacré au
triage des débris de toute nature (jui me sont comnuiniqués
de différents côtés, notamment par le chef et les ouvriers de
l'atelier de la Bibliothèque nationale.
La plus récente de ces trouvailles est assez intéressante
pour être communiquée à l'Académie.
Il y a peu de semaines, M. Alfred Richard, archiviste du
département de la Vienne, connu par de grands services
rendus à l'histoire du Poitou, voulut bien m'annoncer qu'il
était tombé entre ses mains des cartonnages de livres clas-
siques couverts de parchemins sur lesquels il avait reconnu
des fragments d'enquêtes écrites en caractères du xui" siècle.
Il m'offrit gracieusement de les mettre à la disposition de la
Bibliothèque nationale. J'acceptai cette généreuse proposition,
sans soupçonner l'agréable surprise qui m'était ménagée.
Aussitôt revenu à Poitiers, M. Richard m'expédiait les cou-
— 317 —
vorlures ilc Irois exemplaires d'un volume portant sur le clos
une éti(juclle ainsi disposée :
CHRESTOMATHIE GRECQUE,
AVEC LEXIQUE GREC-FRANÇAIS.
M. Fixon, le chef de noire atelier de reliure, en dégagea,
avec l'habileté dont il a donné tant de preuves, les trois doubles
feuillets de parchemin que j'ai l'honneur de mettre sous les
yeux de l'Académie. iM. Alfred Richard, qui n'en avait pu en-
trevoir que la moindre partie, en avait très justement apprécié
la nature. C'étaient bien, en effet, des fragments d'une enquête
administrative du xiii" siècle.
Il me sulht d'en lire quelques lignes pour y reconnaître des
formules qui étaient restées gravées dans ma mémoire depuis
que j'avais copié, il y a déjà longtemps, tout ce qui subsiste,
à la Bibliothèque et aux Archives nationales, des enquêtes or-
données par saint Louis sur l'administration des officiers
royaux. Les douze granchis pages que nous devons à la libéra-
lité de M. Alfred Richard appartiennent bien à cette catégorie
de documents, qui sont appelés à jeter un grand jour sur l'his-
toire du xiii" siècle et dont le texte, je l'espère, ne tardera
pas à être publié par l'Académie dans le tome XXIV du Recueil
(les lufitoviens de la France.
Il ne nous est malheureusement parvenu qu'une minime
partie des registres ou cahiers dans lesquels les commissaires
rojaux avaient recueilli les plaintes des sujets de saint Louis
et noté les réparations quil leur paraissait équitable d'accor-
der pour mettre en repos la conscience d'un roi qui se croyait
responsable des abus commis dans ses Etats, non seulement
par ses agents, mais encore par ceux de son père et de son
aïeul, Louis VIII et Philippe Auguste. La Bibliothèque et les
Archives nationales nous ont fourni des procès-verbaux d'en-
(piétes relatives à la Normandie, au Maine, à l'Anjou, à la
— 318 —
Touraine, au Poitou, à la Saintonge, à l'Artois, au Verman-
dois et au Languedoc. Le fragment dont, grâce à M. Alfred
Richard, notre recueil va pouvoir s'enrichir concerne la Pi-
cardie. 11 contient principalement les plaintes auxquelles avait
donné lieu l'administration des prévois d'Arouaise, d'Athies,
de Béthisi, de Chépi, de Gompiègne, de Crespi, de la Ferté-
Milon, dePéronne, de Pierrepont, de Pont-Sainte-Maxence,
de Saint-Quentin et de Senlis.
Il convient avant tout de déterminer la date de l'enquête.
Au paragraphe 1 6 un chevalier, Pierre de Vermand, se plaint
du préjudice que lui avaient causé, environ quatre ans aupa-
ravant, Mathieu Torel, prévôt d'Athies, et GeofFroi deMilli,
hailli d'Amiens, à l'occasion d'un prétendu déht de chasse.
Un peu ])lus loin, au paragraphe 3/i, une dame déclare
que, dix ans auparavant, le bailli Geoffroi de Milli et les pré-
vôts de Péronne l'avaient contrainte sans droit et sans juge-
ment à leur payer 7 livres parisis.
De ces deux articles il résulte que Geolfroi de iMilli était bailli
d'Amiens environ quatre ans et dix ans avant l'époque où se
faisait l'enquête dont nous voulons déterminer la date. Nous
sommes donc amenés à rechercher les limites chronologiques
do l'administration de GeofTroi de Milli. A cet effet, j'ai recouru
au catalogue historique des baillis du xiii^ siècle que je compte
faire entrer dans l'introduction du tome XXIV du Recueil des
historiens. On y trouve sur GeolTroi de Milli les détails sui-
vants :
^r GeofTroi deMilli est indiqué parBrussel"' comme ayant
rendu compte en 1201 des revenus du bailliage d'Amiens.
L'année suivante, il prit possession, au nom du roi, de la
maison et de la forteresse de Mouchi, qui venaient d'être ven-
dues au roi par Eudes de Mouchi, chevalier; le titre de bailli
f') Usage des fief 8, i. I, p. /187.
— 3iy —
irAiniens est expressément incliqué dans l'acte de vente et de
])rise de possession : Et Gaujridus de Mdliaco, bnllwus domini
repris Amhùutcnsis. . . ^^\ Gcoffroi figure sur les comptes de ifi'dh,
de laoG et de i 237^-1 11 acquit en 1287, pour le roi, les
droits que Pavic, femme de Bernard de Moreuil, avait eus sur
un vivier de DouUens, et il en fit reconnaître la prise de pos-
session par l'évequc d'Amiens'"*^. A l'Ascension de l'année 1288,
Geoft'roi de Milli rendit compte du produit des viviers d'Athies,
de Doullens et de Péronne^'l II figurait encore sur les comptes
de l'année 1289^^^ et même de l'année 12/18, s'il faut s'en
rapporter à une note de Dufourny insérée dans la collection
de Clairambault '"^^ A une date qui ne peut pas être exacte-
ment déterminée, Etienne, clerc de Geoffroi de Milli, bailli
d'Amiens, fut chargé avec maître Robert, clerc du roi, et sire
Imbert de Templeux, chevalier, de procéder à une enquête
pour savoir si un certain Bernard Double, que le bailli avait
arrêté, était un homme du prieur de Lihons ou un bourgeois
de Péronne''^. »
L'administration de GeofTroi de Milli correspond donc à la
période conqjrise entre les années 1281 et 12/18.
On a vu que l'enquête dont nous nous occupons mentionne
deux actes du bailli GeolTroi de Milli, remontant, l'un à dix
ans, l'autre à quatre ans ou environ. L'enquête doit donc être
un peu postérieure à l'année 12/18. Or nous savons que les
enquêteurs royaux parcoururent les différentes parties du do-
maine de la couronne en 12/17 et 1 2/18, avant le départ de
saint Louis pour la croisade. Le registre dont nous venons de
f'^ Teulel, Layelles du Trésor des chartes, t. II, p. aSi.
W Briissel, Usa<je des fiefs , t. I, p. /187.
'^) Tciilct, Layettes du Trésor des chartes, l. II, p. o'iG.
(*' Recueil des historiens, t. XXI, p. aâs.
f^' Brussel, Usage des fiefs, I. I. p. /187.
<"' Vol. 3o6, p. ^37.
" IViik'l. Lnyetlex du Trésor des chartes, I. Il, p. \><'\.
— 320 —
recouvrer douze pages devait contenir le procès-verbal d'une
partie des enquêtes faites à cette époque dans les bailliages
d'Amiens et de Vermandois. Je n'hésite pas à lui assigner la
date de 12/17 ^^ 12/18.
Cette date est confirmée par ce que dit un plaijjnant d'une
arrestation arbitraire reprochée à Pierre Le Fèvre, prévôt de
Péronne : Conqucritur Waiihes de Gainnemot qiiod, circiter xvi
(innis clapsis, Petrus Faber, tmic preposttus Perone. . . cepit cum
et misit in prisoniam, et sic exiorsit ah eo injuste xlyii hhras
par'mmsmm. . . Au moment où se faisait l'enquête, il y avait
donc seize ans ou environ que Pierre Le Fèvre remplissait les
fonctions de prévôt de Péronne. Si 'la date que j'ai assignée à
l'enquête est exacte, Pierre Le Fèvre devait être prévôt de Pé-
ronne en 1282 ou 1 2 33. Or nous avons en original au Trésor
des chartes un acte du mois d'avril 1282 dans lequel inter-
vient Peints Faber, preposiius Peronensis^^\
Je n'analyserai pas les plaintes consignées dans le registre
dont la date vient d'être déterminée. Elles portent à peu près
sur tous les genres d'abus que nous ont fait connaître les
autres registres des enquêtes de 12/17 ^^ 1 2/18 : dénis de jus-
tice, saisies d'immeubles, extorsions de sommes d'argent, de
denrées, de meubles et d'animaux sous les prétextes les plus
divers et les plus futiles.
Les griefs qu'on exposait aux conmiissaires enquêteurs
étaient [)arfois très anciens. C'est ainsi qu'une femme se plai-
gnait d'avoir été dé[)ouillée de 100 livres parisis qui avaient
été touchées pour le compte de Philippe Auguste; elle justifiait
sa réclamation en invoc[uant le bruit public du pays : tesUsfama
pairie (§ 69).
Les procès-verbaux des enquêteurs sont surtout précieux
par les renseignements qu'ils fournissent sur les événements
^'^ Tculi.'l, Laijvlles (la Trésor des ckarlcs , I. ll,|j. a3i.
— :}i>i —
publics, sur le droit féodal, sur radministralion et sur une
l'oule de détails de la vie j)rivée dans les villes et les caiii|)agnes
au cours du xuf siècle. Il est encore nécessaire d'y recourir
i)Our riiisloire des familles et des personnages qui ont joué un
rôle dans les annales de cette époque. Les fragments que
M. Alfred llichard nous a fait recouvrer renferment plus d'un
nom qui mérite d'être relevé. J'en citerai seulement deux
exemples :
Depuis les travaux de notre savant et regretté confrère
M. le comte Paul Uiant, Robert de Clari, l'auteur de la rela-
tion de la conquête de Constantinople en lao/i, occupe une
place d'honneur parmi les historiens français du xni" siècle. Il
importe de recueillir tout ce qui le concerne, lui ou sa famille.
A ce titre, nous avons à signaler le paragraphe 21 de nos
fragments, qui doit se rapporter, sinon au chroniqueur, du
moins à son héritier. En voici la substance.
En 12/17 ou en 12/18, Robert de Clari se plaignait de
Pierre Le Fèvre, jadis prévôt de Péronne, qui, environ onze
ans auparavant, l'avait injustement troublé dans la jouissance
d'un bois acheté de Jean de Maurepas et tenu de Mathieu de
Hardecourt. Pierre Le Fèvre avait prétendu que ledit bois
devait être tenu du roi, et, quoiqu'une enquête eût établi le
contraire, il avait exigé le payement d'une somme de 20 livres
parisis pour en rendre la saisine à Robert de Clari, à qui
cette afl'aire avait, en outre, occasionné des frais s'élevant à
ao livres parisis. Deux autres membres de la même famille
figurent comme témoins : Monard de Clari, dans les para-
graphes 21 et 20, et une femme «Oda de Clari», dans le
paragraphe 22.
Parmi les personnes dont le témoignage est invo(jué à l'ap-
pui de plaintes dirigées contre les prévôts d'Alhies et de Chepi,
on remarque Simon La Truie (S 16), Colard La Truie et Vw-
naud, frère de celui-ci (^29). Il convient, je crois, de relever
— 322 —
ces noms; ils pourraient bien , en effet, s'appliquer à des mem-
bres de la famille d'un chevalier lorrain qui s'est illustré par
ses exploits et par son dévouement à Philippe Auguste. M. le
comte de Pange, dans un récent travail, a très habilement
et très exactement résumé les hauts faits de Gérard La Truie,
un des héros de la journée de Bouvines*'^.
Philippe Auguste avait récompensé les services de Gérard
en lui donnant une terre située en Normandie, et plus tard le
château de Seraucourt, aux environs de Saint-Quentin. Mais
le roi Louis VIII profita d'un voyage de Gérard La Truie à (]ons-
tantinople pour lui reprendre le château de Seraucourt, dont
la restitution fut énergiquement réclamée en 12/18 par le fils
du chevalier dépouillé, appelé comme son père Gérard La
Truie ^'l
On peut se demandersi Colard, Renaud et Simon La Truie,
mentionnés dans nos fragments, n'appartenaient pas à la
môme famille.
Les quarante-huit derniers articles de nos fragments ont
trait aux réclamations que différents habitants de la ville et
des environs de Saint-Quentin en Vermandois se croyaient au-
torisés à émettre contre les juifs qui leur avaient prêté de
l'argent. Dans la plupart des cas, il n'est question que de
sommes «usurairement extorquées 5; ; trois fois seulement
(S 107, 120, i3i) on parle de la perte des objets engagés
chez les prêteurs.
Le nombre des juifs mis en cause est considérable. Il v en
a au moins une cinquantaine; presque tous devaient avoir eu
leur établissement dans la ville de Saint-Quenlin.
(') Le patriotisme français en Lorraine antérieurement à Jeanne d'Arc (Paris,
1889, petit in-8°), p. Sg et suivantes. Une reproduction du sceau de Gi-
rard: SlGILLUiM GiRARDI SuiS, se trouve en tète du volume de M. de
Pnnp,c.
^'* Lu plaint'.' Je Gérard sera dans le liccucU des Instoricns , t.. \XIV, p. 258.
— 323 —
Il peut y avoir quelque intérêt à en relever les noms
3i.
Agnes, 87, 88, 9/1, 107, 109,
110, 11-2, llG, 117, 191,
12^, iq6, 129, i3o, i3i,
182.
Alla Agnes, 109.
Agnes de Perona , 1 06.
Agnetis marifus, 110.
Agnetis soror, 112, 127,
Agnetis frater, 116.
Arnulpbus deRoie, 11 5.
Aunee de Lelor, 106.
Bienvenus, 85, 86, 96, 101,
128.
Soi'or uxoris ejus ,101.
Bonecbose, 96, io5.
Bonelille, Boene fdie, 98, 99.
100.
99-
Ejus iixor
Bonete, 98.
Bone\ne, 87, ii3. ii5, 120,
127.
Ejus uxor. 1 13.
Croissans, 111.
Daniel, 88, 98, 102, 10^, 110,
11/i, 118, 119, 120, 127,
128.
David, 120.
Dieudonés, 9A, 12^.
Donatus, 107.
Durea, Durée, 89, 90 , 92, 119,
i3o.
Durée marilus, 89.
Elias, Helias, 118 , 122.
Emmelina, i3o.
Fioria , io4, 129.
Founière, i3o.
Helias, Elias, 118, 122.
Hixas ,90.
Honorata, i3o.
Jacob, 85, 92,98, i3o.
Joseps de Capi, 127.
Josses, 10/i.
Juete, i3o.
Liones, 106.
Manasseriis, 97, 119.
Margha, 126.
Margœ maritus ,127.
Margbareta, 101.
Matheus, 98, 120.
MeJia, 106.
Meliola, Meliole, 102, loû, 107,
117, 128, 125, 198, i3o.
Onorata, 180.
Précieuse ,119.
Precieuseus, i3o.
Rebeuse, 97.
Samuel, ii5. 122,128, 127.
Samuel is fîlia, 121.
Sanso, 106.
Sones , 1 1 5 , 129.
Vivans, Vivanus. gi. io5, loC),
1 17, 128.
Vivani uxor, 91.
Ysaac, 88, 98, io3, 11/1,116,
118, 128, 127.
Ejus mater, 116.
Yvo (]o Rnie, q5.
Les plus anciens actes incriminés remontaient à neuf ou
dix ans; les plus récents à trois ou quatre seulement. Ces der-
— 32/i —
niers avaient coïncidé avec une expulsion des juifs : A tribus
(innis, Agnes et soror ejus, jucha, delulenint vadia sua quamlo fu-
frati fucrunt a villa (S i3i). Si mes conjectures sur la date de
l'enquête sont fondées, la mesure dont les juifs de Saint-
Quentin furent victimes devrait se placer vers l'année i 2 45.
Dans les autres registres des enquêteurs royaux, je n'avais
point rencontré de séries de plaintes relatives aux prêts usu-
raires des juifs. Il est cependant facile de s'expliquer comment
des plaintes de ce genre ont dû être recueillies au cours des
enquêtes ordonnées par saint Louis. Lorsque les juifs furent
expulsés de Saint-Quentin, tout ou partie de leur avoir dut
être confisqué et vendu au profit du trésor royal. Saint Louis
se croyait sans doute autorisé à recueillir la fortune des juifs;
mais il aurait eu scrupule de retenir ce qui, dans cette for-
tune, provenait de gains illicitement obtenus au détriment
des chrétiens. C'est là une observation importante qui peut se
déduire des fragments mis sous les yeux de l'Académie. J'en ai
tiré une autre conséquence. C'est qu'il faut rattacher aux
procès-verbaux des enquêteurs de saint Lonis un double
feuillet qui sert de garde à un manuscrit de la Sorbonne. au-
jourd'hui n" 16/171 du fonds latin à la Bibliothèque natio-
nale.
Sur ce double feuillet, dont l'écriture rappelle assez bien
celle de plusieurs registres des années 12/17 ^^ 12/18, on
trouve une cinquantaine de réclamations tendant à faire rera-
bourser des sommes qu'avaient touchées à titre d'usure ou
d'intérêts un homme et une femme désignés par les initiales
J. et H., très vraisemblablement deux juifs, dont les biens
avaient été confisqués par les gens du roi. Les emprunteurs se
croyaient parfaitement fondés à réclamer la restitution des
intérêts qu'ils avaient pavés; plusieurs d'entre eux avaient
même déjà reçu un commencement de satisfaction. C'est ce qui
se déduit très clairement de l'article 1 5 du fragment: Odiha
— 325 —
d4i Caviunclc, jurata, non hahens testem, thcit se et mar'iliim suum,
nJio tempore, quanào fiehal rcslilucio pro dicUs J. et H. , petwisse l
solidos parisiensium. Rehabutt autem a sohdos olb[orum\. Petit
autem residuum sibi reddi (§ i 5).
Je n'ai plus qu'une observation à présenter sur les frag-
ments découverts par M. Richard, qui formeront désormais à
la Bibliothèque nationale le n° h'j i du fonds latin des nouvelles
acquisitions. Les feuillets dont il est question ont été employés,
comme on l'a vu, à recouvrir trois exemplaires d'une c^Chres-
tomathie grecque, avec lexique grec-français w. Je crois être
certain que cette chrestomathie est l'ouvrage classique qui
parut en 1828 à la librairie d'Auguste Delalain sous le titre
suivant : Clirestomathia ex linguœ grœcœ scriptoribiis. Secunda
edkio (Paris, Delalain, 1828, in-8''). Le livre ainsi intitulé
est l'un des premiers ouvrages de notre ancien et respecté
confrère M. Joseph-Victor Le Clerc; il en existe quatre édi-
tions, datées de 1812,1818, 1828 et 1827. La première et
la dernière contiennent le texte et la traduction; les deux
autres ne renferment que le texte grec. C'est après coup qu'on
paraît avoir ajouté dans la troisième édition, celle de 1828,
un Lexique grec-français de tous les mots contenus dans la Chres-
tomathie, par MM/m**"" et J5**" (in-8° de 88 pages). La
Bibliothèque nationale possède de cette troisième édition deux
exemplaires brochés , dont le premier ne contient pas le lexique ;
l'un et l'autre portent au dos une étiquette imprimée, ainsi
disposée :
CHRESTOMATHIE GRECQUE.
SECONDE Édition"', 1823.
Telle était, parait-il, l'étiquette des premiers exemplaires
sortis en 1828 de la librairie de M. Delalain. On dut faire
f" C'est-à-dire seconde édition de la Chresloraafliii> ne renfermanl que le
texte «jrec.
— 3-2(1 —
imprimer un peu plus lard, pour les exemplaires restés en
magasin, une autre étiquette, celle qui était au dos des car-
tonnages trouvés à Poitiers.
C'est donc vers l'année 1828 ou 182/1 qu'un registre des
enquêteurs de saint Louis fut abandonné à des relieurs char-
gés de cartonner les ouvrages classiques de la maison Dela-
lain. Assurément les trois volumes dont M. Richard a trouvé
les couvertures à Poitiers ne doivent pas être les seuls exem-
plaires de la Chrestomathie de 1828 qu'on ait revêtus de
feuilles de parchemin avant appartenu au précieux registre
dont ils nous ont révélé l'existence.
Les librairies et les bibliothèques pourvues des livres qui
servaient aux écoliers du temps de la Restauration renfer-
ment peut-être des volumes couverts de fragments analogues
à ceux que je viens de faire connaître. Je ne regretterai pas
d'en avoir fait la remarque, si des recherches dirigées de ce
côté amènent un jour la découverte de nouveaux feuillets
des procès-verbaux des enquêteurs de saint Louis.
N-' XXIV.
RÉSUMÉ ANALYTIQUE
D'UN MÉMOIRE SUR DAMASCIUS ET SON TRAITÉ DES PREMIERS PRINCIPES,
PAR M. CH.-ÉM. RUELLE.
(séances des 33, 30 AOÛT ET 6 SEPTEMBRE 1889.)
Les écoles néoplatoniciennes d'Alexandrie et d'Athènes ont
produit un grand nombre de travaux sur le Parménuk et sur
la question des premiers principes, qui en est le sujet. On peut
citer entre autres ceux de Porphyre, Jamblique, Longin, Plu-
tarquo d'Athènes, Proclus, Marinus, Damascius, et un ano-
nyme dans lequel nous croyons reconnaître Olympiodore le
Jeune. Les deux principaux de ces ouvrages parvenus jusquà
— 3-27 —
nous sont le commentaire de Proclus et le traité de Damascius
intitulé Anopicit xai Xvasis -srepJ tôjv ^prjjcov àpy^ôjv , Doutes et
solutions sur les premiers principes, texte dédoublé dans plu-
sieurs manuscrits, notamment dans le prototype ''^, où la se-
conde moitié reçoit un nouveau titre : Doutes et solutions sur le
Parménide de Platon.
La première partie de la présente communication est consa-
crée a la description des trente manuscrits contenant le texte
de Damascius. On la trouvera dans la préface de l'édition de
ce texte, actuellement sous presse. La seconde traite do la
composition du 'aep) àp)(^cov, dont nous essaierons de démontrer
l'unité, contrairement à l'opinion de plusieurs bibliographes,
soutenue récenmient par M. Emile Heitz, professeur à l'Univer-
sité de Strasbourg t-'l Nous reprenons une dernière fois cette
question, discutée déjà en 1 8 6 1 dans notre Notice sur le philosophe
Damascius, et en 1 88^ au cours de la Note sur le Marcianus aâG
insérée dans les Mélanges Graux. Nous croyons apporter de
nouveaux arguments en soumettant le litige au jugement de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres '^^
La troisième partie a pour objet de mettre en relief l'im-
portance du -zsepi à.pywv. Enfin la quatrième et dernière en
expose le contenu et les rapports avec les autres ouvrages
de l'Ecole relatifs au même sujet.
<!' Bibliotliùque de Saint-Marc, à Venise, u" 9/16.
W Der Philosoph Damascius {Strasshurger Abhandhingen :ur Philosophie,
i884).
<^' L'Académie, soit ofTiciellement, soit dans la personne d'un grand nombre
de ses membres, a prêté son appui et son concours effectif à notre publication
du texte intégral de Damascius. Voir les comptes rendus des séances tenues les
i5 février 1878, 10 juin et 8 juillet 1881. Je dois ajouter que cette publica-
tion a trouvé aussi d'encourageantes sympatliios dans le sein de l'Académie des
sciences morales et politiques.
xvn. 33
;tirciurnit xtTioÂitK
— 328 —
1, NOTICE DES MANUSCRITS.
Nous nous bornerons dans cette analyse à une simple no-
menclature.
1. A. (R dans la notice de i86i). Venise, Marcianns 2^6. ix'oux' s.
2. A\ Paris, n° 922 du snpple'ment jjrec. Copie du précédent, xix' s.
3. B. (Ci-devant S). Venise, Marcismus 2/17. w' s.
Ix. G. (Ci-devant Q). Venise, Marcianns 2/i5. xv° s.
5. D. Milan, Ambrosianus G. 58 sup. xv° s.
Tous les manuscrits qui vont suivre dérivent plus ou moins
directement des manuscrits A, B, C, D.
G. A. Paris, Bibliothèque nationale, n°' 1987 et 1988. Commen-
cement du xvii^ siècle.
7. B. Paris, Bibliothèque nationale, n" 1989. xvi' s.
8. c. Paris, Bibliothèque nationale, n° 1990. xvii° s.
9. D. Strasbourg, Bibliothèque du séminaire protestant C. VI. 3i.
(Brûlé en 1870 lors du bombardement de cette ville.) xvi^ s.
10. E. Munich, Bibliothèque royale, n" 5. xvi' s.
11. F. Hambourg, Bibliothèque pubhque, fonds philos, gr. in-fol.
11° 1. xvi' s.
1 2. G. Cabinet de Sir Thomas Pliillipps à Cheltenham (ms. acquis ré-
cemment, croyons-nous, par la Bibliothèque de Berlin), xvi' s.
i3. H. Oxford, Bibliothèque bodléienne, fonds du collège Corpus
Ciiristi n° i58. xvi' s. (xv' selon Coxe).
t/i. i. Oxford, Bibliothèque bo.lléienne, fonds de John Fell. xviu* s.
Copié sur le précédent.
i5. j. Madrid, Biblioteca nacional 0. à. xvi" s.
16. K. Escurial, S. II. 2 (n° 77 du catalogue de Miller), xvi' s.
17. L. Escurial, T. 1. i/j (n° i3i de Miller), daté de i5Zn.
18. M. Escurial, <I>. I. 19 (n° 194 de Miller). xvi° s.
19. N'\ Milan, Bibliothèque ambrosienne, C. 269 inf. xvi" s.
90. N**. Milan, Bibliothèque ambrosienne, T. ii3 sup. xvi' s. j
2d. 0. Rome, Bibliothèque valicane, n" i2o3. xvi' s. '*
22. o\ Rome, Bibliothèque vaticane, n" iliho. xvi* s.
20. o"* et o\ Rome, Bibliothèque vaticane, n°' 1765 et 1791. Ces
deux volumes réunis contiennent le texte entier de Damascius. xvi' s.
— 329 —
a/i. o\ Rome, Bibliollièque barberino, I. 60, o/àw 622,daté de i584.
95. p. Florence, Bibliothèque laiireiilienne, 86, 5. xvi' s.
26. p\ Florence, Bibliothèque riccai-dienne, n° 5i (olini K. 1 1, 29).
XV" et xvi' s.
27. s°. Padoue, Bibliothèque de l'Université', n" 22A7. Commence-
ment du xvii' s.
a8. s\ Naples, Bibliothèque royale, III. D. 11. xv' ou xvi' s.
29. T. Bàle, Bibliothèque de TUniversitë, F. II. i\ date de i5/i6.
30. V. Upsal, Bibliothèque de l'Université', ms. gr. 6/i. xvi° s.
Des données que nous avons pu recueillir sur ces divers
manuscrits re'sulte le stemma suivant :
VI s.
■ a texte original.
via* s. (?), en e'criture onciale (?) /3 antigraphe de A.
ix' ou x' s.— A
XV s.
xvr s.
D-
1
B
(i5^i)
o" (i58A) M
o'
XV1*-XVII° s. s' H-
C(l6l0?) A
xviii° s.
XI x' s.
T(i5/J6)
II. DNITÉ DD TEXTE.
Le prototype A (Marcmnus 2/16), sa copie directe G et ies
manuscrits e, j, o*'' présentent, vers le milieu du texte, une
33.
— 330 —
lacune que les copistes ont indiquée en laissant plusieurs feuil-
lets blancs entre les mots èitei xatà akrjOzictv ovSè avec lesquels
se termine l'édition donnée en 1826 par Joseph Kopp, et les
mots Ta? àyLeOintovs laîç iieOtmous ^ etc., qui forment le début
de la partie restée inédite jusqu'à notre publication. Le pro-
totype, à la fin de cette dernière partie, porte la souscription
suivante, qui est de première main : La^aamou SiaS6)(^ov els
rov UXaTCovos Tla.pixsviSriv ànopi'at Jia) "'XvŒSts (sic) dvTiTrapa-
r£iv6[xsvai toïs els avrov vTioiLvyj^aaiv tov (pi'Xocroipov. TéXos.
Cet état de choses fait voir que , dès le temps oii le Marcianus A
fut exécuté, les deux parties séparées par la lacune étaient
considérées comme formant chacune un ouvrage distinct. 11 est
probable que son antigraphe admettait cette distinction, c'est-à-
dire l'existence d'un traité des premiers principes et d'un
commentaire sur le Parménide qui aurait été en même temps
un examen critique du commentaire composé par Proclus sur
ce dialogue. L'état du prototype est le principal argument de
M. Em. Heitz en faveur de cette distinction. Il s'étonne que
J. Kopp et moi (il aurait pu impliquer Victor Cousin dans la
même critique), nous ayons admis l'unité du texte et la conti-
nuité des deux parties qui le composent. Il tend à démontrer
en outre l'existence de deux ouvrages en alléguant : 1° que
Proclus est nommé dans le premier, tandis que dans l'autre ce
philosophe est désigné seulement par le mot a:;TO?; 2° que
dans le premier ouvrage aucune des questions traitées n'a reçu
un titre, tandis que le second en présente plusieurs.
Quant à l'état des manuscrits, il faudrait, pour s'en faire
un argument, oublier que les copistes ont souvent dénaturé
la disposition des textes, modifié les titres, changé même les
noms des auteurs. En second lieu, Proclus n'est visé que trois
fois avec mention expresse de son nom dans la première partie,
et dans la seconde le mot avTos désigne tantôt Proclus, tantôt
l'auteur du Parménide. Pour T<'pondro au troisième argument
— 331 —
de M. Heitz, il sudit d'observer que la première partie com-
portait une seule division, irrep} (xeOé^ews, «sur la partici-
pation», et que les rubriques reconnues dans la seconde ont
pu fort bien être ajoutées par les copistes, d'autant plus
que dans le prototype elles figurent toujours en marge du
texte.
Voici maintenant nos raisons pour établir l'unité de l'ou-
vrage, admise par la généralité des philologues qui ont parlé
de Damascius, notamment Thomas Hydc, Th. Gale, H. Dod-
well, Lucas Holstenius, Clavier, Thomson, Victor Cousin- et
notre excellent maître Emile Egger.
Damascius semble avoir aflirmé cette unité : Ka< ha (jd)
àiroalôjyisv tov rsep) àç)-)(f2v Xéyeiv ... et Et, pour ne pas nous
écarter de notre sujet, les principes*?. . . , dit-il, à la fin de
la seconde partie (Marcianus A, fol. /j3o r", p. 3i A de notre
édition).
De plus, la question de la c^ participation 33 commence dans
la première partie et se termine au début de la seconde, ce
qui marque la continuité du texte.
M. Heitz, en faisant commencer le commentaire de Da-
mascius sur le Parménide avec la seconde partie du texte,
semble n'avoir pas remarqué que cette exégèse lient déjà une
grande place dans la première; qu'en effet les pages i6y,
967, 009, 335, 386 de Kopp visent respectivement les
pages i39, i3/i, i3'7, i38 et i/i3 du Parménide (édition
d'H. Eslienne). A vrai dire, le texte de Damascius est tout en-
semble un traité des premiers principes et un commentaire sur
le Parménide. Sur les neuf hypothèses examinées dans ce dia-
logue, les deux premières sont discutées dans la première moitié
de ce texte. Chez notre philosophe, comme chez Proclus, la pre-
mière hypothèse c^ Si l'un existe 33 occupe une place hors de toute
proportion avec le reste. D'autre part, Proclus lui-même a fait
observer que le dialogue a pour objet la connaissance des
— 332 —
premiers principes '^l II se range parmi ceux qui le qualifient
SidXoyos Tsspi àpyôûv'^^^ et plus loin il ajoute : ^Disserter sur
l'un-tout, c'est en quelque sorte écrire un traité des prin-
cipes w : ô 'a£p\ Tov évos 'csavcos SioXeyoïxevos •zffsp) àp)(/ov âv
'zsoio7to tov "koyov^^^ Victor Cousin, en annotant cette phrase
dans sa seconde édition de Proclus (p. io/i8), a fait une ré-
flexion que nous livrons aux méditations de notre contradicteur :
«Haec tenenda sunt, si quis intelligere velit cur Damascii com-
mentarius in Parmenidem inscriptus sit ^sp) àpyjSv. 55 11 rap-
pelle en outre le passage de Proclus situé plus bas (p. 1008),
cil Plutarque d'Athènes est cité comme ayant émis fopi.nion
que le dialogue du Parménide n'est autre chose que •srspî
àpyS)v 'sspcty^ict.iziaS''^^.
Damascius semble avoir établi lui-même la connexité des
deux parties dont on voudrait faire deux ouvrages distincts.
Nous avons cru reconnaître cette intention en rapprochant di-
vers passages de l'édilion Kopp et ceux du texte nouvellement
édité où, suivant nous, les mêmes passages sont visés. Les
citations sont reproduites dans notre mémoire.
Partie nouveliement éditée. Partie éditée par Kopp.
Marciamis A, fol. 200 r" f. (fine). Page i5i.
Marcianus, foi. 269 v" m. (medio). Page i55.
Marciams , fol. 286 v° m. Page i5o.
Marcianus, fol. /108 r° f. Page 20.
Réciproquement, notre auteur, au début du 'zssp) oLpyfiv,
voulant citer une assertion de Platon énoncée à la fin du
Parménide, l'indique par le mot ts.Xevtwv, sans nommer le
dialogue; nous en concluons que le Trepi àpywv est, dans son
intention, un commentaire sur le Parménide.
'•' Théologie platonique , p. 19.
(') In Parmenidem , t. VI, p. 8 Cousin. *
*) Ibid., p. 1/1.
(') Ihii., p. 27.
— 333 —
III. IMPORTANCE DR L'OUVRAGE.
Le nlillosopbc Daniascius, suivant une remarque de M. Er-
nest Renan ''\ tient une place dans la transition des doctrines
néoplatoniciennes à celles des Arabes et de la scolastique.
Aussi le 'zsep) dpx^cov est un des textes philosophiques qui a été
transcrit le plus fréquemment. Neuf savants, depuis Dodwell
jusqu'à Ottfried Millier et M. Egger, ont exprimé les uns l'in-
tention de le publier, les autres le désir de voir exécuter cette
publication. M. Guigniaut, par son initiative si autorisée,
nous a déterminé à la compléter. C'est que Damascius, dans
ce vaste ouvrage, nous a conservé le souvenir, sinon la repro-
duction textuelle, des opinions consignées dans des traités qui,
pour la plupart, ne nous sont pas parvenus, notamment dans
la seconde moitié du commentaire de Proclus sur le Parmé-
nide. 11 cite tour à tour Porphyre, Jamblique, Eudème le
Péripatéticien, Amélius, Syrianus, Phérécyde de Syra, Phi-
lolaùs, Plutarque d'Athènes, Protagoras, Speusippe, Straton,
Syrianus, etc., les philosophes chaldéens, babyloniens, phé-
niciens, égyptiens, héliopolitains, pythagoriciens, helléniques,
phrygiens, perses et les mages. On trouve chez lui une multi-
tude de notions sur la théogonie orphique et chaldéenne.
IV. CONTENU DD 'S!£pi àpywv ,
SES RAPPOnTS AVEC D'ADTRES OUVRAGES ANALOGCES.
Le mémoire analysé ici donne le sommaire des questions
traitées pnr Damascius, auquel il faut joindre à titre de com-
plément Xlndcx copitum par lequel se termine notre édition.
L'auteur a visé plus d'une fois le commentaire de Proclus sur
le Parménide , son Inslilulion tk'ologique, et surtout sa Tliéologie
platonique, dont nous avons jugé utile de donner une analyse
(') Averroès el l'Avm'oisinc, 3' éd., «867, p. q-.î.
— 33/1 —
succincte, au moins quant aux parties où l'auteur commente
le Parménide. On remarquera que Damascius a suivi presque
de point en point le plan adopté par Proclus, en grande partie
d'après son maître Syrianus.
Nous terminons en recommandant, à ceux qui voudront
s'initier aux matières traitées par Damascius, la lecture des
Ennéades de Plotin (la traduction de M. Bouillet en a singu-
lièrement facilité l'accès aux personnes qu'un ouvrage aussi
étendupourrait effrayer), et surtout celle de deux ouvrages de
M. Jules Simon, son livre intitulé Du commentaire de Proclus sur
le Timée de Platon et sa thèse doctorale : Etudes sur la Tliéodicée
de Platon et d'Aristote. Il faut bien reconnaître que la littérature
néoplatonicienne offre au premier abord des difficultés re-
butantes, mais on devra nous accorder aussi que tout esprit
curieux de suivre le chemin parcouru de Platon à Damascius et
Olympiodore commercera volontiers et non sans charme avec
ces philosophes de la k Chaîne d'orjj qui, à force de décom-
poser les idées abstraites et de varier les combinaisons de la
pensée, ont porté la métaphysique et la théodicée jusqu'au
raffinement le plus invraisemblable.
N° XXV.
NOTE SUR UN CYLINDRE CHALDEEN APOCRYPHE DU MUSE'E BRITANNIQUE,
PAR M. JOACHIM MENANT.
(séance du 20 SEPTEMBRE l88g.)
Vous voulez bien vous rappeler que dans une de nos séances
précédentes (2 août) j'ai eu l'honneur de vous exposer les
considérations qui m'ont porté à douter de l'authenticité d'un
cylindre en pierre dure, gravé au nom d'Urkham, un des
plus vieux souverains de la Chaldée. Ce cylindre, qui appar-
tenait au commencement du siècle au D' John Hine, à Bag-
— 335 —
dad, a été connu d'abord, vers 1820, par les dessins de
Ricli et de Ker-Porter, et a été donné, en 1880, au Musée
britannique par M. Cobham, commissioner à Larnaca. Mes
observations ne pouvaient passer inaperçues, à cause du haut
intérêt qui s'attache à ce monument; aussi je n'ai pas été
surpris de la teneur d'une lettre qui m'a été communiquée
par le secrétariat, dans laquelle M. Cobham prétend détruire
la portée de mes observations, en affirmant qu'il a recueilli
ce cylindre dans la succession du D"^ John Hine, son premier
possesseur, et qu'il n'est pas sorti de ses mains depuis cette
époque, jusqu'au moment où il en a fait don au Musée bri-
tannique.
Celte lettre est ainsi conçue :
Larnaca de Chypre, 28 août 1889.
Monsieur le Secrétaire ,
Les journaux le Temps, h août, et le Journal officiel, 7 août, parlent
d'une notice lue dans votre se'ance du 2 août par M. Joachim Menant, sur
un cylindre chaldëendu Musée britannique dont l'authenlicité lui inspire
des doutes. Sur un point relevé par M. Menant, c'est moi, et moi seul,
qui peux [et dois] rassurer le savant auteur et ses illustres collègues de
l'Académie.
Le D' John Hine, ci-devant du département médical du Gouvernement
de Bombay, et pendant de longues années attaché à la résidence de Sa
Majesté Britannique h Bagdad, mourut le 18 mars 1869 à Leeford,
Exmouth, Devonshire, où depuis au moins vingt ans il avait sa demeure.
Peu de jours après ses funérailles, ledit cylindre me fut remis (j'étais
voisin et légataire du défunt) par un des exécuteurs de son testament;
et jusqu'au moment où j'en fis don au Musée britannique, c'est-à-dire
au mois de septembre 1880 , ce petit monument ne m'a jamais quitté.
Veuillez agréer, etc.
G. Delasal Gobham.
Pour bien comprendre le peu de portée que ce cerlijical doit
avoir dans un débat sérieux qui pourrait s'élever, si on vou-
lait établir l'authenticité du monument, je rappellerai, en
— 336 —
quelques mots, le sujet du cylindre et la nature de mes obser-
vations.
Le sujet représente un personnage divin assis sur un trône ;
devant lui, un pontife présente à la divinité un initié qu'il
conduit par la main; derrière l'initié un second pontife élève
les mains dans la pose de l'adoration ou de la prière ; enfin,
une inscription fait connaître le nom du souverain pour lequel
ce monument a été gravé. C'est le type ordinaire des cylindres
de cette époque.
Mes observations portent sur deux points : i" sur l'authen-
ticité du sujet, tel qu'il a été présenté pour la première fois
par Dorow, en 1820; 2° sur le cylindre lui-même, que j'ai
étudié au Musée britannique, et qui est conforme à la gra-
vure publiée par Dorow.
Quant au premier point, je me bornerai à rappeler aujour-
d'hui un certain détail très caractéristique. Le trône, sur
lequel repose la divinité, a pour support un pied de biche; or
je n'ai rencontré cette forme sur aucun monument de l'époque
ou de la localité à laquelle le cylindre doit appartenir, d'après
les indications de l'inscription. Je passe sur les considérations
accessoires; cette remarque est suffisante pour préciser le
point capital du débat. Mon affirmation est du domaine de
l'archéologie pure, et repose sur l'observation de plus de
1,5 00 cylindres assyro-chaldéens de toutes les époques que
j'ai étudiés, soit directement, soit sur des moulages. Cette
affirmation ne pourra donc être détruite que par une preuve
de la même nature, en étabHssant, par la production de
monuments que j'ignore, que ce détail du trône de la divi-
nité n'est pas insolite en Chaldéc sous les rois du premier
empire.
Quant au second point, je me suis borné à constater que
le cylindre était conforme au dessin de Rich; et, dès lors,
j'ai supposé qu'il pouvait en être la copie. J'ai ajouté, il est
— 337 —
vrai, que la facture des personnages accuse une confection ré-
cente : je vais m'expiiquer, et, en cela, je remercie M. Gobham
de m'en fournir l'occasion. On ne peut nier que le sujet du
cylindre ne soit de tout point identique au sujet de la gra-
vure; mais je conviens qu'on peut me demander ce que j'en-
tends par une confection récente. Cette confection récente est
très relative, je n'y ai point assigné de date; aussi j'admets vo-
lontiers que M. Gobham a recueilli ce monument, tel qu'il est
aujourd'hui, dans la succession de John Hine; je n'ai aucune
raison de douter de sa déclaration loyale et sincère. J'irai plus
loin, j'admets même que c'est peut-être le cylindre sur lequel
Rich a fait son dessin ; tant je suis désireux de rendre hom-
mage à la bonne foi des possesseurs de ce curieux objet. Je
n'aurai ainsi reculé que de quelques années l'époque de sa
confection, car on a fabri([ué à tous les âges, pour une raison
ou pour une autre, de fausses antiquités. Que signifie un
siècle, ou plusieurs si l'on veut, en présence de la date (au
moins vingt siècles avant notre ère) à laquelle nous reporte le
nom gravé sur ce cylindre? et, dès lors, en quoi la lettre de
M. Gobham vient-elle détruire les preuves archéologiques que
j'ai présentées pour établir que ce cylindre est apocryphe?
Cependant ce monument a sa raison d'être ; ce n'est pas une
œuvre de fantaisie. Il est certain, pour moi, qu'il a dû exister
un c\]indrc authentique d'Urkham dont celui du Musée bri-
tannique est la copie plus ou moins fidèle et qui se retrouvera
peut-être. Ce n'est pas le premier monument de ce genre qui
aurait été copié dans l'antique Chaldée à une époque récente,
par exemple sous les rois du second empire. Au vi" siècle
avant notre ère, le goût de l'archaïsme poussait les gra-
veurs à copier d'autres monuments qui sont parvenus jusqu'à
nous; cette remarque a été déjà produite, avec une grande
sagacité, par F. Lenormant. Ces copies ont été faites avec plus
ou moins de soin; ici, le graveur n'a pas suivi scrupuleuse-
— 338 —
ment son modèle et il y a ajouté un détail de fantaisie qui
avait cours alors, mais qui décèle son origine.
La seule conclusion à laquelle on peut arriver, tant que la
preuve archéologique que j'ai apportée ne sera pas détruite,
c'est que John Hine, Rich et Ker-Porter ont été trompés.
Personne ne leur en fera aujourd'hui un reproche; car ils
n'avaient aucun moyen de contrôle, et nul ne pouvait les
éclairer ni sur l'authenticité du sujet ni sur les incorrections
qu'il présente.
N" XXVI.
UNE MONNAIE BAGTRO-CHINOISE BILINGUE DU PREMIER SIECLE AVANT
NOTRE ÈRE^'^, PAR M. TERRIEN DE LACOUPERIE, DOCTEUR ES LETTRES
ET EN PHILOSOPHIE.
(séance du 20 SEPTEMBRE 1889.)
La rencontre sur un même monnayage d'une légende en
caractères indo-baclriens à base araméenne^-' et d'une autre
légende en symboles chinois est un fait intéressant à plusieurs
points de vue, et qui mérite quelques instants d'examen.
(') Pour la transcription des noms étrangers : a, e,i, o comme en italien ;
i«=oîi; il = Vu français; sh =^ sch allemand = di français; tch = ch anglais = isch
allemand.
(^) Dans nn article intitulé Did Cyrus iniroduce writing into Iiulia? publié
dans le Babylonian and Oriental Record, de février 1887, vol. I, p. 58-6^,
j'ai indicpié quelques traditions d'après lesquelles l'alphabet indo-haclrien serait
une dérivation d'une écriture introduite en Orient par Cyrus et dont il resterait
quelques traces.
— 339 —
Le spécimen de co genre, unique jusqu'ici, qui fait l'objet
de ces remarques a été rapporté de Khoten, en Kashgarie ou
Turkestan chinois, bassin du Tarym, par Sir Douglas For-
syth '1', chef de l'expédition envoyée à Yarkand par le Gou-
vernement de Sa Majesté Britannique en iSyS.
L'original , qui est en bronze et non en fer comme on l'avait
cru tout d'abord, m'avait été prêté en 1879 par feu M. Ed-
ward Thomas, de Londres, correspondant de l'Académie, et
nous l'avons maintes fois examiné ensemble afin d'en amé-
liorer peu à peu le déchiffrement. Après la mort de ce numis-
mate distingué, il me fut prêté par Sir Douglas Forsyth, qui
lui-même est mort depuis, et j'ai pu en faire faire, au British
Muséum, l'électro-type parfaitement semblable à l'original que
je présente aujourd'hui à l'Académie '-'. Le regretté diplomate
et voyageur avait rapporté, du même endroit, un autre spé-
cimen également unique, de plus petite dimension, d'un
monnayage du même genre mais moins bien conservé. Sur la
face des deux pièces, au centre, un cheval, la tête à droite.
En exergue sur la plus grande, une inscription indo-bactrienne
en partie déchiffrable, tandis que sur la plus petite toute
trace de légende a disparu. Au revers, inscriptions chinoises
sur les deux pièces ^^'.
('' Cf. Journal nf the Royal Gpo^raphical Society, London, 1876, vol. XLVIf,
p. 12. Dans le volumi^ Autolnnjryaphy and Rontninœnces of Sir Douglas Forsyth,
edited by his daiiyhlci- Ktlici Forsyth, Londoii, 1887, je traduis Verbatim les
passages suivants : «J'ai plusieurs monnaies grecques et byzantines qui ont été
trouvées dans les ruines d'une \ille près de Kiria (à dnq étapes de Khoten)-?,
p. 218. tfUn antre individu, Ram Chund, que j'avais envoyé visiter Khoten,
m'apporta plusieurs monnaies, dont la plus remarquable est une
pièce en fer, apparemment d'IIermaeus, le dernier roi grec de Bactrianc, au
i" siècle avant le Christn, p. 983.
'"-' Les légendes de cet unique spécimen sont tellement usées et effacées que
des comparaisons répétées avec des légendes du môme genre sur des monnayages
différents ont été le seul moyen par lequel j'ai pu déchiffrer avec quelque certitude
presque tonte la légende chinoise et reconstituer la légende indo-bactrienne.
'^) Ces pièces ont été décrites sommairement pour la première fois dans le
— 340 —
En outre de ces deux curieux spécimens, le même voya-
geur avait rapporté du même endroit deux autres pièces de
types bien connus d'Antimachus II et de Ménander, deux rois
grecs de Bactriane, à légende bilingue, grecque et indo-bac-
trienne ^^l
Nous savons que les Chinois avaient étendu leur domina-
tion politique, non seulement dans le bassin du Tarym, mais
aussi à l'ouest du massif des montagnes Tsung-ling, et qu'un
certain nombre de petits États s'y trouvaient sous leur protec-
torat, vers le commencement du premier siècle avant notre
ère. Malgré les exagérations et l'enthousiasme patriotique des
historiens chinois, cette domination plus apparente que réelle
ne paraît pas avoir été jamais suffisamment importante pour
justifier l'émission d'un monnayage bilingue où leur écriture
compliquée eût joué un rôle. Et quand même cette influence
et cette domination eussent été suffisamment puissantes pour
établir une circulation monétaire spéciale, les résidents chi-
nois n'auraient pu introduire aucun autre type de monnaie que
celui qui avait cours à cette époque dans le royaume du Milieu.
Or la dynastie des Han, qui régnait alors, avait introduit
depuis l'an 1 18 avant notre ère un type unique ^^^ de monnaie
ronde, d'un pouce (-ij* ts'un) de diamètre, percé au centre
d'un trou carré, et portant la légende 3£ H wu tchu, «cinq
tchusj?. Cette légende avait remplacé celle de ^ '^ p'anliang,
t^ demi-once w, qui avait été employée sur des pièces d'une di-
mension successivement réduite depuis l'époque de la dynastie
des Ts'in, 221-206 avant notre ère^^^
Niimismalic chronicle, 1879, nouvelle série, vol. XIX, p. 276-281 : Coins from
Kashgar, pr le professeur Percy Gardner, rvilh a noie on the Geography of
Kashgar, par H. H. Howorlh.
(') Eiies ont été publiées dans le mémoire ci-dessus , Coimfrom Kashgar, p. 2 70.
(*) Cf. T. de L., Historical catalogue of Chinese money, vol. I, p. 36o.
(3) Tbid., p. 336-339. Sous les Han, la légende p'an liang fut maintenue en
186, 175 et i36 avant notre ère. — Cf. ibid.,f. 3/13-351, 355-357.
— Ul —
Mais les inscriptions chinoises des deux spécimens que nous
décrivons ici n'ont rien à faire avec l'une ou l'autre de ces
deux légendes.
Celle de la plus petite des deux pièces est écrite en carac-
tères chinois fort corrompus et imités d'une manière barbare
de la légende ^ :^. Le second de ces deux caractères repré-
sente le mot écrit depuis ^ff par l'addition du signe Jy kin,
afin d'éviter toute ambiguïté dans sa signification de «livre » ou
poids ^^'. Fan kin «demi-livre» est une inscription qui nous
est familière par plusieurs émissions monétaires faites dans la
Chine septentrionale, vers 3oo avant notre ère, décrites dans
mon «Catalogue historique des monnaies de la Chine an-
cienne ^'-^^ », que j'ai préparé pour le British Muséum et qui est
maintenant sous presse.
La légende chinoise de l'autre monnaie est beaucoup plus
compliquée. Au centre, on reconnaît une forme ornementale
et archaïque du symbole chinois ^ pei «précieux», qui re-
présentait autrefois les coquilles ou cauris qui servirent par-
tiellement aux échanges jusqu'à l'introduction de la monnaie
métallique au vif siècle avant notre ère^^^ L'exergue est si
usée qu'il est difficile de reconnaître plusieurs caractères. Il
m'a semblé pouvoir lire :
(ii)? n n m n sM
Tsien ? Ichung erh liang sze tchu.
Monnaie ? posant deux onces quatre tchus.
'•' Voir pour ce symbole le même ouvrage aux pages 26-27, 3o et 827, et
aux numéros 12A, 127-180 et 187 pour l'emploi du signe simple.
(*) Ibid., p. 19 et 28. — Voir par exemple aux numéros 117, 180 , 182 , etc.
'>•'' Sur cette question et la transition des cauries à la monnaie métallique,
on trouvera les indications historiques dans un article sur The metallic cauries of
Ancient China (600 B. C), que j'ai publié dans le Journal of tbe Royal Asialtc
Society of Great Britain and Jreland, 1888, vol. XX, p. /j28-i89. J'ai donné
«ne esquisse historique de la monnaie en Chine et au Japon aux pages 190-286
— 342 —
Les cinq derniers symboles ne sont pas douteux, mais le
second est presque complètement oblitéré ^^^; quant au pre-
mier, il n'est pas très sûr ; le premier de ses deux composants
est seul reconnaissable sans hésitation. |g ts'ien est le terme
employé comme désignation des pièces de monnaie à cette
époque; sa signification propre était celle d'un petit outil
d'agriculture en bronze que l'on avait trouvé commode autre-
fois pour les échanges et dont la forme avait été longtemps
conservée après l'établissement d'un monnayage régulier. Il
avait remplacé un mot plus ancien ^ tsiuen «sources, son
homonyme d'alors, tous deux ayant phonétiquement divergé
depuis. Tsiuen servait à dénommer d'une manière générale
tout ce qui servait de monnaie''^'.
Nous voyons par le premier symbole ts'ien de la légende, si
notre déchiffrement est exact sur ce point, que les deux pre-
miers signes n'étaient pas l'indication d'un nom propre, mais
simplement le nom de la pièce de monnaie. Les cinq carac-
tères suivants, qui ne sont autres que le poids k pesant deux
onces et quatre tchus??, correspondent à un type de monnaie
bien connu ^^', qui avait cours également au m" siècle avant
notre ère, principalement dans l'Etat le plus nord-ouest de
l'heptarchie chinoise, l'État de Ts'in, alors en lutte contre
les six autres Etats, afin d'obtenir la suprématie à laquelle il
de Coins and Medals. Their place in history and art, by the Aulhors of tbe Bri-
tish Muséum oflicial Catalogues. London, Elliot Stock, 1880.
") C'est peut-être ^^ hmg trcuivren.
(^' Aucun de ces deux termes ne figure avec cette acception dans le Shu-King,
dont le chapitre le plus récent se rapporte à i'an 69 5 avant Jésus-Christ ou en-
viron.
(^) Ce système de poids-monnaies eu l'orme d'anneaux plats appelés |^ liwan
était connu en Chine dès le milieu du x^ siècle avant notre ère et se trouve
mentionné dans le Shu-King, part. V, liv. XXVII , pour le payement des amendes.
Cf. mon Ilisloriccd Catalogue, p. 819. J'ai fait remarcpior dans le Bahylonian
and Oriental Record, avril 1889, p. 1 o3, que ce fait correspond avec l'apparition
d'inilucnces étrangères on Chine.
— 3^3 —
devait arriver peu après. Ce monnayage chinois différait tou-
tefois de celui que nous décrivons ici, en ce qu'il avait la
forme d'un anneau plat d'environ deux pouces de diamètre et
n'ayant do légende, laquelle décrivait le poids, que d'un seul
côté('l
Le monnayage représenté par les deux spécimens qui font
l'objet de cette communication appartient donc, en tant que
copies de légendes monétaires chinoises, à une époque anté-
rieure à celle où les armées des Han ont pénétré dans l'Asie
centrale. Ces légendes ont dû être empruntées par un peuple
voisin de la frontière qui, par ses relations avec les Chinois,
aurait reçu l'inlluence de leur civilisation, et appris quelque
chose de leur écriture et de leurs monnaies, à l'époque où les
légendes monétaires Tchimg . , . luing . . . tchu et Pan km,
lesquelles furent officiellement abolies en 22 i avant notre ère ,
étaient encore usitées.
Or, ce peuple ne pouvait être que celui des Yueh-ti'-' ou
Gwetù^^\ qui selon les annales de la dynastie des Han étaient
(') Des spécimens de plusieurs dimensions et poids ont été retrouvés. Ainsi
dans mon Hisloricnl Catalogue précité, les numéros 1601-1609 représentent un
anneau avec la légende Tchtuig yh liang sJnh s:e Ichu, «pesant un lianjr quatorze
ichu7)\ le numéro i6o3 : Tckung yh liang shih erh Ichu, «pesant un li(i)ig douze
tchu-n;\e numéro i6o5 : Tchitng shih erh tchu, «pesant douze tchttn, c'est-à-dire
un demi-limig. L'anneau-poids-monnaie de 1 Uavg 1 '1 tchu du Rrilisli Muséum pèse
170 grains ou 11 gr. oiO. Le spécimen baclro-cliinois ou plutôt lueh-ti, décrit
dans cette notice, pèse 220 grains ou \h gr. 956, pour a liang, U Ichu, ou
59 tchu; tes deux poids correspondent assez bien, car it faut tenir compte de
l'état respectif des deux spécimens; l'un est encrassé, l'autre est usé d'un
côté.
'^) Sur t'Iiistoire de ce peuple d'après les sources chinoises, cf. le mémoire de
M. Ed. Sppclitdans le Journal asialifjne, VIII° série, vol. II, et mon article sur
The Ytteh-li and the early Buddhist niissionarles in China, 1888 (réimprimé do
The Academy , 3i décembre 1887).
'^^ Ce nom des Gwel-li est écrit dans les textes chinois ^ ^ et ^ ^
qui se prononcent respectivement aujourd'hui ïueh-tchi et Yueh-ti en langue
mandarine. A l'époque des Ilan, le nom devait se prononcer Gwet-ti selon la
Iranscriplion cliinoise, mais nous ignorons sa forme originale, puisque c'est un
xvn. 36
lV;-.-.IUI hll-. .S.tllU\tLK.
— 3/i/j —
très florissants au uf siècle avant notre ère, dans la région
sise au nord-ouest de l'Etat de Ts'in, immédiatement au delà
des frontières dans le Kaiisuli actuel ^'^ Les Yueh-ti étaient,
selon les Chinois, un peuple au teint blanc et rose et, selon
leurs monnaies gréco-bactriennes, leur nez était généralement
de forte dimension. Après quelque quarante années de guerres
incessantes, ils furent cliassés vers l'ouest par leurs ennemis
acharnés les Turcs Hiung-nu, dont le chef ou Shen-iju^^ s'était
fait du crâne de leur roi une coupe à boire. Ils se firent route
vers l'ouest jusqu'au Ferghana, dans le voisinage duquel ils
s'établirent. Vers iZi3 avant notre ère, leurs anciens voisins
les Wu-sun, aux cheveux blonds et aux yeux bleus, d'accord
avec les Hiung-nu, les attaquèrent par derrière et les forcèrent
à fuir plus loin. En 199 avant notre ère, le ministre chinois
Tchang-kien, qui avait été envoyé après eux pour obtenir
leur alHance contre les Hiung-nu, alors en lutte avec le
nom propre étranger transcrit par à peu prùs à l'aide des sons attachés aux signes
idéographiques du Royaume du Milieu. L'ancienne forme chinoise nous est
connue à l'aide du phonétisnie archaïque de plusieurs dialectes chinois, tels que
le sino-annamite, ceux d'Eriiouy et de Canton. Ainsi Yuch ^ est encore E.
pwat Qi S. A. ngoal ou ngiujet. Le She-iuing, un dictionnaire du ii^ siècle de
notre ère, donne comme homonyme ^ qui est S. A. kuyet, C. hût et E, kw'at.
Les prononciations ajoutées d'ancienne date au Shwoh-Wen donnent comme ho-
monyme E^ qui est S. A. kwyet , C. hul et E. kival. Dans les dictionnaires to-
niques de date moins ancienne, tels cjue le Tang yiïn (7^0 après J.-C), dans
lequel étaient données d'anciennes prononciations à l'aide de la méthode fan-
tsieh indiquant le commencement et la finale des mots, cette prononciation est in-
diquée par deux caractères formant S. A. vgu-àt, E. gw-at, etc., et l'homonyme
indiqué est ff S. A. ngàl, E. gival, etc. I^e son de la seconde syllaho ti est
rendu certain par la vaiiante chinoise qui est li et nulle autre. La restauration
de l'ancienne forme de Yue-tchi, Yueh-ti en Gwetti rend impossible plusieurs
assimilations jusqu'ici proposées, et permet de diriger les recherches dans une
autre direction.
('' Correspondant à la région comprise aujourd'hui entre les préfectures de
An-si et de Si-ning dans la province de Kansuh.
'■' Le titre com])lot était T(n>g-li Kxvn-tu Shen-yu. Cf. mon article Khan,
hliakan and olhev Tarlar tilles, note ^i (7'/u' Uabylonian ami Oriental Becord,
1888, vol. II, p. 277).
Il'l.-)
Rovaume du Milieu, les trouva établis au nord de FOxus. Plus
lard.kilolo, leur chef, s'avançant vers le sud, passa l'Hindu-
kuslî vers l'est, conquit les cinq royaumes de Gandhara, la
région de Pcshâuer, et établit un poste avancé dans la ville
même de Peshâwer. Leur domaine grandit ainsi et forma cinq
principautés, qui furent réunies sous un seul sceptre, vers
lio ans avant notre ère, par K'iu-tsiu-kioh, chef de l'une
d'elles, celle des Kuei-sbwang, les Kushan des Persans. Ce
roi, le Kujula Kasasa ou kadphises I des monnaies gréco-
scytbiques, annihila Puk-ta ou Bactres et Ki-pin ou Kophêne,
puis il envahit le pays à'Ans{k'^^\ la Parthie, après l'an ho
et avant l'an 3o avant notre ère^'-l Les Yueli-ti vinrent ainsi
en contact avec les Grecs, et Hermœus, le dernier des rois
grecs de Cabul, devint l'allié de Kadphises I avant de devenir
son vassal. Ils frappèrent en commun un monnayage bilingue
de fabrication grecque, à légendes grecque et indo-bactrienne,
qui a été publié par divers savants, notamment et en dernier
lieu par mon ami le professeur Percy Gardner, d'Oxford,
dans son ^Catalogue des monnaies des rois grecs et scythes de
Bactres et de l'Inde?', d'après les collections du British Mu-
séum et autres ^^l La légende du roi Kushan est celle écrite en
caractères indo-bactriens.
('' Hou lldu xlui. — Ynen kien hi liaii, Iviv. a'J-, fol. /i3. Pukta ne pouvait
pire uno Iranscription tlu nom de la Parlhio, comme on l'a suggéré à lort en-
core récemment, parce qu'à l'époque des Han, selon le système d'équivalence
alors en usage, ce nom eût fait *Panla ou *Punla. 11 a été trouvé du reste sous la
forme P'an-tou dans le Tsim Han Sliu. Arsak fuit An-siJ:. J'ai expliqué les cinq
procédés employés successivement par les Chinois pour rendre le r des noms
étrangers, p. Aia-â'iS de mon mémoire sur The Djurtchen of Mandshuria, their
naine, language and literalure, dans io Journal o/the Royal Asiatic Society, 1889,
yOl. X\I. Voir aussi sur trois do ces procédés et nolnminont sur l'équivalence
n = »", l'article du D' F. Hirlh, Chinese équivalents ofthe letter Rinforeign names
(^Journal China Branch Roy. Asiat. Soc, vol. XXI, p. 21 A-aaS).
'*) Vers Tan 3i avant noire ère, Pliraates chassa Tiridates du gouvernement
de la Parthie avec l'appui d'une année scyllie.
'■'' Colaloifue ofcnini of thc Grp k niul Srylhic kin;^s of Baclria andlmlitt , p. 120,
— 3/iG —
Ces remarques nous ramènent h l'examen final des deux
spécimens uniques du monnayage qui fait l'objet de cette
communication. Sur le spécimen bilingue le déchiffrement de
ia légende indo-bactrienne nous fournirait, s'il pouvait être
complet, la solution de la question d'histoire et de géographie
qu'il comporte. Malheureusement, l'état de conservation de ce
spécimen, jusqu'ici unique, laisse beaucoup à désirer; il est
fortement corrodé sur la droite où la légende se trouve presque
effacée et il nous faut suppléer par conjecture à plusieurs ca-
ractères, en partie disparus ou illisibles; en outre, et comme
par fatalité, la fraction de l'inscription qui est incomplète est
celle où se trouvait le commencement du nom du roi cjui l'avait
émise.
Cinq caractères sont illisibles sur les vingt qui forment l'in-
scription. Elle se lit de droite à gauche et commence en haut,
à gauche, au-dessus de la croupe du cheval.
Les onze premiers caractères se laissent lire sans trop de
peine Mahârajasa rajadirajasn ; puis viennent trois signes illi-
sibles, ensuite sa, deux caractères effacés et enfin mayasa en
trois lettres bien reconnaissables.
>>A^('7l))>(^i^))>:/'7^:/^)>:/^i^
La comparaison de cette inscri[)lion avec celles des mon-
naies des rois grecs delà Bactriane, qui contiennent les mêmes
mots ott les mêmes caractères, permet de restaurer avec une
grande probabilité les lettres indéchiffrables.
Les trois dernières lettres ma ya sa rappellent le nom du
roi grec Hermœus, écrit Hrramnyasa sur les légendes indo-
bactriennes de ses monnaies bilingues déjà publiées. Les deux
derniers caractères illisibles semblent devoir être Hara.. . Le
191, et pi. XXV, 1 et n. On consultera avec avantage sur leur histoire le mé-
moire récent de IVI. Ed. Drouin, Chronolo[>io et Numismatique des rois intlo-
scylhes, Paris, Leroux, i8(S8, in-S" ( extrait de la Revue de numismatique).
— 3/1 7 —
signe lisible sa élail évideinmenl une lenninnison, et nous
pouvons deviner, (rn[)rès les traces des lettres effacées, que
cette finale était celle du mot mahalasa, que nous lisons éga-
lement sur les monnaies d'Herma3US. Celles-ci portent sur la
face une inscription grecque BAZIAEQZ ZQTHPOZ EPMAIOY,
ou queKiuefols BAZIAEQZ ZTHPOZ ZV EPMAIOY et sur le
revers, en caractères indo-bactrlens : Mahamjasa tradalasa He-
ramnynsa, ou bien Mahnvajnsn mahnUisn Hcrammjam , ou encore
Mahnrajasa rajarajasa mahalasa IJeravunjasa, c'est-à-dire à très
peu de chose près la légende que nous lisons sur le spécimen
rapporté de Khotan, la seule différence consistant en ce que
sur ce dernier nous lisons, au lieu de rajarajasa, la forme ra-
jadirajasa, qui est fréquente sur les monnaies des autres sou-
verains de cette classe.
Lorsque le roi des Yueh-tl''', Kujula Kasasa Kushana, se
fut allié à Hermx'us, Us frappèrent le monnayage spécial à lé-
gende grecque sur l'avers pour Hcnnœus et à légende liulo-
bactrienne sur le revers pour Kujiila, dont nous avons parlé.
L'ensemble de ces considérations nous permet de conclure
que le monnayage, représenté principalement par le spécimen
bilingue que j'ai décrit, fut émis conjointement par le roi grec
de Bactrlane Hcrnifeus et celui des Yueh-ti, lors de leurs pre-
miers rapports, en vue de faciliter le commerce des Gréco-
Bactrlens avec les nouveaux venus, alors que ceux-ci n'avaient
pas encore oublié l'écriture chinoise pour adopter l'indo-bac-
trien. La date serait donc entre les années Ao-3o avant notre
ère, et le monnayage devrait être appelé Gréco-Yueh-ti. Quant
au plus petit spécimen à légende chinoise sur le revers, s'il ne
(') La migration occidentale des Yueh-ti no parait pas avoir été sans influence
snr la civilisation de l'Asie occidcntide. Ainsi , c'<'sl piobaltleinent à eux ([ii'il fant
attribuer l'apport rie rahricol en Perse. Cf. The Btihtjloman und Oricnlal liecoid,
1889, vol. 111, p. i33; et aussi les inlluences sur la littérature mentionnées
par M. J. Darmesteter dans son article sur La Jlèche de Nemrod en Perae et ai
Clunc, paru d;ins \q Journal asiatique, i885, vul. V, p. -jac-aaS.
3/i8
portait pas d'inscription indo-bactrienne sur l'avers, il repré-
senterait un monnayage des Yueh-ti, antérieur à l'époque où
ils se sont trouvés en contact avec les Grecs de Bactriane.
N" XXVH.
INSCRIPTIONS TROUVÉES À MARONEE
PAR M. DEGRAND, CONSUL DE FRANCE À ANDRINOPLE.
COMMUNICATION DE M. H. WEIL.
(séance DU 27 SEPTEMBRE 1889.)
M. Degrand adresse à l'Académie la copie de douze inscrip-
tions trouvées par lui à Maronée en Tlirace. Sur ce nombre,
cinq, que nous allons donner, sont inédites, entièrement, ou
en partie.
I.
Marbre sur le côté de la fontaine de Jani Tcbirini.
TAION OYAAEPI
ON xeVHPON HPQ A
lAlA rAPZOY HPQIE
0 AHMOZ
Les deux mots, b SH^xos, n'avaient pas été remarqués par
M. S. Reinach, qui a publié cette inscription en 188/1. (Voir
ci-dessous.) Mais il résulte de l'estampage dont ce jeune savant
s'est servi que la troisième ligne porte : USs7a Tdpcxov vpcois.
II.
Marbre sur la fontaine du sieur Bouyoukli.
APXOX AIONYZOS
POY HPQS
Faut-il lire. . . app^os ânowa-oScopov npcos'i
3/i9
m.
Sur 11! rivage, près de la cabane du gardien Pliilippe,
marbre ([iiadrangulaire.
BPOYTTIOZ Eni
NEIKOS E QNEnOI
EIEAYTQ KAI TH
EYMBIQ BPOYTH
AHMHTPIA TO MNH
MA.
EQN csl évideninicnt une erreur pour ^ôJi;.
IV.
Monogramme de o m. 70 de bauteur; sur une pierre en-
castrée dans la seconde muraille intérieure de l'enceinte de
Deraotica.
Plus loin sur la droite on trouve un fragment de pierre sur
lequel on lit distinctement :
KOMN
HNOY.
Les autres inscriptions copiées par M. Degrand avaient
déjà été [)ubliées par M. S. Reinacb dans le Bulletin de corres-
— 350 —
pondance hellénique ( 1 8 8 1 , p. 9 2 et suiv. ; 1 8 8 /i , p. 5 1 et suiv. ).
Les copies de M. Reinach sont en partie plus complètes et
plus exactes, grâce à des estampages dont il a pu se servir.
Signalons un texte épigraphique des plus curieux, dont l'es-
tampage est aujourd'hui déposé au musée de Saint-Germain-
en-Laye. Ce sont des considérations sur les incertitudes du
lendemain et les vicissitudes de la vie humaine; et, chose assez
étrange, ces considérations, rédigées dans un style quelque
peu recherché, forment le déhut d'un décret. Nous transcri-
vons ce texte en modifiant légèrement, vers la fin, les supplé-
ments de l'éditeur :
[n](/pxr7S Ylôpjieoj sIttsv' ineiH 'Bolctiv [xàv àv[d]pcv'7rois
àStÎAov rf}s èçjyâi-ïYii tov ^lov t£[X]£:>tJ7S ovaris, xa) 'uspos àald-
^ov$ Koi <pepo\ié[v\ous â\AOT£ àAX[oi;]5 ttjs tv^V? x(xi[po]v5 oi-
?io[v]ofj.ovvT[o5 t]ov [^-sov tÀ dvdp^^TTSioi. -cTpayf/aTa ^?']
Voici enfin l'indication, donnée par M. Degrand, d'un
autre monument épigraphique. Avis aux archéologues voya-
geurs :
«A l'endroit nommé S'maxiu, à deux heures de distance de
l'ancienne Maronea, sur la montagne d'Aghios Gheorgios, où
se trouve la chapelle de ce nom, se voit aussi un grand marbre
avec inscription, n
W XXVIII.
LA LAXGDE, LA RELIGION ET LES MOEURS DES HABITANTS DU HOUNZA ,
PAR M. LE d' LEITNER, DIRECTEUR DE L'INSTITUT ORIENTAL DE
WOKING (GRANDE-BRETAGNE ).
(séance du Ix OCTOBRE 1889.)
En 1878,30 présentai au premier congrès des sciences
ethnographiques un vocabulaire de dix langues de lUimalaya
et de l'Hindoukousch. La commission, jugeant que cette com-
— 351 —
nuinicalion était de la plus haute importance, la publia sans
attendre que je comblasse les nombreuses lacunes qui s'y trou-
vaient; le manuscrit des épreuves corrigées et augmentées fut
perdu. Après onze ans de travaux trop souvent interrompus,
je suis en état, non seulement de combler les lacunes primi-
tives, mais encore d'ajouter d'autres langues et d'en établir
l'étude sur une base ethnographique.
C'est surtout le cas de la langue du Hounza, du Nagyr et
d'une partie du Yasin dont le Radjah Nizam-ul-Mulk m'a écrit
au sujet des hardis explorateurs, vos compatriotes, MM. Bon-
valot et ses amis, qu'il avait d'abord pris pour des Russes.
Le Hounza n'a jamais été exploré. Le lieutenant Younghus-
band, quand il s'y rendit, fut obligé de changer de campe-
ment chaque nuit de peur de surprise, et môme l'expédition
anglaise du colonel Lockhart dut se borner à traverser le pays.
Les Hounza se croient sous la protection de la Chine. Ce sont
d'intrépides voleurs d'hommes; ils emploient souvent leurs
captifs à l'amélioration de la race. Le tham ou chef se croit
d'origine céleste, s'enivre et danse dans la mosquée; les
Hounza, en effet, sont musulmans de nom, mais en réalité
Mulais. Cette singulière religion se rattache à celle des Druses
du Liban, sur qui votre illustre confrère, Silvestre de Sacy, a
fait de si exactes révélations. Mais c'est au chef actuel, incar-
nation de la divinité en ce monde, Hakim (le fou calife fati-
mite du Caire), Son Altesse Aga Khan de Bombay, que je dois
quelques versets du Kelam-i-Pir, le livre mystérieux (ju'ils vé-
nèrent au lieu du Koran. Je serai bien aise de communiquer
dans une autre séance ces versets et de les comparer avec le
Mithàq ou contrat des «initiés» des Druses qu'un hasard heu-
reux a mis aussi à ma disposition. J'avais emmené avec moi
en Angleterre un Hounza, pensant pouvoir l'envoyer à votre
Exposition, mais il s'est montré trop récalcitrant. Je l'ai en-
voyé faire un pèlerinage à Kerbela, car je tachais de faire
*?!;•)
de lui un pieux musulman sliiite, ce ([ui était, pour cet
ex-voleur d'hommes, la religion la plus intelligible. Je fais
circuler des photographies qui vous montreront les guerriers
du Hounza, du hrave et aimable Nagyr, du Yasin , ainsi c|ue
les troubadours du Badakhshan et du Chitràl, et mes suivants
du Gilgit. Un de ces derniers, brave homme du reste, voulait
trancher la tête de sa mère pour empêcher celle-ci de mourir
de tristesse parce C[u'il partait avec moi pour l'Inde. Sur tous
ces peuples , ainsi que la plus grande partie des tribus de
l'Hindoukousch, je possède, en même temps que des photo-
graphies, des renseignements du plus haut intérêt pour la
mythologie et l'ethnographie comparées. Mais ce qui m'amène
ici aujourd'hui est le désir de vous donner une faible esquisse
préliminaire de la base ethnographique sur laquelle repose
mon ouvrage sur la langue hounza, ouvrage dont je mets à
votre disposition la première partie, imprimée par les soins du
gouvernement do l'Inde hritannique. Dans cette langue, qui
est certainement le reste d'une langue préhistorique, tous les
noms, verbes ou adverbes se rapportant à une personne sont
tellement entremêlés avec le pronom personnel ([u'il est im-
possible de les en détacher; par exemple, as signifie «ma
femme?), gûs, <^ta femme w, et si l'on détache â et gû il ne
reste que s, qui par lui-même ne signifie rien. En général,
j)armi les tribus du Dardistan et ailleurs, on peut éliciter
l'impératif d'une langue inconnue en dirigeant le doigt vers
un objet, puis l'indicatif présent ou un affirmatif et d'autres
renseignements grammaticaux à l'aide de certains gestes. En
hounza, au contraire, on est toujours dérouté; car si, par
exemple, vous pointez le doigt vers un objet que vous désirez,
chacun vous répondra avec la personne convenant à son propre
point de vue. Je tâche d'expliquer ce singulier caractère dans
la petite brochure que je soumets à votre appréciation et qui
suggère une méthode qui n'est pas sans importance pour la
— :^5:î —
pliilologie en g(5nér;il. Va\ ellet, si, j)Our me servir d'un
exemple tiré de la langue française, vous aviez le mot mère,
la consonne m représenterait non seulement le féminin mais
la femme et le pluriel fait avec son aide; la voyelle è serait
Vcgo et tout ce (pii touche au nouveau-né dans les premières
relations de vie, par exemple, le père, la mère, le frère, la
sœur, etc.; la consonne r signifierait la tribu ou toute la pa-
renté; en d'autres termes, mère ou plutôt mèr désignerait «la
femme qui m'a engendré et qui appartient à ma tribu», indi-
quant ainsi un état primitif de communauté dans lequel tous
les mâles adultes de la tribu seraient les pères et toutes les
femelles adultes les mères. D'ailleurs, en français, les «pa-
rents 5? sont non seulement le père et la mère, mais aussi des
ragnats?5 et des «cognats»; la afdle» n'est pas seulement la
Duhitri, qui trait le lait pour la famille, mais, en général, la
jeune personne du sexe féminin, surveillée ou non; «petit-
lils, beau-père, beau-frère??, etc., sont aussi des noms peu
distinctifs.
En hounza, ce n'est que par les seules coutumes du peuple
qu'on peut arriver à connaître les termes grammaticaux; ce
n'est que par un progrès maintenant explicable, mais qui
m'avait tout d'abord confondu, que ilsh'itshihai , «il donne??, se
rattache à yù, «donne??. J'aiïîrme que, à mon humble avis,
non seulement l'exemple de la langue hounza, mais aussi
beaucoup de ces mots indiqueront Thistoire primitive des
langues aryennes, les langues que nous parlons. C'est donc,
comme on dit en anglais, un départ nouveau pour la philo-
logie que de lui donner dans tous les détails une base ethno-
graphique, de n'accepter aucune règle de grammaire sans la
coutume, sans l'histoire du peuple, (jui l'explique. Dorénavant
même si ma découverte n'a pas la portée que je lui donne
pour les études linguistiques en Europe, elle introduira un
élément de vie dans des recherches qui sont faites maintenant
— 354 —
avec une sécheresse de règles et une multitude d'exceptions à
ces règles qui confondent l'esprit. Ce que j'espère, c'est qu'il
arrivera bientôt un jour où apprendre une nouvelle langue
causera au linguiste un plaisir semblable à celui que la dé-
couverte d'un nouveau pays fait à l'explorateur, et que nous
découvrirons ainsi non seulement les causes des nuances, mais
aussi les sources de la pensée liumaine et son ancienne histoire.
En soumettant mes travaux à l'appréciation de la France,
j'espère rendre un service aussi grand qu'en aidant, loyale-
ment sinon royalement, les voyageurs scientifiques et les com-
merçants de votre pays qui sont venus dans le Pandjab, un
service qui complète l'œuvre du Congrès ethnographique de
1878. En linguistique comme en ethnographie, c'est une des
nombreuses continuités sans lesquelles le vrai progrès serait
impossible et qui rattachent l'Exposition de 1878 à l'Exposi-
tion si immensément plus grandiose de 1889.
N° XXIX.
LES CITKS ALLTKES HT LIBRES DE LA GAULE, D'APRES LES MONNAIES,
PAR M. ANATOLE DE BARTHELEMY.
(séance du 1 1 OCTOBRE 1 889.)
J'espère que l'Acadéjnie me permettra de l'entretenir quel-
ques instants de numismatique gauloise. Je crois avoir con-
staté un fait donnant le moyen de classer une série de ces
nombreuses monnaies qui sont les plus anciens monuments
figurés de notre histoire nationale.
Depuis plus de cinquante ans, on a beaucoup disserh; sur
les monnaies gauloises, sur leurs dates, leurs attributions géo-
graphiques, les noms d'hommes gravés dans leurs légendes.
On a fait de nombreuses conjectures, et les efforts multipliés
n'ont pas jusqu'ici donné de résultats bien sérieux.
— 355 —
En ce qui louche aux dates, je crois que l'on peut, aujour-
d'hui, arriver à déterminer avec une certaine précision les
origines de la monnaie gauloise et son apparition sur les dif-
férents points du territoire. J'essaierai de le faire dans un tra-
vail spécial.
Pour les attributions géographiques, les règles de la critique
n'ont pas toujours été observées. Après avoir déchiffré une lé-
gende, on cherchait dans une liste générale des peuples gau-
lois, relevée dans tous les auteurs, quel était le nom qui pré-
sentait le plus d'analogie. iMais on ne songeait pas que cette
énumération devait au préalable être soumise à un contrôle
minutieux. Suivant les époques, certains peuples avaient dis-
paru, repoussés par des envahisseurs, d'autres avaient été ab-
sorbés; la première opération à faire consistait à établir quels
étaient les peuples qui existaient lors de l'apparition de la
monnaie en Gaule. Pour ce qui concerne la Gaule indépen-
dante, par exemple, il est inutile de chercher parmi les
populations dont l'existence n'est plus constatée au milieu du
m' siècle avant l'ère chrétienne.
Quant aux noms d'hommes mentionnés par les légendes
monétaires , on s'est trop souvent laissé entraîner par le désir
d'y lire ceux des personnages cités par les auteurs classiques;
avec un peu de bonne volonté on aurait retrouvé les monnaies
de tous les chefs gaulois qui figurent dans les Commentaires
de César. On oubliait qu'il était prudent de faire une part à
l'iiomonymie; que le même nom pouvait avoir été porté à de
longs intervalles par des individus n'ayant aucun rapport entre
eux. Dans l'état de la science en ce moment, les noms deVer-
cingetorix, de Tasgetius, de Duratius, de Vergasillaunus et
d'Adietuanus sont peut-être les seuls à peu près indiscu-
tables.
Ces réserves posées, je passe au fait (pii est l'objet do ma
communication.
— 35G —
H y a deux observations qu'il ne faut jamais perdre de vue :
l'emploi des caractères grecs ou latins dans les légendes; la
présence des ethniques.
Les légendes en caractère latin indiquent naturellement
une époque qui ne peut être antérieure à la présence des Ro-
mains dans les Gaules. Cette date, pour le sud-est et ce qui
devint plus tard la Province, ne peut remonter au delà de la
seconde moitié du ii^ siècle avant J.-C; pour le reste de la
Gaule, il faut descendre jusqu'aux campagnes de César, c'est-
à-dire au milieu du i" siècle.
En dehors de la région qui subit l'influence de Marseille,
les ethniques sont assez rares et ne semblent avoir paru que
dans la seconde période dont je viens de parler. Cette rareté
m'a fait penser assez longtemps que les noms de peuples, dans
la Gaule indépendante, n'étaient que des exceptions; que
TVRONOS, SANTONOS, n'étaient pas des ethniques, mais
des noms d'hommes empruntés peut-être au lieu d'origine.
Une étude attentive m'a fait modifier cette opinion trop ex-
clusive.
Et d'abord, examinons rapidement quel était l'état des
peuples gaulois entre la date de la soumission à César et celle
de l'Assemblée de Narbonne, où Auguste régla l'administra-
tion des Gaules; c'est une période de quarante années.
Dans le VIIl' livre de la guerre des Gaules, Hirtius rappelle
brièvement avec quelle sollicitude César s'attacha à pacifier sa
nouvelle conquête de manière à ne pas avoir à craindre de
soulèvement pendant ([u'il porterait la guerre ailleurs: aCaesar
in Belgio cum hiemaret unum illud propositum habebat con-
tinere in amicitia civitalcs, nulli spem aut causam dare armo-
rum Itaque honorifice civitates appellando, principes
maximispraemiisadficiendo, nuUa onerainjungendo defessam
lot adversisproeliis Galliam. . . facile in pace continuit. » Sué-
tone, parlant de l'organisation de la province (c. 26), indicpie
— 337 —
clairenienl le sens de la formule ItonorIJicr cirilntcs appellaiulo
employée par Hirtius : «Gessit auteni novem annis quibus in
imperio fuit haec fere : omnem Galliam quac a saltu Pyrenaeo
Alpibusque et monte Gebenna, Huminibus Rheno et Rbodano
continetur, patelque circuitu ad bis et tricies cenlum millia
passuum. ])raeler socias ac bcnc méritas civiiates, in provinciae
formam redegit eique quadringeuties in singulos annos sti-
pendii nomine imposait. »
Les cités alliées et ayant bien mérité étaient évidemment
du nombre de celles qui honorijice appellahantur.
En Narbonnaise, les mitâtes focderatac étaient les Massa-
liètes et les Voconces.
Dans la Gaule chevelue, le nombre des cités favorisées par
les Romains était très considérable : César avait le plus grand
intérêt à ce que cette nombreuse confédération ne lui donnât
aucun souci. Pline nous en a fait connaître, mais son énumé-
ration est loin d'être complète; il écrivait sous le règne de Ves-
pasien, et, à celte époque, plusieurs cités gauloises avaient
pu, par suite de séditions et de méfaits, être privées du
titre de liberae. Et, en effet, l'épigraphie nous en révèle qui
ne sont pas dans Pline, et je crois que la numismatique en
augmentera encore le nombre.
Voici la liste de Pline (livre IV) qui nous fait connaître les
cités alliées et libres de la Gaule à la lin du i" siècle de l'ère
chrétienne :
Cités alliées : Carnutes , Haediii, Lingones, Rémi.
Cités libres : Arverni, Biturigcs Cnbi, Bituriges Vivisci, Lcuci,
Melch , Ncrvii , Santones , Segusiavi, Treveri, Silvanectes, Suessioncs.
A cette énumération , il faut joindre :
Les Lexovii, dont les monnaies portent la légende LIXO-
VIATIS;
Les Pelroconi {Revue épigrapliique du midi de la France, t. 1.
p. i/i)'
— 358 —
Les Sequani, SEQVANOITVOS;
Les Turones, dont le titre est conservé par deux inscriptions,
et les monnaies à la légende TVRONOS;
Les Fe//offlsses, VELIOCA0I;
Les Viducasses , mentionnés dans l'inscription de Torigny.
Maintenant je dois établir comment je suis amené à consi-
dérer comme peuples libres ceux qui, sans figurer dans Pline,
ont leurs noms sur des monnaies.
Si on jette les yeux sur les monnaies frappées par les villes
grecques, sous la domination romaine, on remarque le soin
avec lequel les peuples aWiés , foedcrali , aviJtixaxoi, et les peu-
ples libres, liberi, iksvdepoi, inscrivaient sur leur numéraire
le titre constatant l'autonomie qui leur avait été conservée.
Pour ne citer que quelques exemples, nous rappellerons Ami-
sus de Pont, Chersonnesus deTauride, Rhodus, Sebaste, Se-
leucia et Tarsus de Cilicie, Thessalonica de Macédoine qui
mettaient e'Aeu^epo? ; Hippo deZeugitanus, LIBERA; Sagalassus
de Pisidie est la seule cité qui se qualifiait (plXtiç koù av[iyLot.-)(pv.
Vingt et une autres villes mettaient avTov6[xov, qui paraît avoir
été synonyme de èXevôepos au point de vue qui nous occupe.
La liberté dojinait aux cités qui en étaient gratifiées le droit
d'user de leurs propres lois, de s'administrer elles-mêmes; de
posséder des terres; j'ajouterai l'exemption de l'impôt, ainsi que
l'a établi M. Viollet.
L'alliance conférait tous les droits de la liberté et liait la
cité à Rome par un traité d'alliance. L'empereur pouvait, à
son gré, enlever ces titres lorsque les cités qui en avaient été
honorées avaient démérité. En Gaule, c'est ce qui arriva pour
les Trévirs, que Pline qualifie libert antea; ils avaient été
privés de la liberté à la suite de quelque insurrrection. Cette
observation n'a pas échappé à M. Viollet, qui est porté à attri-
buer ce fait à la sédition de l'an 70; j'avoue que je pencherai
[)lutôl pour celle de l'an a 1 ; je ne serais pas éloigné de croire
— 350 —
qu'à parlir de cette date les Tnrons, les Trévirs, les Eduens
et lesSéqiianes, qui avaient été à la tetc du mouvement, n'eu-
rent plus de monnaies. Rome aurait saisi celte occasion pour
supprimer la liberté de quelques peuples gaulois ou pour n'en
plus faire, dans les cités les moins frappées, qu'un tilre ho-
norifique.
Aujourd'hui nous connaissons vingt-trois peuples, dans les
Gaules, qui étaient aUiés ou libres; les efforts des numismates
doivent donc se porter sur l'étude des monnaies qui leur ap-
partiennent. Il n'y en a guère que neuf, dans la Gaule che-
velue, dont les ethniques paraissent sur les légendes. Parmi
les autres attributions, plusieurs sont admises par suite de la
présence continue de certains types dans une région ; je citerai
les Lcuci, les Suessiones, les Carnutes, les Arverni, les Bitu-
riges Cuh'i et Vivisci.
Dans cette recherche, il y a lieu d'observer que les mon-
naies d'argent, avec mention de noms de peuple ou de noms
d'hommes, sont les plus voisines de la date de la soumission
de la Gaule. A mesure que l'on s'éloigne de l'an 5o, l'argent
disparaît devant le bronze.
Ensuite, il paraît résulter de l'étude des noms d'hommes
qu'à un certain moment les ethniques furent remplacés par la
mention des principes placés à la tête de leurs concitoyens
avec l'agrément des Romains. Nous en avons un exemple dans
ces trois bronzes, portant chacun un nom gaulois et celui
d'Aulus Hirtius, légat impérial dans la Belgique orientale
entre 3i et 29. Nous en avons aussi des exemples dans la
monnaie signée de G. Julius Agedomapatis, dont les récentes
découvertes faites à Saintes nous ont fait connaître la famille
et la nationalité; dans celle de Lucterius chez les Cadurci, si le
nom de ce personnage a été bien lu. Ces noms d'hommes ne
peuveni désigner que les administrateurs de la cité, puisque,
à Lisieux. nous les voyons acconq)agnés sur la monnaie du
ivriiMrkir lA.
_ 3G.0 —
lilre de Vergobret, qui était pout-ctro employé aussi à Saintes
aussi bien qu'ià Autun. Plusieurs de ces principes s'étaient em-
pressés de [)rcndre le praenomen de Julius. La numismatique
nous révèle Julius Duratius, peut-être le même que celui qui
fi(}ure dans les Commentaires, ou son fils; Julius Docirix ; Ju-
lius Agedomapatis. Il ne faut pas oublier que César fit en sorte
de maintenir dans la Gaule une agglomération composée d'un
certain nombre de peuples indépendants les uns des autres,
de manière à lui éviter le danger d'une grande ligue confé-
dérée. Sur ce point les monnaies contemporaines sont un ar-
gument de plus en faveur de l'opinion proposée jadis par notre
regretté confrère Desjardins.
N' XXX.
SIXIÈME IVOTE SUR LES FOUILLES DE OHERCIIELL (EXPLORATION DU PA-
LAIS DES thermes), par M. VICTOR WAILLE, PROFESSEUR À L'ÉCOLK
SUPÉRIEURE DES LETTRES D'ALGER, COMMUNIQUEE PAR M. GEORGES
PERROT.
(séance ni! iS OCTOBRE 18S9.)
L'exploration du palais des thermes de Cliercbcll, pour-
suivie sans relâche depuis le mois de mai 1886 jusqu'à cette
année 1889, ^^^ enlin terminée.
On peut dire qu'elle a commencé en réalité en i8/ia, lors
de la construction de la manutention militaire, qui amena la
découverte fortuite d'un |)ortique de marbre, de plusieurs
colonnes de diorite vert, et de cinq statues mutilées. Aussi
iiavoisié, dans son plan des ruines de Cherchell publié en
i8/iA''l donne-t-i! déjà, par une indication heureuse, à ces
vestiges grandioses épars sur le sol et non encore déterminés,
<'' Exphifatiiiit s.it'iilijl(iu(' (le l'Al.fcrie, aliiiiiii sans lexle.
— 3G1 —
lo nom de Palais des Thermes, que des fouilles nkentes ont
démontré leur convenir exactement.
Une seconde exploration partielle eut lieu en i 850 , à l'aide
de subsides fournis par le maréchal Handon. Des sondages
prali(|ués dans le terrain adjacent à la manutention mirent au
jour une copie de la Vénus de Médicis, un faune, un herma-
phrodite, un Neptune colossal.
Puis les recherches furent suspendues, peut-être à la suite
d'un éboulement qui fit des victimes. Je les ai reprises en
1886, lors d'une mission qui me fut confiée par M. le Gou-
verneur général de l'Algérie, en attachant à mon tour ce
formidable massif de ruines, manifestement connexe avec les
précédents et qui s'est trouvé être la partie principale de
l'édifice, celle qui nous a révélé la belle ordonnance et la sy-
métrie du plan d'ensemble.
Dès 1870, MM. Verneuil et Bugnot, dans leurs Esquisses
sur la Maurétnnic césarienne, exprimaient le regret que les
fouilles en cet endroit n'aient pas été conduites avec méthode.
Elles l'ont été durant ces trois dernières années, grâce au
précieux concours et à l'esprit de suite de l'autorité militaire.
Cette troisième exploration a été plus complète et plus fé-
conde que les deux autres. Une vingtaine de chambres, pavées
en mosaïque, dallées de marbre blanc ou d'onyx, ont été la-
borieusement désobstruées. Des conduits souterrains en ma-
çonnerie, hauts de 2 mètres, ont été débouchés jusqu'à la
mer. Les statues qu'on a découvertes, pour n'égaler pas les
chefs-d'œuvre trouvés dans les Thermes de Titus ou de Cara-
calla, n'en attestent pas moins la magnificence des thermes
monumentaux de l'antique Césarée de Maurétanie.
Maintenant que cet imposant massif de ruines est admira-
blement dégagé, peut-être importerait-il de le mettre à l'abri
des dégradations et des profanations, car les enfants ne se
bornent pas à s'v ('battre le soir, ni les indigènes à s'v réfugier
35.
— 362 —
la nuit. On dérobe les briques, on fait sauter les cubes des
belles et fines mosaïques, on désagrège les piliers des bypo-
caustes, on déchausse les plaques de marbre qui bordent le bas
des murs ou qui revêtent le parquet et les escaliers des pis-
cines ; on en charge même des bourricots. Au rebours du pro-
verbe, chacun emporte sa pierre de l'édifice. Si l'on n'y prend
garde, malgré l'épaisseur des murs de cette construction gi-
gantesque, en quelques années tout cela aura fondu, disparu,
puisqu'il est vrai que, si le temps est un destructeur, l'homme
est un agent de destruction bien autrement efficace, surtout
lorsqu'il a besoin de matériaux.
Qu'on se rappelle ce qui s'est passé déjà à Cherchell même,
à propos du théâtre, qui était intact en i8/io. Les gradins ont
été arrachés et employés comme pierre de taille. Restait un
mouvement de terrain , dont la courbe dessinait l'emplacement
où se tenaient les spectateurs, faisant face à la mer. On en a
fait une carrière de tuf. Le ' théâtre antique n'est plus qu'un
trou béant. La rue qui y mène porte encore le nom de rue
du Théâtre, mais les habitants n'en savent plus la raison. Le
monument a disparu, le souvenir même du monument s'est
éteint.
Il est à souhaiter que le palais des Thermes n'ait pas le
même sort. La ville, comprenant que ce sont là ses plus glo-
rieuses archives, aura sans doute à cœur de veiller à la con-
servation de ces belles ruines, dont le déblaiement est main-
tenant achevé.
Deux nouvelles chambres ont été mises au jour [)endant la
période finale des fouilles. Elles sont contiguës à cette seconde
grande salle pavée en mosaïque (ou xyste) qui se trouve à
l'extrémité sud de l'édifice, et qui rappelle la première par
ses dimensions (3g"'X i^"), comme par le dessin symétrique
et varié de ses rosaces, et par sa bordure de grecques. Si le
plan total de l'édifice a été restauré par MM. Dauphin et
Dupf'zard, architectes de Paris^", le dessin de celle mosaïque
a t't/' ro|)roduit en couleur par M. Munkel'-'. J'y remarque, à
côté de rosaces encadrant des étoiles à huit pointes, deux
détails nouveaux dans la décoration : i" un trapèze dont les
côtés renforcés de torsades enferment deux volutes symétri-
ques s'épanouissant intérieurement en une feuille hieue et
rouge; 9° autour de quelques rosaces sont distribués huit carrés
tangents par un angle, le tout d'une variété de tons assez
riche.
C'est donc à l'ouest de cette grande salle qu'ont été ren-
contrées les deux nouvelles pièces. Toutes les deux reposent
sur un hypocauste et servaient pour les bains de vapeur. Elles
sont pavées l'une de marbre blanc, l'autre de mosaïque et
d'onvx.
La première est presque carrée (i i'" 90 X 1 1" 70). Une
cloison, flanquée d'une marche d'un côté et de deux marches
de l'autre, la divise en deux chambres de bain inégales, la
plus petite ayant 2™ 60 de largeur et 1 mèlre de profondeur
seulement. Tout autour de la salle, de grandes briques carrées
forment avec la paroi visiblement brûlée et maculée de cendres
un compartiment large comme la main, autrefois léché par
les flammes, et analogue aux caniaux des bains maures. La
chaleur pénétrait dans ce sudatonum à la fois par en bas et par
les côtés.
Je signalerai en passant, dans la constitution des murs,
des traces de clefs (terre cuite), servant à fixer aux briques le
revêtement, et des plaquettes d'ardoise où la règle à niveler
du maçon venait s'appuver.
La pièce dont je viens d'indiquer les dimensions est tout à
fait symétrique avec une de celles qui sont adjacentes à la pre-
mière grande salle pavée en mosaïque, et où a été découverte
i') Salon do 1889.
<*' Exposiliori universelle, p.nillon aiclii'()lo^n'(|iio lîola socdoii alfjériennc.
— 36/i —
il y a de^A ans une statue d'Hercule haute de a mètres. Dans
celle-ci l'on vient (également de recueillir une statue de beau
marbre blanc, ayant les mêmes proportions. C'est une statue
de femme, finement drapée, dont les deux morceaux, faciles
à juxtaposer, mesurent ensemble i" 7^, non compris la tête.
Celte femme (une Cérès?) est debout, le genou gauche lé-
gèrement ployé. Elle est vêtue d'une tunique talaire dont le
statuaire a délicatement ondulé les plis nombreux, collante
aux seins, et relevée en diploïsàla ceinture. Les manches pa-
raissent brodées parce que, à la manière grecque, elles sont
closes par une série de boutons, et que les crevés intermédiaires
entre les agrafes forment une chaîne de boucles ovales.
En outre, elle est couverte d'un manteau, lequel enveloppe
complètement le corps et les jambes à partir de la ceinture,
passe sous le bras droit, et retombe en avant et en arrière de
l'épaule gauche. Le pied droit, chaussé de la sandale à courroie,
reste à découvert. Le bras droit descend le long du corps, la
main manque. Le bras gauche manque aussi. Quatre cavités,
garnies de goupilles, disposées sur les hanches, laissent voir
comment il s'y adaptait.
Entre les épaules, à la naissance du cou , une surface plane,
avec une cavité où la tête, qui manque, s'emboîtait.
Cette statue est, avec un élégant torse d'homme que j'ai
signalé précédemment, le morceau de sculpture le plus déli-
catement fouillé que nous ayons trouvé dans les thermes.
Dans le mur de la même chambre (côté est) a été pratiquée
une niche rectangulaire, large de a'"3o, et décorée d'un
marbre veiné de noir, oii la statue; se dressait. On y a placé
une base de colonne de marbre blanc (0™ 80 de diamètre)
intacte , formée d'une plinthe carrée et de deux tores circu-
laires séparés par une moulure creuse, qui a pu servir aussi
de so(l(!.
Parmi les objets découverts dans la même salle, il iaut
— 365 —
menlionner une t'iiîjjaiito lete de morhre {hauteur o'" 'j5)
n'ayanl aurun rapport avec la slalue procédenle. La figure,
jeuue cl imberbe, esl encadrée dans une chevelure assez abon-
dante qui ondule sur les tempes et descend jusque sur le cou.
Le personnage est coillé d'un casque mince, posé à plat sur la
télé comme un voile, fait d'une peau de lion, dont on dislin-
gue à l'avant le mulUe et les yeux. Ce casque d'amazone est
percé de trois cavités cylindriques distribuées l'une à la partie
antérieure, l'autre au sommet de la lole, la dernière à l'occi-
put, pour recevoir un ornement mobile, sans doute une
aigrette. A la liste de ces fragments de sculpture il convient
d'ajouter une patte de lion (marbre, o"" 33 xo'" 18) dans la-
quelle on peut voir le pied d'une table, ou l'un des supports
d'une vasque. Les doigts sont hérissés de poils et pourvus de
griffes puissantes; ils reposent sur une semelle de marbre rec-
tangulaire.
Quant aux menus objets entraînés par les eaux dans les
louduils souterrains, ou recueillis çàetlà par le premier venu
dans les terres des corridors et vite é[)arpillés, il est malaisé
d'en donner une nomenclature exacte. Je me bornerai à si-
gnaler une monnaie punique, avec la tête de Moloch, un
anneau de fer avec chaton vide, un camée d'onyx figurant unn
tête de femme, une cornaline orientale gravée en creux repré-
sentant Hermès debout, nu , coiffe d'ailettes, tenant un caducée
dans la main droite, et dans la gauche, tendue en avant, une
bourse; un fragment de masse d'armes vandale; des monnaies
byzantines; un cachet de marbre lose de la grosseur d'un sou
(g'" 006 d'épaisseur) et mentionnant l'empereur Juslin ([)i8-
527), etc.
Tous ces objets charriés par les terres accumulées, ayant
appartenu à des marchands phéniciens, à des dames romaines
ou à des barbares, évoquent devant les yeux le souvenir de
cinq ou six siècles.
— 366 —
De plus, on a rencontré des inscriptions en beaux carac-
tères sur des plaques de marbre superbes. Malheureusement
elles sont mutilées. L'un des fragments mentionne l'empereur
Trajan, sous le règne duquel ces thermes, quoique appelés
par quelques-uns Thermes de Juba, ont peut-être été bâtis
(marbre, o'" /i5xo"' 28; hauteur des lettres, 0'" 07) :
P- CAES [Im]i}{erator) Cœs[ar].
'^RAIANV [T]mjam[s].
TDD
Un autre tronçon semble faire allusion au titre de colonie
octroyé à la ville de Cœsarea par l'empereur Claude (marbre,
g'" 20 X 0" 1 5 ; hauteur des lettres, o'" o()) :
N
ONI \Coï\om[œ Cœsariensmri] (?).
Troisième fragment (marbre; hauteur de la lettre, o"'o6) :
M (Thermus?)
Quatrième fragment (marbre, o'" 1 kx o'" 08; hauteur des
lettres, 0" o5) :
IT
GR
TI
Cinquième fragment :
Qvr
TAT
OT
Sixième fragment :
RI
TT
En essayant de souder ensemble tant de fragments , succès-
— 3G7 —
sivcraent (l(5couverts et dissémines , on arriverait peut-être à
en tirer une signilication, et aies l'aire parler.
Les mêmes essais de restauration patiente pourraient s'ap-
pliquer aux fragments de sculpture, aux corps sans tête et aux
têtes sans corps qui gisent au musée de Chercheil, comme
perdus dans un fouillis de chapiteaux et de corniches.
Ainsi, par exemj)le, dans ma première note, j'ai signalé la
découverte d'une statuette mutilée, que j'appelais par con-
jecture une Vénus au bain. Quelques mois plus tard, on ren-
contra la partie inférieure d'une statue, avec socle portant
un dauphin et l'inscription EX OFICINA MVRISIAEW, qui
indiquait de quel atelier ou de quel magasin sortait cette
Vénus marine. Or. j'ai constaté dernièrement que ces deux
morceaux, disjectœ mcmbra Venerns, se superposent très exacte-
ment.
De même, |)lusieurs têtes isolées |)ourraient s'adapter, je
crois, à certains bustes d'une façon plus qu'ingénieuse, les
lignes de cassure de la draperie ou des veines coïncidant avec
une convenance parfaite. On obtiendra de cette manière des
statues presque entières, ce qui doublera la valeur des objets
que le musée de Chercheil renferme.
Ce musée, l'exploration du palais des Thermes n'aura pas
peu contribué à l'enrichir. Si ces recherches, entreprises dans
des conditions exceptionnellement économiques, ont pu être
poursuivies avec fruit, j'en reporte le principal honneur à
C' Je persiste dans la lecture EX OFICINA MVRISIAE (do Talelier de
Myrisias, si c'est Tartiste, ou de la boutique do Muiisia, s'il s'ajjil siinplouieiil de
la vendeuse). L'ingénieuse conjecture de M. Robert Mowat {Revue archéologique ,
1888), après un nouvel et attentif examen do la pierre, ne me parait pas ad-
missible. Je crois qu'il faut lejcloiriiypotliùsede Mijrisiuus : 1" parce (|ue l'E linal
est reconnaissable; a" parce que le premier jambage de l'M initial est extrême-
ment pencbé, et que i'I est droit et ne saurait appartenir à la lettre M du même
style. Le nom de Murisia n'est pas connu, soit. Mais la liste des noms propres
trouvés à Chercheil et qu'on n'a pas relrouvc's ailleurs est déjà longue.
— 368 —
M. le général Poizat, commandant la division d'Alger, et au
conseil municipal de Gherchell, qui les ont eiïicacement sou-
tenues. M. le Directeur de l'enseignement supérieur a droit
également à notre gratitude pour les marques d'encouragement
qu'il lui a plu de nous donner. Je rappellerai en terminant que
les détenus affectés à l'achèvement des fouilles ont été succes-
sivement placés sous les ordres de MM. les capitaines Boutron-
Damazy, Chaudron et Clouet, commandants du pénitencier,
au zèle intelligent et désintéressé desquels il serait injuste de
ne pas rendre hommage. Le premier a exhumé plusieurs salles;
le second a exploré les corridors et le sous-sol ; le troisième a
nivelé les ahords, préparé un chemin de ronde, et pratiqué
dans le voisinage quelques tranchées qui font mieux com-
prendre la relation du fameux voyageur anglais Shaw (i 789),
lequel parle de terrasses étagées et d'eaux qui tomhaient d'une
piscine dans l'autre pour se déverser ensuite dans le cotlutn ou
port artificiel.
Maintenant qu'on a procédé à la toilette finale de ces
grands thermes, exhumés grâce au hon vouloir de tous el
mieux conservés que ceux de Garacalla à Rome, il appartient
à l'administration de les protéger et de les entourer d'une
grille.
Je suis heureux d'ajouter que les fouilles terminées sur ce
point vont reprendre sur un autre, et qu'il y a lieu d'espérer
qu'elles ne seront pas moins fécondes pour la science et pour
le musée local.
— 3(39 —
N' XXXI.
QUELQUES OBSERVATIONS SUR LES OSSUAIRES RAPPORTES DE PERSE PAR
M. DIEDLAFOY ET DEPOSES AU MUSEE DU LOUVRE, PAR M. JIVAISDJI
JAMSHEDJI MODI.
(SIÎANCE Di; 30 OCTOBRE 1889.)
Monsieur le Président et Messieurs,
Je suis un étranger en France et pour votre Académie éru-
ditc, mais votre pays et vos savants ne me sont pas étrangers,
non plus qu'à mes coreligionnaires, les Parsis. C'est un Fran-
çais, Anquelil du Perron, qui le premier fit connaître la lit-
térature des Parsis à l'Europe. C'est un autre Français, Eugène
Burnouf, qui fonda la philologie scientifique de l'Avesta. C'est
un Français, M. Mohl, qui donna la première traduction com-
j)lèle de notre grande épopée persane, le Shabnamcli. C'est
encore un Français, le professeur Darmesteter, qui a traduit
pour la première fois de l'original même la plus grande partie
de l'Avesta en langue anglaise.
C'est par un sentiment de reconnaissance pour les ouvrages
de vos savants, que l'honorable sir Dinshaw Manakji Petit,
un des membres les plus généreux de notre communauté, a
fondé la Bibliothèque française du Cercle littéraire de Bombay,
qui porte son nom. Monsieur le Président, permettez-moi de
présenter avec la même reconnaissance mes respects à votre
Académie, et aux savants érudits de France, et de soumettre
à l'Académie quel(|ues observations sur les ossuaires rapportés
de Perse [)ar M. Dieulufoy, et déposés dans son intéressante
collection du Louvre.
Ce sont des jarres de terre qui contiennent des ossements.
Des jarres de ce genre avaient été déjà envoyées en 181 3 à
Bombay [)ar M. Bruce, de Boucliire ". M. Bruce, en les en-
'') Tlie TravsacUons of (lie Lillerary SocieUj qf Bombay, 1819.
— 370 —
voyant, disait : ç^Ce mode de sépulture doit être très ancien
et antérieur à Zoroastre, car je ne crois pas que ses secta-
teurs aient altéré leur mode de sépulture juscju'à ce jour.»
L'endroit où ces jarres ont été prises contenait cinq vases,
dont un petit (je pense qu'il était pour un enfant). Ces cinq
vases appartenaient sans doute à une seule et même famille.
Ils étaient enterrés en ligne droite, allant de l'est à l'ouest, la
petite extrémité dirigée vers l'est. Ces vases sont généralement
au nombre de six, huit, dix, douze et ainsi de suite, placés
en ligne droite de l'est à l'ouest, et se trouvent toujours près
de ruines où il y avait auparavant des habitations.
On trouve aussi des ossuaires faits de pierre, à peu près
carrés, mais ils sont très rares. L'an dernier, M. Joseph Mal-
colm, de Bouchire, en a envoyé un à Bombay '^l II est fait
d'une sorte de pierre blanche et n'est pas rond comme les
jarres. Il est d'une seule pierre et couvert d'un couvercle de
la même matière et qui est aussi d'une seule pierre. Il a
28 pouces de longueur, i/i de largeur et 10 de profondeur.
L'épaisseur est de près d'un pouce. H y a quatre trous, chacun
d'un quart de pouce en diamètre, sur les quatre côtés, juste
à l'extrémité supérieure. Le couvercle aussi a quatre trous
correspondants.
Tels étant les faits, je voudrais examiner, si. selon les livres
Parsis, les Perses anciens ont connu cette coutume. Actuelle-
ment elle n'existe ni chez les Parsis de l'Inde, ni chez leurs
coreligionnaires de la Perse même, et l'on ne garde point les
os des morts dans un réceptacle séparé. Les tuteurs de silence»
contiennent une disposition pour recevoir les os, après que la
chair a été dévorée par les oiseaux. Mais il parait que les
Perses très anciens connaissaient la coutume en question ou
une coutume analogue.
('> hocccdings of the Bombay Anlhropolof^ical Society, 2<)"' Aiiyust 1888.
— 37i —
Tout d'abord, observons qu'un passage très ancien duVen-
didad distingue très clairement ce qu'il y a à faire du cadavre
el ce qu'il y a à faire des ossements quand la chair du cadavre
a été enlevée. Voici le passage :
0 saint Créateur du monde raatéx'iel , oii porterons-nous les corps des
morts? 0 Ahura Mazda, où les placerons-nous?
En réponse, il est dit que les corps seront portés sur le
sommet des collines, et là, exposés à l'air et au soleil, pour
être dévorés par les oiseaux.
La deuxième question, qui est très importante pour notre
sujet, est celle-ci :
* tç}*^\i\'i * ^*»»C*» • )0^ * 6{|**^«l5> • {**»^-»6 • ]?^>^*> ' (Ç^^6 ♦ (p-"***
0 saint Crcaleui- du monde matériel, où porterons-nous les os des
morts? 0 Ahura Mazda, où les placerons-nous?
Ahura Mazda ré[)ondit : On doit préparer un édifice hors de latleinte
du chien, hors de latleinte du renard, liors de l'atteinte du loup, inac-
cessible h l'eau do pluie d'en haut.
Si les Mazdayasniens en ont les moyens, (ils placeront les os) dans
(im n'ce|ilacle de) |)ierre ou de mortier ou d'une matière inférieure. Si
— 372 —
les Mazdayasniens n'en ont pas ies moyens, ils les placeront sur leurs lits,
et les exposeront sur la terre aux rayons du soleil. (Vend., VI, /i4-5i,
Westergaard. )
Comme vous voyez, il y a deux questions difTérentes :
i"" Où mettra-t-on le corps du mort?
2° Une fois le cprps dépouillé de sa chair et réduit aux os,
où mettra-t-on les os?
La réponse à la première question est qu'on expose le corps
aux oiseaux. La réponse à la seconde est qu'on recueille les
os dans un édifice. Cet édifice est appelé dans la traduction
pelîlvie astodâri, c'est-à-dire et réceptacle d'os 5?. Le Vendidad
ne donne aucun éclaircissement sur la forme de cet aslodân.
Mais nous trouvons dans le Dadistani-Dini , dans un passage
correspondant, les lignes suivantes (question XVII) :
))fo-Ç^) -K3T0^ -Vfiy ^fOOO -"^ ^^N^l^i"^ -<^r -VO^ lil)^^
iif^-»iy-â3e) ipy-<5-"'^ -'ï^y^^-w^rO ^-^-^ ')Hy fi ')J}-Çf^
Lorsque le corps est bieti dévoré, les os doivent être placés dans un
aslodân, qui sora élevé au-dessus du sol et muni d'un foil de lelle laçon
que la pluie ne puisse pas tomber sur la suhslance morlello et que l'eau
ne puisse pas rester dessus, d'en haut, et qu'aucune goutte ne puisse
tomber dessus d'en haut et qu'un cbien ou un renard n'y puisse avoir
— 373 —
accès el (|iie tics Irons soient fails dedans [)our l'admission de la iiunière.
Il est do plus ordonne que Yaslodân sera prépare d'une seule pierre et
que son couvercle sera lait d'une seule pierre, bien préparc-e et porfori^e,
et qu'il sera conslruil avec de la pierre et du mortier tout autour.
Dans ce passage le mot astodân s'applique à deux récep-
tacles très dilTcrcnts. Dans la première partie, il s'agit d'un
monument, d'une sorte de voûte funéraire, analogue peut-
être aux caveaux achéménides. Dans la seconde partie, il s'agit
d'un réceptacle fait d'une seule pierre, dont le couvercle est
aussi fait d'une seule pierre; il ne peut évidemment s'agir
d'un monument s'élevant du sol. L'idée s'offre naturellement
d'un réceptacle semblable à ces jarres de pierre envoyées à
Bombay. Il paraît donc que les Perses anciens connaissaient
aussi la coutume d'ossuaires analogues à ceux de M. Dieulafoy.
J'ajouterai que, d'après M. Malcolm, l'ossuaire qu'il a envoyé
passe, parmi la population actuelle, pour avoir appartenu aux
Perses anciens.
Ici se pose une question : pourquoi les os étaient-ils gardés
dans les astodâns ? Pourquoi croyait-on nécessaire d'amasser et
de garder les os?
On les gardait en vue de la résurrection. La doctrine de la
résurrection était une vieille croyance persane. On lit dans le
Zamijàd Yashl (par. 89) :
Celle splendeur saltachera elle-même au victorieux Saoshyant el à ses
compagnons. Alors il fera le monde frais, sans dépérissement, impéris-
— 37â —
sable, libre de putréfaction et de corruption, toujours vivant, toujours
jjrogressant, puissant; alors les morts se lèveront encore, Timmortalité
sera le lot des vivants et le dësir pour la fraîcheur sera accordé au
monde.
Il semble d'après ce passage que Saoshyant produira la ré-
surrection du monde et fera relever les morts. Mais com-
ment fera-t-il relever les morts ? Il les fera se lever de leurs
os (ast, ^3i»>) qui sont gardés dans Vastodâii. Pour cette raison,
il est appelé Astvat-Ereta , c'est-à-dire, «celui qui relève les
osw. Nous trouvons le passage suivant dans le Farvarclm YasJu
(129):
Nous honorons le Fravashi du saint Astval-Erela, qui est par son
nom le victorieux Saoshyant et par son nom Astvat-Ereta. (Il est par son
nom) Saoshyant (c'est-à-dire le bienfaisant), parce qu'il fera du bien à
tout le monde matériel; et Astvat-Ereta, parce qu'il fera relever les créa-
tures mortes corporelles à l'état de créatures vivantes.
Voilà pourquoi on gardait les os dans les aslodàns; ils de-
vaient être utiles dans le futur, au temps de la résurrection,
quand le Saoshvant fera que Ifïs morts «se lèvent de leurs osr.
— :nr, —
APPENDICE N° TV.
RAPPORT
FAIT AL NOM DE LA COMMISSION DES ANTIQUITES DE LA FRANCK,
SCR LES OUVRAGES ENVOYÉS AU CONCOURS DE L'ANNEE 1 88(),
PAR M. ANT. HÉRON DE VILLEFOSSE,
LO DANS LA SEANCE DD 1 1 OOTOBItE l88f).
Messieurs,
Le concours des antiquités nationales est cette année d'une
importance exceptionnelle. C'est certainement un des plus
brillants que votre Commission ait eu à juger depuis qu'elle
est instituée. La valeur des ouvrages, leur nombre, la variété
des sujets traités, tout a contribué à donner nu concours de
1889 un éclat particulier.
Dans la liste des mémoires qui vous ont été adressés, les
travaux relatifs au xv° siècle occupent une place notable. Il est
évident que les historiens et les curieux dirigent leurs recher-
ches avec une prédilection marquée vers les temps qui ont
précédé la Renaissance française : les œuvres littéraires de
cette époque, la vie des personnages qui l'ont illustrée sont
l'objet d'une faveur j)articulière de la part des érudits.
Première médaUlc. — L'ouvrage de M. E. Jarry qui a mé-
rité la première médaille est intitulé : La Vie politique de TjOuis
de France, duc d'Orléans (ï .^72-1407), Paris-Orléans, 1889,
in-S".
Pendant longtemps l'histoire n'a voulu reconnaître dans le
second lils du sage roi Charles V qu'un ])rince élégant et spi-
rituel, artiste, il est \rai. mais léger, inconstant et prodigue,
incapable de s'occiipci- ;iv<'c stiilc (h^s chnscs rlu gouvornomenl.
xvii. 2O
iwriiivi Bie ittTiiiviLii
— 376 —
Louis d'Orléans aimait avec passion les œuvres de l'esprit;
son influence dans le domaine des lettres et des arts a été
féconde et les traces en sont restées ineffaçables. Tout le
monde est d'accord sur ce point. Mais sa politique extérieure
et son administration ont été l'objet de sévères appréciations
et, avant la publication des travaux de M. le comte de Cir-
court, elles passaient pour avoir donné des résultats déplora-
bles. Les témoignages prépondérants des écrivains bourgui-
gnons avaient contribué à établir et à consolider cette mauvaise
réputation.
Il a semblé à l'auteur de ce livre que les bistoriens avaient
manqué d'impartialité 5 l'égard de la victime de Jean sans
Peur et, poussé par le désir de réhabiliter complètement cette
curieuse et sympathique figure, il a recherché dans la vie
privée de Louis d'Orléans tout ce qui ])Ouvait servir à éclairer
sa vie politique. Le rôle du duc fut conforme aux vrais inté-
rêts de la France : (elle est la conviction de M. E. Jarry; il a
tout mis en œuvre pour la faire partager au lecteur.
Il nous montre le duc d'Orléans travaillant sans cesse pour
le bien du pays. Tantôt il concourt sans réserve à l'œuvre
royale, enlevant à l'ennemi ses alliés les plus puissants et clier-
cbant le point sensible où ses coups porteront les plus graves
blessures; tantôt il gagne à la France de nouvelles sympa-
thies, ouvrant la voie à l'influence française, soit en Italie,
soit en Allemagne. L'ardeur entreprenante du jeune prince
contrecarrait les dessoins de la maison de Bourgogne et ses
succès provoquaient de sourdes jalousies. Ses qualités exté-
rieures avaient charmé ses contemporains; elles inspirèrent à
Jean sans Peur, qui en était dépourvu, une haine poussée
jusqu'au crime.
Dans la biographie du frère de Charles VI, telle (ju'il nous
l'a présentée, M. Jarry n'a voulu envisager que le rôle poli-
ti(|ue de son héros et, laissant intentionnellcmenf dans l'ombre
— Til —
les côtes aimables du caractère de Louis d'Orléans, il a cherché
à marquer nettement sa place dans l'histoire comme négocia-
teur et comme homme d'Etat. C'est en contrôlant les chro-
niques au moyen des documents originaux de toute sorte, en
exposant les faits avec autant d'impartialité que de précision,
sans crainte de multiplier les dates et les détails utiles à sa
thèse, qu'il a retracé, à ce point de vue spécial, la vie courte
mais si bien remplie d'un prince séduisant qui fut en France
l'un des précurseurs de la Renaissance.
Ce livre n'est autre chose que la thèse présentée par M. Jarry
à l'Ecole des chartes pour obtenir le diplôme d'archiviste pa-
léographe. Il est fait de main de maître et composé entière-
ment sur des documents inédits. Les recherches de l'auteur
ont été conduites d'une façon excellente; il a exploré les plus
importants dépôts d'archives de la France et de l'étranger, et
c'est avec un talent incontestable qu'il a mis en œuvre les
innombrables matériaux recueillis par lui à Londres, à Milan,
à Turin, à Asti, à Florence, à Venise et à Paris. Son travail
fait grand honneur à l'érudition française; il est rempli de
faits nouveaux, d'aperçus ingénieux et personnels et d'appré-
ciations intéressantes sur les hommes et sur les événements.
Deuxième médaille. — La seconde médaille est attribuée à
M. Paul Guérin pour son Recueil des documents concernant le
Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France,
t. IV (iSCjQ-iS'jG), Poitiers, 1888, in-8''.
Ce grand recueil est publié sous les auspices de la Société
des archives historiques du Poitou et doit contenir tous les
actes relatifs au Poitou renfermés dans les registres du Trésor
des Chartes. L'enlre[)rise est immense; mais elle est pour-
suivie avec une méthode et une persévérance qui permettent
d'en espérer l'heureux achèvement.
L'éditeur ne s'est pas borné à donner iine édilion fidèle
26.
— 378 —
des documents-, il y a joint des notes, quelquefois fort déve-
loppées, dont il a demandé la matière à des témoignages tou-
jours originaux, souvent inédits.
Les introductions sont de remarquables morceaux de cri-
tique. L'auteur y retrace en détail les épisodes importants sur
lesquels les actes du Trésor des Charles, combinés avec les
autres documents, permettent de projeter une lumière nou-
velle. Ce qui donne un prix particulier à l'introduction du
dernier volume, c'est le soin mis à faire connaître les efforts
du gouvernement de Charles V, pour soustraire le Poitou à
la domination anglaise après la rupture du traité de Bré-
tigny.
Le texte, les notes, les tables et les introductions, tout
mérite d'être loué dans ce recueil dont les quatre premiers
volumes ont été successivement adressés aux concours de
l'Académie. L'auteur, paléographe exercé et chercheur con-
sciencieux, a tenu compte des observations auxquelles ses
précédents envois avaient donné lieu. Son ouvrage constitue
aujourd'hui une collection très riche et presque achevée.
Votre Commission devait le récompenser, non seulement
pour distinguer son travail qui est de tout point excellent,
mais encore pour reconnaître et signaler le service excep-
tionnel qu'une telle publication est appelée à rendre à l'éru-
dition historique. Si nos différentes provinces faisaient
exécuter des recueils analogues à celui dont M. Guérin a
doté le Poitou, la tâche des écrivains qui s'occupent des an-
nales de la France au xiv" et au xv" siècle serait bien sim-
plifiée et la conservation de textes infiniment précieux serait
à jamais assurée.
Troisième médaille. — M. A. Clément Pallu de Lessert, qui
a obtenu la troisième médaille, vous a envoyé un ouvrage sur
les Fastes de la Niimidie sons la domination romaine, Constan-
— 379 —
Unc-Paris, 1888. in-8". Ce livro nous tninsporto dans un
niilicu tout à fait diflV'rcnt.
La Nmnidio était une des plus riches provinces de l'Em-
pire. Depuis l'époque où elle avait été séparée de la province
proconsulaire d'Afrique pour devenir une province impériale,
son importance s'était accrue d'une façon notable. Le légat de
Numidie avait, en effet, dans ses attributions non seulement
l'administration de sa province, mais aussi le commandement
de l'armée d'Afrique qui y était cantonnée. Cette armée se
com[)osait, en temps ordinaire, d'une légion, la IV légion
Auguste, et de nombreuses (roupes auxiliaires chargées de
maintiMiir l'ordre et la tranquillité, d'assurer la sécurité des
colons au milieu des populations nomades, de veiller à la
sûreté des routes et de protéger d'une manière efficace les
caravanes qui se rendaient aux points extrêmes de l'occupa-
tion romaine dans le sud. Le légat impérial de Numidie avait,
en outre, pour mission spéciale de surveiller le proconsul
d'Afrique, personnage considérable tout à la dévotion du
Sénat, et de se porter au besoin sur (Jarthage avec ses troupes
pour y faire respecter le nom et l'autorité de l'Empereur. Les
événements s'étaient chargés d'apprendre aux successeurs
d'Auguste la nécessité de cette surveillance.
Une pareille situation exigeait des hommes dévoués, éner-
giques, d'une capacité exceptionnelle et d'un dévouement à
toute épreuve. Aussi la liste de ces gouverneurs contient-elle
surtout des noms dont l'histoire a gardé le souvenir. A l'aide
des nombreux matériaux transmis par les écrivains grecs et
latins de l'époque romaine et grâce aux documents épigra-
|>lii(pies que la terre d'Afrique nous a conservés et nous rend
chaque jour avec une générosité sans pareille, M. Pallu de
Lessert a écrit la vie de chacun d'eux. Il a discuté les textes
et les inscriptions relatifs à chaque gouverneur; il en est ré-
sulté une série de petites biographies, disposées par ordre
— 380 —
chronologique, remplies d'intérêt non seulement pour l'his-
toire provinciale de la Numidie, mais aussi pour l'histoire gé-
nérale de l'Empire romain.
Cette manière de procéder pouvait cependant [irésenter un
inconvénient auquel l'auteur a dû remédier. Cette liste n'est
pas complète; il manque bien des noms; d'autres sont incer-
tains, faute d'une indication permettant de les dater. Fallait-il,
pour cela, exclure la mention des événements importants qui
se plaçaient dans ces intervalles? 11 ne l'a pas pensé et il y a
suppléé par des notes intercalées entre certaines notices. Sa
chronologie devient ainsi à peu près complète.
Les événements qui se passèrent en Afrique au moment de
l'avènement des Gordiens sont environnés d'une certaine
obscurité, surtout en ce qui concerne l'intervention de Ca-
pellien. Les textes d'Hérodien et de Capitolin sont inconci-
liables et les historiens modernes ont été assez embarrassés
pour déterminer le motif du rôle important joué par ce per-
sonnage. Avec Léon Renier, M, Fallu de Lessert n'hésite pas
à faire de Capellien un gouverneur de Numidie et dans la
dissertation (ju'il lui consacre, au milieu de renseignements
très contradictoires, il a su trouver d'excellentes raisons pour
soutenir cette opinion. Parmi les gouverneurs dont il a fixé
la date de la façon la ])lus sûre, il faut citer L. Vespronius
Candidus que Tissot, suivant en cela l'opinion générale et
trompé d'ailleurs par un passage mal conq)ris de Tertullien,
avait classé à tort parmi les proconsuls d'Afrique.
Les travaux de ce genre sont de ceux qui demandent une
grande sonmie d'études et beaucoup de réflexion; ils sont
appelés à rendre de véritables services. L'auteur, ancien élève
de l'Ecole pratique des hautes éludes, s'y était préparé par
plusieurs voyages en Afrique et par des publications relatives
à l'histoire et aux antiquités de cette région. Son mémoire
sur les Gouverneurs des Mnurétaaies a été comme le prélude
— 381 —
de LL'lui (jue iioils réroiiijjoiison.s aiijoiirtl'lmi. Jjc travail de
notre savant coidièro M. AV.-II. \\addin(jton, Faslc.s des pro-
vinces asiatiques de l Empire romain, a servi de modèle à cet
ouvrage; il était impossible d'en choisir un meilleur.
Quatrième médaille. — L'importance tout à fait exception-
nelle du concours a déterminé la Commission à demander,
pour cette année, une quatrième médaille. Elle a été décernée
à l'ouvrage suivant : Le Jouvenccl, par Jean de Biieil, suivi du
Commentaire de Guillaume Tringant, publié pour la Société de
riiistoire de France; introduction biograpiiicpic et littéraire
par Camille Favre; texte établi et annoté |)ar Léon Leccstrc,
Paris, 1887-1888, 2 voL in-S".
La publication de MM. Favre et Lecestre est digne de
grands élogfts. Une édition nouvelle, critique et commentée,
du Jouvenccl était vraiment à souhaiter.
Le maréchal de Bueil, un des compagnons de la Puceilc
et l'un des plus vaillants auxiliaires de Charles VII dans la
grande œuvre de la reconstitution de la France, se plut, sur
ses vieux jours, t\ retracer les souvenirs de sa vie militaire et
à faire ressortir les enseignements qu'on ])Ouvait, selon lui,
en tirer, dans une sorte de roman biographique, de Cyropé-
die, où les noms de personnes et de lieux sont cachés sous des
dénominations fictives qui désignent souvent plusieurs indivi-
dus ou objets divers afin de mieux dérouter une curiosité trop
précise. Le voile est assez épais pour que la critique ait eu
beaucoup de peine à le lever sans le secours que lui a fourni
l'honnête Guillaume Tringant, secrétaire du maréchal, qui,
après la mort de son muilre, ne vit aucun inconvénient à dis-
siper l'obscurité dont celui-ci, par modestie ou plutôt par
prudence, avait enveloppé ses récits.
Grâce à ses commentaires que la nouvelle édition donne
pour la [)remière fois conqjlèlemeiil , on peut suivre à tra-
— 38^2 —
vers la fiction, d'ailleurs fort peu compliquée, du roman,
l'histoire vraie cju'il contient et si les renseignements qu'on
obtient ainsi sont d'une faible valeur pour la connaissance des
faits en eux-mêmes, la constatation du vrai sens de l'ouvrage
et des conditions dans lescjuelles il est né lui donne un prix
considérable comme reflétant les idées et les sentiments d'une
époque fort intéressante et d'un des personnages qui y
jouèrent le premier rôle. Le livre, d'ailleurs, trop prolixe et
trop abondant, à notre goût, en moralités et en dissertations,
ne manque pas par lui-même d'intérêt; le style ferme et vif,
presque toujours soutenu, contrairement à l'usage de la plu-
part des écrivains du temps, s'élève parfois jusqu'à l'éloquence
et ne tombe jamais dans la platitude.
Tous ces mérites faisaient souhaiter d'avoir une bonne édi-
tion d'un ouvrage célèbre que Sainte-Palaye appelait à bon
droit cde testament mihtaire d'un grand homme de guerre r,
et qui, imprimé plusieurs fois aux xv* et xvi'' siècles, ne l'avait
plus été depuis ibaç). La j^résente édition donne satisfaction
complète à ce désir.
Des deux érudils qui se sont partagé la tache, le premier,
M. Camille Favrc, a écrit la très longue notice biographique
sur Jean de Bueil et la notice littéraire. La première est de
tout point excellente; la notice littéraire est aussi fort esti-
mable. L'auteur a recherché les ouvrages antérieurs sur l'art
de la guerre que Jean de Bueil avait pu connaître et il a mon-
tré combien le sien leur était supérieur. Une question qui
aurait pu être serrée de plus près est celle de la part réelle
qne le vieux maréchal prit à la rédaction de l'œuvre; il pa-
raît bien résulter des notes de Tringant qu'il se contenta de
l'inspirer et que trois de ses calomestiques" en furent les au-
teurs au sens propre du mot. Quelques petites inadvertances
montrent que M. Favre est plus familier avec l'histoire du
xv^ siècle qu'avec sa littérature, mais la notice littéraire n'en
— 383 —
téinoigno pas moins d'un savoir très solide et d'un excellent
jugement. Il en est de même de la notice sur les manuscrits
et les éditions, due également à M. Favre.
M. Lecestre, son collaborateur, a borné sa tâche à l'édition
du texte et des pièces justificatives; sa part n'en est pas moins
importante dans le labeur qu'a nécessité cette publication. Il
a suivi fidèlement un manuscrit qu'il a jugé, par de bonnes
raisons, très voisin de l'original. Malgré quelques petits dé-
fauts, d'ailleurs peu nombreux et peu graves, le texte est
bien constitué, bien ponctué et partant bien compris. Les
notes explicatives sont rares et auraient pu avec avantage être
multipliées.
Cette œuvre commune fournira aux érudits qui s'occupent
plus spécialement du xv* siècle des informations d'un grand
intérêt, pour la plupart inédites et puisées aux meilleures
sources.
Première mention honorable. — L'ouvrage qui a obtenu
la première mention honorable ne nous éloigne pas du
XV* siècle. Il a pour titre : Archives d'un serviteur de Louis XI;
documents et lettres, iâ5i-iâ8i, publiés d'après les originaux
par Louis de la TrémoïUe, Nantes, 1888, \n-k°.
Le serviteur de Louis XI auquel est consacrée la nouvelle
piibhcation de M. le duc de la Trémoïlle est Georges de la
Trémoïlle , seigneur de Graon , qui a été mêlé à plusieurs des
événements les plus considérables du règne de son maître,
depuis 1668 jusqu'en i^li"!"/- H a notamment rempli les mis-
sions les plus délicates et les plus importantes après la mort
de Gharles le Téméraire pour préparer le retour de la Bour-
gogne à la couronne de France.
G'est du célèbre chartrier de Thouars que M. le duc de la
Trémoïlle a tiré la plupart des documents qui permettent
de connaître et d'apprécier le rôle politique du seigneur de
— 38A —
Craon. Il les a complétés par de judicieux emprunts faits à la
Bibliothèf|ue nationale, au Trésor des Chartes, aux registres
du Parlement et aux archives de la Côte-d'Or. Le recueil
qu'il a ainsi formé prendra place parmi les ouvrages indis-
pensables à consulter pour l'histoire de Louis XL
Le mérite de l'auteur ne se borne pas à avoir recherché,
classé et publié les documents. Il y a joint une table alpha-
bétif|ue dont beaucoup d'articles renferment, sur différents
personnages, des renseignements précis et abondants, le jjIus
souvent fournis par des textes inédits.
En nous donnant ce livre intéressant, j\I. le duc de la Tré-
moïUe a rendu à l'histoire générale de France au xv* siècle un
nouveau service c|ue l'Académie devait signaler et récompen-
ser. Le possesseur du chartrier de Thouars a entre les mains
des trésors historiques de premier ordre; il est impossible
d'en faire un plus noble et un plus généreux usage. L'intelli-
gente activité qu'il déploie pour les publier et pour les mettre
entre les mains du public, par ses travaux personnels, est un
gage certain de son dévouement à la science; chaque année
de nouvelles publications viennent nous montrer combien ce
dévouement est profond et sincère.
Deuxième mention honorable. — La deuxième mention ho-
norable est décernée à M. Ch. Morel pour son ouvrage inti-
tulé : Genève et la colonie de Vienne; étude sur une organisation
municipale à Vépoque romaine, Genève, 1888, in-8''. Votre
Commission a regretté de ne pouvoir récompenser plus com-
plètement un savant aucjuel sont dus d'importants mémoires
de critique et d'archéologie et qui a été l'un des collabora-
teurs de L. Renier pour la publication des OEiwres de Bor-
ghesi.
Ce mémoire présente un intérêt partic!ili(>r pour l'histoire
de l'administration romaine en Gaule. Il est relatif à l'orga-
— 385 —
iiisation municipale de la colonie de Vienne, colonie qui fut,
sous la domination romaine, dans une position exceptionnel-
lement privilégiée.
Le bel ouvrage de M. Allmer, Inscriptions antiques de Vienne,
a servi de base à ce travail. Une publication faite en 1876
par un professeur de Zurich, M. S.-S. MûUer, en a été la
cause réelle. Dans une dissertation sur INyon à l'époque ro-
maine, Nyon zur Rômerzeit, ce jeune savant s'était efforcé
d'établir qu'il y avait eu, sous les Romains, deux Genève,
l'une sur la rive gauche du Rhône, viennoise et allobroge,
l'autre sur la rive droite appartenant aux Equestres. Partant
de là, il posait en principe que les inscriptions trouvées sur
la rive droite devaient se rapporter nécessairement à des per-
sonnages habitant le territoire de Nyon et aux fonctions pu-
bliques de cette colonie. Il avait été ainsi conduit à établir
une regrettable confusion entre les institutions municipales
de la colonie de Vienne dont relevait le viens de Genève et
r
celles de la colonie Equestre.
M. Ch. Morel a prouvé la fausseté de ce système. L'histoire
des célèbres inscriptions de Julius Brocchus, sur lesquelles
M. MùUer s'était appuyé, lui a fourni une nouvelle occasioji
de montrer la sûreté de son jugement et d'exercer la rigueur
de sa critique.
De l'étude des documents épigraphiques, il résulte pour
M. Ch. Morel que Vienne a eu successivement deux constitu-
tions différentes. D'après la première, qui remonte à l'époque
d'Auguste et qui a duré au moins jusqu'au commencement
du règne de Tibère, les magistrats suprêmes de la cité ont
le titre de quattuorviri juri dicundo, titre propre aux magistrats
des municipes. D'après la seconde constitution, (jui existait du
temps de ïrajan et qui présente des particularités très remar-
quables, les magistrats suprêmes portent, comme dans les
colonies, le titre de duovin juri dicundo.
— 386 —
Les derniers chapitres sont plus spécialement consacrés à
l'histoire de Genève à l'époque romaine; l'auteur y a démon-
tré définitivement que le prétendu viens Genavcnsis situé sur
la rive droite du Rhône n'avait jamais existé et qu'on n'en
avait trouvé aucune trace.
L'ouvrage de M. Ch. Morel fait ressortir une fois de plus
l'importance des inscriptions romaines pour l'étude de l'his-
toire, de la géographie et de l'administration. L'auteur a su
en tirer un bon parti. Son livre contribuera à jeter quelque
lumière sur les questions encore si compliquées qui se rat-
tachent à l'étude des organisations municipales romaines.
Troisième mention honorable. — La troisième mention hono-
rable est accordée à MM. les docteurs Bleichcr et Faudel,
auteurs du recueil intitulé : Matériaux pour une étude préhis-
torique de V Alsace, 5 fascicules de Sgô pages et 88 planches,
Colmar, 1878 a 1888, in-8''.
On ne pouvait trouver deux savants plus compétents pour
traiter le sujet dont ils ont entrepris l'étude. Le docteur Fau-
del est un anthropologiste qui a fait depuis longtemps ses
preuves; le docteur Bleicher est un naturaliste des plus dis-
tingués. Tous deux, Alsaciens et ardents patriotes, ont eu
pour but d'élever un monument national à leur chère pro-
vince ou du moins d'en établir les bases sur des documents
incontestables et scientifiquement contrôlés. Ce but est at-
teint.
Leurs recherches ont été poursuivies avec une rare persé-
vérance pendant plus de dix années. De tous ces efforts est
résulté, non pas un livre, mais une statistique complète et
raisonnée des richesses préhistoriques de l'Alsace. Un livre
dogmatique aurait pu produire plus d'elle!. 11 faut les féliciter
d'avoir résisté à celte tentation. Us ont été retenus par un
sentiment de respect pour la science, c'est-à-dire pour la vé-
— 887 —
rite. Celte réserve est méritoire. La nature du sujet traité ne
leur permettait pas d'atteindre à plus de perfection; il leur
commandait la prudence.
Ils ont recueilli les matériaux d'une histoini de l'Alsace
aux temps primitifs; consciencieusement ils ne pouvaient
faire autre chose. Mais sur combien de détails n'ont-ils pas
porté la lumière? La statistique qui remplit ces cinq fasci-
cules est, en effet, mêlée de nombreuses dissertations sur la
nature et la provenance des roches, sur la distribution de
leurs gisements, sur la composition des minéraux ou des vé-
gétaux employés comme matière première par nos ancêtres
préhistoriques. Les auteurs ont donné une description fort
complète et très exacte des enceintes fortifiées qui existent
entre les Vosges et le Rhin, une savante étude sur la céra-
mique pré-romaine, sur la préparation de la terre et sa cuis-
son; ils ont publié des remarques très judicieuses sur l'ambre
et le corail et surtout ils se sont livrés à un examen n)inuticux
des bracelets en lignite, jayet, bois d'if, etc., où le caractère
de ces anneaux est enfin définitivement établi grâce à des
analyses chimiques habilement conduites, aidées d'observa-
tions au microscope.
La supériorité de ce travail sur tous ceux du même genre
qui ont été présentés à nos concours est incontestable.
MiVr. les docteurs Blcicher et Faudel ont donné un exemple
remarquable de suite dans les idées, de patience, de préci-
sion dans les observations , de réserve dans les conclusions.
Quatrième mention honorable. — M. yV. Prudhomme, archi-
viste du dé|)artement de l'Isère, auteur d'une Histoire de Gre-
noble, Grenoble, 1888 , in-8°, a été jugé digne de la quatrième
mention honorable.
La ville de Grenoble a joué un rôle assez im|)ortant pour
mériter d'avoir une histoire spéciale. Les matériaux ne man-
— 388 —
quaient pas pour l'écrire. M. A. Prudhomme a su extraire des
nombreuses sources auxquelles il a puisé tous les éléments de
nature à éclairer son sujet. Il y a ajouté beaucoup d'indica-
tions fournies par des pièces manuscrites qu'il a rencontrées
surtout dans les archives de l'Isère. Ces indications ne se
rapportent pas toujours, il est vrai, à des événements curieux,
mais elles n'en complètent pas moins avantageusement l'ex-
posé des vicissitudes de la fortune de cette ancienne ville qui
devint la capitale d'une province française donnée en apanage
à l'aîné des fds de nos rois.
Sur divers points, l'œuvre de l'historien était déjà fort
avancée, notamment pour tout ce qui touche à l'histoire de
Ja réunion du Dauphiné à la couronne de France, au gouver-
nement de Louis XI, en tant cpe Dauphin, et aux guerres
de religion dont cette partie de la France fut le théâtre.
M. Jules Guiffrey, en particulier, avait fait plus que déblayer
le terrain et laissé la tâche presque achevée.
L'œuvre de M. A. Prudhomme n'en est pas moins très esti-
mable. Il ne s'est pas perdu dans les digressions, il a raconté
les événements et relaté tout ce qui peut servir à l'histoire de
la capitale du Dauphiné avec sobriété, clarté et précision. Le
labeur que ce livre dénote est considérable; l'ouvrage nous
offre assez de données nouvelles, d'informations inédites ou
non encore utilisées par les historiens pour nous intéresser et
mériter les encouragements de l'Académie. Les jugements for-
mulés dans ce livre sont toujours justifiés par l'exposé des
faits, dont le récit est bien enchaîné. L'auteur a vécu depuis
plusieurs années dans la ville dont il retrace l'histoire; il en
connaît à fond les archives; il en a étudié les monuments et
il y a recueilli sur place bien des traditions. Nul n'était en
meilleure situation pour écrire cet ouvrage qui prendra rang
parmi nos bonnes histoires locales.
389
C'mnuihrc mention honorable. — AL Henri Stoin a obtonu la
cinquirnic mention lionoral)le ])our son livre sur Olivier de h
Marche, historien, poète et diplomate hourfrui^non, Paris, 1888,
m-h\
La |)artie la plus importante de ce travail est historique,
soit que M. Sfein étudie les mémoires d'Olivier de la Marche,
leur valeur et leurs sources et indique les meilleures bases
d'une édition vraiment critique, soit qu'il retrace à l'aide de
documents d'archives la vie longue et agitée du secrétaire
de Charles le Téméraire, du maître d'hôtel de Maximilien, du
précepteur de Philippe le Beau. Cette partie historique est
excellente et ne mérite que des éloges. On y trouve un opus-
cule d'Olivier qui, bien qu'imprimé au xvii^ siècle, était resté
à peu près inconnu et qui offre un grand intérêt. C'est XAvis
nu roi des Romains touchant la manière qu'on se doit comporter a
l'occasion de rupture avec la France.
L'autre partie du livre de M. Stein est littéraire et jusqu'à
un certain point phdologique. Il est évident que l'auteur a
considéré cette partie de son ouvrage comme secondaire. On
s'en aperçoit en voyant, dès les premières pages, le roman
d'Amadis signalé parmi ceux qu'on lisait au xv^ siècle à la cour
de Bourgogne ou en trouvant parmi les morceaux inédits,
imprimés à l'appendice, un rondeau qui figure ordinairement
dans le recueil des œuvres de Charles d'Orléans et qui n'est
pas compréhensible si on le détache de la série à laquelle il
appartient. En outre, l'édition donnée dans cet appendice de
quelques poésies d'Olivier est sur certains points défectueuse.
(Jela a eu parfois des conséquences, même pour l'étude histo-
rique. Si, par exemple, M. Stein avait hifMi saisi ccrtams
vers (de la page 128), il aurait vu (pie la Doctrine pour
madame Aliénor avait été écrite quand la fille (1(> Philippe le
Beau avait un an, et, en outre, qu'Olivier, malgré son grand
âge, avait été nonuné gouverneur de cette enfant. A ])ropos
— 390 —
du Parkînent des dames, il y aurait aussi quelques observa-
tions à faire sur certains manuscrits que l'auteur a négligé de
consulter.
Malgré ces imperfections, le jeune érudit a su diriger si
habilement ses recherches, qu'il ne reste plus grand'chose à
glaner après lui. On peut ne pas partager complètement toutes
ses opinions et apprécier d'une façon différente le caractère
d'Olivier de la Marche, mais il est impossible de réunir plus
de renseignements et de détails sur les événements auxquels
il a été mêlé , de les présenter d'une façon plus claire et plus
intéressante.
Sixième mention honorable. — La sixième mention honorable
a été décernée à M. d'Espinay, ancien conseiller à la Cour
d'appel d'Angers, pour son livre sur la Coutume de Touraine au
XY' siècle, Tours, 1888, in-8°.
Au point de vue historique, il existe au moyen âge une
union si étroite entre l'Anjou et la Touraine qu'il n'y a pas
lieu de s'étonner que ces deux provinces aient été' régies par
les mêmes coutumes et soumises aux mêmes juridictions. C'est
un fait qui a été mis en pleine lumière par M. Beautemps-
Beaupré dans son vaste recueil des Coutumes et institutions de
l'Anjou et par notre savant confrère M. VioUet dans sa belle
édition des Etablissements de saint Louis.
Il vint cependant un moment où les deux coutumes se sé-
parèrent et, pour mieux dire, prirent une forme distincte et
plus individuelle. La rédaction officielle de la Coutume d'Anjou
eut lieu en 1/111, précédant ainsi de quarante ans l'ordon-
nance de Montils-lez-Tours qui a prescrit la rédaction des
Coutumes de France. La Coutume de Touraine a été rédigée,
au contraire, en i/i6i, en vertu de cette même ordonnance.
Cette première rédaction, faite sous la direction de Baudet
Berthelot, lieutenant général du bailli de Touraine, fut con-
— 391 —
firniéo en iMia, puis rclonnén sucressivcmenl en iBo^ et
1559. ^^^ ^^''"^ réformalions enlevèrent naturellement au
texte de 1Z161 tout intérêt pratique; les exemplaires tant im-
primés que manuscrits en devinrent rapidement rares.
M. d'Espinav n'a pu en retrouver que deux, l'un manuscrit,
à Rouen, l'autre imprimé, à Tours, et provenant du cabinet
de M. Taschcreau. Il s'est occupé de son rôle d'éditeur avec
distinction. La connaissance qu'il possède des anciens textes
angevins du xni' et du xiv" siècle lui a permis de faire d'heu-
reux rapprochements et d'intéressantes comparaisons. Sa nou-
velle publication sera fort utile aux érudits qui étudient l'ancien
droit de nos provinces de l'Ouest. Ceux mêmes qui n'ont pas
l'habitude de la langue juridique y trouveront un document
important et utile à signaler. C'est un Glossaire des anciens
termes de droit usités dans la coutume et le stille de Tourraine où
sont expliqués en langage courant les termes juridiques dont
le sens précis est quelquefois difficile à saisir.
Mais ce qui constitue le véritable mérite de cette publica-
tion, c'est l'introduclion qui en forme plus de la moitié et
dans laquelle l'auteur a exposé dogmatiquement, en suivant
autant que possible l'ordre de la coutume et du stille, les prin-
cipes de droit et les règles de procédure que renferment ces
deux documents. Il a su déployer des qualités de jurisconsulte
et d'historien ([ui assurent à son livre une place des plus
honorables.
La Commission tient à signaler, en outre, à votre atten-
tion certains ouvrages auxquels elle a regretté de ne pouvoir
attribuer de récompenses.
Au premier rang se ])lace le livre de M. Ernest Petit,
lUncraires de Philippe le Hardi et de Jean sans Peur, ducs de
IJourgogne, d'après les comptes de dépenses de leur hôtel (i363-
lâig), Paris, 1888, in-/i". C'est un recueil de documents
XVII. 9-7
iMmiurKif
— 392 —
fort précieux pour les biographies particulières du xiv'' siècle
ou du commencement du xv". Ce travail très important pré-
sente aussi une utilité incontestable pour fixer la chronologie
de nombreux détails historiques rapportés souvent d'une ma-
nière très vague par les chroniqueurs.
L'auteur de la vaste et luxueuse publication sur Jean de
Reilhac, secrétaire maître des comptes, général des finances et am-
bassadeur des rois Charles VII , Louis XI et Charles VIII, docu-
ments pour servir à l'histoire de ces règnes, de iâ55 à làgg,
Paris, 1886-1888, 3 vol. in-A", a fait connaître un grand
nombre de pièces d'archives qui offrent un réel intérêt pour
l'histoire générale de la France pendant la seconde moitié du
XV* siècle.
M. Joubert, en publiant V Histoire de la baronnie de Craon,
de i38a à 1626, Angers-Paris, 1888, in-8% et M. A. de
Rochemonteix, en écrivant un volume intitulé La maison de
Graule, étude sur la vie et les œuvres des convers de Cîteaux en
Auvergne au moyen âge, Paris, 1888, in-8'', nous ont donné
deux bons livres, faits avec soin et agréables à lire.
Bertrand de Broussillon et Paul de Farcy se sont
associés pour composer la Sigillographie des seigneurs de Laval
(^1 og5-i6o5^, Mamers, 1888, in-8", étude consciencieuse
et complète des sceaux de ces seigneurs, accompagnée de bons
commentaires historiques.
M. P. du Châtcllier a fait une œuvre utile: Les Epoques pré-
historique et gauloise dans le Finistère, inventaire des monuments
de ce département, Paris, 1889, in-S". La statistique qu'il a
donnée est très complète; elle serait irréprochable si tous les
monuments y étaient décrits en détail.
VEtude historique et archéologique sur la cathédrale et le palais
— 393 —
cpiscopal (le Pans du vi' au xii' siècle, Paris, 1888, in-8°, par
M. V. Mortel, est un mémoire sagement conçu dans lequel
les textes relatifs au sujet traité sont soigneusement relevés,
bien commentés et, en général, ingénieusement appliqués
aux témoignages archéologiques, fournis par les construc-
tions.
Un archéologue qui connaît à fond notre architecture du
moyen âge, M. Anthyme Saint-Paul, a écrit une Histoire mo-
numentale de la France, Paris, 1888, 111-8°. C'est un très bon
livre de vulgarisation.
Un ouvrage de longue haleine, ^Histoire de l'Afrique septen^
trionale (^Berhérie) ^ depuis les temps les plus reculés jusqu'à la con-
quête française [i83o), t. I et II, Paris, 1888, in-8% dont
les premiers volumes ont paru, a été renvoyé, malgré son
mérite incontesté, à un concours ultérieur. Cette œuvre, vrai-
ment nationale, se recommande par des qualités de fond et
de forme. La même décision s'applique à l'intéressant recueil
de M. le lieutenant Emile Espérandieu, Epigraphie romaine du
Poitou et de la Saintonge, Melle, 1888, in-8°, dont un seul
volume a été publié. Votre Commission a estimé qu'il fallait ,
avant de récompenser ces deux ouvrages, en attendre l'achè-
vement.
Un de nos meilleurs travailleurs de province, M. René
Fage, a envoyé un volume très estimable, Le Vieux Tulle,
Tulle, 1888, in-8''. Malheureusement la plupart des docu-
ments inédits cités dans cet ouvrage se rapportent à une
époque dont l'étude est en dehors des limites tracées par le
programme du concours.
Le Parlement de Bretagne après la Ligue [i5g8-i6io), par
M. Henri Carré, professeur à la Faculté des lettres de Poi-
tiers, Paris, 1888, in-8°, est un livre excellent; il concerne
— 39/i —
également une période trop moderne. S'il avait pu rentrer
dans les conditions du concours des Antiquités nationales,
il aurait été certainement jugé digne d'une de nos récom-
penses.
Les membres de h Commission des Antiquités de la France,
A. Madry, Léop. Delisle, Barthélémy Hadréau, Eug.
DE RoziÈRE, G. Paris, Alexandre Bertrand, Gustave
Sghlumberger, Ant, Héron de Villefosse, rapporteur.
L'Académie, après avoir entendu la lecture de ce rapport,
en a adopté les conclusions.
Certiûé conforme :
Le Secrétaire perpétuel,
H. WALLO^.
— 395 —
LIVRES OFFERTS.
SÉANCE DU 6 SEPTEMBRE.
Sont offerts :
Romanei provcrbi cl nci viodi di dire, par M, Marco Besso (Rome,
1889, in-S");
Les subdiiisioiis de l'époque magdalénienne el de l'époque néolithique,
par M. Éd. Pielle (Angers, 1889 , in-S");
Nomenclature de l'ère anthropique primitive, par le même (Angers,
i889,in-8°).
SÉANCE DU l3 SEPTEMBRE.
Sont offerts :
CpncKa Kpa.bCBCKa AKa^ciinja. F-iac. XVI. O HaTOHcy ua rjpKBn Xepqera
CTo*ana y FopajKAy , pai* I- Ruvarac (Belgrade, 1889, ^-8°);
3aniicKii KocTOMHaro OTA^jeHia IIiraepaxopcKaro pyccKaro apxeojorHiec-
Karo OômecTBa, publie's sous la direction du baron V.-R. Rosen, t. III,
livraison 4 (Saint-PëtersLourg, 1889, gr. in-8°);
Documents rares ou inédits de l'histoire des Vosges, publiés au nom
du Comité dliistoirc vosgienne, par i\lM. J.-G. Cbapellier, Paul Cbe-
vreux ol G. Gley, t. IX (Paris, 1889, in-8°).
M. Anatole de Barthélémy présente, delà part de l'auteur, un ouvrage
intitulé : La îwère des Guises; Antoinette de Bourbon, iâ(jà-iôS3, par
le marquis de Pimodan (Paris, 1889, in-8'').
ffLe marquis de Pimodan vient de publier une étude sur Antoinette
de Bourbon , lille de François , comte de Vendôme , et de Marie de Luxem-
bourg. Elle épousa Claude de Lorraine, fils du duc René II, d'abord
comte de Guise; mariée en 1 5i3 , elle mourut en 1 583 , âgée de quatre-
vingt-neuf ans , et pendant sa longue existence elle tint une place con-
sidérable dans riiistoii-e mouvementée de son mari , de son fils François
et de son pelil-liis, Henri.
rrEn retraçant la vie de cette princesse énergique, qui eut une grande
influence sur son entourage, M. de Pimodan a saisi l'occasion de résumer
le rôle joué, au xvi' siècle, par ces ducs de Guise à qui une ambition
héréditaire et sans bornes fit rêver de devenir les maîtres de la France.
L'auteur est partisan des Guises; il fait tous ses efforts pour se montrer
impartial, mais il n'y réussit pas toujours. Il est ligueur, avouons-le, et
— 396 —
je ne puis personnellement lui en faire un gros reproche, car il me
senible qu'à cette époque j'aurais penclié du côte' de la Ligue.
rf Aujourd'hui nous ne pouvons juger de ce qui se passa au xvi* siècle
qu'en mettant de côté les idées modernes. On ignorait alors ce que nous
appelons le patriotisme; on était singuHèrement personnel. Dans les
hautes classes et parmi les gens éclairés, on était catholique ou protes-
tant suivant que cela pouvait servir aux intérêts. De part et d'autre
l'égoïsme et l'ambition faisaient commettre des énormités qui nous éton-
nent douloureusement; en tout temps ces deux grands défauts produisent
les mêmes résultais.
ffLe livre que M. de Piraodan m'a chargé d'offrir à l'Académie, d'une
lecture attachante, est très intéressant au point de vue de l'histoire géné-
rale et de l'histoire de Joinville, résidence d'Antoinette de Bourbon. Il
est accompagné de vingt-huit lettres inédites de cette princesse , de qua-
rante-cinq lettres, également inédites, à elle adressées par différents
personnages, enfin de pièces justificatives.?)
SÉANCE DU 20 SEPTEMBRE.
Est offert à l'Académie :
Notanda et Corrigenda, par M. Barclay V. Head (Londres, 1889,
in-8% extrait du Nnmismatic chrnntck, 3° série, vol. IX).
M. BoissiER présente, au nom de l'auteur, M. R. de la Blanchère, une
brochure intitulée : Exposition universelle de 188g. Pillais tunisien.
Groupe I. Exposition du service des antiquités et des arts de la Bêgence
de Tunis (Paris, i889,in-i6).
ff C'est une petite plaquette de quelques pages, qui non seulement
sera utile à ceux qui visitent l'exposition tunisienne pour s'y reconnaître,
mais qui leur montrera que de richesses ce sol renferme, et, en indi-
quant ce qu'on en a tiré en quelques années, pour la connaissance de
l'antiquité punique ou romaine, fait prévoir ce qu'on en pourra tirer
plus tard.»
M. ViOLLET a la parole pour un hommage :
rfJe suis chargé d'offrir à l'Académie, au nom de M. le D' Victorin
Laval, un volume que ce savant auteur vient de publier sous ce titre :
Histoire de la Faculté de médecine d'Avignon, ses origines, son organisation
et son enseignement, 1. 1 (Avignon et Paris, 1889, in-8°).
fCe premier volume est consacré aux origines et à l'organisation;
l'auteur réserve pour le tome II une étude générale sur l'enseignement
— 397 —
à la Facull»' de iiK'doriiio (rAvijyiion. M. Laval relève avec soin les lexles
anciens relatil's à reiiseijjneiueiit à Avignon ; il conslate qn'au xiii' siècle
la médecine elail enseignde dans cette ville et que cet enseip^nonient y
était libre. L'Univei\si(é fnt londe'e par Bonii'acc VIIl en i3o3; mais la
Faculté de médecine ne se dessine nellement qu'au xv' siècle. M. le
D' Laval, s'a|)[)uyant coiislanunont sur des textes, suit les vicissitudes de
la Faculté de médecine d'Avignon jusqu'aux dcniiei'S jours de l'Univer-
sité (^i7Ç)i-i7()o).i
M. ViOLLET oll're ensuite un volume dont il est l'auteur cl (|ui vient
de paraître sous ce (itre : Histoire des institittions politiques et administva-
tives de la France, t. 1 (Paris. 1889, in-8").
SÉANCE DU 27 SEPTEJICRE.
Est offert :
Bibliographie vosffienne de l'année 1886 et Supplément aux années i883
à 188 5 ou Catalogue métliodi([ue et raisonné des publications sur les Vosges,
d'auteurs vosgicns ou faites dans les Vosges, par M. N. Haillant (Paris et
Épinal, 1889, in-8°).
SÉANCE DU /l OCTOBliE.
Sont olîerts :
La bibliothèque de l'abbai/e de Saint-Claude du Jura, esquisse de son
histoire, par M. Aug. Castau, correspondant de l'Institut (lîesançon,
1889, in-8'');
Nouvelles similitudes françaises-arabes (c:jl4jUi.il jj>-^'), par iM. Paul
Radiot (Paris, 1889, in-12).
M. VioLLET ofl're à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Cli. Joret,
une étude intilulée: Le P. Guevarrc et les bureaux de charité au xr 11' siècle
(Toulouse, 1889, in-8").
rrLes fondations d'établissements de charité destinés à accueillir les
indigents ne sont pas rares au xvi° et au xvii' siècle. Une ordonnance de
1662 prescrit même de créer dans toutes les villes des asiles oii seront
renfermés et nourris les pauvres mendiants invalides. Toute une série de
mesures contre la mendicité fait pendant à ces créations. Mais ffla guerre
ttdécliU"ée par Louis \iV à la mendicité serait restée en partie sans
ffrésultat, écrit M. Joret, si ce prince n'avait rencontré le concours le
ff plus actif de la part de plusieurs membres de la Société de Jésus n, en
particulier du P. Guevarre, à qui est consacrée cette étude. Le P. Gue-
varre a contribué à la fouilation d'un grand nond)re d'établissements
— 398 —
liospilaliers dans le midi de la France, Il fil à la mendicité une guerre
énergique, lutta contre ceux qui de'claraient hautement que c'est un
droit natm'el aux pauvres de demander Taumône et une œuvre me'ri-
toire aux gens aises de la leur donner. Il alla plus loin : il obtint de l'ar-
chevêque d'Aix une ordonnance cpii enjoignait aux confesseurs de dé-
tendre de donner l'aumône aux mendiants publics.
i-rLa biographie du P. Guevarre et le récit de son œuvre, puisés à des
sources manuscrites, pleins de faits nouveaux, intéresseront vivement
tous ceux qui s'occupent de i'Iiistoire du paupérisme en France, soit
qu'ils approuvent purement et simplement les procédés et les idées de
Louis XIV et des Pères Jésuites qui l'aidèrent dans son œuvre, soit
qu'ils se rangent, avec certaines précautions et réserves, du côté des
pauvres mendiants qui ne veulent pas être enfermés, et qu'ils acceptent
en principe la doctrine des recteurs de la Chai'ité d'Aix et des autres
mécontents qui croyaient au ffdroit des pauvres».
ffLe travail de M. Joret a paru dans une excellente revue d'érudition
de fondation récente, les Annales du Midi. y
M. Le Blaxt a la parole pour un hommage :
ffM. l'abbé Batiflfol, à qui l'Académie a décerné, il y a deux ans, le
prix ordinaire pour son mémoire sur la Bibliothèque de Photius, pour-
suit, dans les manuscrits grecs, ses utiles recherches. Il vient de publier,
sous le titre de Studia patristicn , un premier fascicule d'un recueil qu'il
a l'honneur d'offrir h l'Académie (Paris, 1889, in-8°).
ffCe fascicule contient, d'après des manuscrits du Vatican, le texte grec
entier du Livre de la prière d'Aseneth. Connu d'abord par des fragments
traduits en latin qu'eu a donnés entre autres, et le premier, Vincent de
Beauvais, ce document est im développement apocryphe et légendaire
du verset de la Genèse : rrPharaon donna pour femme à Joseph Ase-
rrneth, fille de Putiphar, prêtre de On.ii Aseneth est une vierge jeune et
belle , élevée dans la religion de l'Egypte. Son père la destine à Joseph.
Comme le veut la loi du peuple juif, celui-ci refuse d'abord de s'unù- à
une femme étrangère; mais Putiphar lui dit : rr Aseneth n'est pas une
ffétrangère; elle est fa sœur.» Et sur cette parole mystérieuse, Joseph
la prend pour épouse. Quelques années après, le fils de Pharaon s'éprend
d'elle: il veut l'enlever; mais Benjamin le tue d'une pierre au front,
comme David a tué Goliath, et, après la mort de Pharaon, Joseph de-
vient roi d'Egypte. Dans ce petit roman se dégage une partie mystique.
Si Joseph épouse Aseneth, c'est que Dieu a envoyé un ange à la jeune
idolâtre pour lui faire manger le pain de vie, boire le calice de bénédic-
I
— 399 —
lion. Coinnic los iiiilios clircUcns, elle a groûlé au niiol célesle dont le
paifuiu est comme au souffle de vie, et l'ange lui a dit: ffTa jeunesse
ffsera éternelle, ta beauté déliera les atteintes du temps et tu seras comme
(fune ville rorte.i Joseph et Aseneth sont, à coup sûr, de pures abstrac-
tions.
n-La jeune vierge n'esl-elle pas TEglise et Joseph n'est-il point une
ligure du Christ? Telle est la question que se pose le savant ecclésias-
tique et qu'il me paraît avoir résolue. Nous retrouvons ici l'union si
souvent proclamée par les anciens, celle du Seigneur et de l'Eglise. L'un
des docteurs qui la célèbrent, saint Pierre Chrysologue, insiste en même
temps (sermon xi.vi) sur le sens symbolique de la figure de Joseph
vendu, sortant de la citerne, nourrissant le peuple, comme le Christ a
miraculeusement nourri les foules, a été vendu par Judas, et est sorti
vivant de son tombeau. Telle paraît être une des raisons qui dans l'an-
tique iconographie chrétienne ont donné à l'histoire de Joseph une place
de quelque inqDortance. Le travad de M. Batiffol fait honneur à son éru-
dition . comme h son habileté d'helléniste.»
M. Breal présente, de la part de l'éditeur- traducteur, D. M. Ausonii
Mosella, la Moselle d'Ausone, édition critique et traduction française,
précédées d'une introduction , suivies d'un commentaire explicatif, etc. ,
par M. H. de la Ville de Mirmont, maître de conférences à la Faculté
des lettres de Bordeaux (Bordeaux, 1889, petit in-i").
rr C'est, dit noire confière, une édition très savante, très complète,
avec une introduction de plus de deux cents pages , où l'éditeur examine
les différents manuscrits, ainsi que l'usage qui en a été fait depuis Ugolet,
en 1A99, jusqu'à Peiper, en 1886. Une carte donne ie tracé géogra-
jdnque de ia Moselle, avec les noms modernes en regard des anciens.
La traduction est lidèle et élégante : le texte est établi avec une sûreté
qui fait honneur au jeune maître de conférences qui enseigne le lalin dans
la patrie d'Ausone.»
i\L Se?;art offre , au nom de l'auteur. Le Riif-Véda et les origines de la
mythologie indo-européenne , par M. Paul Begnaud (Paris, 1889, in-8°,
extrait de la Revue de l'histoire des religions).
ffCe travail contient plusieurs vues intéressantes et digues d'attention.
Je ne puis, pour ma part, qu'approuver d'une façon générale la manière
dont l'auteur présente son sentiment sur les diverses théories en présence
relativement aux origines mythe )l()gi([ues. Je lui sais gré de se montrer
modéré et circonspect à l'égard des inler[in'latioMs mcti'orologitpies ou
lumineuses, auxquelles bien des excès ont pu justenienl faire tort, mais
— ZiOO —
qu'il faut prendre garde de coiidannier avec précipilation et d'une ma-
nière absolue.
ff Je remarque surtout deux thèses auxquelles M. Regnaud pai'aît atta-
cher un prix pai'ticulier. D'une part, pour concilier sa haute opinion de
l'antiquité à laquelle remontent les hymnes védiques avec les théories de
Bergaigne sur leur origine sacerdotale, M. Regnaud cherche à y montrer
des éléments très anciens, des formules très archaïques, qui auraient été
mis en œuvre à une époque beaucoup plus récente. D'autre part, il re-
conunande pour l'interprétation verbale des textes védiques une méthode
étymologique, reconstituant le sens des mots douteux à la lumière rrdes
rf règles bien constatées de la sémantique-". Malgré la précaution que
prend M. Regnaud de décourager la critique en la prévoyant, non sans
quelque amertume, je suis bien obligé de faire ici mes réserves. J'ajoute
que la précision que prêteraient à ces théories un développrement plus
complet et des applications détaillées serait sans doute de nature à
écarter une partie au moins de ces scrupules. A cet égard , le cadre parti-
culier d'un discours inaugiu'al créait à l'auteur des diÛicultés dont il
faut tenir compte. Je ne doute pas que, en donnant une suite tiès sou-
haitable à cette première étude, M. Regnaud ne marque avec justesse
les nuances et la portée exactes de ses théories.
ffDès maintenant, le présent travail est digne de sérieuse attention.
Sous sa forme nécessairement un peu générale, il ouvre des perspeclives
intéressantes, il suggère des idées <[ui auront certainement leur part
d'utilité. Je suis heureux d'avoir à l'ollrir à l'Académie, n
SÉANCE DU 1 1 OCTOBRE.
Le Secrétaire i>erpétuel dépose sur le bureau le 3^ fascicule des
Comptes rendus des séances de l'Académie pour iSSy, mai-juin (Paris,
1889, in-8").
Est offert :
Mitteilungen ans der historischcn Litleratuv herausgegehen von der histo-
rischeu Gcsetlschafl in Berlin, in deren Auftrage redigiert von D'' Ferdinand
Hirsch, 17'' année, h' fascicule (Berlin, 1889, in-8°).
M. Alexandre Bertr vnd a la parole pour deux présentations :
ffj'ai l'honneur d'ofïi'ir à l'Académie, au nom de l'auteur, M. Buhot
de Kersers, les 17" et 18" fascicules de sou Histoire et statistique monu-
mentale du département du Cher (Bourges, 1888-1889, in-A°).
tfL'éloge de celte publication n'est plus à faire devant l'Académie, qui
— /.Ol —
a accorde aux seize premiers fascicules une de ses médailles d'or (con-
cours des Anliquilés de la France). Le 17° fascicule contienl le canton
d'Henricliemont, illustré d'une carte et de neuf planches gravées à Teau-
forte; le 18° fascicule, le canton de Léré, illustré d'une carte, d'une
planche héliographique et de quatorze planches gravées à i'eau-forte. Les
dessins comme le texte sont de M. Buhot de Kersers.
rrC'ost assez dire que le zèle de l'auteur, encouragé par l'Académie,
ne s'est pas ralenti.
crM. Buhot de Kersers justifie de plus en plus la distinction dont il a
été honoré.
rr J'ai l'honneur de déposer aussi sur le bureau de l'Académie xme bro-
chure intitulée : La grotte de Teijjat, gravures magdaléniennes, par
M. Perrier du Carne (Paris, 1889, in-8'').
ffTout ce qui touche à cette phase curieuse de notre histoire primitive
est de nature à intéresser l'Académie. Cette brochure sera bien placée
dans la bibliothèque de flnstitut. ri
M. Jules GnuuD présente, de la part de M. Ch.-Em. Ruelle, Aaf/ao-K/oy
^laZàypv àiTOpiai xolI X'ûasis 'zsspi tôov 'ZspwTCov àp-^wv sis tov UXiTOJvos
UoLpp.svihy]i\ Damascii Succcssoris dubitaliones et sohitiones de primis prtn-
cipiis, in Platonis Parmenidem , partira secundis curis recensuit, pai--
tim nunc primum edidit Car. Aem. Ruelle, 2° partie (Paris, 1889,
in-8").
ff L'Académie avait des droits particuliers à l'hommage qui lui est
adressé par M. Ruelle, car c'est elle qui lui a fait obtenu- les deux mis-
sions qui ont rendu possible cette publication. M. Ruelle avait commencé
son travail dès 1 866 sur le conseil de M. Guigniaut, à la mémoire de qui
ce livre est dédié. Dans sa première mission à Venise, en 1878, il a col-
lationné la partie inédite du Commentaire de Damascius sur le Parménide
de Platon. 11 y est retourné en 1882 pour faire le même travail sur la
partie qui avait été publiée par Joseph Kopp en 1826. Une étude atten-
tive lui aura sans doute permis d'améliorer notablement, comme il
l'espère, le texte de cette première partie.
ffLe volume que M, Ruelle offre aujourd'hui à l'Académie contient la
seconde partie du De principiis , celle dont il est le premier éditeur. H
s'est hâté de publier celte partie avant l'autre, afin de prendre date. La
première contiendra sans doute une introduction qui permettra mieux
d'apprécier le 'travail de M. Ruelle. Dès maintenant, on est sûr, grâce à
ses longs efforts, d'avoir une édition complète qui réalise le vœu exprimé
par Otfried Millier en 1829 et, en i836, par M. Eg^er.«
— /i02 —
Le Président offre, au nom de l'auteur, La religion de Bab, réforma-
teur persan du xix' siècle, par M. Clément Huart (Paris, 1889, 1 vol.
in-19 de la Bibliothèque orientale ekévirienne),
irLe babisme est une des manifestations religieuses les plus intéres-
santes qui se soient produites, de nos jours, dans l'Orient musulman et,
par cela même que c'est un événement contemporain , il est possible de
l'étudier avec plus de sûreté dans ses origines , son développement et ses
doctrines.
r L'opuscule publié par M. Huart offre un résumé clair et bien con-
duit de cette réforme bardie qui a menacé, pendant quelques années, la
Perse schiite et même l'ortbodoxie musulmane. Quoique momentanément
étouffée, il me semble difficile d'admettre avec M. Huart que la nouvelle
religion ait cessé d'exister. Bien au contraire, des ciu-ieux renseignements
recueillis sur place, il y a deux ou trois ans, par un orientaliste anglais,
M. Edward Browne, il résulte que la secte recrute encore de nombreux
adbérents en Perse et en Syrie. 11 est vrai qu'un scliisme latent s'est ma-
nifesté entre les Babi proprement dits el les Ezeli, adorateurs de Mirza
Yabva, surnommé /f«zre;e czel, c'est-à-dire rrla majesté éternelle "; mais
il serait téméraii'e de conclure de ce fait que la doctrine prêcbée par le
Bab est menacée d'une mort procbaine.
ffAu surplus, M. Huart ne s'occupe pas de ce que sera la secte, mais
surtout de ce qu'elle a été dans sa période d'éclosion. Son travail est di-
visé en deux parties. Dans la première, il retrace Tbistoire du Bab, sa
prédication, son supplice et les troubles qui ensanglantèrent la Perse
jusqu'à l'année 1862. Pour ce résumé bistorique, il s'est borné à repro-
duire, en l'abrégeant, le récit si émouvant donné par le comte de Gobi-
neau. Mais, grâce à un basard favorable, M. Huart est devenu possesseur
d'un certain nombre de documents babi qu'il a insérés dans la seconde
partie de son livre. 11 en traduit quelques fragments et signale l'analogie
qu'ils présentent, par la forme extériem'e et le style, avec le Coran de
Mabomet et, pour le fond, avec les doctrines des Ismaéliens et desDiiizes
el aussi avec les rêveries des Soulis. Il y a là, en effet, tout un fonds de
vieilles idées mazdéennes et gnostiques rajeunies au contact de la civili-
sation moderne, (jui offriraient un sujet de recbercbes des plus intéres-
santes. Létude en seiait d'ailleurs facilitée par la lecture de documents
émanant du Bab, que ses partisans dérobent aux yeux des profanes et
qui sont venus depuis peu enricbir la Bibliollièque nation&le et le Musée
britannique. L'essai de M. Huart aura eu au moins le mérite d'attirer
l'attention sur ce problème si curieux et d'en signaler le haut intérêt.
— ^03 —
non senlemont pour riiisloire de la civilisalion en Orient, mais aussi
pour rétude des (pieslions religieuses.^
Le Pkksident dépose ensuite sur le bureau une comédie en dialecte
turc azéri, intitulée; L'ours cl le voleur (Paris, 1889, gr. in-S"), dtmt
il a publié le texte dans le volume de Mélanges, oU'ert par TÉcole
des langues orientales au Congrès des orientalistes réunis, cette année, à
Stockholm, (^est un spécimen du dialecte parlé par les tribus tartares du
Caucase.
SÉANCE DU 18 OCTOBIIE.
Est offert :
Notice biographique de Charles Tardieu , licencié en droit , ingénieur des
mines, agriculteur, géologue et chimiste {18 io-jS8g) [le Puy, 1889,
in-i 2].
!\I. G.-W. Leitner, directeur de l'Institut oriental de Woking (Grande-
Bretagne), fait hommage à l'Académie d'une collection de ses publica-
tions, savoir:
Histon/ of indigenous éducation in. tlic Panjah since anncxation and
in 188^ (Calcutta, 1889, in-6°);
Sélection from the records oj thc Puujah govcrnment. Section 1. Of
ihe linguislic fragments discovcrcd in 18'jo , 18 y ri and 18'jr) hy G. W.
Leitner, LL. D. , relating to the dialect of thc Macadds and other xvander-
ing tribes , thc argots ofthicves, the secret trade dialects and si/.slcnis of
native cnjptography in Kalml , Kashmir and the Punjab , etc. (Lahore,
i882,in-tbl.);
A detailed anahjsis of Abdul Ghafur's dictionary of thc ternis vsed bij
criminal tribes in the Panjah (Lahore, 1880, in-fol.);
A sketch of the Changars and of their dialect (Lahore, t88o, in-fol.);
Appendix to n Changars -n and nLinguistic fragments n. Words and
phrases illustrating the dialects of the Samé and Me, as also of dancers,
mirnsis and dâms (Lahore, 1 88'^ , in-fol.);
l'Ile llunza and Nagyr handbook; being an introduction to a Icnoirledge
qf the languages, races, and countries of Hunza, Nagyr, and a part of
Yasin, 1" partie (Calcutta, 1889, in-''»");
Plus des journaux critiques, en sanscrit et en.arabe, publiés par Tln-
slilul oriental de Woking, et des photographies repi «'sentant les Tribus
de rilinduLush et les Sculptures gréco-bouddhiques trouvées au delà de la
frontière du Pendjab par le IV Leitner et tictuellement déposées au Musée
oriental de Woking.
— àOli —
Le Président offre, au nom de l'auteur, un Précis d'histoire juive , de-
puis les origines jusqu'à l'époque persane (v'' siècle aimnt J.-C), par
M. Maurice Vernes (Paris, 1889, in-8°).
ffDans ce livre, M. Vernes rejette les principaux résultats ge'nérale-
ment acceptés par les e'coles critiques qui ont l'ait de l'exégèse biblique
le but de leurs recherches. 11 s'est tracé un plan particulier en ce qui
concerne l'origine des textes bibliques et l'emploi qu'il faut faire de ces
textes pour reconstituer l'histoire juive ancienne.
ff Rompant en visière avec ses devanciers les plus autorisés, tels que
MM. Pœuss, Kuenen et Welhausen, l'auteur ne vent plus de la division
de cette histoire en trois grandes périodes : époque ancienne, caractérisée
parle polythéisme matérialiste ; époque moyenne, où l'idée religieuse et
libérale domine avec les prophètes; époque moderne (du \' au n" siècle
avant J.-C), oii le ritualisme sacerdotal triomphe du prophétisme,
ff A cette division si clairement démontrée par l'ensemble de l'histoire
juive, M. Vernes oppose tout un système qui lui est propre et qui peut
se résumer ainsi : pour trouver l'époque do la composition d'une des
grandes œuvres de la littérature biblique, il faut partir de la date rela-
tivement moderne où l'existence de ces œuvres est incontestable, et
remonter ensuite le cours des siècles en recherchant les circonstances
propres à la rédaction de chaque écrit en particulier. En second lieu ,
sans méconnaître absohunent les interpolations qui s'y sont introduites,
M. Vernes s'efforce de prouver que les grandes sections de l'Ancien Tes-
tament se rehent entre elles par un caractère commun , qui est l'unité de
composition et l'unité de date, et qu'elles doivent être considérées comme
l'œuvre des écoles théologiques juives cpii florissaieut entre le v" et le
ni° siècle avant notre ère. 11 faut y reconnaître aussi l'idée juaîtresse qui
est celle du monothéisme pur et de la suprématie religieuse et morale
d'Israël. EnGn, là où l'exégèse moderne retrouve des faits réels cachés
sous le voile de la légende ou du mythe, l'auteur du Précis voit une
œuvre d'imagination d'une haute portée spirituaiisle, mais presque tou-
jours sans fondement historique. 11 ne dépasse pas d'ailleurs l'époque
persane, c'est-à-dire celle où s'arrête le canon des livi-es hébreux.
ffEn résumé, cet ouvrage, qui a trop souvent le caractère d'une thèse
|)lulùt que celui d'un livre d'histoire, soulèvera, je le crois, de formi-
«lablcs objections, sans affaiblir sensiblement l'autorité des travaux qui
l'ont préc('dé. Je n'ai pas qualité pour prendre position dans le débat et
j'ai dû me borner à exposer, en quelques mots, le système très ingé-
nieux et très pcrsoimel de M. Vernes, sans me porter garant de sa soli-
— ^Of) —
(li(«^. Je ne dniile pas, d'iiilleurs, que ses adversaires eux-m<îmes ne s'ac-
cordent à y reconnaître un travail soutenu, l'examen coiisciencioux des
sources et la recherche perscivërante et sincère de la véritd. n
SÉAINCE DU 23 OCTOBRE.
(Séance avancée au inorcrodi, à cause de la séance publique annuelle
de r Institut, fixée au 9 5 octobre.)
Est offert :
Compte rendu sommaire d'une transcription phonétique , offert aux mem-
bres du viii' congrès des orientalistes (Stockholm, 1889, in-8°).
M. Delisle offre un volume intitulé : Voltaire, bibliographie de ses
œuvres, par M. Georges Bongosco, tome 111 (Paris, 1889, in-8°).
rfM. Bengesco a déjà publié snr la bibliographie voltairienne deux
volumes qui lui ont assuré une place distinguée parmi les bibhographes
de notre temps. Le nouveau volume qu'il offre aujourd'hui à l'Académie
est uniquement consacré à la correspondance imprimée de Voltaire. Il a
soumis à un examen critique les dix mille pièces dont elle se compose
aujourd'hui. Il a i-endu un compte détaillé de la façon dont les différents
éditeurs ont accompli leur tâche , et a présenté sous une forme très claire
une foule d'observations qui rendront très facile la préparation de l'édition
définitive d'un recueil si important pour l'histoire et la littérature du
xvni° siècle.
ffCe volume est le complément indispensable de toutes les éditions de
la correspondance de Voltaire."
SÉANCE DU 3o OCTOBRE.
(Séance avancée au mercredi, à cause de la fêle de la Toussaint.)
M. Doniol, directeur de l'huprimerie nationale, adresse en hommage
à l'Académie un volume que l'Imprimerie vient de publier comme im-
pression gratuite, avec des soins particuliers d'édition : Catalogues des
manuscrits grecs de Fontainebleau sous François /"" et Henri II , publiés
et annotés par M. Henri Omont (Paris, 1889, gr. in-A").
M. Delisle, présentant, au nom de l'auteur, le même volume, dit:
frLe volume que j'ai i'hoimeur d'offrir à l'Académie est un chef-d'œuvre
typographique qu'on a pu admirer h l'Exposition universelle et que l'Im-
primerie nationale, justement jalouse de sa vieille n'putalion, a exécuté
en grande partie avec les types que Claude Garamond grava au xvi* siècle
sous la direction de Rob'rt Estienne. Mais l'exécution matérielle est, h
— âOG —
nos veux , le moindre rae'rite du volume que M. Omonl vient de faire el
qu'il a intitulé : Catalogues des manuscrits grecs de Foniainehleau sons
François 1" et Henri IL On trouvera dans ce livre splendide une édition
correcte des catalogues des manuscrits grecs que les rois François I" et
Henri II avaient réunis dans lem* palais de Fontainebleau, au nombre de
cinq cent soixante. Ces catalogues, œuvres de Constantin Pala?ocappa et
d'Ange Vergèce, nous sont parvenus sous des formes différentes dans
des manuscrits qui ne sont pas tous à la Bibliotbèque nationale, puisque
l'éditeur a dû recourir, et non sans profit, à des exemplaires conservés
aujourd'hui à Leyde, à Vérone et à Venise. Au texte des deux catalogues
principaux, M. Omont a joint des textes de moindre impoi'tance, el un
catalogue des manuscrits grecs qu'avait recueillis Guillaume Pélicier pen-
dant son ambassade à Venise (i539-i5^2) et dont la plupart sont
aujourd'hui hors de France. Tous ces documents sont de la plus grande
utilité poiu- l'histoire de Thellénisme en France pendant la première
moitié du xvi' siècle; mais ce qui doit avant tout être signalé à 1 Aca-
démie, c'est la précision avec laquelle l'auteur a retracé les origines de
notre fonds grec; c'est le soin et la perspicacité dont il a fait preuve en
identifiant de la façon la plus rigoureuse chacun des volumes décrits
dans les catalogues de Palaeocappa et de Vergèce. Il les a tous reconnus
d'après des indices variés, qui ne laissent jamais place au moindi-e
doute. Le résultat de ce travail très délicat est de nature à satisfaire les
bibliopbiles qui s'intéressent aux collections de la Bibliothèque natio-
nale. M. Omont a retrouvé tous les manuscrits grecs dont la réunion
était un des ornements du palais de François I" et de Henri II. Les cinq
cent soixante manuscrits grecs, enregistrés dans les catalogues de Pa-
laeocappa et de Vergèce, se sont tous retrouvés sur les rayons de la
Bibliothèque nationale; un seul a manqué à l'appel de M. Omont, cjui a
fini par le découvrir à l'Université de Cambridge.»
M. J. Gay-Lussac adresse à l'Académie, par les soins de M. Maspero,
une Carte élémentaire de l' Egypte, dressée sous sa direction par M. J.-A.
Perrichon.
Sont offerts :
Epigraphische Denkmàler aus Arahien [nacli Abklalschen und Copien
des llerrn Professor D' Julius Euting in Slrassburg), par M. le docteur
D.-H. Millier, professeur à l'Université de Vienne (Vienne, 1889, iu-/»°,
extrait des Denkschriften de l'Académie impériale de Vienne);
Glossen zum Corpus inscriplionum semiticarum, par le même auteur
(sans lieu ni date, in-8°);
— 407 —
Le berceau de Christophe Colomb et la Corse, par M. l'abbé Casablanca
(Paris, 1889, in-8°, extrait de la Revue du monde catholique).
M. Sime'on Luce a la parole pour un hommage :
ff J'ai rhonneur d'oiïrir à l'Académie, au nom de M. Armand Gasté,
professeur à la Facidté des lettres de Caen , une brochure intitulée : Les
insurrections populaires en hiisse Normandie au \v" siècle , pendant l'occu-
pation anglaise, et la question d'Olicier Basselin ((îaen, 1889, in-8°).
rr Cette étude comprend deux parties. Dans la première, qui a été lue
en séance de l'Académie des sciences morales et politiques, l'auteur n'a
pas de peine à prouver, par le témoignage des chroniqueurs du xv' siècle
et aussi par des mentions contenues dans des pièces d'archives , que l'oc-
cupation de la Normandie par les Anglais a provoqué deux grands mou-
vements insurrectionnels, d'abord des paysans du Bessin et du pays de
Caux, en i434, ensuite des habitants du Val de Vire, du Cotentin, du
Bessin et du Bocage, sous la direction de Boschier, en i/i36, sans
compter une foule de prises d'armes locales de moindre importance. I^a
démonstration de M. Gasté , dirigée surtout coiitre un érudit de pro-
vince qui avait soutenu la thèse contraire avec beaucoup de légèreté,
nous semble tout à fait péremptoire. Dans la seconde pai'tie de son
étude, consacrée à Olivier Basselin, le savant professeur, sans marcher
sur un terrain aussi solide que dans la première partie, n'en établit pas
moins par de sérieux arguments que nous avons tout lieu de croire à la
réalité historique du gai chanteur célébré dans la fameuse complainte
des Compagnons du Val de Vire, et il montre très bien comment s'est
formée graduellement, par l'intermédiaire du Hecueil de chansons d'Alain
Lotrian, oîi cette complainte a été reproduite en i5i3 avec addition d'un
couplet, et surtout de la chanson bachique dite de Farin Z)«^a* , attribuée
à Jean le Houx, la légende d'un Basselin uniquement occupé, non
point de faire la guerre aux Anglais, mais de boire et de rire. n
Ont encore été offerts :
Annales du commerce extérieur, année 1889, 9' et 10° fascicules (Pans,
1889, in-8');
Atti délia Reale Accculemia dei Lincei , vol. \, fasc. 7 (Home, 1889,
gr. in-8');
Biblioteca naùonale centrale di Firente. Bollettino délie pubblicationi
itatiane, n"' 88-91 (Florence, i889,in-8°);
Biblioteca nationale centrale Vittorio Emamiele di Borna. Bollettino dellc
xvH. a8
— /J08 —
opet-c moderne straniere, < te, vol. 111, 1888, index; vol. IV, 1889, n" 3
(Rome, 1889, in-8°.);
Bibliothèque de V École des chartes, t. L, k' et 5' livraisons (Paris,
1889, in-8°);
Bulletin de l'Académie d'Hippone , n° 28 (Rome, 1889, in-8'');
Bulletin de l'Institut êgjiptien, 'i' série, n" 9, année 1888 (le Caire,
1889, in-8");
Bulletin de la Société archéologique et historique de l'Orléanais, tome 1\ ,
11° 1 38 (Orléans, 1889, in-8°);
Bulletins de la Société des antiquaires de l'Ouest, 2' et 3' trimestres
(le 1889 (Poitiers, in-S");
Cochinchine française. Excursions et reconnaissances, t. XIV, a" 3i
(Saigon, 1889, in-8");
Histoire de l'art dans l'antiquité , par MM. Georges Perrot, membre
(le rinsliliit, et Charles Chipiez, livraisons 253-26i (Paris, 1889,
gr. in-8");
Rcvista archeoluffica ,,\)uh\iée par A.-C. Rorges de Figueiredo, vol. Ul ,
h" 8 (Lisbonne, 1889, in-8");
Revue africaine, n° 198 (Alger, 1889, in-8');
Revue archéologique , juillet-aoiit 1889 (Paris, in-8°);
Revue des questions historiques, •ik' aimée, 92' livraison (Paris, 1889,
in-8°);
Bévue épigraphique du midi de la France, n° 5 A (Vienne [Isère],
1889, in-8°);
Bévue numismatique , dirigée par MM. Anatole de Rarthélemy, Gus-
tave SclJumberger, membres de l'Institut, et Ernest Rabelon, 3° série,
tome VII, 3" trimestre de 1889 (Paris, in-8'');
Sitzungsberichte der pkilosophisch-philologischeu und historischen Classe
der h. b. Akademie der Wissenschaften zu Mànchen, année 1889, n° II
(Munich, in-8'');
Società reale di Napoli. Atti délia Reale Accademia di archeologia, let-
tereet belle arti, vol. Xlll, 1887-1889 (Naples, 1889, in-/i°);
Société centrale des architectes français. Bulletin mensuel, 6" série,
vol. VI, II- /1-6 (Paris. 1889. in-H").
(.OMPTES in:\DUS DES SEANCKS
DE
L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ET BELLES-LETTRES
PENDANT L'ANNÉE 1889.
COMPTES RENDUS DES SEANCES.
INOVEMBRK-DÉCEMBRK.
PRESIDENCE DE M. BARBIER DE MEYNARD.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE.
Le Président annonce en ces termes la mort de M. Cobet,
associe' e'tranger de TAcade'mie :
ffj'ai un nouveau deuil à annoncer à TAcadémie : M. Cobet,
professeur honoraire à l'Université de Leyde, vient de mourir à
1 âge de soixante-seize ans : c'est le troisième associe' e'tranger
qui nous est enlevé' en moins de six mois, La mort de M. Cobet
est une perte cruelle pour la philologie grecque, à laquelle il
avait consacré sa vie entière et qu'il a enrichie de travaux qui
préserveront son nom de l'oubli. Je n'ai pas qualité pour les
apprécier, mais je sais et nous savons tous en quelle estime le
public savant tient les excellentes éditions de Diog^ne Laerce, de
Denys d'Halicarnasse, de VAnabase de Xénophon, et surtout la
revue Mnémnsyne, cette mine d'observations criti(jues, qui ont
sufïi pour londer la réputation d'un helléniste consommé.
frM. Cobet nous appartenait comme correspondant depuis 1 87 1
et il avait été élu associé étranger on 1876. L'Académie regrette
XVU. ,.g
IHI-niurRiK •*!•
— AlO —
sincèrement la perte de ce savant, dont la vie studieuse et entiè-
rement voue'e au culte de'sinte'resse' des lettres perpe'tuait les tra-
ditions de ces grands e'rudits de la Renaissance et du xvif siècle
dans un pays ou la culture classique a toujours e'te' en honneur, w
Le SegRiÉtaire perpétuel donne lecture d'une lettre par la-
quelle M. Berthelot, secrétaire perpe'tuel de l'Académie des
sciences, prie la Compagnie de vouloir bien désigner quelques-
uns de ses membres pour être adjoints à une Commission nom-
mée par l'Académie des sciences, en vue d'examiner un mémoire
qui lui a été adressé par M""" Richenet-Bayard, sur La véritable
situation d'Alesia, en Auvei'gne.
L'Académie désigne MM, Deloche, Alexandre Bertrand et
Longnon.
Sont adressés à l'Académie :
1° Pour le concours des antiquités de la France :
Epigmphie romaine du Poitou et de la Saintonge, avec cinquante-
six planches, par M. Emile Espérandieu (Paris et Melle, 1889,
in-8°);
Le Havre d'autrefois, ouvrage publié sous la direction de
M. A.-G. Lemalc (le Havre, i883, in-/i°);
■ 9" Pour le concours La Fons-Mélicocq :
Les Clabault, famille înunicipale amiénoise , i3ùg-i53g , par
M. A. Janvier (Amiens, 1889, m-k°);
3° Pour le prix de numismatique (Duchalais) :
Répertoire des sources imprimées de la numismatique française , par
MM. Arthur Engel et Raymond Serrure : supplément et table
(Paris, 1889, in-8°).
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, le Président annonce que
l'Académie a décidé d'attribuer au R. P. Augouard, provicaire
apostolique du Congo français, une somme de 6,5oo francs à
pi'élever sur les arrérages de la fondation Benoît Garnier. Le
R. P. Augouard devra examiner les diverses questions de géo-
graphie, d'ethnographie et de linguistique que peut soulever
l'élude des populations établies sur les rives de l'Oubangui et
du haut Ogowé.
— /l 1 1 —
M. Georf^es Perrot termine sa lecture sur l'art antique do la
Perse.
Il s'attache à démontrer que l'art est reste', en Perse, pure-
ment otriciel, que ça ét(' l'art d'une dynastie et d'une cour, non
point un art vraiment national. Il se demande si des Perses de
naissance ont pris quelque part à l'e'rection de ces e'difices et à
Fexe'cution de ces sculptures. L'hypothèse qui se pre'sente à son
esprit, comme celle qui re'pond le mieux à l'ensemble des faits
observés, c'est celle d'un e'tranger, grec ou phe'nicien, qui, charge'
par Darius de la direction de ses grandes entreprises monumen-
tales, aurait re'uni dans une synthèse intelligente tous ceux des
éléments des arts antérieurs ou contemporains qui paraissaient
le plus aptes à entrer dans un ensemble tel que celui dont la
fantaisie royale avait conçu la pensée et tracé le plan.
M. Oppert, en rendant hommage à l'intéressante communi-
cation de son savant confrère, présente une observation sur un
simple détail. M. G. Perrot identifie les ruines de Mourghàb avec
celles de Pasargades, ville du couronnement des rois perses. Cette
assimilation, que Lassen a déjà combattue, il y a cinquante ans,
par des raisons convaincantes, ne peut être maintenue. Pasargades
se trouvait dans le sud-est de la Perse, à cent lieues de Mour-
ghàb, près de la ville moderne de Darabdjerd, ainsi que M. Op-
pert croit l'avoir démontré dans une lecture faite à l'Académie.
M. Georges Perrot communique, de la part de M. de Vogiié,
une note du P. Delattre sur des fouilles qu'il a faites cet été à
Byrsa. Des tombeaux de l'époque phénicienne ont été ouverts;
on y a recueilli des objets intéressants, une amphore en bronze
doré, des scarabées de style égyptisant, des figurines en terre
cuite qui ont cet intérêt d'apj)artenir à une série représentée
jusqu'ici seulement par des figures recueillies en Syrie et à
Rhodes. Cette série, qui a été étudiée d'abord par Longpérier,
puis par M. Heuzey, est celle de ces statuettes qui sont encore
asiatiques par les attributs comme par le costume, mais oii l'on
sent déjà l'influence de l'art grec et ce que M. Heuzey appelle le
«choc en retour'' de rhelh-nismo.
M. Cartailhac présente à l'Acadc'mie deux bijoux d'or, un bra-
39-
— /il2 —
celet el un collier, qui sont la propriété du Musée de Toulouse et
qui proviennent du village de Lasgraïsses (Tarn). Le collier, par
certains détails, rappelle d'autres colliers d'or trouvés autrefois
dans la même région; les uns et les autres sont évidemment
gaulois. Le bracelet offre un caractère plus original. Rien, dans
ce qu'on connaît des parures du reste du territoire gaulois, ne
saurait être comparé à ces beaux produits de l'industrie antique
des bords du Tarn.
M. Cleumoint-Ganneau, continuant ses recberches sur la géo-
graphie de la Palestine au moyen âge, présente diverses remar-
ques relatives au fleuve de Jaffa, appelé ^Audja ou Nahr el-'Audja.
La "^Audja est désignée abusivement, dans des documents de
l'époque des Croisades, sous le nom de fleuve Eleuthérus. Ce
nom ne convient qu'à un fleuve célèbre (le Nahr el-Kebir actuel),
qui se jette dans la mer bien loin de Jaffa, au nord de Tripoli,
et qui marquait la limite entre la Syrie septentrionale et la
Phénicie : comment a-t-il été transporté par les croisés au
fleuve voisin de Jaffa? L'origine de cette méprise est l'inter-
prétation inexacte d'un passage de Flavius Josèphc, qui prête à
l'équivoque, et duquel il semblerait résulter, à première vue,
que l'Éleuthérus se jetait à la mer entre Jaffa et le Carmel. Les
croisés sont d'ailleurs coutumiers de ces identifications arbi-
traires. I^lus ou moins familiers avec les textes anciens, sacrés
et profanes, ils étaient constamment préoccupés de retrouver sur
le terrain les noms géographiques anciens et ils le faisaient sou-
vent avec la plus grande inexactitude. C'est ainsi qu'ils plaçaient
Beisabée à Bcit-Djibùn et Antipatris à Arsoûf.
La "^Audja, dont le nom présent est une simple dénomination
descriptive (le Méandre), porte chez les anciens auteurs arabes
un nom inexpliqué jusqu'à présent : le fleuve d'Abou Fotros
ou d'Abi Foiros. M. Clermont-Ganneau propose de reconnaître
dans ce nom la transcription de celui d'Antipatris ou Antipalros,
ville antique construite par Hérode dans les parages de Jaffa et
dont la position a soulevé de très vives controverses. Il en tire
un argument géographique : si la 'Audja s'appelle le fleuve
d'Antip;itris. c'est qu'Anlipatris devait être située sur ses bords
— ^il3 —
ou à sa source. Ainsi se frouve excluo du clianip des conjeclures
toute localité qui ne répond pas à ces conditions. Cet argument
viendrait à l'appui de la théorie qui a proposé de mettre Anti-
palris à Medjdel Yàba. On pourrait, à Tappui, faire valoir un
nouvel argument; un ancien géographe arabe, Yàqoût, donne,
ff d'après Ptoléméen, dit-il, la longitude et la latitude de Medjdel
Yàba. Or, si l'on se reporte au texte grec du passage correspon-
dant de Ptolémée, on n'y trouve, pour représenter Medjdel Yàba,
d'autre nom que celui d'Antipatris.
M. le commandant Gaston Marmier commence une commu-
nication sur la situation du pays biblique d'Aram-Aaharaim, de
la ville de Qédesch et du Néharina des Egyptiens.
SEANCE DU 1 0 NOVEMBRE.
Le Ministre de l'instruction publique transmet à l'Académie
l'estampage, relevé par M. Ledoulx, consul de France à Jéru-
salem, d'une plaque de marbre revêtue d'inscriptions cunéi-
formes.
Ce document est renvoyé à l'examen de M. Menant.
Sont adressés à l'Académie :
1° Pour le concours des antiquités de la France:
Château-Guillaume en Poitou, histoire, mœurs et coutumes, par le
comte de Beauchamp (Paris, i888, in-fol.);
Dictionnaire des appellations ethniques de la Fiance et de ses colo-
nies, par iM. André Rolland de Denus (Paris, 1889, in-8°);
2" Pour le concours La Fons-Mélicocq :
Statistique de r Ile-de-France ou ancienne nation des Sénones (Joi -
gny, 1888, in-8°).
L'Académie se forme en comité secret pour l'exanjen des titres
des candidats présentés aux deux places d'associés étrangers
vacantes par suite du décès de MM. de Witle et Amari.
La séance redevient publique.
Le Président rappelle (ju'aucun des savants dont les titrer
vieiment d'èti-e exposés n'ayant posé sa candidature, il convient
— àih —
de ne donner à la publicité' que les noms de ceux qui auront e'të
élus.
11 est proce'dé au scrutin pour le remplacement de AI. le baron
de Witte.
M. Gurtius est e'iu au deuxième tour de scrutin.
11 est ensuite proce'dé' au scrutin pour le remplacement de
M. Amari.
M. Layard est élu au premier tour de scrutin.
Ces deux élections seront soumises à l'approbation du Prési-
dent de la République.
M. Schliemann ayant demandé à TAcadémie de déléguer un
de ses membres pour assister aux nouvelles fouilles qu'il va faire
à Hissarlik, sur l'emplacement de l'ancienne Ilion, M. Croiset,
au nom de la Commission des Ecoles françaises d'Athènes et de
Rome, consultée au sujet de cette demande, fait le rapport sui-
vant :
rrLa Commission propose à l'Académie d'accueillir le projet de
M. Schliemann et de désigner un délégué.
ffLa Commission pourra s'occuper de préparer cette désigna-
tion, si l'Académie en accepte le principe, w
L'Académie adopte la proposition de la Commission, qui est,
en conséquence, chargée de désigner un délégué.
SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE.
Séance publique annuelle présidée par M. Barbier de Meynard ''>.
ORDRE DES LECTURES :
i" Discours de M. le Président, annonçant les prix décernés
en 1889 et les sujets de prix proposés;
2° Notice historique sur la vie et les travaux de M. Emile Egger ,
membre ordinaire de l'Académie, par M. Henri Wallon, secrétaire
perpétuel ;
3° De quelques jeux populaires dans V ancienne France , à propos
(') Voir l'AprENiiicE n° V (p. UliQ-hicj).
— VI :> —
d'une urdonnance de Charles V, par M, Siméon Luck, membre de
1 Académie.
SEANCE DU 29 NOVEMBRE.
Le Secrétaire perpétuel donne connaissance à TAcade'mie de
ia lettre qu'il a reçue de M. Gurtius, et dont voici la traduc-
tion :
Berlin, 18 novembre 1889.
Très honore Monsieur,
J'ai l'eçu avec une véritable gratitude votre lettre du 1 5 novembre. Je
suis fier de la distinction qui m'a e'té faite, et je signe
Votre tout dévoué,
Ernst CcRTius.
MiM. Diculafoy, Hamy et de la Borderie écrivent à rAcadémie
pour se porter candidats à la place de membre libre, laissée va-
cante par la mort de M. Ch. Aisard.
Est adressé au prochain concours des antiquités de la France:
Glossaire du pays blaisois , par M. Adrien Thibault (manuscrit
de U'^i pages, in-8°).
L'Académie se forme en comité secret pour l'examen des titres
des candidats au fauteuil de M. Gh. Nisard.
b
séance du 6 DÉCEMBRE.
Le Ministre de Tinstruction publique adresse à l'Acade'mie les
ampliations de deux décrets, en date des 26 et 3o novembre,
par lesquels sont approuvées les e'iections de MM. Layard et Gur-
tius, comme associés étrangers, en remplacement de MM. Amari
elle baron de Witte, décédés.
Sont adressés à l'Académie, pour le prochain concours des an-
tiquités de la France:
Catalogue des incunables de la bibliothèque publique de Dijon, par
M. Pellechet (Dijon, 1888, in-S");
Bibliothèque publique de Versailles. Catalogue des incunables et des
— AK) —
livres imprimés de md à m dix, avec les marques typographiques des
éditions du .yv^ siècle, par le même auleur (Paris, 1889, in-8°);
Notes sur les imprimeurs du Comtat Venaissin et de la principauté
d'Orange et Catalogue des livres imprimés par eux qui se trouvent à
la bibliothèque de Carpentras, par le même auteur (Paris, 1887,
in-8n;
Etude sur le Kef, par le lieutenant Em. Esperandieu (Pans,
1888, in-8°);
Une voie gallo-romaine dans la vallée de TUbaije et passage d'An-
nibal dans les Alpes , étude historique , par M. le D"" Ollivier (Digne,
i889,in-8°);
Les quatre âges de V homme, traité moral de Philippe de Navarre,
publie' pour la première fois, d'après les manuscrits de Paris, de
Londres et de Metz, par M. Marcel de Fre'ville (Paris, 1888,
in-8°, publication de la Société' des anciens textes français).
L'Académie se forme en comité secret.
La séance étant redevenue publique, M. Duruy donne lecture
d'un mémoire intitulé : Recherches sur V emplacement du champ de
bataille au passage du Graniqne, par M. Teplow, ancien secrétaire
îi l'ambassade russe de Constantinople.
Ce mémoire a été transmis à l'Académie par l'intermédiaire de
S. E. M. l'Ambassadeur de Russie en France.
Après avoir rapporté les diverses opinions des modernes et
discuté tous les textes anciens, l'auteur a fait un examen attentif
des lieux, examen qui lui a permis de joindre fi son mémoire
une pbotograpbie de la vallée du Granique cl une carte des
marches d'Alexandre, depuis Abydos et llion jusqu'à Sardes, en
passant par le village de Tèpè Keuï, non loin des sources du Gra-
nique. ("est l'endroit 011 M. Teplow met la rencontre des deux
armées. Pour des stratégistes modernes, ce lieu serait bien choisi.
Adossés aux dernières pentes des collines de l'Ida, les Perses au-
raient barré la route aux Macédoniens dans une bonne position
défensive.
cfMais, ajoute M. Duruy, les satrapes de Darius se préoccu-
paient-ils beaucoup de stratégie? Ils ont dû rassembler leurs
forces le plus près possible des lieux où les Macédoniens avaient
dél)aiiiué ot moins songer à de savantes manœuvres <ju'à frapper
un coup rapide sur l'audacieux qui osait envahir une province du
grand Roi. En somme, i'aute de renseignements positifs fournis par
les anciens, le problème nous paraît insoluble et, nous ajoutons,
sans importance. Le Granique est si court et la masse de ses
eaux si peu considérable qu'il importe peu que raclion se soit
passe'e un peu plus haut ou un peu plus bas. Le mémoire de
M. Teplow n'en est pas moins une curieuse élude d'une contrée
sur laquelle de grands souvenirs appelleront toujours l'attention.
Aussi notre Compagnie lui est-elle fort obligée de la communi-
cation de cet intéressant travail où le diplomate a fait place à
lérudit.i
M. l'abbé Duchesne communique, de la part de MM. Lelaille
et Audollent, actuellement en mission scientifique en Algérie,
une inscription chrétienne trouvée par ces messieurs aux envi-
rons de Sétif. C'est la dédicace d une memoria en l'honneur des
martyrs Victorinus et Miggin. Le dernier de ces saints est connu
par la correspondance de saint Augustin avec le rhéteur païen
i\Iaxime de Madaure. L'inscription mentionne d'autres reliques
disposées dans la memoria avec celles des saints éponymes. Dans
cette liste figurent des reliques de saint Pierre et de saint Paul et
de plusieurs martyrs africains, notamment saint Cyprien, le bois
de la Croix, et la rr terre promise oià est né le Christ??. L'inscrip-
tion est de l'année SSg. C'est le plus ancien document épigra-
phique du culte des reliques de Jérusalem, de Bethléem et de
Rome. En ce qui regarde le bois de la Croix, on doit constater
une concordance remarquable avec une homélie prononcée par
saint Cyrille de Jérusalem, en 867, où il est dit que les frag-
ments de cette relique étaient répandus dans le monde entier.
M. l'abbé Dlchesne présente ensuite, au nom des mêmes ex-
plorateurs, une inscription qui mentionne, pour la première
fois, l'enceinte réservée dans les églises aux vierges sacrées:
VIRGINVM CANCc//(/s.
— 418 —
SÉANCE DU l3 DÉCEMBRE.
Le Président prend la parole en ces termes :
ttj'ai la douleur d'annoncer à rAcadëmie, déjà si tristement
ëprouve'e cette anne'e, qu un nouveau deuil vient de la frapper.
Voici la lettre que j'ai reçue ce matin :
Paris, 12 décembre 1889.
Mon cher ami ,
Nous venons d'être frappés bien douloureusement aujourd'hui. Mon
beau-frère, M. Pavel de Gourteille, souffrant depuis quelques jours, nous
a été enlevé subitement cette après-midi, entre trois et quatre heures.
Je vous prie de vouloir bien vous charger de porter cette triste nou-
velle à la connaissance de vos confrères de l'Académie, qui s'associeront
certainement au deuil de sa famille.
Veuillez, mon cher ami, recevoir la nouvelle assurance de mes bien
affectueux sentiments.
G. Blanchart.
tf L'Académie prendra une part bien vive à cette perte sou-
daine, qui l'atteint, je puis le dire, dans ses plus chères affec-
tions. M.Pavet de Courteille n'était pas seulement notre confrère.
Par sa bonté, sa cordialité, son dévouement, il était pour nous
tous un ami. Jaurai après-demain à lui rendre les derniers hon-
neurs au nom de notre Compagnie et je rappellerai ses titres
scientifiques et les services éminents qu'il a rendus aux études
orientales. Par une sorte de fatalité, il semble que ce triste
devoir ait été réservé à celui qui a été son condisciple, le com-
pagnon de ses jeunes années et son collaborateur. Aujourd'hui
je dois me borner à me faire l'interprète de notre commune
affliction et à transmettre à la famille de notre bon et cher con-
frère l'expression de nos regrets sincères et de nos condoléances
les plus sympathiques, fl
Le Président ajoute que l'Académie va lever sa séance en
signe de deuil, mais qu'elle doit, avant de se séparer, procéder à
divers votes qui sont à l'ordre du jour et qui ne pourraient être
remis sans inconvénient.
— /il 9 —
L'Académie se lorine en comile' secret.
La se'ance étant redevenue publique, l'Académie procède à
Télection d'un membre libre, en remplacement de M. Gh, Ni-
sard, décédé.
Le Président lit les articles du règlement relatils à l'élection des
membres libres. Il rappelle les noms des candidats : MM. Dieu-
lafoy, Hamy et A. de la Borderie.
Il est procédé au scrutin. Il y a 42 votants. Majorité, 2 9.
Au premier tour de scrutin, M. de la Borderie obtient i6 suf-
frages; M. Hamy, i5; M. Dieulaloy, ii.
Au deuxième tour, M. de la Borderie obtient 2 4 suffrages;
M. Hamy, i6; M. Dieulafoy, 2.
M. de la Borderie, ayant obtenu la majorité absolue des suf-
frages, est proclamé élu membre libre de l'Académie.
Son élection sera soumise à l'approbation du Président de la
République.
Le Secrétaire perpétuel donne lecture de la liste des corres-
pondants. Il en résulte (juc quatre places de correspondants étran-
gers et trois places de correspondants français sont vacantes.
L'Académie procède à la noiuinalionde deux Commissions, ([ui
seront chargées de présenter des listes de trois candidats pour
chacune des places vacantes, tant parmi les correspondants fran-
çais que parmi les correspondants étrangers. Ces Commissions
devront être composées de six membres.
Sont désignés :
1° Pour les places de correspondants étrangers: MM. Renan,
G. Paris, Weil, Paul Meyer, Maspero, Boissier;
2° Pour les places de correspondants français : MM. Delisle,
de Rozière, Heuzey, Georges Perrot, Bréal et Anatole de Barthé-
lémy.
La séance est ensuite levée en signe de deuil.
SEANCE DU 2 0 DECEMBRE.
Le Secrétaire général de la Présidence écrit au Secrétaire per-
pétuel pour le prier de vouloir bien lui faire adresser, en vue
— /i20 —
des invitations aux l'êtes que doit donner M. le Pre'sident de la
Re'publique, la liste de MM. les membres de TAcade'mie des
inscriptions et belles-lettres qui de'sireraient, eux ou leurs fa-
milles, être invite's à ces fêtes.
M. le Maire de Lille invite les membres de l'Académie à s'as-
socier, par leurs souscriptions, au projet formé par la ville de
Lille d'élever une statue au général Faidherbe.
M. Geffroy, directeur de l'Ecole française de Rome, écrit au
Président pour lui communiquer les résultats des fouilles pra-
tiquées à Rome, dans le quartier des Prati di Castello, et de
celles de Cività Casteilana, l'ancienne Falérie. M. Geffroy an-
nonce aussi dans sa lettre qu'il attend à Rome trente caisses
contenant les résultats des fouilles que M. Gsell, membre de
l'Érole française de Rome, a fait exécuter à Vulci. Il signale en
terminant les explorations faites en Algérie, par M. Audollent,
membre de la même Ecole, en compagnie de M. Letaille-^'.
M, Héron de Villefosse, absent en ce moment de Paris,
adresse au Secrétaire perpétuel une note qu'il a rédigée sur une
inscription trouvée à Cartbage et mentionnant le proconsulat de
Synimaque, dont la copie lui a été envoyée par le R. P. De-
iattre(2).
M. le D'' Carton, médecin militaire des hôpitaux de Tunisie,
directeur des fouilles actuellement pratiquées dans l'antique né-
cropole de RuUa Regia, adresse au Président une note Sur h
disposition du bûcher funéraire employé par les habitants de Bulla
Regia'^^\
Sont adressés à l'Académie, pour les divers concours de l'an-
née 1890 :
Antiquités de la France : Vallée de Barcelonnette , simple rela-
tion sur quelques monuments celtiques découverts dans cette vallée, par
M. Je D^ Ollivier (Digne, i88i, in-8°);
Age préhistorique dans les Basses-Alpes. Période de bronze, par le
même (Digne, 1886, in-8°);
'•' Voir aux Commlmcatioas, n" XXXII (p. 'iaG-A2 7).
'-' Voir aux Communications, n° XXXIII (p. ^138-/129).
'^' Voir aux Communications, n" XXXIV (p. /lag-iSa).
— V21 —
Topographie hislorique de la ville de Chdlons-sur- Marne , par
M. Louis Grignoii (Chàlons-sur-Marne, 1889, in-8");
Rosnij-sur-Seine , où est né SulUj, notice historique, par M. l'abbé
H. Thouars (Paris, 1889, in-S'");
Dictionnaire étymologique du patois lyonnais, livraisons 1 à 6 ,
par M. N. du Puitspelu (Lyon, 1889 , in-8°);
Histoire de la novelle 118 dans le pays de droit écrit, depuis Justinien
jusqu'en ijS(). Ettule sur le régime des successions au mx)yen âge dans
le midi de la France, par !\L Em. Jarriaud (Paris, 1889, {0-8°);
La maison du Temple de Paris , histoire et description, par M. H. de
Curzon (Paris, 1888, in-8");
Abbayes de Vévêché de Bayeux , Cercoy, Cordillon, Fontenay, Lon-
gues, par iM. P. de Farcy (Laval, 1888, in-i");
Sigillographie de la Normandie [évéché de Bayeux), par ic même
(Caen, i885-i886, in-/i°);
Histoire du G astinois , T^ar dom Morin, nouvelle e'dition, publiée
par MM. H. Laurent el P. Quesvers (Paris, Pithiviers et Orléans,
1888-1889, in-Zi");
Prix Gobert : Louis M le Gros, annales de sa vie et de son
règne, io8i-ii3y, par M. Ach. Lucbairo (Paris, 1890, in-8°);
Prix La Fons-Mélicocq : La vallée du Liger et ses environs, par
M. A. Lediou (Paris, 1887, in-8'');
Deux années d'invasion en Picardie, i635-i636 , par le même
(Paris, 1887, in-S'');
Monographie d'un bourg picard, 2^ partie : Vhistoire de De-
muin depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, par le môme
(Paris, 1889, in-8°);
Notices et choix de documents inédits sur la Picardie, par le même
(Paris, 1889, in-S");
La guerre de Trente ans en Picardie et en Artois, par le même
(Paris, 1889, in-8°);
Mélanges sur Abbeville et le Ponthieu, par le même (Abbeville,
1889, in-8°);
Cartulaire des établissements religieux du Boulonnais, t. VI : Ab-
baye de Licques, ordre de Prémonlré , lojS-iSii, par M. l'abbé
D. Haigneré (Boulo{;ne-sur-.Mor, 1889, in-8").
— ^22 —
M. Edmond Le Blant est désigné pour lire, à la prochaine
séance Irimestrielie de Tlnslitut, sa note intitulée : Les songes et
visions des tnarttjrs.
L'Académie se forme en comité secreL
M. Georges Perrot communique, de la part de M. le D' A. Ver-
coutre, médecin-major à Ranibervillers, une note sur un aureus
de Publius Clodius.
On sait que Publius Clodius a fait frapper, en 711 (^3 avant
notre ère) un aureiis à Teffigie de jMarc Antoine, aureus dont le
revers, diversement interprété, est en somme resté jusqu'ici inex-
pliqué.
M. le D' Yercoutre propose de voir, dans le groupe qui figure
aux pieds du personnage représenté sur ce revers, non point,
comme on Ta voulu jusqu'ici, un aigle sur un cippe, mais un
corbeau sur un rocher, ce groupe constituant alors les armes par-
lantes, bien connues, de la ville de Lyon.
Le revers en question serait alors expliqué très naturellement
de la manière suivante :
trLe Génie de la ville de Rome, victorieux et pacifique, pro-
tège la ville de Lyon, colonie romaine naissante, et lui apporte
le commerce et la richesse, i^
Et il faudrait voir Marc Antoine lui-même sous les traits du
Génie radié qui figure la ville de Rome.
Cette explication , qui rend compte de tous les détails du type
du revers de Yaureus, s'accorde avec la date de la fondation de
la ville de Lyon, et avec ce fait que Marc Antoine (à cette date,
gouverneur de la Gaule) a été le protecteur avéré de la colonie
nouvelle.
Ce serait donc pour perpétuer le souvenir de cette protection
que Yaureus en question aurait été frappé.
M. Edmond Le Blant communique :
1° Une note sur une inscription juive trouvée à Auch'^';
2° Une note sur les lectures laites à la dernière séance de
l'Académie d'archéologie chrétienne, et notamment sur la décou-
■') Voir aux (Iommi .mcvtio.ns, n''XXXV (p. !tîi9.-h3']).
— A'23 —
verte d'un iVagmenl d'une inscription niétri({ue du papt) saint
Damase ''>.
SEANCE DU S'y DECEMBRE.
Le Ministre de l'instruction publique adresse à TAcadëmie
Tampliation d'un décret, en date du 19 de'cembre, par lequel le
Président de la République a approuve l'élection de M. de la
Borderie comme académicien libre , en remplacement de M. Ch. Ni-
sard, de'ce'dé.
M. de la Borderie sera pre'senté à l'Académie, lorsqu'il sera
de retour à Paris.
M. Maurt, par une lettre qu'il adresse au Secre'taire perpe'tuel,
fait connaître que son e'tat de santé' le mettra dans' l'impossibilité
de se rendre, pendant tout l'hiver, aux séances de l'Académie. Il
prie, en conséquence, ceux de ses confrères qui seraient disposés
à le réélire dans les Commissions auxquelles il appartenait, de
reporter sur d'autres leurs sufirages.
L'Académie procède au renouvellement de son bureau pour
l'année 1890.
M. Schefer est élu président; M. Oppert, vice-président.
Il est ensuite procédé à l'élection des membres de la Commis-
sion du prix Gobert.
Sont élus : MM. L. Delisle, de Rozière, Viollct et Clermont-
Ganneau.
L'Académie se forme en comité secret.
La séance redevient publique.
Le Président annonce ainsi qu'il suit le résultat du vote
qui vient d'avoir lieu, en comité secret, pour les élections des
correspondants étrangers et des correspondants français:
Correspondants étrangers: M. Nauck, à Saint-Pétersbourg, a
été élu en remplacement de M. Curtius; M. Neubauer, à Oxford,
en remplacement de M. Wright; sir Henry Yulc, à Londres, en
remplacement de M. Layard; M. Radloff, à Saint-Pétersbourg,
en remplacement de M. Weil.
t" Voir aux Commlnicatio.ns, n" XXXVI (p. liS'j-hiç^).
Correspondants français : M. Sauvaire a été élu en remplace-
ment de M. Clermont-Ganneau ; M. Bailly, en remplacement de
M. Rebond; M. Champoiseau, en remplacement de M. de la Bor-
derie.
Sont adressés pour les divers concours de l'Académie en 1890:
Antiquités de la France : Gesta domni Aldrici Cenomannicœ iirbis
episcopi a discipuUs suis, texte publié par MM. Tabbé R. Charles et
rabbé L. Froger (Mamers, 1889, in-/i°);
Dénombrement du comté de Faix sous Louis XIV {lÔjo-iôjâ);
étude sur T organisation de cette province , suivie du texte du dénombre-
ment, par M. Barrière-Flavy (Toulouse, 1889, in-8°);
Autun et ses monuments, par M. Haroid de Fontenay, avec un
précis historique par M. An. de Charmasse (Autun, 1889, in-8°);
Notice biograplwpie sur Louis Malet de Gravilk , amiral de France
{iââ-l-i5i6), par M. P.-M. Perret (Paris, 1889, in-8'^);
Coutumes et institutions de V Anjou et du Maine [antérieures au
xvi" siècle), par M. Beautemps -Beaupré, tome I, 2" partie :
Recherches sur les juridictions de l'Anjou et du Maine pendant la pé-
riode féodale (Paris, 1890, in-8°)-,
Cinq publications de M. P. Lanéry d'Arc, intitulées:
Le culte de Jeanne d'Aide au .xvf siècle (Orléans, 1889, in-S");
Du franc alleu (Paris, 1888, in-8'');
Bibliographie des ouvrages relatifs à Jeanne d'Arc (Paris, 1888,
111-8°);
Mémoires et consultations en faveur de Jeanne d'Arc, par les juges
du procès de réhabilitation, d'après les manuscrits authentiques (Paris,
i889,in-8°);
La Piuzela d'Orlhienx, récit contemporain, en langue romane, de
la mission de Jeanne d'Arc (Paris, 1890, in-8°);
Prix Stanislas Julien : Cours éclectique graduel et pratique de
langue chinoise parlée, t. I à IV, par M. Imbault-Huart (Paris,
1888, in-^");
Manuel de la langue chinoise écrite , destiné à faciliter la rédaction
des pièces dans cette langue, par M. Abel des Michels (Paris, 1888,
in-S»);
't'}
Les annales impériales de VAnnam, traduites en entier pour la pre-
mière fois du texte chinois, par le même (Paris, 1889, in-8'');
Prix Delalande-Guéri.neau : Monuments pour servir à l'histoire de
rEgj/pte chrétienne au iv' siècle. Histoire de saint Pakome et de ses
communautés, par M, E. Amelineau (Paris, 1889, in-^% extrait
du (orne XMl des Annales du Musée Guitnet);
Prix La Fons-Méhcocq : Géographie historique et statistique de
r arrondissement de Montdidier (Montdidier, 1889, in-8°).
XVII.
lurKlurmic x&rtijttLt.
^26 —
COMMUNICATIONS.
N° XXXII.
LETTRE DE M. GEFFROY, DIRECTEUR DE L'ECOLE FRANÇAISE DE ROME.
(séance Dn 20 DÉCEMBRE 1889.)
Rome, le lo décembre 1889.
Monsieur le Président et cher confrère,
La saison d'automne n'a pas produit ici d'importantes dé-
couvertes, et il y a lieu de craindre que, par diverses causes,
la saison d'hiver ne soit pas puissamment active. Il faudrait
d'énormes dépenses pour creuser suffisamment le sol, par
exemple dans le Ghetto, où l'on n'a fait encore que démolir.
Il n'arrive pas souvent que l'on fouille jusqu'à une profon-
deur de 8 mètres, comme on l'a fait pour établir les fonda-
tions du futur Palais de justice, dans le nouveau quartier des
Prati di Caslcllo, les anciens horti Domitiœ, sur la rive droite
du Tibre, vers le Vatican.
C'est là qu'on a découvert, le 10 mai dernier, les deux
sarcophages de Crepereia Try|)haena et de Crepereius Evhodus.
C'est là qu'on vient de trouver encore deux sarcophages inté-
ressants, l'un par les traces visibles de dorure sur la face an-
térieure, l'autre par ses proportions massives, 2™ 35 de long,
et par l'énorme pierre lui servant de couvercle, pierre déta-
chée évidemment d'une belle et grande inscription impériale.
On lit, en effet, à la surface intérieure de ce couvercle, en
caractères de 1 8 et de 1 3 centimètres :
IMP-CAESARI-
TRIBVNIC-PO
PROVIN
— h'21 —
La principale fouille en pleine activité est, hors de Rome,
celle (le Cività Castellana, l'ancienne Falérie. Elle a déjà pro-
duit la quantité considérable d'objets qui a permis d'installer
tout un nouveau musée, celui de la villa di Papa Giulto, très
habilement disposé par les soins du professeur Barnabei. Mais
la nécropole n'est pas épuisée : il s'en faut de beaucoup; les
fouilles continuent, pratiquées par les propriétaires du soi.
Le gouvernement n'y prend pas une part active principale;
seulement, grâce au droit de préemption que lui garantit la
loi Pacca, il choisit les objets à sa convenance; le reste est
livré au commerce.
Nous attendons à Rome trente caisses contenant les résul-
r
tats des fouilles de M. Gsell, membre de l'Ecole française, à
Vulci. La restauration des principaux vases a été faite pendant
la saison d'été. Une fois les objets disposés comme il convient
chez le j)rince Torlonia , qui a pris à sa charge la dépense de
ces fouilles, il faudra faire dessiner ces vases; nous espérons,
malgré la longueur inévitable de ce travail, publier dans le
cours de cette saison le rapport étendu de M. Gsell, avec
représentations figurées.
Un autre membre de l'Ecole française de Rome, M. Au-
dollent, explore en ce moment, et depuis le commencement
d'octobre, une partie de l'Algérie, en compagnie de M. Le-
tadle, envoyé par l'Ecole des hautes études. J'ai déjà reçu
toute une série d'inscriptions, que les deux explorateurs pu-
blieront dans leur ensemble à leur retour. M. l'abbé Duchesne
a entretenu l'Académie, dans sa séance du 6 décembre, de
deux de ces inscriptions. MM. Audollent et Letaille étaient à
Batna le 9 i novembre.
Veuillez agréer, etc.
A. Geffrot.
00 .
— /i28 —
N° XXXIII.
INSCRIPTION DE CARTHAGE ,
MENTIONNANT LE PROCONSULAT DE SYMMAQDE,
COMMUNIQUÉE PAR M. HERON DE VILLEFOSSE.
(séance du 90 DÉCEMBRE 1889.)
Le R. P. Delattre, dont le zèle ne se ralentit jamais, m'en-
voie, à la date du 9 décembre 1889, en me priant de
la communiquer à l'Académie, une intéressante inscription
récemment découverte à Carthage. Elle est gravée sur un
piédestal mesurant en hauteur l'hall et en largeur hS cen-
timètres environ ; la hauteur des lettres est de 1 0 centi-
mètres.
Il est difficile de dire si cette base était surmontée d'une
statue ou si elle avait été élevée, avec une autre destination, à
l'endroit où elle a été découverte. En tout cas le texte gravé
sur la face antérieure nous apprend qu'elle avait été placée
par ordre du proconsul d'Afrique Q. Aurelius Symmacitus , plus
connu sous le simple nom de Symmaque.
Q_-AVRELIVS-
SYMMACHVS-V-C
PROCONSVLE-P-A
•V-S-I CONSTlTVI IVSSlT-
Q{uintus ) Aurelius Symmachus , v{ir) c[lanssimus) , proconsule p{rovinciae)
A{fricae), v{ice) s[acra) j[uclicans) , constitui jussit.
On trouve au Gode Théodosien une loi, datée du 3o no-
vembre 373, adressée par les empereurs Valentinien, Valens
et Gratien à Symmaque, proconsul d'Afrique, mais jusqu'ici on
— /i-20 —
n'avait dt^couvcrt on Afrique aucun monument épigraphique
intact se rapportant à son administration. Sur un fragment
très mutilé d'une inscription municipale de Guelma^'\ perdu
aujourdhui et connu seulement par de mauvaises copies,
L. Renier avait reconnu la mention de ce proconsulat, auquel,
du reste, le célèbre orateur fait souvent allusion dans ses
lettres. Les uns font commencer sa mission en Afrique en 870,
les autres en 3^3; elle prit fin probablement dans l'été
de 376.
En comptant une inscription de Rome, qui contient des
renseignements assez complets sur la carrière de Symmaque^^^
l'inscription découverte à Garthage est le troisième texte épi-
graphique connu, relatif à cet illustre personnage ^^^.
N" XXXIV.
note sur la disposition du bûcher funeraire
emploie' par les habitants de BULLA REGIA,
par m. le docteur carton,
médecin aide-major de premiere classe des hopitaux de tunisie.
(séance du 2 0 DÉCEMBr.E 1889.)
Les fouilles dans l'antique nécropole de Bulla Regia, dont
M. de la Blanchère a bien voulu me confier la direction, m'ont
fait découvrir quelques faits intéressants au point de vue de
l'histoire et des mœurs de la cité romaine. C'est sur l'un de
ceux-ci que j'ai l'honneur d'attirer l'attention de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres.
<" Inscriptions romaines de l'Algérie, n" 3740.
C' Corpus inscriptionum latinannn , t. VI, n° 1699.
(^i Voir à ce sujet Ch. Tissot, Fastes de la province romaine d'Afrique, p. 208-
260.
— A30 —
A part les squelettes intacts que j'ai rencontrés dans un
mausolée, tous les sujets exhumés de la nécropole ont subi
l'incinération.
L'état des ossements et la disposition du contenu des tombes
m'ont permis de préciser, je crois, de quelle façon l'inciné-
ration était pratiquée à Bulla Regia.
Ce n'est pas à l'état de cendres que l'on retrouve les restes
du défunt. Ce sont des fragments d'os carbonisés, de 2 ou
3 centimètres d'épaisseur.
Un certain nombre d'entre eux, principalement les côtes,
les phalanges, étaient intacts. Incomplètement incinérés, ils
formaient une masse d'un certain volume et les restes d'un
individu pouvaient remplir un récipient de 9 ou 3 litres de
capacité.
A côté d'eux, et sur le sol du sarcophage (fait de tuiles
disposées enferme de toit, ou de jarres), j'ai rencontré une
couche de charbon de bois, dont les morceaux atteignaient
souvent la grosseur du poing. Au milieu de ceux-ci gisaient
un grand nombre de clous en fer au nombre de dix à trente
par tombe, de différentes dimensions. Les plus nombreux
avaient l'y centimètres de longueur, et une épaisseur de 8 à
10 millimètres près de la tête, qui était ronde, aplatie, et
mesurait 2 centimètres de diamètre. Les plus petits, de même
forme, avaient de 7 à 1 0 centimètres de longueur. Les pre-
miers étaient invariablement recourbés vers leur extrémité
aiguë, et la dislance entre l'angle ainsi formé et la tête était
d'environ 8 centimètres. La grosseur de ces clous prouve suf-
fisamment qu'ils n'ont pu servir à fixer les parois d'un coffret.
Ils sont même trop volumineux pour avoir été employés à
réunir les parties d'un sarcophage en bois, qui, d'ailleurs,
n'aurait pas trouvé place dans l'espace exigu compris entre les
tuiles de la tombe. Si ce sarcophage, dont on ne trouve pas
trace, avait existé, les clous se seraient rencontrés en plus grand
— ^31 —
nombre vers les angles et ils eussent été disposés régulière-
ment, ce qui n'est point.
Enfin, j'ai mesuré avec soin et très fré({uemment la dis-
lance entre la tête et la courbure, et celle-ci indique d'une
façon péremptoire qu'ils ont dû être enfoncés dans des mor-
ceaux de bois volumineux, destinés, suivant moi, à constituer
un bûcher.
Ce dernier était forme de poutres régulièrement équarries,
car, pour une même tombe, la distance de la tête à la cour-
bure du clou est toujours la même. La partie inférieure de-
vait être formée de bois plus fort que celui de la partie supé-
rieure, car, allant d'un bord à l'autre de la fosse creusée
au-dessous, elle avait à supporter tout le poids du bûcher. Les
clous plus petits que j'ai retrouvés devaient réunir les poutres,
plus grêles, de la partie supérieure.
Une zone de terre brûlée (pour employer l'expression de
mes ouvriers) se rencontre dans toutes ces tombes. Epaisse
de 1 à /i centimètres, elle est dure, rouge, et a évidemment
subi l'action du feu. Dans la tranchée, la coupe do cette zone
forme une ligne courbe à concavité supérieure, qui donne
une idée bien nette de la forme de la fosse. Elle est tellement
constante que tout point de la nécropole où on la rencontrait
était considéré par mes terrassiers comme devant être fertile
en trouvailles, ce que confirmaient toujours les recherches
ultérieures.
De ce qui précède je crois pouvoir conclure que le bûcher
destiné à incinérer le corps était dressé au-dessus d'une fosse.
Le charbon de bois, les clous, la terre brûlée en sont la
preuve. Le bûcher éteint, on recueillait les ossements et on
enlevait les grosses poutres. Le reste, c'est-à-dire (pielques
fragments d'os, quelques braises, tombait dans la tombe; de
là , la cuisson d(f la terre.
11 a dû arriver même que le bûcher, mai conslruit, s'f?t
— -132 —
effondré dans la fosse ; on se serait alors contenté d'en retirer
les gros morceaux de bois non brûlés et les ossements les
moins altérés. De là, les très nombreux débris de cliarbon et
les cendres osseuses que j'ai rencontrés dans plusieurs cas,
alors même que l'ossuaire renfermait déjà des ossements. Après
l'écroulement ou l'enlèvement du bûcher, on plaçait le mo-
bilier funéraire, avec les cendres, dans la fosse, et on jetait
dans celle-ci ou dans la terre sus-jacente quelques pièces de
monnaie. Plusieurs de celles que j'ai trouvées étaient altérées
par le feu et ont dû être placées, avec le corps, sur le bûcher.
Celte hypothèse de la position du bûcher au-dessus de la
fosse, appuyée, il me semble, sur des fails probants, a trouvé
sa confirmation dans une découverte faite par M. le lieute-
nant Margier. Il a rencontré, en effet, dans la même nécro-
pole une lampe représentant un bûcher funéraire, au-dessous
duquel était figurée une fosse. Cette lampe a été placée, par
les soins de M. de la Blanchère , dans une vitrine de la section
tunisienne de l'Exposition centennale.
N° XXXV.
NOTE SUR UNE INSCRIPTION JUIVE D'AUCH,
PAR M. EDMOND LE BLANT.
(séance du 90 DÉCEMBRE 1889.)
L'inscription juive dont je reproduis un fac-similé provient
des fouilles d'Auch. Elle appartient au musée de Saint-Ger-
main-en-Laye.
A l'extrémité de la première ligne manque la lettre finale
du mot sancto, écrit en abrégé : SCT(o). Au bas figurent la
palme, le chandelier à sept branches, le slhofar et le mot
schalom {^pax) en lettres hébraïques.
i
— /i33 —
Notre regretté conl'rèro M. de Saulry, (jiii le premier Ji fait
connaître ce monument, a proposé d'y lire ce qui suit :
In Dei noinine sancto
Pcleger qui hic Ben Nid.
Deposilus est cum ipso locoli
tnvidiosi. Crepen dédit.
Donum Joua fecit ''^
M. Laroque, ne reconnaissant qu'un simple trait séparatif
et non pas un L dans la barre qui précède, à la troisième
ligne, les cinq lettres OCOLI, a présenté cette autre lecture:
In Dei nomine sancto
féliciter
dcposilus est . . . oculi
invidiosi crepen(t)! dedicatum
donum Jona fecel '"'.
Une troisième transcription a été donnée par M. l'abbé
Canéto :
In Dei nomine sancto
Pelester qui hic Ben Md.
Deus esto cum ipso! o cœli
invidiosi ! Crepen dédit
donum. Jona fecit.
Au saint nom de Dieu! Pelester qui est ici, fils de Nid. Que Dieu soit
avec lui ! ô cieux jaloux ! Crepen a fait don. Jonas a gravé. In pace'-^K
('' Comptes rendus de l'Académie des inscriptions, 1869, p. 173. (Cl. Revue
de l'instruction publique, 7 octobre 1869, p. /i36.)
'') Revue de l'instruction publique, 7 octobre 18*19, p. i.36.
(^' Bulletin de lu Société des antiquaires de France, 1870, p. 1^6.
— hZk —
A ces lectures vient se joindre ta suivante, qu'un jeune
savant, M. Th. Reinach, a publiée il y a quelques jours ''^ :
In Dei noniine scto [sanclo)
pelester (féliciter?) qui ic (hic). Bennid
(Ds (Deus) esto c\y\m ipso; ocoli (oculi)
invidiosi crêpent) dédit
donum , Jona fecet (fecit).
Au saint nom de Dieu
heureusement (repose celui) m\\ est ici; Bennid
(Dieu soit avec lui! que les yeux
envieux crèvent ! ) a fait
don ; Jonas a grave'.
Paix.
Je hasarderai à mon tour quelques mots sur l'interpréta-
tion de cette légende.
Après la première ligne, sur laquelle tout le monde est
naturellement d'accord, je lis le nom de Pekger, pour Pe-
reger, qui représente le vocable juif Gerson, comme veut bien
me l'apprendre M. Halévy, et dont le G se retrouve plusieurs
fois avec la même forme. Je signalerai d'abord ce caractère
dans une antique inscription cursive récemment découverte
aux catacombes de Rome'-^; on le voit, aux temps mérovin-
giens, dans les noms de Pelagia, Paragor, Rcgnoveiis^^^ gravés
sur des marbres et sur une agrafe de bronze, puis par trois
fois dans cette ligne en onciale d'un manuscrit de Grégoire
de Tours ap])artenant au vu" siècle : Dum hœc ngerctur, Si-
gibertus rex gcntes illus ''l II reparaît au xi" siècle dans un
(^) Revue des éludes juives , 1889, p. 219.
'^' Mariicclii , Le rrcenii scoperle pressa il cimilero diS. Valentino ( Bnllettino délia
Commissionc archc(dogica dl lioma, 1888, p. AS").
f^' Inscriptions chrétiennes de la Gaule, planches n°' ioi et 5i i; Th. Reinach,
Revue des éludes juives, 1 889 , p. 75 ; Nouveau recueil des insci-iplions chrétiennes
de la Gaule, n" 5^.
''') Ms. de Corbic, Bibi. nat., londs latin, 11° 17655, fol. 57. (Voir le fac-
similé donné par M. Prou, Manuel de paléographie , pi. I.)
— /i35 —
manuscrit de Oiicdlinbourg ''' et se montre ailleurs plus lard
encore.
Je n'ose proposer pour la fin de la ligne une transcription
qui, bien que justifiable par les voies méthodiques, ne me
parait pas assez certaine. Viennent ensuite, non pas, comme l'a
cru M. Laroque, les mots doposilus est cum ipso, mais Dcus esto
cum ipso, après lesquels il a lu avec raison l'acclamation Ocoli
ùwunosi crepen ( Ocuh invidiosi crêpent fj. On peut noter, ii l'appui
de cette leçon, que souvent, sur les marbres, le T final de cer-
tains mots disparaît, comme il a fait ici pour crepent^-K
Ce qui reste de l'inscription ne me semble pas avoir été
compris jusqu'à présent; on a vu, dans les dernières lettres de
la quatrième ligne, le mot dédit ou dedicatum. Il y a là, je
crois, une erreur et c'est sur ce point que j'appellerai l'atten-
tion de l'Académie.
La fin de notre légende présente, si je ne me trompe,
une formule dont l'existence peut s'établir par de nombreux
exemples: de Dei r/o;»fm(pour dono^^') Jonafecit, formule équi-
valente aux mots de suo fecit. C'est l'expression de la pensée
de l'homme reconnaissant et proclamant que tous ses biens
sont un don du Très-Haut. Ainsi que je l'ai noté ailleurs, elle
est d'origine biblique et nous la retrouvons dans le texte d'une
inscription juive de l'île d'Egine, reproduisant les mots des
Paralipomènes :
Cuncla qiiae in cœlo sunt et iu terra tua sunt. . . Tua sunt omnia et
qua; de manu tua accepimus dediiuus tibi'*^
''' Delisle, Mémoire sur l'Ecole calligraphique de Tours, pi. Jll {Mémoires de
l'Académie des in.icriplioiis , t. XXXII).
'•' Retifsius, Inscripliones anluiuœ, xx, 8a, et Fassioiici, Iscrizioni anliche,
G3, 17 : FECERVN, elc.
^^> C'était là, comme on ie sait, une erreur des plus fréquentes aux bas
temps et dans laquelle Giéjjoiro de Tours s'accuse de tomber, ttconfondant, dit-
il, l'ablaliT et raccusaliln {De f^loria Confessorum, Prœfalio).
f*' I, V. 11, l 'i et it)i. (Cf. Corpus iuscript. grœc, n" 989/i.)
— ^36 —
Les chrétiens aussi l'ont employée; à chaque page les re-
cueils de l'épigraphie grecque ou latine nous en offrent des
exemples. DE DONIS, EX DONIS DEI. DEDIT, OFFRIT,
FECIT, y lisons-nous, en même temps que les mots TA CA GK
TCON COJN nPOC(DePOMeN(i) empruntés, comme les précé-
dents, au langage de la liturgie^-',
La formule de l'inscription d'Aucli se retrouve, avec la
même faute, de donum pour de dono Dei, dans la légende
d'une mosaïque de Grado que Bertoli a reproduite en fac-
similé :
LAVRENTIVS VC
PALATINVS VO
TVM CVM SVIS
SOLVIT ET DE DO
NVM DEI FECE
RVNT IN PACE(')
En résumé, je proposerai de lire ici, avec un point d'inter-
rogation [)our la fin de la seconde ligne :
In Dei nomine sancto. Pekger
Dcus csto cuni ipso. Oculi invidiosi crêpent. De
Dei dono Jona fecit.
Au point de vue paléographique, notre monument n'est pas
sans intérêt. J'y ai signalé un G d'une forme assez exception-
nelle, mais fort persistante. L'O affectant la figure d'un 8 non
fermé par le haut, et qui est fréquent dans l'écriture du vu" et
du vni^ siècle ^^^, se montre ici, pour la première fois, que je
") Mabiilon , Muséum italicum , p. 2 1 3 ; Marini , dans Mai , Scriptorum veterum
nova collectio, l. V, p. 80, I102 ; Fonlanini, Disco votivo, p. 17 et suivantes; De
Rossi, Roma solterr. cristiana , t. I, p. 3oo, etc.
'^' Soi Kîipt£ à ©eos rifJiôiv ta aà e'x tùv aùv tsposBriKaitEv (Renaudot,
Lilur g. orient., I. I, p. i56).
f^' Le atitickità d'Aquileia, p. 347.
'*' Delisle, Authentiques de reliques de l'époque mérovingienne {Mélanges d'his-
toire et d'archéologie publiés par l'Ecole française de Rome, 188/1, pi. I).
— /i37 —
sache, sur un monument opigrapliique. Je n'ai pas encore
rencontré le type de l'F de la dernière ligne.
Je m'occuperai ailleurs de l'inscription d'Aucli, ne m'étant
proposé ici que de soumettre à l'Académie la lecture d'une
ligne non déchiffrée jusqu'à cette heure.
N° XXXVI.
COMMUMCATIONS FAITES À L'ACADEMIE D'ARCHEOLOGIE CHRETIENNE.
NOTE DE M. EDMOND LE BLANT.
(séance du 20 DÉCEMBRE 1889.)
L'Académie sait quel ingénieux usage l'un de ses plus
illustres associés, M. de Rossi, a su faire des inscriptions mé-
triques composées par le pape saint Damase pour être placées
sur la tombe des martyrs, comment il a démontré que ces
vers avaient été gravés dans un caractère spécial dû au calli-
graphe Furius Dionysius Philocahis, comment il a trouvé
ainsi, dans quelques débris de marbres maintenant faciles à
reconnaître, des lumières inattendues pour rétablir la topo-
graphie des catacombes romaines.
L'un de ces fragments, récemment exhumé dans le cime-
tière d'^ Saint-Laurent-hors-les-Murs, donne les premiers
mots de quatre hexamètres dont l'un paraît indiquer que saint
Damase avait fait graver les noms des martyrs de la voie Ti-
burlinc sur les parois d'un édifice dont les restes ont d'ailleurs
été retrouvés dès l'année 186/1.
A côté des pièces qui, comme cette dernière, n'ont pas été
relevées dans les recueils des œuvres de l'illustre pape, il en
est d'autres qui, au contraire, connues par les seuls manu-
scrits, n'ont pas été retrouvées sur les marbres. Telle est l'épi-
— /i38 —
taphe métrique, composée par saint Damase pour sa sœur
Irène, morte à vingt ans, qui débute ainsi :
HOC TVMVLO SACRATA DEO NVNC MEMBRA QVIESCVNT.
HAEC SOROR EST DAMASI NOMEN SI QVAERIS IRENE
{0pp., Carmen xxxi.)
Un fragment, découvert dans les fouilles du Forum, près
de l'église des Saints Cosme et Damien , vient de nous rendre
la partie de l'épitaphe oii figure le second de ces vers. Ainsi
s'augmente le nombre des pièces chrétiennes métriques qui,
relevées par les anciens collectionneurs de poésies lapidaires,
se retrouvent en original, comme nous l'avons déjà vu à
Rome, à Vercelli, et chez nous-mêmes, à Vienne.
Si l'épitaphe d'Irène n'avait pas été déjà connue, rien n'au-
rait indiqué que le débris nouvellement rendu au jour nous
conservât le texte d'une œuvre de saint Damase. Les carac-
tères spéciaux qui font, entre tant d'autres, reconnaître les
marbres où figurent des pièces dues à sa main, ne se retrou-
vent pas, en effet, dans l'épitaphe d'Irène. Le fait s'explique
facilement : ç^Philocalus, dit M. de Rossi, n'est devenu le
calligraphe de saint Damase qu'après l'élévation de ce dernier
au pontificat, et c'est avant ce temps qu'est morte la jeune
fille. »
La double découverte dont je parle a été annoncée dans la
dernière séance de l'Académie d'archéologie chrétienne. Son
savant secrétaire, M. Marucchi, qui a bien voulu me la faire
connaître, a signalé de nouvelles fouilles opérées sur le lieu
où s'élevait la basilique du prêtre saint Valentin, c'est-à-dire
aux portes mêmes de Rome, à l'entrée de la voie Flaminienne.
Des fragments d'une inscription damasienne, qui viennent d'y
être trouvés, montrent que le pape poète avait fait graver
une pièce de vers sur le tombeau de saint Valentin.
Une découverte importante a été faite à Capharnaiim, celle
— ^i39 —
d'un tombeau creusé dans la roche vive et dont l'entrée est
ornée de figures d'animaux fantastiques. Sur la porte sont
sculptés deux vases d'oii s'échappent des pampres; au-dessus,
deux dauphins et, plus bas, deux colombes, avec une croix
accostée des lettres symboliques ACl). A l'intérieur sont trois
tombeaux en forme d'arcosolimn, et tout auprès une autre
chambre sur la porte de laquelle se lit une inscription grecque
dont je n'ai que la traduction :
Seigneur Christ, protège Samuel et aie pitié de ses enfants.
Des dessins des deux monuments dont a parlé le R. P. Cozza,
ont été présentés par M. de Rossi. Le savant romain a signalé
la ressemblance de ces tombes à arcosolia avec certaines sé-
pultures des catacombes de Priscille et de saint Calliste. Ces
chambres funéraires paraissent appartenir au vi^ siècle.
APPENDICE N° V.
SÉANCE PUBLIQUE ANNUELLE
DU VENDREDI i> a ^OVEMBRE 1889.
DISCOURS D'OUVERTURE
DE
M. BARBIER DE MEYNARD,
PRÉSIDENT DE L'ANNEE 1889.
Messieurs,
Avant de proclamer le résultat de nos concours, avant de
vous rappeler les succès d'aujourd'hui et les espérances de
demain, au risque d'assombrir les débuts de cette séance, je
dois vous parler de nos deuils. Ce pieux et triste devoir, il est
bien rare que votre président n'ait pas à le remplir dans le
cours d'une année, mais celle qui va bientôt se terminer comp-
tera pour nous parmi les plus néfastes. Elle commençait à
peine quand mon prédécesseur vous annonçait la perte pré-
maturée, quoique trop prévue, d'un de nos plus jeunes con-
frères. Le comte Paul Riant ne nous a appartenu que pendant
deux ans, mais le mérite de ses travaux l'avait fait nôtre de-
puis longtemps. 11 nous a quittés dans la pleine maturité de
son talent; oublieux du mal qui le minait, jusqu'à la der-
nière heure il est resté fidèle à sa lâche, l'accomplissant avec
la foi énergique, avec la force d'âme de ces preux de Pales-
tine dont, mieux que personne, il a connu et raconté les
exploits. L'histoire du moyen âge et des croisades perd en lui
un annaliste merveilleusement informé, la Société de l'Orient
latin son fondateur et le plus zélé de ses membres, l'Académie
un confrère qui, dans sa trop courte apparition, a su nous
faire apprécier l'étendue de son savoir et les nobles qualités
de son cœur.
La mort ne s'est pas contentée de cette seule victime, mais,
par un contraste cruel, elle a attendu, pour nous porter de
nouveaux coups, l'heure où la grande fête de l'industrie et
des arts que Paris a donnée au monde brillait de tout son
éclat. Le 17 juillet, s'éteignait un des meilleurs représentants
delà vieille culture classique, notre cher et bon Charles Ni-
sard. Personne n'a été plus que lui de la famille académique.
Vous vous rappelez avec quelle ferveur il suivait nos séances,
toujours affable et souriant, communicatif même en dépit de
l'âge; vous l'entendez encore lisant, d'une voix chaude et
émue, les vers de Fortunat et de sainte Radegonde. Lati-
niste consommé, traducteur élégant, écrivain d'un goût sévère
sans être exclusif, Ch. Nisard, dans le cours de sa longue
existence, a soutenu vaillamment l'honneur do son nom, un
— M\\ —
nom clier aux lettres et (jui ne réveille que tie nobles sou-
venirs.
Il est juste de rendre le même hommage à M. le baron de
Wilte, qui nous a été enlevé quelques jours plus tard. Il était
le doyen de nos associés étrangers et le plus assidu depuis
qu'il avait fait de la France sa patrie d'adoption. Je n'ai pas à
vous rappeler les services qu'il a rendus à l'étude des monu-
ments antiques, où il exerçait l'autorité d'un maître; la Gazette
archéologique qu'il avait fondée, la Revue de numismatique qu'il
dirigeait de concert avec Longpérier, sont là pour l'attester.
Par le noble usage qu'il faisait de sa fortune, par son obli-
geance et sa courtoisie, il s'est acquis de nouveaux titres à
nos plus sympathiques souvenirs.
Après l'érudit laborieux et modeste est tombé le soldat
illustre dont la France porte le deuil. Le général Faidherbe
n'avait que deux passions : celle du devoir et celle de l'étude.
Pendant son existence si bien rem[)lie, en Algérie, au Sé-
négal et plus tard dans le fauteuil où de glorieuses infirmités
le clouaient, il n'a jamais interrompu ses recherches érudites
qui, en fortifiant l'ethnographie et la philologie africaines,
lui ont valu l'honneur de siéger parmi nous. C'est à ce titre
que Faidherbe a appartenu à notre Compagnie, comme il
appartient «i la France et à l'histoire par l'éclat de ses services
militaires et son héroïsme au jour des grandes luttes.
Après ce triple deuil, il semble que la mort dut être satis-
faite : elle a pourtant fait encore de nouveaux vides parmi nos
collaborateurs du dehors et ce sont les études orientales qu'elle
n plus particulièrement frappées. C'était un orientaliste émi-
nent, ce Michel Araari, qui, pendant vingt ans, a été l'hôte
de la France et qui, en dépit des llucluations politiques, en
était resté l'ami et, comme il le disait lui-même, l'obligé. Il
avait appris l'arabe avec Reinaud et Caussln de Perccval et
recueilli à la Bibliothè([U(' nationale les matériaux des ou-
XVII. -'l
— h!x1 —
vrages historiques qui ont rendu son nom populaire dans son
pays natal : il lègue aussi à l'Italie un enseignement oriental
établi sur des bases solides, l'exemple de la fidélité aux sou-
venirs et celui du plus pur patriotisme allié au culte désin-
téressé de la science.
Il y a quinze jours à peine, au début d'une de nos séances,
j'annonçais à l'Académie une perte nouvelle, celle d'un autre
de nos associés étrangers, M. Gabriel Cobet, professeur à
l'Université de Leyde depuis 18/17. Helléniste d'un savoir
étendu et d'un goût délicat, doué de cette intuition qui,
alliée à la sagacité, fait les excellents critiques, M. Cobet
était un maître en philologie grecque, et le dialecte attique,
en particulier, n'avait j)lus de secrets pour lui. Toutes ces
qualités se retrouvent dans ses belles éditions de Diogène
Lacrce, de XAnahase de Xénophon et surtout dans la revue
Mnémosyne dont il a été, pendant un demi-siècle, le principal
collaborateur. Cobet écrivait et parlait le latin avec une rare
facilité et il faisait toujours son cours en latin. C'est chez lui
un trait de ressemblance de plus avec ces grands érudits
des xvi* et xvn" siècles qui ont illustré la Hollande et dont il
était l'héritier direct.
Je dois rendre enfin un dernier hommage à trois de nos
correspondants qui se sont suivis de près dans la tombe : le
D"" Reboud, un des fondateurs de l'étude des idiomes ber-
bères, qui a longtemps enrichi notre Commission du Corpus de
précieuses inscriptions; — William Wright, une des illustra-
tions de l'orientalisme en Angleterre, qui a professé avec éclat
à l'Université de Cambridge; — Gustave Weil, ancien pro-
fesseur de langues sémitiques à Heidelberg, envers qui l'his-
toire musulmane a de sérieuses obligations.
Quelle longue et triste nomenclature. Messieurs, et comme
elle s'accorde mal avec l'ancienne devise de notre Compagnie :
Vetal mori! Mais, si cruellement ironique qu'elle soit, devant
la iVagilito de nos existences, cette devise est pourtant l'ex-
pression véritable de l'esprit scientifique qui est notre raison
d'être, qui inspire nos travaux et les préserve de la sénilité
rapide et de l'oubli réservés aux œuvres frivoles. C'est bien
ainsi que l'entendaient nos prédécesseurs, ceux qu'on appelait
alors la petite Académie, lorsqu'ils inscrivaient ce défi à la mort
au fronton de leur salle de séances. Aujourd'hui plus que
jamais, ils en reconnaîtraient la justesse en entendant l'énu-
mération des travaux entrepris sous vos auspices et que vous
avez mission de couronner. Ce sera en même tem[)s pour
nous le meilleur dédommagement aux douloureux souvenirs
que j'évoquais tout à l'heure et la meilleure raison d'avoir foi
en l'avenir.
Le sujet pro[)osé pour le prix ordinaire était une Elude cri-
tique sur le ihéùlre hindou. Dans l'état actuel des études san-
scrites, il eût été prématuré de demander une histoire pro-
prement dite de l'art dramatique dans l'Inde; toucher aux
questions d'origine est toujours chose difficile, et en particu-
lier dans ce pays des merveilles où la genèse et le développe-
ment du théâtre se perdent, comme son passé historique,
dans le crépuscule de la légende et de la fable. Il était donc
jjrudent de se borner à l'examen des œuvres dramatiques qui,
à partir du vi'' siècle environ, occupent une place éminente
dans la littérature indienne. L'unique mémoire présenté à
notre examen se recommande par une vue large et originale
des différents aspects de la question, et aussi par la solidité
et la bonne direction des recherches. Peut-être l'auteur n'a-
t-il pas toujours observé la juste mesure, par exemple quand
il suppose que la théorie du drame a précédé, chez les Hindous,
la pratique littéraire; peut-être aussi pourrait-on lui repro-
cher quelques longueurs, quelques digressions superllues.
Mais ces taches légères n'enlèvent rien aux qualités sérieuses
de l'ensemble. En décernant le prix à l'auteur du mémoire,
— hhlx —
r
M. Sylvain Lévi, maître de conf«'?rences à l'Ecole des hautes
études, l'Académie est heureuse d'encourager un essai qui
permet de hien augurer de l'avenir des études indiennes si
cruellement éprouvées, en France, dans le cours de ces der-
nières années.
Vous êtes habitués à considérer le concours des Antiquités
nationales, et à juste titre, comme un des plus importants
que vous ayez à juger par le nombre et la valeur des travaux
qui y figurent. Comment s'en étonner quand on songe aux
richesses que le sol de notre pays offre à la curiosité de l'érudit
et ù toutes celles qu'il tient encore en réserve? Je ne saurais
mieux louer le concours de cette année qu'en disant qu'il a
dépassé ceux des années ])récédentes. Trente-cinq concurrents
y ont pris part, qui ont tous fait preuve, à des degrés divers,
de qualités sérieuses et d'un véritable esprit scientifique : je
ne saurais d'ailleurs rien de plus honorable pour eux que le
minutieux examen et les longues hésitations qui ont précédé
le jugement définitif de votre Commission.
La première médaille a été accordée à M. Jarry pour son
Mémoire sur la vie politique de Louis de France, duc d Orléans.
L'auteur a voulu en quelque sorte réhabiliter ce prince que
l'on ne connaissait guère jusqu'il présent que par ses qualités
brillantes et un peu superficielles. Dans le courtisan spirituel,
le protecteur des lettres, il y avait aussi un homme d'Etat,
un fin politique qui sut gagner à la France de puissants alliés
et tenir en respect la maison de Bourgogne, dont la rivalité
ne recula pas devant le crime. C'est cet aspect ignoré du fils
de Charles V que M. Jarry met en lumière, utilisant pour
cela, avec un véritable talent de mise en œuvre, non seule-
ment les chroniques et les documents publiés, mais aussi les
archives de France et de l'étranger. Voici donc une excellente
thèse de plus à mettre à l'actif de l'Ecole des chartes, qui en
compte d(^à bon nombre de si remarquables.
— Vif) —
M. Paul Guériii a obtenu la dcuxièine inédaillc pour S(3S
Dociimenls concernant le Poitou. Vous connaissez déjà ce vaste
recueil dont les quatre premiers volumes ont été envoyés aux
concours précédents. On y trouve tous les actes relatifs au
Poitou que fournissent les registres du Trésor des chartes.
A ces documents importants M. Guérin a joint de savantes
préfaces et un appareil de notes qui font honneur à sa saga-
cité. La récompense que vous lui décernez ne s'adresse pas
seulement à son œuvre si méritoire; elle doit être considérée
aussi comme un encouragement promis à toute entreprise
analogue qui contribuera à faire mieux connaître nos archives
provinciales du xiv* et du xv* siècle.
Nous quittons momentanément la France avec M. Fallu de
Lessert qui reçoit la troisième médaille pour son livre sur Les
fastes de la Numiche sons la domination romaine. L'auteur, qui
doit à ses éludes spéciales et à plusieurs explorations en Al-
gérie une excellente préparation, a tiré le meilleur parti des
documents épigrapliiques dont le sol africain n'est jamais avare.
De ces textes combinés heureusement avec les renseignements
des auteurs anciens ressort pour nous la connaissance [)osi-
tive du rôle politique et militaire des légats de Numidie. M. de
Lessert en dresse la liste aussi complète que possible, en ré-
tablit la succession dans l'ordre chronologique le plus rigou-
reux, en complète les lacunes et nous fournil de la sorte dans
un récit suivi et bien coordonné d'utiles niatériaux pour l'his-
toire î'énérale de l'Empire romain.
o
Plusieurs fois déjà, dans les années d'abondance comme
celle-ci. l'Académie, n'ayant pas assez des trois médailles que
comporte régulièrement le concours des Antiquités nationales,
n'a pas hésité à demander une médaille supplémentaire au
Ministère de l'inslruclioM [)ul)lique, qui ne l'a jamais refusée.
C'est pour MM. Favre et Leceslre qu'elle a obtenu, celte
année, une quatrième médaille, et celte faveur exception-
— Z(/i6 —
nelle est pleinement justifiée par le mérite de leur édition cri-
tique du Jouvencel de Jean de Bueil, suivie du commentaire de
Guillaume Tringant. On sait que le maréchal de Bueil, un
des compagnons d'armes de Jeanne d'Arc, s'est plu à retracer
sous une forme romanesque les souvenirs de sa vie militaire
où abondent les plus curieuses révélations sur les idées et les
mœurs de la France du xv* siècle. Mais il eût été difficile de
les découvrir sous le voile d'allégories et de dénominations
fictives qui les recouvre, si Guillaume Tringant, son secré-
taire, n'avait pris soin de les expliquer pour le plus grand
profit de la postérité. On ne possédait de ce curieux ouvrage
et du commentaire qui l'accompagne que d'anciennes édi-
tions d'une exactitude douteuse; les deux nouveaux éditeurs
en ont établi le texte sur un manuscrit très voisin de l'original ,
en y joignant une bonne notice biographique sur Jean de
Bueil et les éclaircissements littéraires qui peuvent la com-
pléter. Nous devons à cette collaboration consciencieuse la
restitution d'une œuvre qui gardera sa place parmi les meil-
leurs documents relatifs à cette période si intéressante de
notre histoire nationale.
C'est à la même époque que se rapportent les Archives d'un
serviteur de Louis XI, publiées par M. le duc de la Trémoïlle,
à qui vous avez attribué la première mention honorable. Le
sire de la Trémoïlle, seigneur de Craon, héros de cette mono-
graphie, a été non seulement le témoin, mais un des prin-
cipaux acteurs dans les événements considérables de son
temps et notamment dans les négociations qui ont préparé la
restitution de la Bourgogne à la couronne de France. C'est
au chartrier de Thouars, c'est-à-dire à ses propres archives de
famille, que M. de la Trémoïlle a emprunté les renseignements
qui lui ont permis de rétablir, avec une parfaite exactitude,
le rôle polilicpie d'un ài^ ses aïeux. Il a joint au document
original de nombreux extraits et annotations, pour lesquels
— Mxl —
il a mis à conUibutioii le Trésor des chaiies, les repislres
(lu Parlement et les archives de la Côle-d'Or. L'Académie
avait donné, l'année dernière, une mention hors rang au
savant éditeur pour la publication de quatre documents pro-
venant de la même source. En lui accordant une nouvelle
mention, celte année, vous voulez surtout reconnaître le noble
usage qu'il fait des trésors historiques de sa famille, l'acti-
vité et le soin avec lesquels il les rend accessibles au monde
savant.
Si le concours n'avait eu, cette fois, une importance excep-
tionnelle, c'est sans doute mieux qu'une mention honorable
qu'aurait obtenue M. Charles More!, pour son mémoire inti-
tulé : Gcnècc cl la colonie de Vienne. Celte savante étude, qui
nous fait connaître sur le vif les actes de l'administration
romaine en Gaule, suflirait à elle seule pour prouver, s'il en
était encore besoin, de quelles clartés nouvelles l'épigraphie
latine peut illustrer l'histoire et la topographie de notre sol
nalal.
Une troisième mention est partagée entre MM. Bleichcr et
Faudei, auteurs du recueil intitulé: Matériaux pour une étude
prctmtorique de ï Alsace. C'est une œuvre à la fois de science et
de patriotisme, conduite avec une compétence et un sentiment
de réserve dignes de tout éloge. Outre ses renseignements sta-
tistiques, elle fournit à la géologie, à l'anthropologie et à
l'étude de l'art ancien, notamment à la céramicjue, des don-
nées bonnes à recueillir.
Ce ne sont certainement pas, comme dans le travail pré-
cédent, les documents qui ont fait défaut à M. A. Prudhomme
pour son Histoire de Grenoble, qui obtient la quatrième men-
tion honorable. Bien que toutes les parties de son livre ne
présentent pas le même intérêt, la Commission a voulu ré-
compenser l'heureux emploi ([u'il a su faire des archives de
l'Isère, le labeur considérable qui en est résulté et la sagesse
— /i/i8 —
(les conclusions qu'il en a tirées. D'ailleurs toutes ces mono-
graphies locales sont dignes d'encouragement, et, plus que
toute autre province, le Dauphiné, par le rôle important qu'il
a joué, méritait d'avoir son historien.
La cinquième mention est attribuée à M. Henri Stein pour
son livre sur Olivier de la Marche. Ce personnage, qui fut
secrétaire de Charles le Téméraire, maître d'hôtel de Maxi-
milien et précepteur de Philippe le Beau, a laissé de sa vie
accidentée des souvenirs historiques sous forme de mémoires
qui ont servi de base au travail de M. Stein. Malgré quelques
erreurs de détail, surtout en ce qui touche l'histoire littéraire,
son récit est clair, bien conduit et d'une lecture instructive et
attrayante.
M. d'Espinay, ancien conseiller à la cour d'appel d'Angers,
a obtenu une sixième mention honorable pour son livre sur la
Coutume de Touraine au xv' siècle. Le savant magistrat ne s'est
pas borné à rétablir dans son intégrité le texte devenu si rare
de 1/161 ; il y a joint un glossaire qui donne le sens précis
des termes juridiques, et une longue introduction où les prin-
cipes de droit et les règles de procédure sont exposés de la
façon la plus lumineuse. Le jurisconsulte et même l'historien
auront beaucoup à prendre dans ce recueil qui dénote une
connaissance profonde des textes angevins du moyen âge.
Faute d'avoir à sa disposition un ])lus grand nombre de
récompenses, la Commission s'est vue forcée cette année, et ce
n'est pas la première fois qu'elle en exprime le regret, d'écarter
ou d'ajourner d'autres travaux estimables qui auraient eu un
meilleur sort si la moisson avait été moins abondante. Sans
cette circonstance, l'Académie aurait certainement accordé ses
suffrages aux Itinéraires de Philippe le Hardi et de Jean sans
Peur, par M. Ernest Petit; à l'Histoire de la baronnie de Craon,
par M. Jaubert; à la Maison de Graule, élude sur les Convers
de Cileaux en Auvergne, par M. A. de Rochemonleix; à l'/i/s--
— /j/i'J —
loire monumentale de la France, bon livre du vulgarisation, par
M. Sainl-l^uil; à Y Etude sur la cathédrale et le palais épiscopalde
Paris, par M. Mortel; enfin à deux ouvrages en cours d'exé-
cution et dont il convient d'attendre l'achèvement, V Histoire
de l'Afrique septentrionale, par M. Mercier, et ÏEpi^raphie
romaine du Poitou et de la Saintonge, par M. Espérandieu.
Cette liste, dont vous voudrez bien excuser l'inévitable sé-
cheresse, était un acte de justice. Les cités grecques se fai-
saient un titre d'honneur de figurer au catalogue d'Homère :
je n'oserais espérer que cette énumération aura le même prix
aux yeux des savants que je viens de nommer, mais je me se-
rais reproché de passer sous silence au moins le titre d'œuvres
érudites exécutées avec un talent et une sincérité qu'on ne
saurait méconnaître.
C'est encore l'élude de notre pays, de son passé politique
et littéraire que la généreuse fondation du baron Gobert a
pour but d'encourager; il n'y a donc pas lieu de s'étonner de
la noble émulation qu'elle suscite et de la valeur qu'on attache
à cette récompense. Des cinq ouvrages présentés au concours,
celui de M. Noël Valois, intitulé : Le Conseil du Roi aux xiy%
Av^ et xvf siècles, a obtenu le premier rang. L'auteur n'a pas
reculé devant l'étendue d'une pareille tâche : étudier les ori-
gines, les progrès et le fonctionnement, depuis Philippe le
Bel jusqu'à Louis XIV, de ces Conseils de la couronne qui
contenaient en germe notre Conseil d'Etat. M. Valois en avait
donné en quelque sorte les prémices en publiant Vlnventaire
des arrêts du Conseil d'Etat sous Henri IV, précédé d'une savante
introduction. Mais, si remarquable que fût ce premier travail,
il ne reposait que sur l'autorité des registres, sans fournir
aucun détail sur le personnel même des conseils; le présent
ouvrage comble heureusement cette lacune et nous donne
une série d'études sur les conseillers royaux, la nature de
eurs fonctions, leurs opinions politiques et religieuses, fin-
— /i50 —
11 uence qu'ils exerçaient, etc. C'est, en un mot, une œuvre
personnelle et originale sur une des plus importantes institu-
tions de la France, où se retrouvent les qualités ordinaires
de l'auteur : persévérance et sûreté dans les recherches, clarté
et précision dans l'arrangement des faits.
Le mémoire de M. Auguste Molinier, à qui est dévolu le
second prix, est intitulé : Géographie historique de la province
fie Lano-ucdoc au moyen âge. L'entreprise présentait de sérieuses
difficultés. Il ne s'agit plus ici d'une institution exactement
circonscrite et sur laquelle les documents jettent toute la lu-
mière désirable: les renseignements au contraire sont épars,
souvent contradictoires et suspects; chaque localité présente
un petit problème de topographie et les chances d'erreur sont
fréquentes dans ce réseau de circonscriptions administratives
qui, depuis l'époque romaine jusqu'aux temps modernes, ont
subi de si nombreux remaniements. Il était juste de tenir
compte de ces difficultés, et de juger l'ensemble sans se mon-
trer trop rigoureux sur les détails. En donnant le second prix
à M. Molinier, l'Académie a entendu récompenser moins une
œuvre de tous points originale et définitive, qu'une coura-
geuse tentative de complément à la belle histoire du Lan-
guedoc de Dom Vaissète, qui fait tant d'honneur a l'érudition
bénédictine.
D'autres travaux, recommandables par le choix du sujet et
le mérite de l'exécution, avaient été présentés à l'examen de
la Commission : La maison du Temple de Pans, par M. Henri
de Curzon, des Archives nationales; Les registres d'Honorms IV,
par M. Maurice Prou, ancien élève de l'Ecole française de
Rome et de l'Ecole des chartes. C'est toujours pour nous un
regret de constater que les limites de la fondation ne nous
permettent pas de donner mieux qu'une simple citation à des
œuvres méritoires qui rencontreront un accueil favorable dans
le monde de l'érudition.
— ^51 —
Le prix qui, d'après les volonlés d'un amateur éclairé,
M. Allier de Hauteroche, doit récompenser, tous les deux ans,
le moillctir ouvrage sur la numismatique ancienne, est dévolu
à M. Théodore Reinach pour son mémoire sur Les monnaies
de trois royaumes d'Asie Mineure. Cette étude, qui com[)rend
les séries monétaires de Cappadoce, de Bithynie, et les mon-
naies des rois de Pont, exigeait de longues recherches. M. Rei-
nach les a poursuivies avec persévérance, ne négligeant au-
cune des indications que j)ouvaient lui fournir les grandes
collections publiques de Paris et de Londres et aussi plusieurs
collections particulières. Si quelques-unes des attributions
proposées par l'auteur peuvent faire naître des ol)jections,
notamment dans la suite des rois de Pont, il n'en est pas
moins juste de reconnaître que la richesse des matériaux
réunis, l'heureux emploi qui en est fait, la critique judicieuse
qui préside à leur distribution donnent une valeur sérieuse à
cet ouvrage et permettent de le considérer comme réalisant
un progrès véritable dans l'étude des monnaies anciennes.
En décernant le prix fondé par le marquis de la Grange à
M. Emile Picot, la Commission n'a pas voulu seulement l'at-
tribuer aux deux éludes qu'il avait présentées au concours :
Le monologue dramatique et Les moralités polémiques dans l'an-
cien théâtre français. Elle a entendu aussi récompenser l'en-
semble des travaux de M. Picot, ses catalogues qui sont des
modèles d'érudition bibliographique, ses nombreuses disser-
tations qui fournissent, soit à l'étude de notre poésie nationale
au moyen âge, soit à la bibliographie générale et à l'histoire
littéraire, les renseignements les plus variés et les plus dignes
de confiance.
L'Académie avait mis au concours, pour le prix Bordiii de
cette année, X Elude des sources qui ont servi à Tacite pour com-
poser ses Annales et ses Histoires; c'est à regret qu'elle se voit
obligée de [)roroger la question au concours de i8()i, aucun
des mémoires soumis à son examen n'ayant réuni les condi-
tions exigées. Qu'il me soit permis de rappeler, à l'occasion
du même concours, que différentes questions d'un intérêt
réel, soit pour la philologie et la géographie orientales, soit
pour l'histoire littéraire du moyen âge, n'ont provoqué, jus-
qu'à présent, aucun mémoire. L'Académie se plaît à espérer
qu'elle n'aura pas à laisser encore sans emploi , l'année pro-
chaine, une des plus libérales fondations dont l'Institut ait
été doté.
Je pourrais, jusqu'à un certain point, exprimer le même
vœu au sujet du prix que notre ancien confrère, M. Stanislas
Juhen, a fondé pour encourager l'étude qui a été l'unique
passion de sa vie, et l'honneur de son enseignement au Col-
lège de France. Le prix destiné à couronner le meilleur ou-
vrage relatif à la Chine ne sera pas non plus décerné celle
année, aucun des ouvrages présentés ne répondant complè-
tement aux vues du fondateur. Toutefois votre Commission
a cru pouvoir allouer une récompense de mdle francs au
P. Boucher pour son recueil de textes destinés à faciliter l'étude
de la langue mandarine. Elle a jugé équitable d'accorder, au
même titre, une somme de cinq cents francs à M. Terrien de
Lacouperie, pour l'ensemble de ses recherches, mais en fai-
sant cependant toute réserve sur les opinions émises par cet
auteur touchant l'ethnographie, l'origine de l'écriture et des
livres canoniques chez les anciens Chinois.
Ce ne sont plus les recherches d'une érudition sédentaire
que M. Benoît Garnier a voulu encourager en nous léguant
une somme de quatre cenl mille francs, mais de véritables
expéditions scientifiques dans les régions où il avait lui-même
servi la France comme consul, l'Afrique centrale et la haute
Asie. L'immense étendue de ce champ d'exploration et l'obliga-
tion d'y pourvoir chaque année n'ont pas été sans créer quel-
ques embarras à notre Compagnie. Elle a fidèlement inter-
— ^53 —
niV'té les intentions du donateur, en appliquant les arrérages
de sa riche fondation d'abord à des recherches philologiques
dans le Sénégal et en subventionnant, l'année dernière, trois
pères des Missions de l'Afrique équatoriale. Ces courageux
explorateurs, aussi dévoués aux intérêts de la science qu'à
ceux de la religion, parcourent, en ce moment, les régions
situées au nord du lac Nyanza et les grands lacs de l'intérieur:
ils répondront bientôt, je l'espère, aux questions d'ethnogra-
phie, de linguistique et de géographie commerciale sur les-
quelles vous avez appelé leur attention. En attendant les rap-
ports qu'ils ne manqueront pas de nous adresser, et pour
continuer leur œuvre, vous venez d'attribuer au P. Augouard,
])rovicaire apostolique du Conga français, une somme de six
mille cinq cents francs, en le chargeant de recueillir des ren-
seignements du même ordre parmi les tribus établies sur les
rives de l'Oubangui et du haut Ogowé.
Les prix dont vous venez d'entendre l'énumération ont tous
une origine française : ils sont dus à la générosité d'anciens
confrères ou d'amateurs éclairés, qui ont tenu à honneur de
favoriser, avec le patronage et sous la direction de l'Aca-
démie, le développement des sciences historiques et philolo-
giques. Le noble exemple donné par nos compatriotes ne
pouvait manquer, tôt ou tard, de se propager hors de France.
Un des membres les plus distingués de la Société historique
de New-York, M. Loubat, a doté l'Académie d'une rente an-
nuelle de mille francs , qui permet de donner, tous les trois
ans, un prix de trois mille francs au meilleur ouvrage publié
sur l'Amérique du Nord. Le donateur voulait laisser un champ
aussi large que possible aux travailleurs. Dans cette pensée,
il ouvrait à leurs investigations l'histoire, la géographie, l'ar-
chéologie, l'élude des races et des langues et même celle
de la numismatique américaines. Mais avec une bonne vo-
lonté qui double le prix de ses lii)érales dispositions, M. Lou-
— A5/1 —
bat n'a pas hésité, d'accord avec nous, à resserrer un peu les
limites de son premier programme, afin d'établir plus facile-
ment la comparaison entre les concurrents. Il a fait plus en-
core : par un don additionnel de trois mille francs, il nous a
fourni les moyens d'adjuger, dès cette année, le prix qui por-
tera désormais son nom. Nous l'avons partagé entre M. Léon
de Rosny, professeur à l'Ecole des langues orientales vivantes,
pour son travail si curieux de paléographie américaine, inti-
tulé: Codex Peresianus, et M. Rémi Siméon qui, en publiant
les Annales de Chmalpahin, a fait preuve d'une connaissance
approfondie de l'ancienne langue du Mexique. C'est en 1892
que le nouveau prix sera donné pour la seconde fois. Nous
croyons devoir, dès à présent, rappeler aux concurrents que,
parmi les ouvrages relatifs à l'histoire américaine, ceux-là
seuls seront admis à concourir, qui s'arrêtent à la date de
1776, c'est-à-dire aux débuts de la guerre de l'Indépen-
dance.
J'arrive maintenant aux deux Ecoles d'Athènes et de Rome,
qu'on a surnommées les k Filles de l'Académie 5? : elles pro-
cèdent de nous, il est vrai, à peu près comme Minerve de
Jupiter; mais elles justifient, chaque jour davantage, ces
liens de parenté intellectuelle par l'activité et le succès de
leurs travaux. Les lenteurs inévitables que subit l'envoi de
leurs mémoires m'obligent à réunir dans un résumé rapide
le résultat de ces deux dernières années.
M. Fougères, l'heureux explorateur de Délos, a ouvert la
tranchée, depuis 1887, en Arcadie sur l'emplacement de
Mantinée, un des trois boulevards destinés à protéger l'At-
lique contre les empiétements de Sparte. Outre l'enceinte et le
théâtre dont il rétabht avec certitude la topographie, M. Fou-
gères a mis au jour bon nombre d'inscriptions intéressantes et
des vestiges de sculpture où il serait téméraire de reconnaître
le ciseau de Praxitèle, mais qui appartiennent certainement à
la bonne époque de l'art. Vous l'avez autorisé à passer en
Grèce une quatrième année et il saura, à coup sûr, la rendre
profitable pour l'achèvejnent d'une campagne si heureusement
commencée.
Tout aussi fructueuse sera celle que M. Gaston Deschamps
poursuit à travers les sanctuaires célèbres de la Carie. Les
textes épigraphiques par lui découverts fourniront un jour de
précieuses données pour l'élude de la mythologie de ces po-
pulations à peine hellénisées.
Un problème non moins digne de l'attention des érudits
est la légende athénienne de Thésée, à laquelle M. Lechat
avait consacré, l'année dernière, un mémoire remarquable
par l'heureuse interprétation des textes et des monuments de
l'art ancien. L'auteur s'est a[)pliqué avec succès h rechercher
l'origine et les développements de cette légende nationale dans
laquelle se reflète la civilisation de l'Attique et qui finit avec
le rôle politique d'Athènes. L'étude que M. Lechat nous a
donnée, cette année, est consacrée aux sculptures archaïques
de l'Acropole d'Athènes ; cette étude , qui témoigne d'un sens
archéologique déjà bien exercé, est un premier essai de clas-
sification appuyé sur des observations pleines de précision et
de finesse.
Le droit d'asile dans le monde grec, tel est le sujet fort
complexe auquel M. Doublet s'est résolument appliqué. L'au-
teur démontre, par l'étyraoiogie et les documents historiques,
que ce privilège appartint d'abord exclusivement aux sanc-
tuaires; que peu à peu, par suite de stipulations politiques,
il s'étendit aux personnes, et fut tellement prodigué qu'il
n'était plus sous Tibère qu'une sorte de droit à l'impunité au
profit des esclaves fugitifs et des malfaiteurs. Dans un travail
plus récent, M. Doublet a cherché à jeter (juclque jour sur la
chronologie si obscure des voyages de l'empereur Hadrien.
L'essai de M. Bérard sur l'arbitrage international chez les
— Z»56 —
Grecs ne néglige aucun document de quelque importance. Il
nous fait voir clairement que les Grecs avaient le sentiment
très net de leur décadence politique et de leur impuissance.
M. Jamot, eu traitant du portrait dans la sculpture grecque,
s'est attaqué à une question des plus controversées; mais son
travail, qui est loin d'être sans mérite, montre les difficultés
du problème plutôt qu'il n'en donne la solution.
L'Ecole de Rome nous a fourni deux mémoires l'année
dernière, et trois cette année. M. Gsell nous a donné une
étude fort développée sur l'empereur Domitien, pour laquelle
il a demandé à la numismatique, à l'épigraphie et aux fouilles
les plus récentes, dirigées dans Rome par M. de Rossi, le com-
plément d'informations que les sources historiques ne lui
apportaient pas. M. Gsell a pu , cette année, explorer, pendant
quatre mois, une des plus célèbres nécropoles de l'Etrurie.
Son mémoire, intitulé : Fouilles à Vulci, est un inventaire
dressé avec soin des objets recueillis dans les tombes; une
fois achevé , ce sera le document le plus important que puisse
consulter le futur historien de la civilisation étrusque.
M. Léon Cadier nous avait envoyé un essai sur l'adminis-
tration du royaume de Sicile à la fin du xnf siècle. Ce travail,
où M. Cadier a su déployer les qualités que vous avez déjà
appréciées dans son livre sur les Etats de Béam, aura en outre
le mérite de provoquer de nouvelles recherches sur les docu-
ments administratifs contemporains de saint Louis et de con-
tribuer ainsi à combler une des plus regrettables lacunes de
l'histoire du xni' siècle. M. Cadier l'a fait suivre, cette année,
d'une étude sur la grande cour royale de Sicile pendant les
règnes de Charles I" et Charles II d'Anjou, étude qui com-
plète heureusement ses premières investigations et présente
les mêmes qualités.
Enfin M. Michon, dans son étude sur Aleria, réunit et
classe avec ordre les trop rares documents que l'on possède
'i:rj
sur la condition de la (lorsc dans l'antiquilé; pour suppléer
au silence des textes, il a entrepris sur remplacement même
d'Aleria des fouilles qui, si elles n'ont donné encore qu'un
faible résultat, n'en méritent pas moins nos encouragements.
Vous le voyez. Messieurs, nos deux grandes écoles conti-
nuent à se montrer dignes du patronage paternel (jue vous
leur accordez et dont le meilleur témoignage est dans le choix
des directeurs que vous placez à leur tête. Je m'estime heu-
reux, à cette occasion, de pouvoir remercier, au nom de
l'Acadénn'e, notre cher confrère M. Le Blant, qui a dirigé
pendant six années l'Ecole de Rome avec un succès dont nos
séances hebdomadaires ont reçu si souvent la preuve. M. Gef-
frov, de l'Académie des sciences morales et politiques, en
reprenant la direction de cette Ecole à laquelle il avait déjà
donné sept années d'un entier dévouement; me permettra de
l'associera ces remerciements et de l'accompagner de nos vœux.
En présence des difticultés que les fouilles archéologiques
rencontrent actuellement en Italie, en Grèce et en Turquie,
nous souhaitons vivement que le directeur de l'Ecole de Rome
continue à tourner vers l'exploration de l'Afrique française
l'activité scientifique des jeunes savants dont il dirige les re-
cherches.
Ma tâche est terminée, et d ne dépendait pas de moi de
l'abréger. Cet examen des travaux dont nous sommes les
juges naturels prouve que la race des travailleurs généreux
et désintéressés n'est pas près de s'éteindre en France. Il
prouve aussi que, dans le cours de cette année, l'essor intel-
lectuel de notre [)ays n'a pas été inférieur à celui de son génie
industriel, à cette puissance de création dont le merveilleux
spectacle nous a valu l'admiration et les sympathies du monde.
Nous aussi, dans le champ de l'histoire, de l'archéDlogie et
des lettres, nous ne nous sonunes laissé déj)asser par aucune
autre nation de l'Europe savank».
X\ll. 3-!
lUI-nlUKal»: SATIOMIF.
— 458 —
Et pourtant, pourquoi n'en ferais-je pas l'aveu? ce champ
est si vaste que certaines parties en sont encore délaissées ou
imparfaitement cultivées. Il serait regrettable que tout l'effort
des travailleurs se concentrât sur le terrain plus étroitement
limité de notre ancien héritage : l'antiquité classique et le
moyen âge. Sans nul doute les littératures de la Grèce et de
Rome devront rester la source du vrai et du beau, car sans
elles toute culture intellectuelle serait frappée de stérilité. La
recherche de nos origines nationales , de nos institutions poli-
tiques, de notre vieille poésie continuera, ce qui est justice, à
être en haute estime et largement récompensée. Mais les
études orientales réclament, à leur tour, la place qui leur est
due et attendent de vous les encouragements dont elles ont
besoin pour se fortifier.
L'Orient renferme l'origine de toutes choses. La con-
naissance de ses antiques civilisations est indispensable aux
sciences religieuses dont elles éclairent le berceau , aux sciences
historiques qu'elles ont fécondées , à la philosophie dont elles
révèlent l'origine et les premiers développements, aux sciences
exactes dont elles disent les premiers essais, à la philologie
qu'elles ont enrichie d'une science nouvelle, la grammaire
comparée.
Certes, je ne veux pas être ingrat, et je me hâte de recon-
naître qu'un des meilleurs titres de notre Compagnie, en ce
siècle, sera d'avoir compris le rôle prépondérant de l'Orient
dans la renaissance des sciences historiques. En ne reculant
devant aucun sacrifice pour publier ce splendide répertoire
épigraphique, le Corpus inscriptionum seimticarum, vous avez
maintenu la su])rématie de la France dans les études sémi-
tiques; vous avez doté le monde savant d'un puissant instru-
ment de travail et de découverte. Mais il reste encore beau-
coup à faire et nous attendons davantage de votre influence
et de votre initiative généreuse. Nos études n'ont jusqu'à pré-
— à5d —
sent droit de cité qu'à Paris et à Lyon : le reste de la France
en est déshérité. Chaque Faculté des lettres devrait posséder
trois ou quatre chaires d'enseignement oriental. Il faudrait
que, les encouragements du gouvernement et du public éclairé
répondant à voire appel, il devînt bientôt possible de créer
un plus grand nombre de bourses d'étude et de voyage. Le
reste serait encore plus directement votre œuvre : rédiger de
nouveaux programmes, provoquer la fondation de nouveaux
prix, et enfin accorder plus largement à ceux qui se vouent à
ces études la récompense la plus enviée, parce qu'elle est la
plus difficile à obtenir, l'honneur de s'asseoir parmi vous.
Et ne l'oubliez pas. Messieurs, favoriser le développement
des lettres orientales, c'est coopérer implicitement à une œuvre
d'une plus haute portée. L'Europe tient aujourd'hui entre ses
mains les destinées de l'Orient, mais elle connaît à peine sa
nouvelle conquête. Elle a besoin de mieux étudier l'Orient
dans son passé, afin de le gouverner avec plus de modération
et de sagesse, de le tirer, si c'est possible, de la décadence
qui le menace, ou tout au moins de prévenir les réactions
violentes qui arrêteraient la marche du progrès. La Science
française ne faillira pas à cette noble tâche où l'humanité et
la civilisation sont également intéressées, et ce sera le devoir et
l'honneur de l'Académie de l'avoir dirigée dans cette voi(\
JUGEME>iT DES CONCOURS.
PRIX. ORDINAIRE DF, L'ACADEMIE.
L'Académie avait proposé, pour Tannée 1889, le sujet suivant :
Elude cnlique sur le théâtre hindou; en exposer l'histoire, marquer sa
place dans l'histoire générale de la littérature de l'Inde, en donnant une
attention particulière à la poétique dramatique des Hindous, telle qu'elle est
développée dans les traités techniques.
3a.
— à60 —
L'Académie décerne ie prix à M. Sylvain Lkvi , niaîlre do conférences
à l'Ecole des hautes études , pour son mémoire portant l'épigraphe sui-
vante : Mé{ivy}(TO bri VTTOuptTijs sï hpifiaros oïov dv ^éXrf à StSâo-xaAos
(Epictète).
antiquités de la france.
L'Académie décerne quatre médailles :
La première à M. E. Jarry, pour son ouvrage intitulé : La vie politique
de Louis de France, duc d'Orléans (iSya-iâoy);
La deuxième à M. Paul Guérin, pour son Recueil des documents con-
cernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France;
La troisième à M. Clément Fallu de Lessert, pour son volume : Les
fastes de la Numidie sous la domination romaine;
La quatrième, autorisée pour cette année par une décision ministé-
rielle, à MM. Camille Favre et Léon Lecestre, pour leur publication
intitulée : Le Jouvencel, par Jean de Bueil, suivi du Commentaire de Guil-
laume fringant.
L'Académie accorde en outre six mentions :
La première à M. le duc de la Trémoïlle, pour ses Archives d'un ser-
viteur de Louis XL Documents et lettres [iâ5i-iù8i) , publiés d'après les
originaux;
La deuxième à M. Gh. Morel, pour son volume : Genève et la colonie
de Vienne. Etude sur une organisation municipale à l'époque romaine;
La troisième à MVL les D" Bleicher et Faudel, pour leur ouvrage
intitulé : Matériaux pour une étude préhistoriqiie de l'Alsace;
La quatrième à M. Prudhomme, pour son Histoire de Grenoble;
La cinquième à M. Henri Stein, pour son volume intitulé ; Olivier de
la Marche, historien, poète et diplomate bourguignon;
La sixième à M. G. d'Espinay, pour sa publication : La coutume de
Touraine au xv' siècle.
prix de numismatique.
Le prix de numismatique fondé par M, Allier de Hauteroche, et
destiné au meilleur ouvrage de numismatique ancienne publié depuis
le mois de janvier 1887, est décerné, cette année, à M. Théodore
Reinach, pour son ouvrage intitulé : Trois royaumes de l'Asie Mineure:
Cappadoce, Bithynie, Pont.
— àùï —
PRIX FONDÉ PAR LE BARON GOBERT
POUR LE TnAVAIU LE PLLS SAVANT ET LE PLUS PROFOND SUR LMlISTOinE DE FRANCK
ET LES ÉTUDES QUI S'Y RATTACHENT.
Le premier prix est dt^cerné à M. Noël Valois, pour ses deux ou-
vrages ialitulës : Inventaire des arrêts du Conseil d'Etat {règne de HenrilV)
et Le Conseil du Roi aux xiv% xv' et xvi' siècles.
Le second prix est de'cernë à M. Auguste Molinier, pour sa Géogra-
phie historique de la province de Languedoc au moijen âge.
PRIX bordin.
L'Acadëmie avait proposé pour i'anne'e 1889 la question suivante :
Étudier les sources qui ont servi à Tacite pour composer ses Annales et
ses Histoires.
Le prix n'est pas de'cerné.
L'Acade'mie proroge le concours sur la même question à l'année 1891.
(Voir p. /.G5.)
PRIX STANISLAS JULIEN.
Par son testament olographe en date du 26 octobre 1872, M. Sta-
nislas Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une rente de quinze cents francs pour fonder un prix
annuel en faveur du vieilleur ouvrage relatif h la Chine.
Le prix n'est pas décerné; mais à tilre d'encouragement l'Académie
distribue le montant des intérêts de la fondation, df.ns la proportion de
mille francs au P. Boucher pour son ouvrage en deux volumes intitulé :
La boussole du langage mandarin, et de cinq cents francs a M. Terrien
DE Lacouperie, pour l'ensemble de ses mémoires et notices sur l'ethno-
graphie des populations méridionales de l'empire chinois.
PRIX DE la GRANGE.
M. le marquis de la Grange, membre de l'Académie, par son testa-
ment en date du h août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions et
belles-lettres une rente annuelle de mille francs, destinée à fonder un prix
en faveur de la publication du texte d'un poème inédit des anciens poètes
de la France.
L'Académie décerne le prix à M. Emile Picot, pour ses deux ouvrages
intitulés : Le monologue dramatique dans l'ancien théâtre français , et Les
moralités polémiques dans l'ancien théâtre français , et pour l'ensemble de
ses travaux relatifs à la poésip française du moyen âge.
— UQ'2
FO:<DATION GARNIE?..
M. Benoît Garnier, ancien consul de France à Batavia, par son testa-
ment en date du ii avril i883, a léguë à l'Acade'raie des inscriptions et
belles-lettres la totalité de ses biens (legs réduit d'un tiers en faveur des
héritiers, par décret du 97 septembre 188/i), a la condition d'alTecler
cliac^ue année les intérêts du capital provenant de la licpiidation craux
frais d'un voyage scientifique à entreprendre par un ou plusieurs Fran-
çais, désignés par l'Académie, dans l'Afrique centrale ou dans les régions
de la haute Asie".
L'Académie attribue, cette année, au B.P. Acgocard , provicaire apo-
stolique du Congo français, une somme de six mille cinq cents francs à
prélevé jsur les arrérages de la fondation. Le R. P. Augouard devra exa-
miner les diverses questions de géogiaphie , d'ethnographie et de lin-
guistique que peut soulever fétude des populations étabhes sur les rives
de rOubangui et du haut Ogowé.
prix lodbat.
M. Loubat, membre de la New-York Historical Society, a fait don à
l'Académie des inscriptions et belles-lettres d'une rente annuelle de inille
francs pour la fondation d'un prix de trois mille francs, qui sera décerné
tous les trois ans au meilleur ouvrage imprimé concernant l'histoii-e, la
géographie, l'archéologie, l'ethnographie, la linguistique, la niunisma-
tique de l'Amérique du Nord.
L'Académie a décidé de n'admettre au concours de cette année :
1" Que les ouvrages imprimés depuis le 1" janvier 188/1;
2° En ce qui concerne l'histoire politique, que des ouvrages traitant
d'événements antérieurs aux débuts de la guerre de l'Indépendance des
États-Unis.
Neuf ouvrages ont été adressés au concours.
Le prix est décerné à M. Léon de Rosny, pour son Codex Peresianus.
Grâce à la libéralité du fondateur, l'Académie est en mesure de dis-
poser exceptionnellement , pour cette année , d'une somme de mille francs ,
qui est attribuée à M. Rémi Siméo.x, à titre de second prix, poiu* ses
Atiiuiles de Chvnalpahin.
— 'iG3 —
AiNiNONCK DES CONCOURS
DONT LES TERMES EXPIRENT EN 1889, 189O ET 189I,
PRIX ORDINAIRE DE 1,'ACADEMIE.
L'Académie rappelle qu'elle a prorogé à rannée 1890 la question
suivante :
Etudier, d'après les chroniques arabes et principalement celles de Tabari,
Maçoudi , etc. , les causes politiques , religieuses et sociales qui ont déterminé
la chute de la dynastie des Omeyyades cl l'avènement des Abasstdes.
L'Académie rappelle, en outre, qu'elle a proposé pour l'année 1891
la question suivante :
Etudier la tradition des guerres médiques , déterminer les éléments dont
elle s'est formée , en examinant le récit d'Hérodote et les données fournies
par d'autres écrivains.
L'Académie propose pour l'année 1892 le sujet suivant :
Etude sur les ouvrages composés en France et en Angleterre qui sont
(jénéralement connus soms le nom d'rrArs dictaminisn.
Les mémoires sur chacune de ces questions devront être déposés au
secrétariat de l'Institut avant le 1" janvier dt; l'année du concours.
Chacun de ces prix est de la valeur de deu-x mille francs.
ANTIQUITÉS DE LA FRANCE.
Trois médailles, de la valeur de cinq cents francs chacune, seront dé-
cernées aux meilleurs ouvrages manuscrits ou publiés dans le cours des
années 1888 et 1889, sur les antiquités de la France, qui auront été dé-
posés en double exemplaire au secrétariat de l'Institut avant le i"janvier
1890. Les ouvrages de numismatique ne sont pas admis à ce concours.
PRIX DE NUMISMATIQUE.
L Le prix biennal de numismatique fondé par M"" veuve Duchalais
sera décerné, en 1890, au meilleur ouvrage de numismatique du moyen
âge qui aura été publié depuis le mois de janvier 1888.
II. Le prix de numismatique fondé par M. Allier de Hauteroche
sera décerné, en 1891, au meilleur ouvrage de numismatique ancienne
qui aura été publié depuis le mois de janvier 1889.
Chacun de ces pris est de la valeur de huit cents francs.
— /4GA —
Les ouvrages devront être déposés au secrétariat de l'Institut, pour
le concours Duchalais, le oi de'cembre 1889; pour le concours Allier
DE Hacteroche, le 3i décendjre 1890.
l'RL\ FONDÉS PAR LE BARON GOBERT.
Pour l'année 1890, rAcadémie s'occupera, à dater du 1" janvier, de
l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le 1" janvier 1889 et
qui pourront concourir aux prix annuels fondés par le baron Gobert.
En léguant à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la moitié du ca-
pital provenant de tous ses biens, après l'acquittement des frais et des
legs particuliers indiqués dans son testament, le fondateur a demandé:
trque les neuf dixièmes de l'intérêt de celte moitié fussent proposés en
prix annuel pour le travail le plus savant et le plus profond sur l'histoire
de France et les études qui s'y rattachent, et l'autre dixième, pour
celui dont le mérite en approchera le plus; déclarant vouloir, en
outre, que les ouvrages couronnés continuent à recevoir, chaque année,
leur prix, jusqu'à ce qu'un ouvrage meilleur le leur enlève, et ajoutant
qu'il ne pourra être présenté à ce concours que des ouvrages nou-
veaux.»
Tous les volumes d'un ouvrage en cours de publication qui n'ont point
encore été présentés au prix Gobert seront admis à concourir, si le der-
nier volume remplit toutes les conditions exigées par le programme du
concours.
Sont admis à ce concoui^ les ouvrages composés par des écrivains
étrangers à la France.
Sont exclus de ce concours les ouvrages des membres ordinaires ou
libres et des associés étrangers de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres.
L'Académie ra])pelle aux concurrents que, pour répondre aux inteu-
lions du baron Gobert, qui a voulu récompenser les ouvrages lés plus
Bavants et les plus profonds sur l'histoire de France et les études qui s'y
rattachent, ils doivent choisir des sujets qui n'aient pas encore été suffi-
samment approfondis par la science. La haute récompense instituée par
le baron Gobert est réservée à ceux qui agrandissent le domaine de
la science en pénétrant dans des voies encore inexplorées.
Six exemplaires de chacun des ouvrages présentés à ce coiicours de-
vront être déposés au secrétariat de l'Institut (délibération du 97 mars
18/40) avant le f janvier i8f)o, et ne seront pas rendus.
— 'iGâ —
PRIX BORDIN,
M. Boudin, notaire, voulant contribue!' aux progrès des lettres, des
sciences cl dos arts , a fonde par son testament des prix annuels qui sont
décernes par chacune des cinq Académies de Tlnstitut.
L'Académie rappelle qu'elle a proposé les sujets suivants :
1° Pour l'année 1890 :
Etudier In géographie de l'Egijpte au moment de la conquête arabe,
d'après les documents coptes et grecs. Belevcr dans les vies des saints, chro-
niques , sermo)is en langues copte et grecque , les noms de lieu, nomes , villes,
villages, couvenls, montagnes et nvières qui ij sont cités; les identifier avec
les noms arabes mentionnés dans les historiens et dans les cadastres modernes
r
de VEguple.
9° Pour l'année 1891 :
Etude sur les travaux entrepris à Vépoque carlovingienne pour établir et
reviser le texte latin de la Bible.
L'Académie rappelle ensuite qu'elle a prorogé :
1° A l'année 1890 les trois sujets suivants :
L Etude sur la langue berbère sous le double point de vue de la grammaire
et du dictionnaire de cette langue. Insister particulièrement sur la forma-
tion des racines et sur le mécanisme verbal. S'aider, pour cette étude, des
inscriptions libijques recueillies dans ces dernières années. Indiquer enfin la
place du berbère parmi les autres familles de langues.
IL Examen de la Géographie de Strabon.
Les concurrents devront, après avoir résumé brièvement l'histoire de la
constitution du texte de cet ouvrage , étudier les sources d'information et la
méthode de Sli'abon.
m. Etude critique sur les ouvrages en vers et en prose , connus sous le
titre de Chronique de Normandie.
9° A Tannée 1891 les sujets suivants :
L Etudier l'histoire politique , religieuse et littéraire d'Edesse jusqu'à la
première croisade.
IL Etudier les sources qui ont servi à Tacite pour composer ses Annales
et ses Histoires.
L'Académie propose, en outre, pour l'aimée 1899:
Rechercher ce que Catulle doit aux poètes alexandrins et ce qu'il doit atuv
vieux lyriques grecs.
— à66 —
Les métiioires sur chacune de ces questions devront être déposés au
secrétariat de l'Institut, avant le i" janvier de l'année du concours.
Chacun de ces prix est de la valeur de trois mille francs.
PRIX LOUIS FOULD.
Le prix fondé par M. Louis Folld , pour Y Histoire des arts du dessin
jusqu'au siècle de Pèriclh , sera décerné, s'il y a lieu, en 1890.
L'auteur de cette fondation , amateur distingué des arts de l'antiquité,
a voulu engager les savants à en éclairer l'histoire dans sa partie la plus
reculée et la moins connue.
Il a rais à la disposition de l'Académie des inscriptions et belles- lettres
une somme de vingt mille francs , pour être donnée eu prix à l'auteur
ou aux auteurs de la meilleure Histoire des arts du dessin : leur origine ,
leurs progrès, leur transmission chez les différents peuples de l'antiquité
jusqu'au siècle de Périclès.
Par les arts du dessin, il faut entendre la sculpture, la peinture, la
gravure, l'architecture, ainsi que les arts industriels dans lem-s rapports
avec les premiers.
Les concurrents, tout en s'appuyant sans cesse sur les textes, devront
apporter le plus grand soin à l'examen des œuvres d'art de toute nature
que les peuples de l'ancien monde nous ont laissées, et s'efforcer d'en
préciser les caractères et les détails , soit à l'aide de dessins , de calques
ou de photographies, soit par une description fidèle, qui témoigne d'une
étude approfondie du style particulier à chaque nation et à chaque
époque.
Les ouvrages envoyés au concours seront jugés par une commission
composée de cinq membres : trois de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres , un de celle des sciences , un de celle des beaux-arts.
Le jugement sera proclamé dans la séance publique annuelle de l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres.
L'auteur de la donation ajoutait :
rrDans le cas oii aucun ouvrage ne paraîtrait mériter le prix de vingt
mille francs, l'intérêt de cette somme pendant trois ans serait attribué
comme accessit à l'ouvrage qui aurait le mieux traité le sujet ou une
partie du sujet. Si, dans vingt et un ans révolus, au septième concours
triennal, le prix ne semblait pas devoir être encore décerné selon mes
désirs, la Commission, qui devra toujours être maintenue au complet de
cinq membres, pourra proposer de décerner le prix à l'ouvrage qui, sans
remplir tout le programme, serait cependant le traité le meilleur et le
— ZiG7 —
plus complet sur la ({uestiou. L" Académie des inscriptions et belles-lettres
décidera alors s'il convient de le décerner de suite, ou de l'ajourner à un
huitième et dernier concours.
ffLe concours serait ouvert à tous les membres de l'Institut qui ne
feraient pas partie de la Commission et à tous les savants français ou
étrangers; mais les ouvrages manuscrits ou imprimés devront être écrits
ou traduits en français ou en latin. r»
Après un nombre de périodes triennales (pii excède même le terme fixé,
aucun ouvrage n'ayant complètement résolu la question comme elle était
posée, l'Académie décernera le prix en 1890, conformément à cette der-
nière clause do la donation.
En conséquence, à défaut d'un ouvrage remplissant tout le programme,
le prix sera attribué au traité le meilleur et le plus complet sur ia
question.
Le concours sera ouvert aux membres de l'Institut qui ne feront pas
partie de la Commission d'examen, et à tous les savants français ou
étrangers. Les ouvrages manuscrits ou impiimés devront être écrits ou
traduits en français ou en latin et déposés en double exemplaire, s'ils
sont imprimés, au secrétariat de l'Institut avant le 1" janvier 1890.
Après avoir prélevé sur la fondation la somme de vingt mille francs,
destinée au lauréat de 1890, l'Académie pourra encore disposer sur les
inl('nHs de la fondation d'une somme suffisante pour instituer un prix
bieimal de cinq mille francs qui sera décerné pom- la première fois
en 1892 au meilleur ouvrage sur l'histoire des arts du dessin, en s'arrê-
tant au xvf siècle.
PRIX LA FONS-MÉLICOCQ.
Un prix triennal de dix-huit cents francs a été fondé par M. de la Fons-
Mélicocq en faveur du meilleur ouvrage sur l'histoire et les antiquités de la
Picardie et de l' Ile-de-France {Paris non compris).
L'Académie décernera ce prix, s'il y a lieu, en 1890; elle choisira
entre les ouvrages manuscrits ou imprimés en 1887, t888 et 1689 , qui
lui auront été adressés avant le 3i décembre 1889.
PRIX BRUNET.
M. Brunet, par son testament en date du i/i novembre 1867, a fondé
un prix triennal de trois mille francs pour un ouvrage de bibliographie
savante que l'Académie des inscriptions, qui en choisira elle-même le sujet,
jugera le plus digne de cette récompense.
— /i68 —
L'Académie rappelle qu'elle a propose pour i'aiine'e i8gi la question
suivante :
Dresser le catalogue des copistes de mamiscrits grecs; indiquer les copies
qui peuvent être attribuées à chacun d'eux ; ajouter les indications chronolo-
giques, biographiques et paUogrnphiques relatives à ces copistes.
Les ouvrages, qui pourront être imprimés ou manuscrits, devront
être déposés au secrétariat de l'Institut, avant le i" janvier i 891.
PRIX STANISLAS JDLIEN.
Par son testament olographe en date du îî6 octobre 1872, M. Sta-
nislas Julien, membre de l'Institut, a légué à l'Académie des inscriptions
et belles-lettres une rente de quinze cents francs pour fonder un prix
annuel en faveur du meilleur ouvrage relatif h la Chine.
Les ouvrages devront être déposés, en double exemplaire, au secré-
tariat de rinstitut, avant le 1" janvier 1890,
PRIX DELALANDE-GUÉRINEAU.
M™' Delalande, veuve Guérinead, par son testament on date du
16 mars 1 879 , a légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres une
somme de vingt mille francs (réduite à dix mille cinq francs), dont les
intérêts doivent être donnés en prix, tous les deux ans, au nom de Dela-
lande-Guérineau , à la persomie qui am-a composé l'ouvrage jugé le meil-
leur par l'Académie.
L'Académie rappelle qu'elle décernera, en 1 890 , le prix au meilleur ou-
vrage manuscrit ou public depuis le 1" janvier 1888 , concernant les études
orientales.
Les ouvi'ages destinés à ce concours devront être déposés, en double
exemplaire, s'ils sont imprimés, au secrétariat de l'Institut, avant le
1" janvier 1890.
L'Académie a, en outre, décidé que le prix sera décerné en 1899 au
meilleur-ouvrage de critique sur des documents imprimés ou manuscrits re-
latifs à l'histoire ecclésiastique ou à l'histoire civile du moyen âge.
Les ouvrages manuscrits ou publiés depuis le 1" janvier 1890, des-
tinés h ce concours, devront être déposés, en double exemplaire, s'ils
sont imprimés, au secrétariat de l'Institut avant le 1" janvier 1899.
. PRIX JEAN REY.NAUD.
M"' veuve Jean Reinaud. fr voulant honorer la mémoire de son mari
— AG9 —
ot perpëtuer son zèle pour tout ce qui touclie aux gloires de la France»,
a, par un acte en date du 3 dëcetnbre 1878, fait donalion à l'Inslitut
d'une renie de dùv mille francs, destinée à fonder un prix annuel qui sera
successivement décerné par chaciuie des cinq Académies.
Conformément au vœu exprimé par la donatrice, frce prix sera ac-
cordé au travail le |)lus méritant, relevant de chaque classe de l'Institut,
qui se sera produit pendant une période de cinq ans.
ffll ira toujours à une œuvre originale, élevée, et ayant un caractère
d'invention et de nouveauté.
ffLes membres de l'Institut ne seront pas écartés du concours.
ffLe prix sera toujours décerne' intégralement.
rrDans le cas où aucun ouvrage ne paraîtrait le mériter entièrement,
sa valeur serait délivrée à quelque grande infortune scientifique, litté-
raire ou artistique.
ffll portera le nom de son fondabnu' Jean Reyivaud.»
L'Académie décernera ce prix, s'il y a lieu, en 1890.
PRIX DE LA GRANGE.
M. le marquis de la Grange, membre de l'Académie, par son testa-
ment en date du A août 1871, a légué à l'Académie des inscriptions et
belles-lettres une rente annuelle de mille francs, destinée à fonder un prix
en faveur de la publication du texte d'un poème inédit des anciens poètes
de la France; à défaut d'une œuvre inédite, le prix pourra être donné au
meilleur travail sur un poème déjà publié, mais appartenant aux anciens
poètes.
Ce prix sera décerné, s'il y a lieu, en 1890.
FONDATION GARNIER.
M. Benoît Garmer, par son testament en date du 11 avril i883, a
légué à l'Académie des inscriptions et belles-lettres la totalité de ses biens,
legs réduit d'un tiers en faveur des héritiers par décret du- 'J7 sep-
tembre i884. Les intérêts du capital résultant de la liquidation de la
succession doivent être affectés, chaque année, f^aux frais d'un voyage
scientifique à entreprendre par un ou plusieurs Français, désignés par
l'Académie, dans l'Afrique centrale ou dans les régions de la haute
Asie. Ti
L'Académie disposera, eu 1890, des revenus de la fondation selon les
intentions du testateur.
— 470 —
PRIX LOUBAT.
M. LouBAT, membre de la New-York Historical Society, a fait don à
l'Académie des inscriptions et belles-lettres d'une rente aninielie de 7n{lle
francs pour la fondation d'un prix de trois mille francs, qui sera de'cerné
tous les trois ans au meilleur ouvrage imprimé concernant Ihistoire, la
géographie, l'archéologie, l'ethnographie, la linguistique, la numisma-
tique de l'Amérique du Nord.
L'Académie fixe, comme limite de temps exlrême des matières traitées
dans les ouvrages soumis au concours, la date de 1776.
Ce prix sera décerné en 1892.
Seront admis au concours les ouvrages publiés en langues latine , fran-
çaise, anglaise, espagnole et italienne, depuis le 1" janvier 1889.
Les ouvrages présentés à ce concours devront être envoyés au nonibre
de deux exemplaires, avant le 3i décembre 1891, au secrétariat de l'in-
stitut.
Le lauréat, outre les exemplaires adressés pour ie concours, devra en
déhvrer deux autres à l'Académie, qui les fera parvenir, l'un au Columbia
Collège à New-York, et l'autre h la New-York Historical Society de la
même ville.
CONDITIONS GENERALES
DES CONCOURS.
Les ouvrages envoyés aux différents concours ouverts par l'Académie
devront parvenir, /ra«cs de port et brochés, au secrétariat de l'Institut,
avant le 1 " janvier de l'année où le prix doit être décerné.
Ceux qui seront destinés aux concours pour lesquels les ouvrages im-
primés ne sont point admis devront être écrits eu français ou en latin.
Ils porteront une épigraphe ou devise, répétée dans un billet cacheté qui
contiendra ie nom de l'auteur. L'es concurrents sont prévenus que tous
ceux qui se feraient connaître seront exclus du concours : leur attention
la plus sérieuse est appelée sur cette disposition.
{^'Académie ne i-end aucun des ouvrages imprimés ou manuscrits qui
oui été soumis à son examen; les auteurs des manuscrits ont la liberté
d"en faire prendre des copies au secrétariat de l'Institut.
— 471 — .
DÉLIVRAINCK DES BREVETS
D'ARCHIVISTES PALEOGRAPHES.
En exécution d'im arrêté du Ministre de l'instruction publique rendu
en i833, rAcadémie déclare que les élèves de l'École des chartes qui
ont été nommés archiiistes paléographes par arrêté ministériel du
3i janvier 1889, conformément à la liste dressée par le conseil de per-
fectionnement de cette École, sont :
MW. Lkonardon (Henri-Louis),
FInlart (Désiré-Louis-Camille) ,
Picard (Auguste-Eugène),
Batiffol (Louis-Jules),
Portai. ( Cliarles-Louis-Henri-Félix-Antoine ) ,
RicHEBÉ ( Raymond-Auguste-Léon) ,
Socf.HOX (Joseph-Auguste),
MicHEi, (Ephraïm-Georges) ,
Nerlinger (Charles-Jean-Népomucène),
EcKEL (Henri-Auguste).
Sont nommés archivistes paléographes hors rang, comme apparte-
nant à des promotions antérieures :
MM. Desplanque (Emile-Alexandre-Joseph),
SouLiÉ (Louis-Pierre-Henri),
AuBERT (Hippoly te- Victor).
, _ /i72 —
NOTICE
SUR LA VIE ET LES TRAVAUX
DE
M. EMILE EGGER,
MEMBRE DE L'ACADEMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES,
PAR M. H. WALLON,
SECRÉTAIRE PERPETUEL DE L'AGADEiMIE.
Messieurs,
La mort, depuis notre dernière séance publique, a frappe
de coups redoublés notre Compagnie. Elle nous a enlevé,
parmi nos associés étrangers, M. Amari, le savant bistorien,
si cordialement attaché à la France, et M. le baron de Witte,
l'éminent archéologue, qui par son assiduité à nos séances
était devenu comme un des nôtres; parmi nos membres ordi-
naires, M. Riant, qui a enrichi de tant de textes, par lui dé-
couverts, l'histoire de l'Orient latin; parmi nos membres
libres, M. Charles Nisard, ce lettré curieux et habile, et, dans
ces derniers jours, le général Faidherbe, l'illustre soldat qui
avait su, dans son gouvernement du Sénégal, associer les tra-
vaux de l'érudit à la vie active du commandant; qui, rappelé
en France, à la voix de la patrie envahie, nous donna un
jour de joie et d'espérance au milieu de nos revers, et qui,
dans les douloureux loisirs d'une vie usée par tant de fati-
gues, trouvait encore la force de reprendre et de compléter
ses anciennes études par un livre sur les langues, sur les
races, sur le passé, sur l'avenir de la grande colonie africaine
dont il avait été le gouverneur.
Notre président vient de leur rendre un plus digne hom-
mage que je ne saurais le tenter à cotte heure. Parmi les
membres donl l'i-loge reste à faire, un de i-enx dont la porle
— M'^ —
a été le plus sentie est assurément notre confrère Emile Kfjjjer.
Depuis la mort de MM. Boissonade, Hase, Victor Le Clerc,
Naudet et Guigniaut, il tenait le premier rang dans l'ordre
des études de langues et de littératures grecques et latines. Il
avait invariablement sa place dans nos commissions les plus
importantes; et qui d'entre nous fut j)lus assidu à nos séances,
plus mêlé à nos discussions, plus habile à les éclairer par des
observations toujours nettes et précises, placées à propos?
Tous ces mérites et bien d'autres encore ont déjà été signalés
dans les discours prononcés sur sa tombe ^'\ dans la leçon
que son successeur à la Sorbonne, notre confrère aujour-
d'hui, a consacrée, en prenant sa place, à sa mémoire'-', dans
plusieurs notices où des collègues de sociétés savantes et d'an-
ciens élèves ont reproduit leurs souvenirs, avec l'accent d'un
cœur ému ' . Il était bien juste qu'un semblable hommage
lui fut rendu au sein de notre Compagnie, et j'ai moi-même
plus d'une raison de l'entreprendre. Nous avons pour ainsi
dire toujours marché, parallèlement l'un et l'autre, dans la
même carrière. Nous étions de la même génération d'écoliers.
Nous faisions ensemble, dans le même temps, les mêmes
^'' Discours prononcé par MM. Desjaidins, président de l'Académie; Himly,
doyen de la Faculté des ictlres; Hauréau, au nom du Journal des Savants; Jour-
dain, président de V Association pour l'encouragement des études grecques en
France; Saiipolos, au nom de la colonie hellénique.
^-) Emile Egger, leçon d'ouverture du cours d'éloquence grecque , par Alfred
Croiset (7 décembre i885).
''■■^'' Il faut placer en première lifjiic la Notice sur Emile Egger, sa vie et ses
travaux, par Anatole Bailly, professeur au lycée d'Orléans, membre du Conseil
académique de Paris, nolice faite sur les documents communiqués par la famille
et à laquelle je renverrai plus d'une fois. On y trouve, sous le titre d'appendice
littéraire et bibliographique, un éibanlillon do la correspondance de notre con-
frère, et différentes pièces françaises, latines ou grecques qui remontent jusqu'à
l'époque de ses premiers concours; puis la Notice lue par M. le marquis de
Queux de Sainl-Hilaire devant VAssociation pour l'encouragement des éludes
grecques en France; la Notice biographique do M. Eug. Chatel, membre de l'Aca-
Hémio nationale des spjpnces, art-» et liplles-leltres de Caen.
wii. 33
iHraiH»«tt. iiAit4.V4ia.
— lilh —
classes, lui dans un collège de Paris, moi dans un collège de
province. Nous aurions été de la même promotion à l'Ecole
normale, si les raisons les plus dignes de respect n'avaient fait
qu'il ne s'y présentât point; mais nous étions ensemble reçus
licenciés en 1882, agrégés en i83/i; attachés, au sortir de
nos deux agrégations particulières, en des emplois fort mo-
destes, à deux collèges de Paris, l'un à Saint-Louis, l'autre
à Louis-le-Grand; puis, à la suite d'un prix obtenu par l'un
à l'Académie des inscriptions, par l'autre à l'Académie des
sciences morales, chargés de conférences à l'Ecole normale
(1888-1839); agrégés des Facultés (18/10) et attachés à la
Faculté des lettres de Paris, où il me devança comme sup-
pléant et où le hasard des événements fit seul que je le de-
vançai comme titulaire; enfin, membres de cette Académie,
où nous eûmes l'honneur d'entrer à peu d'années d'intervalle,
nous tendant la main l'un à l'autre (i85o-i85/i). Mais alors
quels titres il s'était faits déjà dans le monde savant et quelles
épreuves il avait traversées!
Emile Egger naquit à Paris le 18 juillet 181 3. Son nom
indique une origine allemande. Sa famille, en effet, était
originaire d'un lieu nommé Strassburg, à peu de distance de
Klagenfurt, en Carinthie; mais son grand-père, Maximihen
Egger, s'étabht en France, à Orléans, où il se maria à une
jeune fille du pays. Un des sLx enfants nés de ce mariage,
Gaston-MaximiHen, se fixa en 1797 à Paris et il eut six en-
fants aussi, dont quatre ne dépassèrent pas les limites de
l'enfance : les deux autres étaient notre confrère et sa sœur
Anne -Ida, plus âgée que lui de quatre ans. Gaston -Maxi-
milien Egger avait commencé au collège d'Orléans des études
que la Révolution interrompit. A Paris, il ouvrit un atelier de
tapissier, où il aurait pu faire fortune par son habileté et son
goût d'artiste dans le dessin des meubles et des tentures;
mais il avait le génie de l'invention : il avait inventé des tentes
— f^l:^ —
mobiles qui figurèrent à rEx[)Osition iiidiistrieile de 1897
(notre confrère se plaisait à ra[)|)eler qu'écolier alors, il sup-
pléait son père, les jours de congé, pour en exj)liqucr le mé-
canisme aux visiteurs dans la cour du Louvre); il inventa un
moteur t\ vent, des appareils orthopédiques, dont il fit tous les
frais, et il trouva des exploitants ([ui en tirèrent tout le profit.
Il était ruiné, quand il mourut le 3o avril t8oo, laissant
une veuve et ses deux enfants.
Ce fut l'époque critique de la vie d'Emile Egger. Sa sœur,
élève de Redouté, pouvait subvenir un j)eu à la vie de la fa-
mille, en peignant des fleurs et en donnant quelques leçons
de dessin; mais lui, élève de rhétorique, qu'allait-il faire? Il
fut un instant question de le mettre dans un atelier, jusqu'à
ce qu'il put reprendre l'état de son père, avec l'espoir de re^
trouver sa clientèle. Mais l'industrie avait bien peu réussi à
la maison, et le jeune Egger avait eu au collège Saint-Louis,
au concours même, des succès qui lui ouvraient une autre
carrière- Une femme dont les biographies de notre confrère
ont justement gardé le nom, car c'est elle qui décida de son
avenir. M'"" Duverdv, fit résoudre qu'il achèverait ses études,
et le 1" août. 5 dix-huit ans, il les couronnait par le bacca-
lauréat.
C'est alors qu'il aurait pu entrer à l'Ecole normale et y dis-
puter les premiers rangs. Mais l'Ecole, qui admettait gratui-
tement ses élèves, ne leur offrait pas, pour le moment, d'autres
ressources, et le jeune Egger voulait partager avec sa sœur le
soin de soutenir sa mère. 11 se résigna donc à poursuivre ses
études tout seul, se partageant entre les cours qu'il suivait et
les répétitions qu'il donnait, durant l'année classique dans
quelques pensions, pendant les vacances dans quelques fa-
milles. Et ses études n'y perdirent rien, puisque, dès l'année
suivante, il était licencié, et l'année d'après docteur avec deux
thèses, dont le doyen. Victor Le Clerc, avait pu dire: «Enfin,
.•i;5.
— MÇ> —
voilà des thèses qui nous apprennent quoique chose! w allusion
sans doute à quelques thèses médiocres soutenues antérieure-
ment, mais non pas à tout le passé; car, l'année précédente,
(rois élèves de troisième année de l'Ecole normale, Hamel,
Barry et Monin, avaient présenté des thèses qui avaient fait
quelque sensation: Hamel sur les Œuvres d'Hésiode, Barry sur
la Légende de Robin Hood, et Monin sur le Roman de Roncevaux,
qu'il fut le premier à exhumer des manuscrits.
En 1 83/i , Emile Egger était reçu le premier à l'agrégation
des lettres, prenant ainsi le pas sur les élèves de l'Ecole des
mêmes études et du même temps; le troisième était notre
ancien et regretté confrère Thomas-Henri Martin. M. Ville-
main, président du concours, avait été frappé de l'érudition
dont plusieurs de ses compositions portaient l'empreinte, par
exemple une pièce devers latins, le Songe d'Enni us, où le can-
didat, au risque de paraître moins virgilien dans la coupe de
l'hémistiche et dans le choix des mots, avait su refléter quel-
que chose des archaïsmes du vieux poète. Le président du
concours, qui était en même temps vice-président du conseil
royal de l'Université, lui offrit la chaire de rhétorique de
Rouen, la première après la rhétorique de Paris et de Ver-
sailles; mais le jeune agrégé avait toujours les mêmes raisons
de rester à Paris. Il fut donc heureux de rentrer au collège
Saint-Louis comme agrégé volant (c'était le titre); ce fut seu-
lement trois ans après qu'il fut chargé de la rhétorique sup-
plémentaire, puis d'une division de seconde au même collège
et l'année suivante au collège Charlemagne, avec un traite-
ment d'un peu moins de deux mille francs.
On comprend qu'avec ses charges de famille il ait eu
besoin de suppléer à la modicité des allocations universitaires
par des leçons et par des travaux. Les leçons ne ralentirent
point chez lui les travaux, même ceux qui donnent moins de
profit que d'honneur. C'est ainsi qu'il publia en iSSy une
A 7 7
édition plus complète de Longiii, et le traité de Varron De
lingua latina, d'après l'édition de Leipzig; en i838, une nou-
velle recension des fragments de Verrius Flaccus, avec un
fragment de Sextius Pompeius Flaccus. En même temps il
suivait les leçons des deux maîtres dont il devait plus tard
continuer les traditions : Boissonade au Collège de France,
Hase à l'École des langues orientales vivantes : le grec sous
sa double forme, ancienne et moderne; et il abordait les tra-
vaux de l'Institut. L'Académie des inscriptions avait mis au
concours en 1887 X Examen critique des historiens anciens de la
vie et du règne d'Auguste. Ce fut le mémoire d'Egger qui rem-
porta le prix en 1889; et le public savant put ratifier la dé-
cision de l'Académie, quand le mémoire parut en un volume
de près de cinq cents pages en i84/i. Pendant le cours de ce
travail, il s'était cassé le bras; le mémoire ne put être achevé
que par l'aide de sa sœur qui tint la plume. Elle put donc
jouir doublement de son succès, mais ce ne fut point pour
longtemps : elle mourut au commencement de l'année sui-
vante (29 janvier 18/10), laissant un vide bien douloureux
dans la maison; au moins pouvait-elle se dire que le sort de
sa mère et l'avenir de son frère étaient désormais assurés.
Dès 1889, à la suite du prix remporté par Emile Egger à
l'Académie des inscriptions, il avait été chargé par M. Cousin
de la conférence de grammaire à l'Ecole normale. Ce cumul
lui procurait environ 8,000 francs de revenus : car l'Ecole
normale donnait alors 1,000 à i,5oo francs aux chargés
de cours et 8.000 francs aux titulaires.
Avant d'arriver au titre, en i8/i8, il avait du subir une
nouvelle épreuve et celle-là au moins allait le faire entrer
dans l'enseignement qu'il était destiné à rendre si fécond.
En i8/io, M. Cousin avait voulu signaler son ministère en
instituant le concours d'agrégation des Facultés, Les jeunes
docteurs devaient s'y présenter. Emile Egger y était tout par-
— /J78 —
ticulièrement appelé par la position qu'il occupait à l'Ecole
normale. Ce concours est resté fameux par l'éclat que lui don-
nèrent trois des concurrents de la section des lettres, Ozanam,
Egger et Berger. L'éloquence d'Ozanam , l'érudition d'Egger,
servie par une élégante facilité de parole, le savoir solide et
imperturbable de Berger semblaient, jusqu'à la fin, balancer
les chances des concurrents; mais, à la dernière épreuve,
Ozanam, qui n'avait point le fonds d'études classiques des
deux autres, put se croire perdu, quand le sort lui assigna
comme sujet de leçon à préparer en vingt-quatre heures:
YHistoire des scholiastes grecs et latins. C'était un sujet fait pour
ses rivaux et qui, tombant entre ses mains, pouvait les servir
d'une autre manière. Comment et par quelle aide s'en est-il
tiré? Lui-même l'a raconté dans une lettre à un ami :
aCeci, lui disait-il, semblait une méchanceté du sort, et
l'on savait si bien que je n'étais nullement au courant de ces
spécialités philologiques que la lecture du billet fut accueilli
par un rire général de malice. . . Je me croyais perdu, et,
bien qu'un de mes rivaux, M. Egger, avec beaucoup de géné-
rosité, m'eût fait passer d'excellents livres, cependant, après
une nuit de veilles et une journée d'angoisses, j'arrivai plus
mort que vif au moment de prendre la parole. Bref, votre
ami parla sur ces scholiastes pendant sept quarts d'heure avec
une assurance, une liberté, dont il s'étonnait lui-même; il
parvint à intéresser, à émouvoir même, à captiver non pas
seulement ses juges, mais l'auditoire, et se retira avec tous les
honneurs de la guerre, ayant mis les rieurs de son côté. 5)
Ainsi, dans une épreuve qui devait décider de l'issue du
concours, c'est Egger qui tendait la main à son rival et pré-
venait sa chute. Rien ne fait plus honneur à son désintéres-
sement, rien ne prouve mieux comme il recherchait le bien
en toute chose, fût-ce aux dépens de sa propre fortune. Il
courait le risque d'être battu, mais comme on allait bien
— /479 —
parler des sclioliastes! La première |)lacc lui en effet dikernée
à Ozaiiam, la seconde à Egger, la troisième à Berger. Ozanam
entra dès lors dans la Faculté des lettres de Paris, et très
heureusement Egger avec lui. La suppléance de la chaire de
littérature étrangère que notre confrère avait déclinée, deux-
ans auparavant, ne se sentant point suffisamment initié aux
langues de nos voisins, échut à Ozanam sur la proposition
de Fauriel; mais la suppléance de la chaire de grec se trou-
vant vacante par la retraite de David (fds du grand peintre)
qui remplaçait Boissonade , Egger y fut appelé. C'est le point
initial d'un enseignement qu'il continua comme suppléant
d'ahord, puis comme titulaire, pendant plus de quarante ans.
Il entrait dans la carrière de l'enseignement sous le pa-
tronage du président du concours, Victor Le Clerc, doyen de
la Faculté des lettres. Il y trouvait aussi l'appui d'un autre
professeur de la Faculté, président du concours de sa pre-
mière agrégation, M. Villemain, successeur de M. Cousin au
Ministère de l'instruction publique, et toujours passionné
pour la littérature ancienne, bien qu'ayant acquis sa re-
nommée dans la chaire d'éloquence française. Ce fut lui qui ,
se rappelant la pièce de vers sur le songe d'Ennius, suggéra à
notre confrère l'idée de mettre au jour un choix de morceaux
de l'ancienne langue latine : Latini sennonis vetustions rehquiœ
selectœ, publication originale dont plusieurs textes auraient pu
être établis d'après des leçons meilleures, mais qui n'en avait
pas moins le mérite d'appeler l'attention sur cette langue
primordiale, trop négligée des humanistes. M. Villemain avait
parlé à Egger d'un autre projet; mais, cette fois, c'était lui
seul qui pouvait le mener à bonne lin, comme ministre. II.
s'agissait de faire un recueil d'épigraphic latine, sur le mo-
dèle du Corpus inscriplionum grœcarum publié en Allemagne
sous les auspices de Bœckh. Une commission fut nommée par
lui, qui réunissait les noms les plus considérables dans la
— 480 —
science de l'histoire ou du droit des anciens Romains : Bur-
nouf le père, Le Clerc, Hase, Naudet, Patin, Letronne, Bu-
reau de la Malle, Giraud (lo juillet 18 4 3). Egger, si jeune
encore, en était le secrétaire, et un mois ne s'était pas écoulé
( 3 août) qu'il fit un rapport oii le plan et les grandes divisions
de l'ouvrage étaient tracés. Personne ne nous faisait concur-
rence. Borghesi, en Italie, Momnisen. en Allemagne, offraient
leur collaboration. Mais M. Villemain sortit du ministère, et
l'entreprise, qui n'avait pas reçu un commencement d'exécu-
tion, fut abandonnée. C'est ainsi qu'elle échut à l'Académie
de Berlin qui l'achève aujourd'hui.
Egger se trouva dès lors plus exclusivement ramené aux
études grecques qui faisaient l'objet de son enseignement.
Il avait donné une physionomie nouvelle à sa chaire. Bois-
sonade, qui joignait à la connaissance la plus sûre de la
langue un goût exquis, se bornait, au Collège de France (car
il avait les deux chaires de grec), à prendre une tragédie
d'Eschyle, de Sophocle ou d'Euripide et à ghsser dans le
texte, en forme de commentaires, ses aperçus littéraires, tou-
iours si fins, mais toujours si discrets. A la Sorbonne, son
ancien suppléant se contentait de l'explication. Emile Egger
pensa que la littérature grecque pouvait bien être traitée,
comme la prose et la poésie latine dans les chaires de MM. Vic-
tor Le Clerc et Patin. A côté de. sa leçon d'explication, il eut
sa leçon littéraire où il développait, soit le système des poèmes
homériques, soit l'histoire de la tragédie, de la comédie ou
de l'éloquence. C'est ce qu'on appela la grande et la petite
leçon; car la petite leçon n'est pas née avec les conférences
établies depuis dans les Facultés, et il serait regrettable que,
sous l'influence de cette institution si utile, elle fît oublier,
comme cela arrive, dit-on, en quelques facultés de province,
la grande leçon. Dans tous les cas, on peut être assuré que,
quel que soit le vent qui souffle au ministère, on trouvera
toujours, à la Sorbonne, des professeurs résolus ù ne pas
laisser perdre les glorieuses traditions des Villemain, des
Guizot et des Cousin, des Saint-Marc Girardin, des Ozanam,
des Jules Simon et des Caro.
Emile Egger ne s'emprisonna jamais dans l'étude littérale
des textes. Grande ou petite leçon, son esprit curieux et péné-
trant y tenait l'auditeur en éveil, en appelant à son aide deux
sciences qui jettent la plus vive lumière sur l'antiquité : l'épi-
graphie et l'archéologie. Peut-on parler des poèmes homé-
riques, ou du théâtre grec, sans rien dire des vases peints, où
les personnages mis en scène par les poètes sont figurés? C'est
ce qui fit que son enseignement fut si fécond et qu'il suscita
non seulement tant d'hellénistes excellents, mais aussi tant
d'archéologues ou d'épigraphistes.
Je n'essaierai point de résumer les quarante années de cet
enseignement à la Sorbonne. La matière serait trop abon-
dante et, à d'autres égards, elle ferait défaut: car si le savant
professeur parlait sur un programme déterminé et sur un
fond richement accru par le travail, il parlait sous l'inspi-
ration du moment. Avec sa prodigieuse facilité d'improvi-
sation, sa pensée eût trouvé des entraves dans une forme
trop arrêtée d'avance. Mais il y a quelques leçons, des leçons
d'ouverture, qu'il a voulu lire; il y en a d'autres qu'il a ré-
digées plus tard et données à divers recueils, ou recueillies
lui-même, avec d'autres travaux, en deux volumes 'i'; enfin il
V a deux cours qu'il a publiés intégralement : le cours de
18/10 à 1 861 qui a inauguré son enseignement dans la chaire
de Boissonade^2) ^t le cours de 1867 à 1868, professé dans
(') Mémoire» de littérature ancienne (Paris, Aug, Durand, 1862); — Mémoires
d'histoire ancienne et de philologie {iS&3).
(') Essai sur Vhistoire de la critique chez les Grecs. 11 y a joint la Politique
d'Aristote et des Extraits de ses problèmes avec traduction française et commen-
taire (Paris, 18^9, et 2' édition, »886).
-^ Zi82 —
la pleine maturité de son talent, sur rinjluence des études
grecques dons le développement de la langue et de la littérature
française '^^.
On pourrait se demander pourquoi, ayant enseigné pen-
dant plus de quarante ans, presque un demi-siècle, la litté-
rature grecque, et pénétré à fond, comme on le peut croire,
toutes les parties d'un si vaste sujet, il n'en a pas écrit une
histoire générale. On le lui a demandé à lui-même, en le
pressant de le faire. Il s'y est refusé, s'excusant sur le grand
nombre de ses obligations, mais disant aussi «que les vérités
banales et les lieux communs tiennent nécessairement une
grande place dans un ouvrage d'ensemble. Or, ajoutait-il,
sans méconnaître l'utilité des lieux communs (loin de là, je la
défendrais si elle était méconnue), j'avoue qu'ils m'attirent
peu. Surtout en dehors de l'enseignement public, je préfère
l'étude des questions nouvelles. Choisir un sujet étroit, mais
peu connu, l'explorer dans tous les sens, avec toute la péné-
tration dont on est capable, me paraît déjà un bon emploi
de la critique ^~\ " Ce serait la condamnation de l'histoire.
On a pu lui répondre qu'il y avait plus d'une manière d'être
neuf sur des sujets déjà traités'^*; et lui-même avait trop d'ex-
périence pour ne pas le savoir. Aussi son excuse n'avait-elle
rien d'absolu : <:tDans tous les cas, continuait-il, on m'accor-
dera sans peine que ce genre de travail aura été pour moi
une préparation efficace à l'œuvre autrement difficile d'une
histoire générale de la littérature grecque, si, connne je l'es-
père, il m'est permis un jour de l'entreprendre.?? Il devait
persévérer dans cette voie, tant qu'il verrait quelque chose à
"' Il l'a fait, paraître l'année suivante sous le litre de : L'Iiellémsme en France
(Paris, Didier, 2 vol. in-S", 18G9). Nous aurons à y revenir.
''' Mémoires d'hisloire ancietme et de philologie , préface, p. x.
'•^'> Alfred Croiset, Emile Egger, p. 9. — Notre jeune confrère, avec son
Irère, est en Irain d'en fournir la démonstration.
— Zi83 —
découvrir. Mais il entrevoyait toujours quelque chose à dé-
couvrir. 11 y usa sa vie.
La première publication originale qu'il fit après ses deux
thèses, c'est le mémoire qui lui avait valu un prix de notre
Académie : Examen critique des historiens anciens de la vie et du
règne d'Auguste (i8/i4). Un peu après eut lieu un événement
considérable dans sa vie. Ayant procuré à sa mère une situa-
tion indépendante, grâce aux libéralités d'un ami qui l'avait
pris pour héritier, il songea à son propre bonheur et l'assura
en épousant la fille d'un ingénieux et fin helléniste, qui fut
l'un de nos plus aimables confrères, M. Dehèque. Elle fut la
joie et l'honneur de sa maison, la compagne de sa vie labo-
rieuse, sa consolation et son aide dans les épreuves qui en
marquèrent la fin; et c'est elle qui après sa mort a fait le plus
pour sa mémoire, en rédigeant avec une si parfaite diligence
et un soin si pieux la bibliographie de ses travaux, c'est-à-dire
la meilleure de ses notices biographiques; car ses travaux, c'est
bien sa vie, et cette nofice est la source où quiconque voudra
parler de lui viendra puiser'^'.
C'est un peu après qu'Emile Egger publiait son Histoire de
la critique chez les Grecs, qui est son cours de début à la Sor-
bonne. puis ses Notions élémentaires de grammaire comparée,
petit livre qui supposait de bien vastes études et introduisait
dans nos lycées les éléments d'une science dont les preuves
étaient faites et le domaine déjà fort étendu. Ayant doté nos
établissements de ce livre d'école qui fut traduit en plusieurs
langues et qui, en 1880 déjà, ne comptait pas moins de huit
éditions, Egger, revenant aux anciens, donna la mesure de
son érudition en cette matière, dans un travail sur le gram-
mairien grec Apollonius Dyscole, un érudit d'un assez mau-
vais caractère, comme son surnom rindi(jue et comme le
(" On trouvera celle précieuse bibliographie à ia suite de la notice de M. Bailly.
Je n'aurais pu que rabiéger ici; je n'ai pas su m'y résoudre.
— àSà —
prouve l'aigreur de ses attaques de savant à savant. Les frag-
ments étendus qui en sont restés ont permis à notre confrère
de reconstituer son œuvre et de l'agrandir en publiant un
Essai sur l'histoire des théories grammaticales dans l'antiquité
(i85/i). Il s'y proposait de faire connaître, par un remar-
quable exemple, les travaux de ces hommes qui furent les
grands fondateurs de la grammaire philosophique en Occi-
dent. Or, dit-il, «Apollonius, le seul d'entre eux dont il
nous soit resté de longs écrits, est, au jugement des anciens,
le plus habile des philologues qui aient traité de l'analyse du
langage. 35 Et pour traiter de la philosophie de la parole, il ne
savait qu'une langue : le grec.
Par cet ouvrage, Emile Egger avait marqué sa place parmi
les maîtres qui cultivaient alors ces études dans notre Aca-
démie, les Hase, les Naudet, les Le Clerc. Il fut élu au fau-
teuil laissé vacant par un savant éminent d'un autre ordre,
M. Guérard (96 avril i85/i).
Désormais il se partagea entre la Sorbonne et l'Institut, et
ses principaux travaux enrichirent les recueils de notre Aca-
démie'^l Plus d'une fois il fut appelé à en donner lecture,
soit dans nos séances publiques, soit dans les séances trimes-
trielles de l'Institut; on le désignait volontiers, et plus sou-
vent peut-être qu'aucun autre, pour cet olTice et cet honneur,
parce qu'on le savait toujours prêt et qu'on était sûr qu'il
intéresserait toujours. L'Académie avait confié à notre re-
"' Mémoire sur un document inédit pour servir à l'histoire des langues ro-
manes (i855); — Observations sur rpielquos fragments de potn-ie antique pro-
venant d'Egypte et qui portent des inscriptions grecques (i856); — Mémoire
historique sur les traités publics dans l'antiquité depuis les temps héroïques de la
Grèce jusqu'aux premiers siècles de l'ère chrétienne {iS^6)\ — Observations sur
un procédé de dérivation très fréquent dans la langue française et dans les idiomes
néo-latins (1860); — Mémoire sur quelques nouveaux fragments de l'orateur Hy-
péride (1866); — Sur les historiens officiels et les panégyriques des princes dans
l'antiquité grecque (1870); — Sur les OEconomica d'Aristote et de Thénphrasle
(1879). — Je donne les dates des premières lectures devant l'Académie.
— 'i85 —
grelté confrère Brunet de l^esles la j)ul)lication des Papyrus
grecs (l Egypte, dont Letronne avait été charge. Quand Egger
fut de notre Compagnie, il y fut associé sur la demande de
Brunet de Presles lui-même, son ami. Il accepta avec le même
empressement de faire, plusieurs années de suite, après
M. Guigniaut, le rapport sur les travaux de l'Ecole française
d'Athènes, cette pépinière d'archéologues et d'épigraphistes
qui lui était si chère à ce double titre. Il fut, depuis i865
jusqu'à la fin, annuellement, élu membre de la Commission
des travaux littéraires, où ses avis étaient si appréciés. En
1860, il devint membre de la Commission des inscriptions et
médailles, cette petite académie qui jadis rédigeait les inscrip-
tions des monuments et les légendes des médailles du grand
roi, et qui ne serait pas moins utile encore, si l'on savait en
faire plus d'usage, aujourd'hui que l'on érige tant de statues,
tant de bustes, tant de plaques, sans avoir plus de grands
hommes ou de grandes choses à célébrer. Mais enfin il y a
des circonstances où elle n'est pas oubliée , où l'on a recours à
son savoir-faire : chacun des membres apporte alors son con-
tingent sur le sujet proposé; et si l'on faisait le dépouillement
de notre Registre, on verrait que notre habile épigraphiste,
de l'aveu de ses collègues, remportait bien souvent le prix.
A l'Institut, d'ailleurs, il ne se renfermait pas seulement
dans notre Compagnie. Par l'antiquité, il touchait à une
foule de questions qui intéressaient aussi les autres Acadé-
mies. Il y allait faire volontiers des lectures qui n'étaient pas
accueillies avec moins d'empressement, même à l'Académie
des sciences; et les savants à leur tour venaient aussi à lui,
car les savants avaient parfois besoin de son aide. La science
crée des catégories, elle découvre des choses qu'il faut nom-
mer. Or. on ne fait scientifiquement des noms nouveaux
(ju'avec le grec. Les arts industriels, à cet égard, rivalisent
avec les sciences naturelles; et notre confrère recevait à ce
— /i86 —
sujet de nombreuses visites. Disons qu'il les recevait volon-
tiers. Il aurait pu tenir bureau de consultations, consulta-
tions gratuites où il se serait cru volontiers l'obligé : car il
souffrait de voir, en bien des cas, l'admirable instrument que la
langue grecque nous offre pour cette fabrication de mots, bien
maladroitement employé. Il ne suffit pas, en effet, de juxtaposer
deux racines pour en faire un nom composé; il y a des règles
pour cette composition; faute de les suivre, on fait des mots
qui disent tout le contraire de ce que l'on veut dire. On ne
dit pas indifféremment, par exemple, Théophile ou Phi-
lothée.
La science d'Egger se répandait donc libéralement hors de
notre Académie et même de l'Institut. Auprès de l'Institut, le
Journal des Savants est le lieu oii sa critique se trouvait le plus
à l'aise. A partir de i8/i8, bien qu'étranger encore au journal,
il y avait fait admettre plusieurs articles. Nommé auteur en
1872, il remplit largement les obligations que ce titre lui
imposait et, sous forme de comptes rendus d'ouvrages récem-
ment publiés, il enrichit le journal d'une foule d'aperçus
nouveaux que sa profonde érudition se trouvait toujours en
mesure d'ajouter aux produits du savoir des autres; il y a
d'ailleurs dans l'ensemble de ces articles une vue générale sur
la critique moderne en matière de littérature et d'antiquités
grecques et romaines qui ne perd rien à s'étendre sur tant
d'objets divers.
J'ai dit pourquoi notre confrère refusait, ou, du moins,
différait d'entreprendre une histoire de la littérature grecque.
Il évitait les sentiers battus: il aimait et respectait les vieilles
vérités, mais il était plus volontiers à la recherche des vérités
nouvelles. Aussi avait-on l'assurance de rencontrer toujours
quelque chose de neuf dans ce qu'il offrait au public, et les
plus érudits eux-mêmes y trouvaient leur profit. Il s'adressait
du reste avec une certaine complaisance aux gens du monde
— àSl —
et se faisait fort de les attirer aux choses d'érudition par le
piquant de ses aperçus. Les Grecs ont-ils connu la profession
d'avocat? Voilà un sujet qui devait éveiller la curiosité, en un
temps où les avocats ont une si grande part à la direction
des aflaires. Sans qu'il se fût jamais (fort heureusement pour
la science) mêlé aux choses de la politique, il ne dédaignait
pas de prendre, dans les événements du jour, occasion de
quelque travail instructif. Un des faits les plus considérables
du dernier Empire, un grand succès qui devait avoir un si
fatal revers, le Congrès de Paris (i855), lui suggéra l'idée
d'une fort intéressante étude historique Sur les traités publics
cliez les Grecs et chez les Romains depuis les temps les plus anciens
jusqu'aux premiers siècles de l'ère chrétienne. Il en fit lecture dans
la séance annuelle de notre Académie, le 8 août i 856, et la
publia un peu plus tard avec plus d'étendue : ce discours était
devenu un livre (i 861) ^'l
Le premier mémoire qu'il donna à notre recueil était Sur
un document inédit pour servir à l'histoire des langues romanes ^"^^ ;
et un peu plus tard il y publiait encore des Observations sur
tm procédé de dérivation très fréquent dans la langue française et
les idiomes néo-latins (i86/i)'^'. C'est un signe que l'étude des
langues anciennes ne l'avait pas désintéressé de notre langue;
bien au contraire, et il en donna une preuve plus concluante
encore dans sa chaire de grec à la Sorbonne, quand il y con-
sacra toute une année à exposer l'influence des études grec-
ques dans le développement de la langue et de la littérature
française.
C'est ce cours de 1867 à 1868 qu'il publia intégralement,
comme nous l'avons indiqué, sous le titre de : L'hellénisme en
France. Le savant professeur possédait trop bien son sujet
^') Une seconde édition en a paru en 186G.
('' Mémoires de l'Académie des inscriptions , t. XXI, i" partie (1857), p. Hg,
(') Ihid., t. XXIV, 2' partie (1866), p. 079.
pour se laisser entraîner à le surfaire. Une colonie de Pho-
céens a fondé Marseille. Des apôtres de race hellénique, saint
Pothin, saint Irénée, furent les premiers évêques de l'Eglise
de Lyon. Les villes de Marseille et de Lyon seront-elles des
foyers d'hellénisme dans la Gaule? Non, c'est surtout par les
écoles des Romains que la Gaule connut la Grèce, et l'inva-
sion barbare ensevelit bientôt ce qui pouvait rester de cet
enseignement: ce qu'on sut de la Grèce à la cour de Ghar-
lemagne lui venait de l'Irlande où les barbares n'avaient point
pénétré. On jugera facilement par là du peu de part qu'aura
le grec à la formation de la langue vulgaire, dérivée du latin :
la langue romane, tant la langue d'oïl que la langue d'oc, en
fait de mots grecs, n'aura que du grec latinisé; et nos pre-
miers poèmes chevaleresques ne s'inspireront pas davantage
de V Iliade.
Nous sommes ici au temps des croisades. Le passage des
Francs à Constantinople, la conquête de Constantinople par
les Latins vont-ils relever l'hellénisme en France? Non encore.
Mais voici l'empire des Francs détruit, voici un autre ennemi
qui se montre aux portes de Constantinople, qui l'environne
de sa domination, qui s'en empare. Cet événement si consi-
dérable dans les rapports des Etats de l'Europe aura son
contre-coup dans le développement de la civilisation. Les
relations qui s'étaient formées en vue de sauver Constanti-
nople ne seront pas rompues par sa chute, au contraire.
L'émigration des Grecs va féconder le sol de l'Occident. Les
œuvres originales de l'antiquité grecque sont apportées en
manuscrits. L'imprimerie qui vient de naître travaille à les
répandre; c'est l'époque de la Renaissance : l'hellénisme re-
fleurit et triomphe, et notre confrère a bien le droit de pro-
poser à nos hommages les grands Français qui, à la suite des
Aides, ont aidé à cette rénovation par la publication et l'in-
terprétation des textes grecs, Robert et Henri Eslienne, sans
— 'i89 —
oublier nos grands érudils du xvi" siècle, les Scaliger, les Ca-
saubon, les Sauniaise. Dans quelle mesure et de quelle ma-
nière notre littérature s'est-elle ressentie de cette résurrection
des chefs-d'œuvre de la Grèce? C'est ce qu'enseigne notre
confrère par une suite de leçons qui du xvf siècle nous mè-
nent au xvii^ et jusqu'à la fin du xviii^ : leçons où il montre
autant de sagacité dans les jugements que de variété dans
l'érudition. Tous ceux qui aiment notre littérature, et qui
veulent l'étudier dans ses rapports avec l'antiquité grecque,
ne sauraient prendre un guide ])lus exact, plus attachant et
plus sûr.
J'ai dit l'œuvre considérable d'Emile Egger dans l'ensei-
gnement. Mais son rôle de professeur ne se bornait pas aux
leçons publiques. Lorsqu'il n'était encore que suppléant à la
Sorbonnc, avant qu'il eût à y siéger comme juge dans les
examens, il faisait chez lui des conférences préparatoires ù la
licence et il y compta des étudiants qui sont devenus des
maîlres : je puis nommer notre confrère M. Renan. Il profes-
sait d'une autre manière, en faisant, à l'Ecole des Carmes,
subir des examens aux élèves ecclésiasti(pies qui se préparaient
aux mêmes épreuves; car, à l'exemple de notre vénéré doyen
Victor Le Clerc, et à la différence de beaucoup d'autres, il
témoignait une bienveillante sollicitude pour le développe-
ment des éludes littéraires dans le clergé. Il était d'ailleurs
toujours à l'Ecole normale et, tout en y professant la gram-
maire, il y suscita les vocations les plus heureuses, non seu-
lement pour cette science fondamentale qu'il avait su agrandir
et élever aux considérations philoso[)hiques, mais pour l'épi-
graphie et l'archéologie : témoin plusieurs de ses anciens élèves
qui sont devenus nos confrères, MM. Bréal, Perrot, lleuzey,
Foucart, Benoîl. Et quand, devenu professeur titulaire à la
Sorbonne. il eut quitté l'Ecole, quand il rut à faire et non
plus seulement à former des licencii^s, il conserva l'habit ndi'
xvîi. 'M\
luraïui aïK
— /i90 —
de recevoir chez lui, le dimanche matin, ceux qui, universi-
taires ou non, étaient heureux d'entendre sa parole familière.
C'était comme un enseignement socratique où se pressaient les
jeunes maîtres, particulièrement ceux qui se destinaient à
l'enseignement supérieur. De cette libre école sont sorties
bien des thèses dont il suggérait l'idée première et suivait
l'élaboration avec un intérêt soutenu, amendant le plan,
indiquant les sources à explorer, donnant ses avis et prêtant
ses livres avec une égale libéralité. Il n'y a pas un professeur
de la Faculté à qui aient été dédiées un plus grand nombre
de thèses : et c'était justice; car il n'y en a pas un, je le dis
sans craindre de provoquer la contradiction ni d'éveiller la
-susceptibilité d'aucun de nos anciens collègues, qui se soit
plus prodigué, depuis notre maître Victor Le Clerc, dans
•cette œuvre difficile du doctorat.
Par ses petites leçons à la Sorbonne et par ses conférences
privées, Emile Egger avait préludé, en quelque sorte, à cette
institution des conférences qui, dans toutes les Facultés, au-
jourd'hui, sont devenues comme les séminaires de l'enseigne-
ment public. 11 prit aussi une grande part à un autre genre
^renseignement qui a passé dans l'Université, je veux parler
de l'enseignement des jeunes filles. Mais ceux qui ont créé à
Paris cette institution n'avaient pas la prétention d'en faire
des lycées : on n'enlevait pas la jeune fdle à sa mère. C'étaient
des cours publics où la mère amenait sa fdle et où il y avait,
pour l'une comme pour l'autre, un enseignement élevé au
niveau de l'enseignement universitaire par des professeurs de
l'Université. Emile Egger a montré comment la science la plus
haute peut se mettre, sans s'abaisser, à la portée de cet audi-
toire nouveau, à force de simplicité, de clarté, de tact et de
délicatesse. On en peut juger par les allocutions qu'il a pro-
noncées, comme président de l'Association, à l'ouverture des
cours pour les années iSyb, 1876, 1877 et 1878-1 87c),
— ^i91 —
discours recueillis, avec beaucoup d'autres morceaux divers,
dans un des derniers volumes qu'il ait publiés, sous ce litre:
La tradition et les réfonnes dans l'enseignement universitaire ^^\
Cet enseignement des jeunes filles, inauguré, à titre privé,
en 1867, sous le ministère de M. Duruy qui lui prêta une
salle de la Sorbonne, nous a fait dépasser la fatale année
1870. Les cours qui s'étaient rouverts encore, malgré le siège,
avaient dû se fermer dans les premiers jours de janvier. Le
bombardement avait commencé et un de nos collègues, féli-
citant l'auditoire de sa constance, lui appliquait les vers
d'Horace :
Sifractiis illabalur orbis,
Impavidum Jerienl ruinœ ,
quand le fracas d'un obus éclatant dans la cour {^si fractm
illabalur orbis) dispersa tout le monde et fît renoncer à pousser
plus loin l'épreuve. Emile Egger, demeuré avec la plupart
d'entre nous à Paris, se partagea dès lors entre les séances
de notre Académie et les devoirs de la garde nationale. Il se
fit inscrire parmi les vétérans, faisant le pénible service de la
rue aux portes des boucheries; on respirait plus à l'aise aux
remparts! Et le vendredi, il venait à l'Institut, c[ue le feu de
l'ennemi n'atteignait pas; puis il rentrait dans la région des
obus et s'installait tranquillement à son bureau.
Avec son érudition, ses charges s'étaient accrues dans l'Uni-
versité et au dehors. Il fut en 1871 président du concours
d'agrégation de grammaire , et il le présida assez longtemps pour
imprime" à ce concours, et par suite à l'enseignement qui en
sortait, ce caractère large et compréhensif qu'il avait donné
aux théories grammaticales par ses leçons et par ses livres. Il
entra en 1878 au Conseil supérieur de l'instruction publique
parle choix de notre Académie, et ce mandat lui fut renou-
'" Paris. Massnn, iHS.I, i \ol. iii-S".
— /j92 —
vêlé en 1880, malgré lui-même, quand ses infirmités lui de-
venaient une excuse.
Le gouvernement de la France, à toute époque, ne lui mé-
nagea point les distinctions qu'appelait son mérite. Chevalier
de la Légion d'honneur sous Louis-Philippe (i845), il fut
promu au grade d'otlicier sous l'Empire (1866), et sous la Ré-
publique actuelle à la dignité de commandeur (1879); les
gouvernements étrangers ne laissèrent pas de témoigner com-
bien, dans toutes les parties du monde savant, on reconnais-
sait les services qu'il avait rendus à la science : officier de
l'ordre des Sainls-Maurice-et-Lazare (1866) et de l'ordre de
Léopold (1872), il était commandeur de l'ordre du Sauveur
de Grèce (1876) et de la Rose du Brésil (1878). En quelque
lieu pour ainsi dire qu'il allât, à Athènes, à Constantinople,
à Bucarest, à Turin, à Rome, à Bruxelles, à Berlin, à Saint-
Pétersbourg, il avait droit de siéger aux Académies, soit à
titre de correspondant, soit même à titre d'associé étranger.
Je ne parle pas de la France, où un grand nombre de sociétés
savantes se faisaient honneur de le compter parmi leurs
membres''^.
(•) Voici la liste chronologique de ces distinctions dressée non par lui, mais
par une main qui avait le droit d'en être fière :
Lcifion d" honneur : chevalier, 37 avril i8/i5; officier, i3 août 1866; comman-
deur, 27 juillet 1879.
Sauveur de Grèce: chevalier, i3 juini856; officier, 20 avril 1867 ; comman-
deur, 18 novembre 1876.
La Rose du Brésil : commandeur, 3i mars 1873.
Ordre de Léopnld : officier, 1 6 août 1872.
Sainls-Maurice-et-Lazare : chevalier, i" février 1 866 ; officier, A octobre 1 866.
Académies diverses.
97 novembre i846: Membre associé correspondant de TAcadémie royale de
Caen.
7 janvier i8a6 : Membre correspondant de la Société des antiquaires de Nor-
mandie.
5 mai i858 : Membre résidant de la Société des anti(piaires de France.
— ^i93 —
Honneur obli{je. Il ne refusait pas lui-nioine son concours
partout ou il était réclamé; il avait, en 18/18, pris part aux
examens «le l'Ecole d'administration; il accepta (1(^ m«Mnc
d'être membre de la Commission des publications gratuites,
fonctions délicates où, sans rebuter les jeunes savants, il faut
ménager les intérêts de la science, en donnant une applica-
tion utile aux charges que l'Etat s'impose pour l'encourager.
iG février 1861 : Membre correspondant de la Société archéologique d'Athènes.
i4 décembre i86i : Membre honoraire de la Société archéologique de l'Or-
Icannis.
7 janvier i863: Membre non résidant de l'Académie de Dijon.
i3 juillet i863 : Membre du Syliogue littéraire grec de Constantinople.
18 février i86i : Associé correspondant de l'Académie royale des sciences
de Turin.
9 décembre j864 : Membre ordinaire de riustilut archéologique de Rome.
31 décembre i866: Membre correspondant de l'Académie d'Aix.
1 1 avril 1867 : Membre de l'Académie royale des sciences de Berlin.
19 juillet 1867 : Membre correspondant de la Société liavraise d'études
diverses.
10 mai 1869 : Associé de l'Académie royale de Belgique (classe des lettres),
a juin 1871 : Membre titulaire de la Société des antiquaires de Normandie.
6 mai 1872 : Membre honoraire de la Société académique roumaine à Bu-
carest.
12 mars 1878 : Membre correspondant de l'Académie de Sainte-Croix d'Or-
léans.
1 3 juin 1873 : Associé correspondant de l'Académie d'Amiens.
29 juin 1873 : Associé étranger de l'Académie royale des sciences de Turin.
18 septembre 187 4 : Membre de l'Ecole évangéhque de Smyrnc.
a'i septembre 1870 : Membre correspondant et honoraire de la Société duii-
kerquoise.
1876: Membre honoraire de la Société d'agriculture, sciences, bclles-lellrcs
et arts d'Orléans.
i5 mai 1876: Membre correspondant de l'Académie d'Amiens.
28 août 1876: Membre correspondant de l'Académie royale des sciences de
Lisbonne.
29 décembre 1876 : Associé de l'Académie impériale des sciences de Saint-
Pétersbourg.
1879 : Membro honoraire de la Société d'enseignement proiessionml du
Rhône.
23 février i883 : Correspondant do la Société historique et ethnologique dt"
Grèce à Athènes. '
— à\)à —
Depuis longtemps il collaborait à un grand nombre de
recueils périodiques. Accueilli avec empressement par les
revues ou les journaux les plus accrédités, la Revue des Deux-
Mondes, la Revue archéologique, la Revue de l' instruction publique,
le Correspondant , et surtout les Débats, il aidait volontiers par
ses articles et par son nom au succès des publications nou-
velles, dignes de son patronage : le Dictionnaire des sciences
philosophiques , l'Encyclopédie du ma" siècle, la Nouvelle biogra-
phie universelle, la Revue contem'porame , la Revue européenne,
VAthenœum français, etc.^'^ Cette collaboration, commencée
aux premiers temps de sa carrière, se continua presque jusqu'à
la fin.
Dans ses dernières années, sa vue s'affaiblissait, usée pro-
gressivement par le travail, et ni les soins les plus empressés,
ni le traitement surveillé avec tant de sollicitude par un gendre
qui était l'un des maîtres dans l'art de guérir, ne purent préve-
nir la conclusion fatale. Cette infirmité , la plus redoutable pour
tout le monde, la plus douloureuse pour un homme qui a vécu
par les livres et pour les livres, n'abattit point son courage;
elle ne fit que modifier ses procédés pour apprendre et pour
enseigner. Il continua de monter dans sa chaire. Il avait un tel
trésor dans sa mémoire, il avait des notes si régulièrement
classées, qu'avec un peu d'aide il pouvait préparer ses leçons,
leur garder même, grâce aux lectures qu'il se faisait faire par
un secrétaire, leur caractère de nouveauté, en sorte que l'au-
ditoire qui l'entourait n'avait point à souffrir de ce qui était si
pénible pour lui-même. Il n'avait pas davantage renoncé à ses
travaux. Bien qu'élevé du rang d'auteur à celui d'assistant au
Journal des Savants (1879), il ne laissait pas de payer à la
rédaction un tribut qui n'était plus exigible. Il donnait encore
des articles aux Débats, et faisait des communications à l'Aca-
'" Voyez la Hibliographic cic'jà citée, à la siiilc de la notice de M. A. lîailly,
p. 171. %
— /il).') —
dérnie^'^. Dans cette période luéme, il j)iiblia le petit livn; (|ui
suppose le plus de lectures, ïUisloirc du Lri-c depuis ses ori-
gines jusqu'à nos jours, ouvrage inipriiué, il est vrai, dès 1 878 ,
en onze chapitres, dans le Magasin d'éducation et de récréation,
mais remanié et augmenté alors par un prodige de mémoire.
Rien ne peut donner une idée plus complète de ce qu'il y
avait de sérieux et d'attrayant tout à la fois dans son érudi-
tion, j'allais dire dans sa conversation : car ce livre, avec sa
trame solide et ses charmantes broderies, est comme une con-
versation en |)lusieurs journées. C'est le livre le moins didac-
tique et le plus instructif en même temps, s'il m'est permis
d'opposer ainsi deux mots qui semblent se traduire. On peut
le recommander à tout lecteur : avec certaines choses que l'on
sait, on v trouve bien des choses que l'on croyait savoir, et
plus encore que l'on ne savait pas.
A part cette infirmité si cruelle, mais adoucie pour lui par
le redoublement d'affection de ceux qui l'entouraient, notre
confrère avait une santé qui pouvait donner l'espoir de voir
se prolonger une vie toujours si fructueusement occupée. Avec
ses deux lils qui avaient si bien répondu à ses soins et qui
tenaient très honorablement leur place dans l'Université, on
voyait se grouper autour de lui ses petits-enfants, enfants de
sa fille, dont les heureuses dispositions ne lui donnaient pas
moins de promesses. Quelle joie pour un père qui avait tant
fait en vue de l'éducation! Mais il avait eu de bonne heure
le pressentiment d'une mort imprévue. 11 l'avait consigné pour
'' Le Journal des Débats publia dans ces derniers temps deux articles de lui
qui étaient diMix liommages funèljres, l'un à Adrien de Longpérier, l'autre à
Alliert Dumont (11 et i3 août 188/1). Un article intitulé : Une belle découverte
dans Vite de Crète, ne précéda sa mort que de quelques jours (30 août 188;")).
A riuslitut, une dernière lecture (c'était aussi un lioinniage fuuèlire!) fut laite
après sa niort en son nom, 'par notre confrère M. Bréal, dans la séance publique
des cinq Acadén)ies : c'était le morceau qui résumait les conclusions de VHisloirc
de In critique chez les Grecs, dont une fl^uxième édition allait paraître.
— /i96 —
lui-même clans un pli tenu secret, à une époque où des dou-
leurs aiguës, persistantes, lui avaient fait croire à une ma-
ladie de cœur, en i856 , quand, marié, père de famille, pro-
fesseur en titre à la Sorbonne et membre de l'Institut, il se
voyait, jeune encore, au comble du bonheur et de ce qui est
pour un savant la fortune. Ces paroles ont été citées déjà et je
ne saurais mieux faire que de les reproduire ici :
«J'ai le pressentiment d'une mort subite. . . Ce pressenti-
ment m'afflige sans me troubler. . . Ma vie est en ce moment
si heureuse que je dois la quitter avec regret; la tâche d'ail-
leurs que j'ai à y remplir est loin d'être achevée, et j'ai tou-
jours tenu à la vie plus encore pour ses devoirs que pour ses
plaisirs. Mais je veux me défendre de toute faiblesse. Si je
suis frappé subitement, que ma chère femme, que mes chers
enfants, que tous mes amis sachent que l'àme du moins
n'aura pas été surprise, qu'elle est depuis longtemps clair-
voyante et résignée. La Providence a ses secrets où je me
confie sans murmure. . . Les épreuves ne m'ont pas manqué;
puis-je être sûr de les avoir traversées sans erreur et sans
fautes? Mais la volonté du bien, une volonté constante, me
fait espérer que Dieu me jugera avec indulgence, et que, s'il
reste ici-bas quelque souvenir de moi, ce sera pour tous les
miens un titre acquis à l'estime des honnêtes gens. »
Mais ce n'était pas seulement dans ce souvenir des hon-
nêtes gens qu'il comptait se survivre. En avril 1837 décrivait:
«Quel triste spectacle que celui de ce monde avec l'instabilité
de nos fortunes et la brièveté de notre vie, si l'âme ne trouvait
pas un appui hors d'elle-même et au-dessus d'elle-même. . .
Sursum corda. Non, ces misères de la vie ne peuvent être une
fin. Elles commencent au contraire quelque chose qu'elles
n'achèvent pas. Les liens sacrés et doux qui m'attachent à ma
famille, à mes amis, à mes élèves, ne peuvent être rompus
sans retour par la mort. Il y a entre l'autre monde et celui-ci
— /J97 —
une coniiuunion des àines où je m'atlache avec ardeur. Dieu
est, donc il est juste, et j'ai besoin de sa justice, non tant
pour moi que peut-être il a comblé déjà, que pour ces mil-
liers d'autres âmes plus éprouvées et plus malheureuses que
la mienne^''. »
Cette ferme croyance à l'immortalité, cette confiance en un
Dieu juste et bon, c'est là ce qui le soutenait devant les appré-
hensions de la mort, et ce qui resta la règle de sa vie, lorsque,
sans doute, le cours paisible des années eut dissipé ces ombres.
Et pourtant son pressentiment n'avait pas été vain. Bien des
morts l'avaient affligé dans les dernières années, morts de
contemporains, comme Brunet de Presles, Michel Chasles,
morts de plus jeunes aussi, d'anciens élèves, l'abbé Thenon,
Albert Dumont. Bien n'indiquait pourtant que son heure fût
venue à lui-même. Il était allé en famille passer les vacances
à Boyat : tout lui promettait ce bien-être que l'on éprouve à
laisser les travaux et les soins de la vie de tous les jours pour
se reposer au milieu des siens, quand un matin, après une
journée paisible, cette terrible maladie de cœur, qui depuis
près de trente ans n'était plus, pour ainsi dire, qu'un mauvais
rêve, le réveilla. Il appela : il aurait pu appeler une heure
plus tôt, s'il n'avait craint d'alarmer sa famille. M. Lcreboullet
était là : ses soins adoucirent la souffrance. Le malade se
leva, désira prendre du repos dans son fauteuil. On pouvait
croire le péril conjuré. Pour lui laisser plus de calme, on se
retira dans la chambre voisine : mais peu après un long et
bruyant soupir donna l'éveil; on le trouva renversé sur le
fauteuil; un quart d'heure après il était raort'"^). •
Le coup qui frap[ia si durement tous les siens n'atteignit
pas moins cette famille plus nombreuse qu'il s'était faite dans
le mond(î savant: tant de sociétés de confrères, tant de gêné-
*') \. Bailly, Notice sur Emile Egger, p. 128,1 2g.
-' .3o août 1880.
— /i98 —
rations de disciples! L'impression en fut d'autant plus vive
qu'on y était moins préparé. On l'avait quitté plein de vie, ne
suspendant ses travaux qu'avec la pensée de les reprendre
plus activement au retour, et l'on apprenait qu'on ne le rever-
rait plus. On put voir quels profonds regrets il laissait, à
l'empressement de ses amis, accourant des lieux oiî le temps
des vacances les avait dispersés , pour faire cortège à ses funé-
railles. On le vit dans les hommages qui lui furent adressés
au nom des corps dont il avait été l'honneur, au nom même
de ce peuple hellénique dont d avait si bien mérité par ses
enseignements publics et privés; et l'empereur du Brésil,
notre auguste confrère, qui avait été aussi son auditeur, nous
envoya de par delà les mers le témoignage du deuil qu'il par-
tageait avec nous. Vanter sa science et son érudition, signaler
les services qu'il avait rendus pendant une si longue carrière,
c'était un lieu commun qu'on aurait pu rédiger à l'avance,
comme tant d'articles nécrologiques qui sont tout préparés
dans l'officine des journaux. Mais ce qui fait l'originalité de
ces éloges sur un même sujet, c'est l'émotion qui les anime;
ce (jui est le trait dominant de ces derniers adieux, c'est le
souvenir de son dévouement sans égal pour tous ceux qui
s'étaient groupés autour de lui, qui faisaient son école; c'est
l'accent de la reconnaissance, c'est, si je puis le dire, le res-
sentiment de sa bonté.
Notre Académie est la compagnie qu'il affectionnait le plus,
qu'il a le plus honorée, et personne ne l'oubliera parmi nous.
Comment d'ailleurs s'occuper des matières où il était passé
maître, sans se rappeler la manière dont il prenait part à nos
débats, l'étendue de son érudition, la sûreté de ses jugements,
la lucidité de sa critique, son aménité, sa courtoisie; com-
ment le faire sans invoquer, en bien des cas, son autorité? Il
avait donc bien le droit d'en recevoir un témoignage public
dans cette enceinte. C'est l'homméige que ses confrères, par
— VJU —
ma voix, leiideiit à su mémoire; t'est l'adieu qu'adresse à un
ami l'un des plus anciens compagnons d'études à qui il ait été
donné de lui survivre.
1)K QUELQUES JEUX POPULAIRES
DANS L'AlVCIENiNE FRANCE,
À PROPOS D'UNE ORDONNANCE DE CHARLES V,
PAR M. SLMÉON LUGE,
MEMBRE DE LWCADÉMIE.
Messieurs,
Bien décidé, dès son avènement au trône en i 3()/i , à saisir
ou même au besoin à provoquer une occasion favorable de
rompre le funeste traité de Brétigny, Charles V avait employé
les cinq premières années de son règne à se ménager sur ses
frontières des alliances nombreuses et sures. Il avait ainsi
rempli l'une des conditions qui s'imposent à la prudence d'un
chef d'Etat lorsqu'il veut mettre, autant que possible, toutes
les chances de son côté à la veille d'une grande guerre. Mais
il importe encore plus d'avoir de bons soldats. Le prince que
ses contemporains avaient surnommé le Sage, et auquel la
postérité a confirmé ce surnom, était trop bien informé, trop
clairvoyant et trop réfléchi pour ne s'être pas rendu compte
des deux grandes causes de la supériorité militaire des Anglais.
Ces causes étaient la prédominance de l'infanterie dans leurs
armées et l'habileté extraordinaire de leurs archers. Cette habi-
leté, les vainqueurs de Crécy et de Poitiers l'avaient acquise
dans les continuels exercices de tir aux((uels le prévoyant
Edouard lU, à l'exemple de son aïeul Edouard l", astreignit
SCS sujets presque dès son avènement au trône. Par une ordon-
nance rendue eii 1087 et renouvelée plusieurs fois pendant
— 500 —
le cours de son règne, ce prince défendit, sous peine de mort,
par tout son royaume de se divertir à un autre jeu que celui
de l'arc à main et du tir de flèches '''. Par la pénalité terrible
édictée contre les délinquants, on peut apprécier la rigueur
avec laquelle cette ordonnance avait été mise à exécution. Dans
tous les comtés et dans tous les hameaux de l'Angleterre, on
avait établi des buttes où les hommes valides de chaque pa-
roisse se donnaient rendez-vous, les dimanches et fêtes, pour
s'exercer au tir de l'arc. A la faveur de ces exercices, les
«bowmen??, comme on commençait à les appeler au delà du
détroit, étaient devenus en peu d'années les premiers archers
du monde.
Cette supériorité de l'infanterie anglaise pendant les deux
premiers tiers de la guerre de Cent ans, de Crécy à Azincourt,
ne saurait être sérieusement contestée. A vrai dire, elle était
écrasante et peut seule expliquer l'attitude purement défen-
sive des Français du temps de Charles V, au cours des trois
expéditions, on pourrait presque dire des trois promenades
mihtaires à travers la France, entreprises par Robert Knolles
en 1870, par le duc de Lancastre en 1873, et par le comte
de Buckingham en i38o. Ainsi en jugeait, du reste, quelqu'un
qui maintes fois avait vu à l'œuvre les «bowmen» et qui les
connaissait mieux que personne, parce qu'il les avait souvent
battus, Bertrand du Guesclin. Vers le milieu du mois de sep-
tembre 1 878 , le duc de Lancastre était arrivé jusqu'aux portes
de Paris, brûlant, ravageant tout sur son passage, oftrant
sans cesse la bataille et ne trouvant pas à qui parler. Aussi
barons, chevaliers et bourgeois des bonnes villes commen-
çaient-ils à murmurer de divers côtés; ils ne comprenaient
pas que l'on se bornât à rester sur la défensive, et ils disaient
bien haut que c'était une honte pour la noblesse de France de
O Hisloire de Bertrand du Guesclin et de son époque; la jeunesse de Bertrand,
1" édition, in-S", p. i5/i; 2' édition, in-12, p. 1 3o et ]3i.
— 501 —
laisser les Anglais traverser de la sorte le royaume fort à leur
aise, sans qu'on marchât à leur rencontre et qu'on essayât de
leur tenir tête. Charles V voulut connaître la pensc^e intime
des deux capitaines qui lui inspiraient le plus de confiance,
et réunit un conseil de guerre où figuraient au premier rang
Du Guesclin et Clisson. Invité à parler le premier, Bertrand
fut d'avis de ne livrer bataille aux Anglais que si l'on avait sur
eux un avantage marqué au point de vue du nombre comme
de la position. Il appela alors en témoignage le seigneur de
Clisson, son compagnon d'armes, qui avait été nourri dès
l'enfance et avait fait ses premières armes avec les envahisseurs.
Celui-ci se rangea à l'opinion du connétable et dit qu'au lieu
d'offrir le combat aux Anglais, dont l'audace naturelle avait
été accrue par une longue série de victoires, ou de l'accepter
d'eux, il était préférable de persévérer dans la défensive et de
se tenir simplement prêt à profiter de toutes les fautes qu'ils
pourraient commettre. Ce judicieux avis prévalut, et le roi
chargea Du Guesclin et Clisson d'appliquer leur svstème de
temporisation et de pourvoir à la défense du royaume.
Cet aperçu de la situation militaire des deux pays, à l'époque
de la rupture du traité de Brétigny, n'était pas inutile pour
faire comprendre le but et la portée d'une ordonnance qui va
nous fournir l'occasion d'indiquer quelques-uns des jeux ou
des divertissements du peu[)le de France pendant la guerre de
Cent ans. Comme Charles le Sage estimait avec raison qu'il
n'est pas de plus sûr moyen de venir à bout de ses adversaires
que de leur enqirunter ce qu'ils ont pu faire de bon, de
fécond et d'utile, il avait, dès les premiers mois de 1869, pris
une mesure inspirée évidemment par celles qui avaient tant
contribué aux succès de ses ennemis. Le 3 avril, il avait interdit,
sous peine d'une amende de quarante sous, presque tous les
jeux d'exercice ou de hasard, en |)articulier les dés, les tables
ou les dames, la |)aume, les quilles, le palet, les billes et la
— 502 —
■0
soûle. f]n meQie temps, il avait enjoint à ses sujets de s'exercer
au tir de l'arc et de l'arbalète, de choisir des emplacements
convenables pour ces exercices, de décerner des prix aux plus
habiles, de donner à ces concours le caractère de véritables
fêtes et de les entourer de tout l'attrait possible. Six semaines
environ après la promulgation de cette ordonnance, le 28 mai,
le roi avait eu soin de la renouveler et, pour stimuler le zèle
des sergents chargés de veiller à son exécution, il avait alloué
le quart de l'amende encourue à ceux qui dresseraient procès-
verbal des délits et qui appréhenderaient les délinquants. Le
lendemain 2/4 , elle avait été publiée à son de trompe dans les
rues et les carrefours de Paris ^^l
Il nous a semblé intéressant de rechercher dans quelle
mesure cette ordonnance avait été appliquée et quelle influence
elle avait exercée sur les mœurs publiques. Nous avons donc
compulsé à ce point de vue les registres de la Chancellerie
royale correspondant aux règnes de Charles V, Charles VI et
Charles VII et nous apportons ici le résultat de notre examen.
Les dés, qui figurent en première ligne dans le texte de l'or-
donnance de 1369, étaient alors le plus répandu peut-être des
jeux de hasard; mais les joueurs de dés ne paraissent pas avoir
été moins nombreux après la promulgation de cette ordon-
nance qu'auparavant. On ne com])te pas les cjuerelles amenées
par ce jeu, dont il est fait mention au Trésor des chartes
pendant les dix dernières années de Charles V aussi bien
qu'avant et après cette période. Les princes du sang, il faut
bien l'avouer, donnaient à leur entourage un pernicieux
exemple. Telle était la passion du duc de Berry pour les dés
qu'en 1870, un jour qu'il n'avait plus d'argent de poche, il
engagea jusqu'à ses patenôtres, en d'autres termes, son cha-
pelet, sur lequel on lui prêta une somme de quarante francs,
'') RpnifiU ilox oril<m»nncps tJen mis de Frniicf , I, ]'j-r-i']'.L
— r)03 —
pour pouvoir jouer avec plusieurs de ses chevaliers. En iGyS,
Charles de Navarre, fils aîné de (îharles le Mauvais, nui avait
quitté son père pour venir vivre à Paris à la cour du roi de
France son oncle, se faisait donner de temps à aulro des
sommes assez considérables pour jouer aux dés. Les joueurs
peu scrupuleux recouraient dès lors à des dés crfaux et avan-
tageux ?7, ou, comme on dirait aujourd'hui, pipés. Une variété
de ce jeu s'appelait la «rafle 55 et aussi le «poulain». Cette
variété, qui se jouait d'ordinaire avec trois dés, était fort en
usage dans les campagnes, où le gagnant recevait le plus
souvent un ol)jet en nature, une oie, une poule, un canard,
un Kconnil» ou lapin. A Paris, la place de Grève fut longtemps
le rendez-vous de prédilection des joueurs de dés.
L'ordonnance paraît avoir été mieux observée en ce qui
concerne le jeu de tables, ou du moins nous n'avons trouvé
qu'un très petit nombre de mentions de ce jeu pendant la
seconde moitié du règne de Charles V et les dix premières
années de Charles VI. On donnait alors ce nom à tous les jeux
où l'on em{)loyait des dames et un échiquier ou tablier. La
table sur laquelle on jouait, divisée en carrés alternativement
blancs et noirs, s'appelait d'ordinaire «tablier 55, lorsqu'elle
servait au jeu de dames, et «échiquier», lorsqu'elle était des-
tinée à un jeu d'échecs. En i/n6, Isabeau de Bavière avait,
dans sa chambre à parer, un «tablier» fait de bois de noyer;
mais sur un inventaire de 1898 figure un jeu de tables et
d'échecs renfermé dans une boîte en ivoire. Les mentions du
jeu de tables ne redeviennent très fréquentes dans les registres
de la Chancellerie royale que vers la fin du règne de Charles VII,
époque où les diverses classes de la société recherchèrent avec
une sorte d'emportement les amusements de tout genre. Toute-
fois, les échecs restèrent toujours une distraction réservée au
petit nombre, un délassement aristocratique.
La pi'olnbition relative an jeu de paume fut si peu observée
— 50/1 —
que nous avons recueilli un certain nombre d'exemples de
rixes plus ou moins sanglantes amenées par ce jeu, ou ayant
éclaté au cours d'une partie, de iS^ô à 1878, quelques
années seulement après la promulgation de l'ordonnance de
1869. Les statuts du collège parisien de Marmoutier, rédigés
en i3qo, renouvelèrent l'interdiction de jouer à la paume.
A Marolles, près Lisieux, le jeu de paume était fort en usage
sous le nom de «jeu de bonde 55, et les jeunes gens s'y livraient
à ce jeu, dans les dernières années du xiv" siècle, en se ren-
voyant la bonde ou paume par-dessus le toit de l'église placée
sous le vocable de saint Martin, ce qui avait lieu également
vers le même temps à Haudivillers en Beauvaisis et, vers le
milieu du xvi" siècle, sur la chapelle d'Etreham, aux environs
de Bayeux. En Vermandois, on se réunissait en bandes pour
jouer à la paume dans beaucoup de villages; et à Fieulaine,
paroisse située dans les environs de Saint-Quentin, l'endroit
oii ces réunions avaient lieu s'appelait ^de Caiel». A Blain-
court, dans la prévôté de Péronne, le jeu de paume four-
nissait aux gens mariés l'occasion de se mesurer contre les non
mariés.
La paume a été, pendant toute la durée du moyen âge, le
jeu d'exercice véritablement national du peuple de France et
surtout de la bourgeoisie des villes, tandis que la soûle était
le divertissement par excellence des paysans. On cite plusieurs
de nos rois, Charles VI, Charles VII, Louis XI, Louis XII,
François I", Henri II, comme ayant été les plus forts «pau-
miers» de leur temps. «S'il ne montait à cheval, nous dit
Brantôme de Henri II, il jouait à la paume, et très bien;
jamais il ne voulait tenir le jeu, mais secondait ou tierçait,
qui sont les deux places les plus diflicultueuses et dange-
reuses; aussi était-il le meilleur second ou tiers (mais meilleur
tiers) de son royaume. . . S'il ne jouait à la paume, il jouait
à la balle à emporter ou au ballon, ou au j)allt'-maille, qu'il
— 505 —
avait fort bien en main, car il était fort et adroit et en faisait
(le très belles et longues bottes ou coups ^'Iw
Le jeu de paume a pris ce nom du creux de la main dont
on se servait à l'origine pour lancer la balle ou «éteuf». Cetle
façon déjouer fut la seule jusque vers le milieu du xv'' siècle,
ainsi que le prouve le passage suivant du Journal d'un bour-
geois (le Pans : «En 1/127, ^^"^ ^ Paris une femme nommée
Margot, assez jeune, comme de vingt-huit à trente ans, qui
était du pays de Hainaut, laquelle jouait à la paume le mieux
que oncques on eiit vu, et avec ce jouait devant main (d'a-
vant-main ou de la paume), derrière main (d'arrière-main)
très puissamment, très malicieusement, très habilement,
comme pouvait faire homme; et peu venait d'hommes à qui
clic ne gagnât, si ce n'était les plus puissants joueurs. Et était
le jeu de Paris où le mieux on jouait, en la rue Garnier
Saint-Ladre (Grenier-Saint-Lazare), qui était nommé le Petit-
Temple '-'. V
Le jeu de ballon, très populaire encore aujourd'hui chez les
Basques, dont quelques-uns, dit-on, se font déserteurs pour
pouvoir s'y livrer, n'est en réalité, sous un nom différent,
qu'une forme particulière de la paume jouée à la manière pri-
mitive, c'est-à-dire sans raquette, avec ces deux seules diffé-
rences, d'une part, que la balle dont on se sert a les proportions
d'un ballon analogue à celui de la soûle, d'autre part, que les
joueurs s'entourent la main droite d'un gantelet de cuir pour
lancer ou repousser ce ballon. La substitution de la raquette
ou du battoir à la paume de la main pour lancer l'éteuf ou
la balle ne remonte guère plus haut que la fin du xv* ou le
commencement du xvf siècle.
Délaissé de plus en plus de[)uis la Révolution, le jeu de
'•' Œuvres complètes de Brantôme, éilit. Lnlaiino, III, p. 977.
''> Journal d'un hnurffeois de Parix [t 'iof)-t'i'in), édit. Tiiolcy (Paris, 18K1))
p. af^a.
XVII. 35
— 506 —
paume n'a repris faveur que dans ces dernières années oii
nous l'avons vu, un peu altéré, il est vrai, redevenir à la
mode sous un nom exotique et servir de passe-temps aux
classes oisives. Le «lawn-tennis», en effet, comme l'indiquent
les deux mots, ^^ tennis «, paume, et rclawnjj, gazon, n'est pas
autre chose qu'une variété de la récréation la plus recher-
chée de nos pères, et les Anglais l'ont ainsi nommé parce que
c'est sur une pelouse qu'ils se livrent d'ordinaire à ce diver-
tissement.
Le quatrième des exercices défendus par l'ordonnance de
1869 est le jeu de quilles. Si la boule, très cultivée dès le
xiv^ siècle, n'est point nommée, c'est selon toute apparence
parce que le rédacteur de l'ordonnance de i36c), trompé par
la synonymie des mots «boule?? et «bille», qui s'employaient
parfois l'un pour l'autre, aura désigné ces deux jeux par la
même expression, quoiqu'ils formassent déjà des récréations
distinctes. La boule, en effet, restée si chère aux Angevins et
aux Vendéens, était notre jeu des grosses boules où l'on prend
à tâche de faire rouler celles-ci le plus près possible d'un but
marqué par un piquet, enfoncé en terre à ras du sol, ou par
une boule plus petite dite «cochonnet 55. On ne peut relever
qu'un assez petit nombre de textes concernant la boule dans
les registres du Trésor des chartes qui correspondent aux
onze dernières années du règne de Charles V. Une variété do
cet exercice avait reçu, pendant la seconde moitié du xv'' siècle,
le nom de jeu de la «courte boule». L'enjeu le plus ordinaire
était la consommation d'une ou plusieurs chopines de vin, de
cidre ou de cervoise, et l'on appelait cela «jouer à la boule
pour le vin?'. Vers le milieu du règne de Charles VII, deux
bourgeois d'Orléans «jetèrent la boule», depuis les faubourgs
de la porte Regnart, à l'entrée de cette ville, jusqu'à ceux de
la porte Saint-Aignan.
Il importe, dès maintenant, de faire remarquer quf la boule.
— 507 —
telle qu'on la pratiquait au moyen âge, ne doit pas être con-
fondue avec ce que l'on appelait alors le jeu des «grosses
quilles». A ce dernier jeu, au lieu de se servir comme aujour-
d'hui d'une houle, on s'efforçait d'abattre les quilles en lançant
de loin un hâton d'une aune de longueur, et ce bâton s'emploie
encore en Angoumois.
De tous les amusements prohibés par Charles V, le palet
est le seul dont on ne trouve aucune mention dans les registres
de chancellerie des dernières années du règne de ce prince-
Ce jeu semble avoir eu moins d'attrait pour la jeunesse au
moyen âge que de nos jours, puisque Du Cange et ses conti-
nuateurs n'ont recueilli que deux extraits relatifs à l'usage du
palet, l'un de i352, l'autre de 1862.
De i3Gc) à i38o, nous avons pu réunir, en compulsant
les registres de la Chancellerie royale, une dizaine de lettres
de rémission oii l'on voit que le jeu des billes ou du billard
ne cessa point d'avoir cours malgré la défense du roi de
France. On désignait ce jeu sous des noms différents suivant
les pays. A Montlhéry, c'était la «boule ou billette»; à Saint-
Jean-d'Angélv, la «rule ou boule»; à Béthisy, le «boulet»; à
Beaune, «la billotte, autrement les boules»; ailleurs encore,
le «billon» et la «billette». Comme nous le disions tout à
l'heure à propos des quilles, il ne serait pas impossible que
quelques-unes de ces expressions s'appliquassent à la boule
proprement dite plutôt qu'aux billes ou au billard. Le bâ-
ton, gros et court, recourbé j)nrfois en façon de crosse, dont
on se servait pour pousser les bUles, s'appelait ici un «bil-
lart», là un «billouer». Deux compagnons attablés dans une
taverne se disaient volontiers l'un à l'autre : «Allons faire
cette quarte de vin au jeu des billes. » Et, quand on en venait
dans une dispute aux gros mots et aux voies de fait, on se
cassait la tête à coups de «billart». On ne connaissait alors
que le billard de terre, analogue au croquet, qui se jouait en
3.").
— 508 —
plein air et au ras du sol. Le billard monté, d'où est venu
notre jeu actuel, ne date que de l'époque de la Renaissance.
La soûle, du \alin soka, sandale, la «clioule??, si l'on adopte
la prononciation normande et picarde, est un jeu qui consiste
à se disputer un ballon ou une énorme balle, soit en la pous-
sant du pied, soit en la lançant à l'aide d'une crosse. Ce genre
de lutte constituait, au moyen âge, le plus populaire des
jeux de force ou d'exercice, comme les dés étaient le plus
usuel des jeux de hasard. La soûle avait de vieille date de
trop profondes racines dans presque toutes les parties du
royaume, particulièrement dans les campagnes,pour que l'or-
donnance de Charles V pût la détruire. Au xiv^ siècle, ce jeu,
qui se ressentait de la rudesse des mœurs, n'allait guère sans
plaie ou bosse, et ceux qui s'y livraient devaient s'estimer
heureux s'ils n'avaient ni un œil crevé, ni un bras rompu, ni
une jambe cassée. C'est qu'en réalité, dans beaucoup d'en-
droits, la soûle perpétuait, sous la forme d'un amusement
violent, ici des haines de races et des luttes locales séculaires,
là des rivalités inspirées par la différence d'âge et de situation
sociale.
On sera frappé de cette particularité que le jeu de soûle
n'était nulle part plus en honneur qu'à la limite des petits
pays de l'ancienne Gaule tels que le Vermandois, le Bray, le
Vexin, le Meldois ou pays de Meaux, la Brie, le Gâtinais, le
Beauvaisis, l'Amiénois, l'Artois, etc. Comment l'ordonnance
de i36() aurait-elle pu faire disparaître un genre de lutte
qui s'était ainsi transmis de génération en génération à travers
les siècles? Aussi cette ordonnance fut-elle plus impuissante
encore, s'il est possible, contre la soûle que contre les autres
jeux dont il vient d'être question. Dès 187/1, on soûlait à
Chauny, et la lettre de grâce où il est fait mention de ce jeu
contient le préambule suivant : «Comme, en icelui pays de
Vermandois, spécialement environ les dites villes de Chauny
— 509 —
et de Cailloucl, il soit accoutumé, de si longtemps qu'il n'est
mémoire du contraire , faire certaines soûles déjeunes hommes
et enfants, c'est à savoir des villes contre autres, csquelles
soûles les uns rencontrent aux autres des poings es visages ou
es corps et si fort et si durement comme ils peuvent. » Nous
apprenons par un autre acte, daté de i38o, que l'on n'avait
pas cessé de se livrer à ce même exercice à Neufchàlel-en-
Bray : «La soûle, en la manière accoutumée, se fit en dehors
d'icelle ville de Neufchàtel, et certains joueurs, en soûlant,
férirent par le visage à effusion de sang un prêtre, présent le
dit Perceval qui leur dit : Soûlez paisiblement ou vous en
allez hors de la soûle, v Une charte remontant aux premières
années du règne de Charles VI nous fait assister à une
grande partie de soûle livrée entre les habitants du Vexin
nonnand et ceux de la forêt de Lyons : «Comme, de si
longtemps qu'il n'est mémoire du contraire, les gens du pays
du Vexin normand et de la forêt de fuyons aient accoutumé
de eux ébattre et assembler chacun an pour soûler et jouer à
la soûle les uns contre les autres devant la porte de l'abbaye
de Notre-Dame de Mortemer. w Le même caractère de lutte de
pays à pays se retrouve dans les parties de soûle qui se li-
vraient encore vers le milieu du xv" siècle, le (j mai, entre
Picards et Artésiens, près la chapelle de Vauchelles'^', «es
mettes» ou confins du bailliage d'Amiens, «en une place où
étaient assemblées deux cents personnes et plus des villages
d'environ, en intention de voir la soûle et ébattement qui là
se devait faire, ainsi que l'on avait accoutumé de tout temps. »
Lorsque la partie de soûle se jouait entre habitants de la
même localité, c'était d'ordinaire entre les gens mariés et
ceux qui ne l'étaient pas; et l'ordonnance de Charles V ne sup-
prima pas plus ces soûles locales que celles qui peuvent être
O Vaucheiles-sur-Authie (Somme), arr. de Doullens, c"" d'Achcux.
— 510 —
dites régionales Ces exercices avaient lieu surtout pendant les
fêtes de l'iiiver, à Noël, le jour du premier janvier, à la Chan-
deleur, à Carême-prenant ou mardi gras et à la mi-carême.
«Le jour de la Chandeleur, la justice de Meaux a accoutumé
par chacun an de bailler aux gens mariés et à marier du dit
lieu de iMeaux une soûle pour aller jouer dehors et près de
la dite ville, c'est à savoir les compagnons mariés contre les
compagnons à marier. 5? «Le mardi, jour de Carême prenant,
après dîner, à Guise, en Thiérache, les compagnons de la ville
allaient soûler à la soûle, qui de tout temps est accoutumé
d'être faite à la Petite-Coulure, des compagnons à marier
contre les compagnons mariés. 5^ En Bourbonnais, dans le
bailliage de Cusset, le jour fixé pour cette lutte des maris
contre les célibataires de chaque localité était le plus souvent
la fête de Noël, et dans certains villages de ce baiUiage on
n'a])pelait pas ce jeu la soûle, mais la «boule de Chalandas».
Des prix étaient décernés aux vainqueurs.
Les mêmes habitudes s'étaient conservées en basse Nor-
mandie pendant la seconde moitié du x\f siècle, comme on le
voit en parcourant le curieux journal d'un gentilhomme du Co-
tentin, Gilles Picot, sire de Gouberville. Dans celte région, pa-
roisse contre paroisse, et, dans chaque paroisse, mariés contre
non mariés, des hommes de toute condition et de tout âge,
confondus ensemble , se livraient au jeu de soûle , les dimanches
et jours de fête, après la messe, avec une véritable fureur. Les
parties duraient souvent jusqu'à la nuit, et l'on s'y disputait la
K pelotte » avec un tel acharnement, qu'il n'était pas rare qu'elle
se perdît en forêt ou même fût poussée jusque dans les flots
de la mer; mais ni l'épaisseur des taillis, ni la nécessité de se
jeter à l'eau jusqu'au cou pour la rattraper n'arrêtaient les
joueurs. Voici une note prise par le sire de Gouberville au
lendemain d'une de ces grandioses parties : «Le i/i jan-
vier i5o2 au soir sur les onze heures, j'envoyai François
— 511 —
Doisnard ciiez mon cousin de Hrill(.'vast ot chez le ca[)il;une du
ïlieil, alin qu'ils nous amenassent de l'aide pour la choule de
Saint-.Maur le lendemain. Je lui envoyai par Jacques et Lajoie
un sou pour sa peine et lui mandai qu'il me fit réponse de son
message avant la messe. Le lundi i5, jour de saint iMaur,
avant que je fusse levé, Quinéville, Groult et Ozouville, soldats
au fort, arrivèrent céans, venant de Valognes, Nous déjeunâmes
tous ensemble, puis allâmes à Saint-Maur^^\ eux, Ganfepic,
Simonet, Moisson, Lajoie, Gaultier Birelte (ces trois derniers
étaient au service du sire de Gouberville) et plusieurs autres.
Nous y arrivâmes comme on disait la messe, laquelle dite,
maître Robert l'otetjeta la pelotte et fut débattue jusqucs en-
viron une heure de soleil et menée jusques à Brctleville'-' où
Gratian Gabart la prit et la gagna. Y étaient mon cousin de
Ralfovillo, mon cousin de Brillevast, maître Guillaume Vaste! ,
de Réville, le capitaine du Theil, Nicolas Goliel, Boullart d'Or-
glandes et plusieurs autres de mon ])arti; et des adversaires,
Le Parc, Arteney, maître Guillaume Gabart et leur bande et
quebjue peu de Gherbourg. En nous en revenant, Gantepie
demeura à souper chez Jacques Gabart, parce qu'il s'était mis
en la mer et avait été fort mouillé et changea d'accoutrements
chez Rou\el, à Bretteville. En passant [)ar chez Gosme du
Rose. Simonnct, le Leuvron, Moisson, Lajoie, (|ui menait
mon cheval, Nicolas Drouet, Jean Groult, Lorimier et autres,
nous humes k pots de bon cidre et [mangeâmes] un «cyme-
«neaul» (sorte de gâteau); pour ce, /J sous. Il était nuit quand
j'arrivai céans *^'. v
' Ancienne clmpelle do la paroisse de Tourlavilie, près de Cherbourfj, où
l'on avait couUinn' do célébrer tous les ans la messe le jour de la fête de saint
iMaur, patron de celte chapelle.
'*> Manche, arr. de Cherbourg, c°" d'Ocleville. De la chapelle Saint- Maur à la
grève de Brcllcville, la rpeloKen avjiil parcouru environ trois kilomètres.
'■^' Journal manuscrit dit sire de Gouberville, publié partiellement par l'abbé
Tollemer, a'édit. , 1879, I, p. 178 et 17'i.
— 512 —
Les Bretons ne s'adonnaient pas avec moins de fougue au
divertissement de la soûle que les Normands, et les récits
d'Emile Souvestre, publiés, il est vrai, il y a près d'un demi-
siècle, nous montrent les habitants de la presqu'île armori-
caine, particulièrement ceux du Morbihan, se ruant de nos
jours encore à ces mêlées avec une frénésie qui n'était pas
toujours exempte d'arrière-pensées de haine et de vengeance*^'.
Il ressort de nombreux textes qu'au moyen âge on distin-
guait déjà deux variétés du jeu de soûle. Il y avait d'abord la
soûle proprement dite ou «soûle au pied 55, suivant l'expression
usitée dans certains actes des xiv^ et xv" siècles, où le jeu con-
sistait, comme l'indique du reste l'étymologie, à pousser avec
le pied la boule ou l'éteuf, ce que nous appelons aujourd'hui
le ballon ou la balle. C'est le «foot bail 55 ou ballon au pied
des Anglais, qui passent pour nous avoir emprunté ce jeu à
l'époque de la guerre de Cent ans. Un amusement parisien, la
barrette, n'est, comme le «foot bail» d'outre-Manche, qu'une
variété un peu adoucie du ballon au pied ou de la soûle pri-
mitive.
Une seconde forme du jeu de soûle était celle où les joueurs
se servaient pour lancer le ballon d'une crosse, sorte de bâton
plus ou moins long dont une des extrémités était recourbée.
L'expression «chouler à la crosse», que l'on rencontre dans
une lettre de rémission datée de 1 38 1 , ne laisse pas le moindre
doute sur la manière dont se pratiquait cette variété de la souie.
La même conclusion ressort de ce passage du journal du sire
de Gouberville où nous lisons que le curé de Tourlaville, après
avoir dit sa messe, «bâtonna à la choule tout le reste du
jour». De cette soûle à la crosse dérivent en droite ligne la
crosse, portée par nos colons de Normandie et de Bretagne au
Canada , où elle est devenue le jeu national sous la dénomi-
'•'"> Voyez, (tans Les dernieys Bretons (Paris, 1866, I, p. j ao-iSo), le conte
de [''ranrois le Soulcur. Cf. Perrin , Galerie bretonne.
— 513 —
nation barhaie de la «la crosse», le polo, variante an^jlo-caua-
ilienne de la crosse, le «hockey des Anglais, la «Ireiie» ou
«truie» de Rabelais et des Bourguignons, le «horet» des bas
Normands, le «goret» de l'Ile-de-France, le «gouret» ou la
«maruiite» de nos provinces du centre. Le français «goret»
qui signifie petit porc, le bas normand «horet», le bour-
guignon «treue», le berrichon «gouret», désignaient ori-
ginairement la balle ou boule que l'on poussait avec la crosse,
et c'est abusivement que dans le jeu actuel le mot «gouret»
s'applique à la crosse elle-même.
Avant la Révolution, le jour du mardi gras, l'évêque
d'Avranches et ses chanoines, armés chacun d'une crosse et
suivis du bas clergé et des enfants de chœur, se rendaient en
troupe sur la grève la plus voisine de la ville, près du pont Gil-
bert; et là ils jouaient une partie de «horet» ou de «crosserie»
dont on donnait le signal en sonnant à toute volée la grosse
cloche de la cathédrale'^'. Ce jeu s'est même maintenu jusqu'à
nos jours dans l'Avranchin, notamment à Genêts et sur toutes
les grèves de la baie du Mont-Saint-Michel; il n'a disparu
complètement que vers i8/io'-'. Passée presque à l'état de
souvenir dans les campagnes normandes, la crosse s'est beau-
coup mieux conservée dans quelques-uns de nos départements
du Nord, surtout dans l'ancien Hainaut et la Flandre fran-
çaise. Dans ces pays, la boule de cornouiller qu'on lance avec
la crosse est désignée d'ordinaire sous le nom de «cholclte».
Les joueurs de crosse ou «choleurs» y forment toujours une
espèce de corporation placée sous le patronage de saint An-
toine, et tout Flamand de la vieille roche ne voyage guère
sans avoir une crosse à la main'^'.
f'' Richard Sofjiiin, Essai sur l'histoire el l'industrie du Bocage, p. 35i.
'-' L'abbé E. Pijjeon, Le diocèse d' Avranches , I, p. ii3 et ii'i.
(3) Voyez dans les Contes du roi Gamhrinus , par Charles Deulin (Paris, Dentu,
187A, 1 vol. in-12, p. 319-2/ii), la nouvelle inlilulée Le grand Chaleur.
— 5U —
Le mail, qui jouit en France d'une si grande faveur aux
xvf et xvif siècles et qui est resté le jeu favori des habitants
de Montpellier, consiste dans une modification de la crosse où
l'on remplace celle-ci par un maillet ferré. On l'appelait, au
XIV* siècle, le stecon « , nom donné à la balle que l'on poussait
à l'aide de la crosse ou du maillet. Les Anglais, après nous
avoir emprunté ce jeu qu'ils cultivèrent longtemps avec beau-
coup d'ardeur, comme l'indique ce nom de Pall-Mall, calqué
sur le français palemail et donné à l'une des rues les plus aris-
tocratiques de Londres, l'ont transformé en le combinant avec
le billard de terre pour le mettre plus à portée des jeunes
gens des deux sexes. Le résultat de cette combinaison a été le
«croquet 55, qui est à notre ancien mail ce que le «lawn-ten-
nis55 est à la paume. On voit par ce qui précède que nos voi-
sins nous ont emprunté la plupart de leurs jeux d'exercice et
notamment quelques-uns de ceux qui nous reviennent aujour-
d'hui sous des noms exotiques. Il ne faut faire une exception
que pour le «cricket 55, jeu national et véritablement indigène
de l'autre côté de la Manche, comme le « base-bail '^^j au delà
de l'Atlantique, dans les divers Etats de l'Amérique du Nord.
A le bien prendre, un peuple n'a guère lieu d'être moins
fier de la vigueur, de fagilité et de la beauté viriles de ses
jeunes gens, déployées avec éclat dans de tels jeux, que de ses
hommes de génie. Le génie est comme un germe merveilleux
qui tombe soudain du ciel : Dieu le peut faire lever partout
où il lui plaît, dans le terrain le plus ingrat en apparence et
jusque sur le roc sauvage; mais la volonté humaine a sa part
plus ou moins large dans la beauté, privilège héréditaire des
familles d'élite où le sang a su se maintenir pur, sa part aussi
dans la force musculaire qui ne s'acquiert, ne s'entretient et
'•' Voir dans le journal le Figaro du i3 mars 1889 la descriplion d'une partie
de ffLase-balh? jouée au bois de Boulogne par les équipes rivales des deux clubs
trChicago» et «Ali America".
— 515 —
ne s'accroît que par des habitudes laborieuses ou des exercices
continuels. Qu'il y ait là un rapport de cause à effet ou une
simple coïncidence, la statistique constate que partout le mou-
vement de la population apparaît dans une étroite connexité
avec la propagation et la vogue des jeux d'exercice. Les con-
trées où l'on s'adonne le plus à ces jeux sont aussi celles où
les naissances atteignent le chifîre le plus considérable. En
Normandie, la population n'a pas cessé de décroître depuis que
les divertissements où bourgeois et paysans luttaient de force
et d'adresse ont été délaissés pour le cabaret ou les jeux de
hasard, tandis qu'au contraire elle suit toujours une marche
ascendante dans quelques-unes de nos anciennes provinces,
telles que la Bretagne, la Flandre, le pays basque, où les
nobles récréations qui ont passionné nos pères continuent
d'être en honneur.
On remarquera que, parmi les jeux défendus par l'ordon-
nance de 1869, ne figurent point les cartes. La raison en est
que ce jeu, qui nous vint probablement de l'Italie du Nord, ne
fut introduit en France qu'au commencement du règne de
Charles VI. La grande vogue des cartes ne date même que de
l'époque de Charles Vil, puisque l'on en rencontre à peine
une dizciine de mentions dans les registres de la Chancellerie
royale qui correspondent au premier tiers du xv" siècle.
Nous venons de montrer que l'on n'observa nulle part la
défense édictée par Charles V en ce qui concerne les jeux spé-
cialement dénommés par le texte de l'ordonnance. Il en fut de
même d'une foule d'autres divertissements dont cette ordon-
nance ne parle pas et que nous nous proposons de passer en
revue quelque jour dans un travail spécial qui fera suite à la
présente étude ^^'.
(') Ce travail, que nous croyons à peu près complet, fait partie d"un volume
qui paraîtra dans quelques jours à la librairie Haclicite, sous ce litre : La France
pendant la guerre de Cent ans.
— 516 —
Il nous reste maintenant à rechercher ce qu'il advint du tir
de l'arc et de l'arbalète ainsi recommandé ou plutôt imposé aux
populations par l'ordonnance de 1069 comme l'amusement
pour ainsi dire unique qui se devait substituer à tous les au-
tres. A ce point de vue, on aurait pu prévoir que le résultat
serait très variable suivant les régions, et ce fut précisément
ce qui arriva. 11 y avait certaines parties du royaume où. les
ordres royaux ne faisaient en quelque sorte que consacrer des
habitudes contractées depuis des siècles. C'était le cas de la
plupart des provinces situées au nord de la Loire, telles que
la Champagne, la Bourgogne, l'Ile-de-France, la Picardie,
l'Artois et la Flandre, où l'ordonnance de Charles V ne pouvait
avoir d'autre effet que de généraliser un exercice depuis long-
temps florissant, au moins dans les cités et les forteresses de
quelque importance.
Aux xn" et xnf siècles, toutes les villes, tous les bourgs, qui
prirent part au mouvement communal, principalement dans
le Beauveaisis, le Valois, le Soissonnais, le Vermandois et
l'Amiénois, avaient mis sur pied des compagnies ou confréries
d'arbalétriers et d'archers qui jouissaient de privilèges impor-
tants. Ces compagnies avaient dès lors leurs champs d'exercice
appelés le plus souvent ^bersautsw, mot qui désignait la cible
ou le but des flèches et d'où vinrent les verbes «berserj^ et
« bersailler 5) , tirer en visant, tirer à la cible, que l'italien a
conservés. A Sens, ce champ de tir s'appelait le «clos du roi,
auquel, lit-on dans un acte du temps de Charles V, les com-
pagnons de la ville ont accoutumé traire de l'arbalète et de
l'arc»; le premier qui gagnait quatre coups recevait comme
récompense ç^un gansw, c'est-à-dire une paire de gants. Vers
le même temps, deux valets de ferme du Tanu, petit village
de l'Avranchin, qui gardaient des troupeaux dans les champs,
étaient munis d'arcs et de «saiettes?? ou flèches «dont ils
s'ébattaient à traire ??. Le seul pays pour lequel nous avons pu
— 517 —
trouver la mention de champs de lii- établis dans les campagnes
avant l'ordonnance de i 3G() est le Beauvaisls, dont les vilains
avaient du reste, au moyen âge, la ré|)utation proverbiale
d'être les premiers du monde. Dès 1867, les jeunes gens
d'Offoy, village situé à peu de distance de Beauvais, dans le
canton de Grandvilliers, s'exerçaient à tirer de l'arc «aux es-
taches ou barsaux d'Offoy, si comme accoutumé est en la dite
ville et au pays d'environ».
Il convient de noter dans ce passage, que nous citons à
dessein textuellement, l'emploi du mot «barsail » que l'on trouve
d'ordinaire sous la forme «berseilw ou «bersaii», pour dési-
gner l'endroit où était fixée la cible. Ce mot ancien allait bientôt
être remplacé dans l'usage courant par un mot nouveau qui
ne se répandit et ne fut communément employé, si nous ne
nous trompons, qu'à l'époque où la royauté s'efforça de créer
des exercices réguliers de tir dans toute l'étendue du royaume.
Ce mot nouveau, dont l'histoire se rattache ainsi par un lien
étroit aux origines mêmes de nos troupes légères, c'est le mot
butte. Charles V avait placé à la tête de ses bailhages des
hommes aussi dévoués que capables, et plusieurs d'entre eux,
Oudart d'Atlainville, par exemple, seraient tout à fait dignes
d'une étude approfondie. C'est assez dire que rien ne dut être
négligé par ces hauts fonctionnaires pour que l'ordonnance de
1869 reçût ])leine et entière exécution.
Le premier soin des sergents et autres agents inférieurs,
auxquels incomba en définitive le soin de faire observer cette
ordonnance dans les campagnes, fut de trouver un terrain
convenable, communal ou autre, afin de l'approprier et de
l'affecter spécialement aux exercices qu'il s'agissait d'instituer.
A cet effet, on choisit dans chaque localité un endroit à sur-
face unie, généralement en pente, où l'on plaça au point le
plus élevé , au besoin sur un tertre artificiel , le but des tireurs,
ce que nous appelons aujourd'hui la cible. La destination de
— 518 —
cet endroit lui fit donner presque partout le nom de butte, fé-
minin de but, qui n'a pris à une époque plus récente i'acception
de hauteur en général que par une extension de sens facile ù
comprendre.
On voit par plus d'un exemple que, pendant la seconde
moitié du règne de Charles le Sage et les premières années
du gouvernement de son successeur, il fut de mode d'encou-
rager par des prix et des récompenses de tout genre les exer-
cices de tir. Ainsi, en 1882, Gautier de Monchel, écuyer,
châtelain et garde du château d'Étaples, donna un épervier
d'argent au meilleur tireur d'arbalète, «au mieux jouant de
l'arbalète, pour plus entretenir et accoutumer icelui jeuj?. Peu
après son avènement, en i38/i, Charles VI eut soin de re-
nouveler l'ordonnance du roi son père et défendit de nouveau
de jouer à quelque jeu que ce fut, sinon à l'arc et à l'arbalète.
Le chroniqueur Jouvenel des Ursins, qui a relaté cette défense,
ajoute avec quelque optimisme que les Français furent bientôt
tellement duits ou façonnés au tir de l'arc, grâce à ces exer-
cices, qu'ils devinrent plus habiles que les Anglais eux-mêmes.
L'organisation des buttes ou champs de tir, et c'est tout ce
que nous voulons retenir ici de l'assertion de Jouvenel, devait
être dès lors un fait accompli.
Les considérations qui précèdent n'auraient pas été peut-
être complètement inutiles si elles avaient pour conséquence
d'attirer désormais l'attention des historiens locaux, des archéo-
logues et des topographes sur les très nombreux lieux-dits
auxquels s'est appliqué ce nom si significatif de butte vers la
fin du moyen âge. Sans doute, la réaction féodale qui suivit
la chute des Marmousets ne tarda pas à porter un coup fu-
neste aux buttes et fit délaisser pour un temps les exercices
dont elles avaient été le théâtre. Entraîné dans la chute de
l'institution, le mot lui-même subit alors une éclipse passagère
et ne reprit faveur que pendant les quinze dernières années
— 519 —
(lu règne de Charles VII. L'ordonnance du 3 avril iSGq n'en
doit pas moins être considérée comme la préface des lettres
patentes du 98 avril ilihS qui inslituèrent les francs archers,
et chacun sait que c'est dans cette création des francs archers
qu'il faut chercher les véritables origines de notre infanterie
moderne.
— 520
LIVRES OFFERTS.
SÉANCE DU 8 NOVEMBRE.
Sont offerts :
Extraits de la Chanson de Roland et de la Vie de saint Louis par Jean
de Joinville, publiés, avec introduction, notes et glossaires complets, par
M. Gaston Paris, membre de l'Institut (Paris, i889,in-i6);
Mémoires et comptes rendus de la Société royale du Canada pour l'an-
née 1888, tome VI (Montréal, 1889, m-k").
M. Delisle offre, au nom des auteurs, les ouvrages suivants :
1 " Cartulnire de l'abbaye de Landévenec , publié , pour la Société archéo-
logique du Finistère, par M. Arthur de la Borderie, correspondant de
l'Institut, 1" livraison (Rennes, 1888, in-8°, avec planches).
rrLe cartulaire de Landévenec n'est pas seulement un recueil de
chartes ; il renferme des récits hagiographiques , en prose et en vers , et
des catalogues historiques. On n'en avait encore publié que des fi-ag-
ments. Il était nécessaire d'en avoir une édition complète pour éclaircir
les nombreuses questions qu'il soulève.
ffM. de la Borderie, qui se propose de discuter ces questions, a com-
mencé par nous donner un texte complet du cartulaire, en prenant pour
base le manuscrit conservé à Quimper, et en mettant à contribution plu-
sieurs manuscrits de la Bibliothèque nationale. Il a ainsi mis à la portée
des savants un document d'une grande importance pour les études bre-
tonnes. Le texte qu'il en a donné mérite une confiance entière et permet
de se rendre un compte exact du cartulaire de Landévenec sans qu'il
soit besoin de recourir aux manuscrits, n
2° Das Testament des Erasmus vom 22. Januar iSaj, texte publié par
M. L. Sieber (Baie, 1889, in-8°).
ffDans cette élégante plaquette, 1\I. le D' Louis Sieber, bibliothécaire
de l'Université de Bâle, a mis en lumière, d'après les papiers d'Anier-
bach, un document fort intéressant, comme tout ce qui se rattache à la
personne d'Erasme. On y remarquera les termes affectueux dans lesquels
le célèbre humaniste se recommande au souvenir des imprimeurs et des
correcteurs qui avaient travaillé h la publication de ses ouvrages et à
qui il confiait le soin d'imprimer ses œuvres posthumes. 1
— 521 —
3° Etudes critiques sur l'histoire du droit romain an moyen âge , avec
textes inédits, par M. J. Flacli (Paris, i8<)0, in-S").
ffCe volume est divisé on trois parties.
ffDans la première, M. Flacli s'est attaché à constater quel tut, sur-
tout eu France, l'état des connaissances juridiques depuis la ciiule de
l'empire romain jusqu'à la renaissance des études de droit à la fin du
xi° siècle. 11 examine minutieusement les textes d'après lesquels on a
essayé de soutenir que l'étude scientifique du droit romain avait persisté
à peu près sans interruption et il démontre (jue la pc'riode conq)rise
entre le vu'' siècle et la fin du xi° n'a produit aucune œuvre originale de
droit romain qui ait une valeur théorique et scientifique. A cette époque
on ne trouve en France aucune trace d'école de droit. C'est seulement
par les écoles des arts lihéraux que se répandirent alors des notions
juridiques plus ou moins exactes, plus ou moins sommaires.
ffLa seconde partie est consacrée à la compilation connue sous le
titre à' Exceptioncs Pétri. L'Académie a eu la primeur des observations
que M. Flach a été amené à faire sur cette compilation, qui était encore
si mal connue.
crDans la troisième partie, l'auteur a analysé un manuscrit du collège de
la Trinité de Cambridge, qui renferme les Eœcepliones Pétri, ÏEpitome ex-
actis et plusieurs autres morceaux de droit, dont le caractère n'avait pas
été bien déterminé.
rrLes textes que M. Flach a insérés dans son volume permettront d'ap-
précier la justesse des solutions qu'il propose et dont plusieurs sont tout
à fait nouvelles, n
M. ScBJEFKR présente, de la part de l'auteiu-, M, Aristide Marre, deux
brochures intitulées, la première : Code malais des successions et du ma-
riage, troisième et dernier fascicule. Notes et observations (Paris, 1889,
iu-8''); — la seconde: Sourat per.oupama.an malayou , le livre des pro-
verbes malais (Paris, 1 889 , in-8 ", extrait du Recueil de textes et de traduc-
tions publiés par les professeurs de l'Ecole des langues orientales vivantes).
M. Paul Mkyer jirésenle à l'Académie le tome P' des Annales du Midi,
revue archéologique , historique et philologique de la Erance méridionale ,
pubhée par M. Antoine Thomas, professeur à la Faculté des lettres de
Toulouse (Toulouse et Paris, 1889, in-8").
(fCe recueil, dont l'objet est bien déterminé (ce qui n'est pas toujours
le cas des annales publiées par les facultés), contient d'intéressants
articles, au nombre desquels il faut citer l'étude de notre confrère
M. L. Dclisie sur Peii-esc et un mémoire de M. Thomas sur les états
xvii. .{r.
lUTHIVI nti
— 522 —
généraux au temps de Charles VII. Chacun des quatre fascicules dont se
compose ce premier volume est accompagné d'une l)ihliogra|)hie très
bien eniendue des publications les plus récentes, concernant l'histoire,
la géographie, la littérature ou lart de nos provinces méridionales.»
SÉANCE DU l5 NOVEMBRE.
Le Secrétaire perpétuel offre, au nom de M. l'abbé Fabre d'En-
vieu, sa traduction d'après le texte hébreu, araméen et grec du Livre du
prophète Daniel , t. I, i" et 2" parties (Paris et Toidouse, 1888, in-S").
Le Secrétaire perpétuel présente ensuite, de la part de M. Piprre
Lanéry d'Arc, sa publication des Mémoires et consultations en faveur de
Jeanne d'Arc, par les juges du procès de réhabilitation, d'après les ma-
nuscrits authentiques (Paris, 1889, in-8°).
rf C'est une partie du procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc que
M. Quicherat n'avait pas publiée et que l'auteur présente comme un
supplément à la grande publication de l'ancien directeur de l'Ecole des
chartes, n
Sont encore offerts :
Koan hoa tche-nan. Boussole du langage mandarin, traduite et an-
notée par le P. H. Boucher, missionnaire au Kiang-Nan (Zi-ka-vyei,
1887, in-8°);
Dœdalus, or the causes and principles of the excellence of Greek sculp-
ture, par M. Edward Falkener (Londres, 1860, in-8°);
David' s vision: vcith a preliminary dissertation shovoing David's prophecfi
of Christ, par un pèlerin de la Terre Sainte (Londres, 1872 , in-8");
Does the nrevised version-n ajfect the doctrine of the New Testament as
exhibited in the authorized translation? par E. F. 0. Thurcaston [Edward
Falkener, of Thurcaston] (Londres, i884, in-8°).
M. Gaston Paris offre, au nom des auteurs, les deux publications
suivantes :
Rapport sur une mission en Allemagne, par M. Ch. Joret, professeur à
la Faculté des lettres d'Aix, correspondant de l'Institut (Paris, 1889,
in-8°);
Esquisse du véritable système primitif des voyelles dans les langues d'ori-
gine indo-européenne, par M. Paul Regnaud, professeur à la Faculté des
lettres de Lyon (Paris, 1889, in-8").
— 523 —
SÉANCE DU 2 2 NOVEMBRE.
(Séance publique annuelle.)
SÉANCE DU 29 NOVEMBRE.
(Aucun ouvrage n'a été offert dans cette séance.)
SÉANCE DU 6 DÉCEMBRE.
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le biu-eau le quatrième fascicule
des Complet rendus des séances de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, pendani Tannée 1889, juillet-août (Paris, 1889, in-8°).
Le Secrétaire perpétuel offre ensuite à l'Académie les ouvrages sui-
vants :
Charluhtrium unicersttatis Pansiensis, publié sous les auspices du
Conseil général des Facultés de Paris, par le P. Denifle et M. Emile
Châtelain, t. I, 1200-1-386 (Paris, 1889, gr. in-^'')i
La 9/ partie du grand et bel ouvrage de M. l'abbé Raboisson,
intitulé : En Orient. Ce volume comprend la Palestine et la Syrie
(Paris, gr. in-/i°).
Sont encore offerts :
Deux lettres éthiopiennes du xvi' siècle, mémoire traduit sur le texte
portugais de M. Esteves Pereira, par M. René Basset (Rome, 1889,
in-8'', extrait du Giornalc délia Socielâ asialica italiana);
Apollo Hikesios, par M. Barclay V. Head (1889, in-8°, extrait du
Journal of Hellenic studios, vol. X);
Brilish Muséum. Department of coins and medals. A guide ta tke prin-
cipal gold and silver coins of the ancienls , from cire. B.C. noo to A.D.i,
par le même (Londres, 1889, in-8°);
The muséum of classical antiquities , being a séries of essays on ancient
art, par .M. Edward Falkonci-, nouvelle édition (Londres, 1860, in-S");
Psaltirea Scheianà {làS-?.), ms. fi'tç^ B.A.R., publié par M. le profes-
seur I. Bianu, bibliothécaire de TAcadéinie roumaine (Bucarest, 1889,
in-8°, publication de l'Académie roumaine);
]\unta la Romani, studii tslorico-etnografcu comparativà , par Elena
Sevastos (Bucarest, 1889, in-8°, publication de la même Académie);
Catahghi dei codici orientali di alcune biblioteche dltalia, stampati a
spese del ministero délia pubblica istiuzione, fasc. h, contenant les manu-
30.
— 52/i —
scrils hëbreux de Bologne et les manuscrits orientaux de Palerme (Flo-
rence, 1889, in-8°);
Catalogue of ihe Sanshrit manmcripts in the Uhrarij of the India office ,
part II, Samskrit Ikcrature , par M. Julius Eggeling (Londres, 1889,
in4°);
Quelques mots sur deux vers léonins de la période médiévale (in-8°, ex-
trait du Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1888);
Une visite à Sa)iœay, suivi de : La nationalité d'Atectoriœ (1889, in-8°,
extrait de la Bévue poitevine , t. VI).
M. Le Blant a la parole pour un hommage :
rr L'antiquité nous a légué une nombreuse série de tessères d'ivoire ou
d'os portant sur la face des marques diverses, bustes de divinités ou
d'hommes, représentations d'animaux et d'édifices. Au revers de la plu-
part est un nom propre accompagné d'un chifTre exprimé à la fois en
grec et en latin. D'autres tessères de même sorte ne présentent que des
chiffres, des types ou des légendes. M. J.-Adrien Blanchet a consacré à
ces petits monuments une notice qu'il a l'honneur de présenter à l'Aca-
démie : Tessères antiques, théâtrales et autres (Paris, 1889, in-8'', extrait
de ia Bévue archéologique). On ne sait quel en a été l'usage. L'opinion la plus
répandue est qu'ils ont servi do jetons d'entrée dans les théâlres et que
le chiffre qu'ils portent était celui de la place à occuper dans les divers
cunei. On saura gré au jeune auteur d'avoir réuni avec soin et étudié
avec savoir des types jusqu'à présent dispersés dans des recueils divers
et qui soulèvent plus d'une question relative aux usages de la vie privée
chez les anciens, i
Le Président offre deux ouvrages de la part des auteurs :
1° Petits mémoires inédits de Peiresc , publiés et annotés par M. Ph. Ta-
mizey de Larroque (Anvers, 1889, in-8"').
ffM. Tamizey de Larroque, dans son enthousiasme très légitime d'édi-
teur de la correspondance de Peiresc, donne (d'après le catalogue Libri),
le titre de Petits mémoires à ce qui n'est en réalité qu'un registre où
Peiresc notait, jour par jour, les lettres qu'il répandait dans le monde
entier. Mais à côté de cette nomenclature un peu sèche se groupent de
nombreuses indications sur les manusci'its, les médailles, les envois de
plantes rares qui accompagnent ses lettres et, çà et là, de curieuses allu-
sions à divers événements de sa vie. Le savant éditeur les a accompagnées
de tous les éclaircissements nécessaires qu'il a tirés de la riche correspon-
dance qu'il publie, et de son éruflilion non moins riche. En parcourant
ces listes, on est émerveillé de la prodigieuse activité d'esprit, de la variété
525
de connaissances et de ce mélange do science profonde, d'esprit et d'ai-
mable enjouement qui donnent à Peiiesc une place à ])ail parmi les
savants du xvii° siècle et expliquent la synq)atlne dont il est encore
l'objet dans le monde des lettres. Le fragment que je présente aujourd'hui
sera donc accueilli avec faveur, en attendant le tome II des Lettres aux
frères Diipuy, que M. Tamizey de Larroque promet de nous donner dans
quelques semaines, n
9° L'ère de Yczdegerd et le calendrier perse , par M. E. Drouin (Paris,
1889, in-8°, extrait de la Revue archéologique).
frM. Drouin s'est proposé, dans ce mémoire, d'étudier la composition
de l'année sassanide et de rechercher l'origine du calendrier usité chez
les Perses avant l'introduction de l'ère musulmane. La question est d'au-
tan! j)lus intéressanle que ce calendrier, dont les premiers essais se rat-
lachenl aux souvenirs de l'Avesta et de la caste sacerdotale, a traversé,
sans graves atteintes, une période d'environ deux mille ans, et que les
derniers sectateurs de Zoroastre en font encore usage de nos jours.
ff Pour procéder avec plus de sûreté, l'auteur va du connu à l'inconnu,
en commentant par l'époque la plus récente, celle des Sassanides. 11 jette
un coup dœil rapiile sur le calendrier égyptien et chaldéen, passe suc-
cessivement en revue la période des Mèdes et celle des Arsacides et, après
avoir établi avec beaucoup de solidité en quoi consistait l'ère de Yezdegerd ,
le dernier roi de la Perse mazdéenne,il termine par un exposé lumineux
de la réforme de Djelal-eddln et du calendrier en vigueur chez les Parsis
de rinde moderne.
ffCe travail fait grand honneur h l'érudition et à la sagacité de l'au-
teur et foui-nit à l'étude si complexe de la chronologie orientale un do-
cument des plus complets et des plus dignes de confiance, -n
M. DE RoziÈRE présente, de la pari de l'éditeur, M. l'abbé Paul Guit-
laume, deux ouvrages intitulés :
Chartes de N.-D. de Bertand , monastère de femmes, de l'ordre des
Chartreux, diocèse de Gap (Paris et Gap, 1888, in-8'');
Istorio de sanct Panez, mystère en langue provençale du xv' siècle,
publié d'après un manuscrit de l'époque (Gaj) et Paris, t888, in-8").
M. Anatole de Barthélémy présente à l'Académie une Note sur la géo-
graphie de l'embouchure de la Loire, par M. (î. de la Noë (Paris, 1889,
in-8\ extrait du Bulletin de géographie historique et scientifique).
frLe sujet du mémoire que M. le lieutenant-colonel G. de la Noë a dé-
siré que joiïrisse, de sa part, à l'Académie, semble au premier abord
être surtout de la compétence de l'Académie des sciences. Il s'agit, en
— 526 —
effet, de savoir si, h l'embouchure de la Loire, le niveau de la mer s'est
élevé, ou si, au contraire, le littoral s'est peu à peu affaisse'. Les dé-
couvertes faites en 1874 à l'occasion de la construction du bassin à flot
de Saint-Nazaire ont fourni les e'iéments de cette étude déjà abordée par
M. l'ingénieiu" en chef Kerviler. M. de la Noë ne partage pas l'opinion de
cet archéologue; il soutient que le sol du continent s'est affaissé, qu'à
une époque bien antérieure à toute tradition historique, l'embouchure de
la Loii'e était à ho kilomètres du littoral actuel; que ce mouvement s'est
continué pendant la période historique.
ff Cette étude géologique intéresse l'histou'e; en effet, si on accepte le
système très méthodiquement exposé par M. de la Noë, il faut renoncer
k placer la bataille navale des Vénètes et des Romains sur remplacement
des marais et des tourbières de la Grande-Brière , qui n'aurait jamais été
occupé par la mer; il faut également renoncer à y chercher le Brivates
portus et à étendre le territoire des Vénètes jusqu'à la Loire.»
M. Oppert présente l'ouvrage intitulé : Allhahijlonisches Maass und
Gewicht und deren Waiiderung , par M. G.-F. Lehman, docteur en droit
et en philosophie (1889, in-8°, extrait des Verhandlungen de la Société
anthropologique de Berlin).
ffCe mémoire, très développé, est un tirage à part des comptes rendus
de la Société anthropologique de Berhn; le jeune auteur, l'un des assy-
riologues de l'Allemagne qui promettent à la nouvelle science un con-
cours sérieux et fécond dans un avenir prochain, s'attache à suivre les
mesures de longueur et de capacité dans leur pérégrination à travers les
pays civilisés de l'antiquité, groupés autour de la Méditerranée, à travers
l'Asie Mineure, la Syrie, l'Egypte indigène et grecque, la Grèce et
l'Italie. Si quelques-uns des calculs, quelques-unes des conclusions at-
tendent encore leur preuve complète et absolue, cet écrit d'un volume
considérable contient une quantité de vues justes et constitue, sur plu-
sieiu's points, un véritable progrès sm' les travaux de ses devanciers.»
SÉANCE DU l3 DÉCEMBRE.
(Séance levée à cause de la mort de M. Pavet de CoiirteiUe.)
SÉANCE DU 2 0 DECEMBRE.
Le Secrétaire perpétuel présente à l'Académie, de la part de M^' G. De-
haisnes, prélat de la maison de Sa Sainteté, La vie et l'œuvre de Jean
Bellegambe (Lille, 1890, gr. in-8'').
— 527 —
Le Ski^iiktaire perpétuel olViv ousuile, en son propre nom, le cjua-
trième volume de son ouvra^je inlilule' : Les rcprésculuuls du ijeuple en
mission el la justice révolutionnaire dans les départements en l'an ii (Paris,
in-S"), volume qui contient les missions aux armées du Nord, des Ar-
dennes, de Sambre-et-Meuse , de la Moselle et du Rhin, et la justice
révolutionnaire en Alsace.
M. BoissiEit présente à l'Académie la seconde édition du Cours d'épi-
graphie latine, par M. Gagnât (Paris, i88g, in-8°).
rr Cette seconde édition, qui vient si vite après la première, [)rouve à
quel point le livre était nécessaire. M. Gagnât Ta fort augmenté; il y a
ajouté une étude importante sur la paléograjjhie des inscriptions et une
liste des sigles qui se retrouvent le plus souvent sur les monuments. Avec
ces additions, le livre de M. Gagnât rendra encore plus de services qu'il
n'en a rendu jusqu'ici, -n
M. Georges Perrot oDfre, au nom des auteurs, les ouvrages sui-
vants :
1° Collections du Musée Alaoui, publiées sous la direction de M. R. de
la Blanchère, i" partie (1890, in-i").
rr L'Académie a témoigné, il y a deux ans, de lintérêt (|u'elle prenait
à la fondation du nuisée qui est appelé h recueillir toutes les richesses
que livrera ce sol de l'ancieiuie province d'Africjue, où les restes de i'an-
tiquilé sont presque aussi abondants qu'en Italie. L'encouragement
qu'elle a ainsi donné aux ellorts du Bey de Tunis et du Résident français,
si bien secondés par l'intelligente activité de ^L de la Blanchère, a porté
ses fruit-^. On ne s'est pas contenté d'avoir fondé, à Tunis, un musée
qui renferme déjà un grand nombre de monuments curieux; ce musée,
doimant ainsi l'exemple à plus d'une galerie de notre Eiu-ope, vise déjà
à faire connaître les plus curieuses des pièces qu'il renferme; il a entre-
pris une publication qui doit les mettre à la disposition des savants et
des archi'ologues de tout pays. Plusieurs membres de l'Académie ont
dc^àjelé les yeux sur la première livraison de ce recueil, le Bey ayant
bien voulu en mettre à la disposition de ceux de nos conlrères qu'il peut
intéresser un certain nombre d'exemplaires. Il est donc inutile d'insister
sur le plan et l'exécution de l'ouvrage. Le format adopté est commode;
c'est un in-quarto qui, tout en restant d'un maniement facile, permettra
pourtant de reproduire les monuments à assez grande éclu'llo pour que
î image en soit aisément lisible. Chaque livraison contiendra une ou deux
planches, acconq)ognées de notices descriptives, et les noms des savants
qui ont promis leur concours suflisenl à garantir l'exactitude et 1 intérêt
— 528 —
(lu commentaire. La première livraison est due tout entière à M. de la
Blanchère, qui a conçu le plan du recueil et qui en conservera la haute
direction; elle renferme, outre une description succincte du Bardo ou
plutôt de ce harem du Bardo où a e'té établi le Musée, une étude inté-
ressante sur les mosaïques d'Hadrumète et particulièrement sur cette
grande mosaï(jue du Triomphe de Neptune qui forme aujourd'hui le
plus bel ornement du musée Alaoui. Ce monument est reproduit dans une
planche double , d'une exécution très soignée , qui rend bien l'aspect de
l'ensemble. Plusieurs dessins, insérés dans le texte, donnent une idée
des autres mosaïques qui ont été découvertes dans cette même villa, mo-
saïques dont plusieurs ont été malheureusement détruites ou tout au
moins fort endommagées depuis le moment de la découverte, n
2° Introduction à l'étude des monnaies de l'Italie antique, par M. Soutzo
(Paris, 1887-1889, 9 vol. in-8°).
rrL'étude que M. Soutzo a consacrée aux monnaies de Tltalie antique,
quoiqu'elle évite avec soin les apparences d'un écrit de polémique, est
surtout une discussion et une réfutation indirecte des théories de M. Momm-
sen sur la monnaie de la république romaine. 11 résulterait des re-
cherches et des observations de M. Soutzo que ces théories sont en con-
tradiction formelle et presque constante avec les textes des auteurs anciens
les plus autorisés, qu'elles reposent sur une série d'hypothèses toutes
également fausses, enfin qu'elles n'expliquent rien et ne résolvent sérieu-
sement aucune des ditlicultés du sujet. Nous n'avons pas qualité pour
nous prononcer entre l'illustre auteur de YHistoire romaine et son con-
tradicteur; nous pouvons seulement dire que les objections quil présente
paraissent appuyées sur une étude consciencieuse et approfondie de
toutes les données du problème, que M. Soutzo paraît connaitri^ égale-
ment bien et les textes des auteurs qui peuvent fournir quelque éclair-
cissement utile et les suites monétaires dont il entreprend la description
et la discussion. On soupçonne, en lisant son travail, qu'il y a tout au
moins lieu de soumettre h une revision critique des solutions que l'éru-
dition moderne s'est peut-être trop pressée d'accepter, par déférence
pour la haute autorité d'un savant éminent. La question offre assez d'in-
térêt pour appeler et mériter une nouvelle enquête , et l'essai de M, Soutzo ,
quand il n'aurait d'autre résultat que d'inviter les numismates à entrer
dans celte voie, laisserait par là-même sa trace dans l'histoire des études
auxquelles il se rattache."
3° Horace, élude psychologique et littéraire, par Jules Poirel (Paris,
in-18).
— 5-29 —
ff M. Poiret ôtait déjà connu par deux thèses qui traitaient de l'histoire
(hi barreau romain^'*. Aujourd'hui, c'est d'Horace quil s'occupe, et,
{rràce au tour original do son esprit , il a trouve moyen d'exposer, sur un
sujet qui pouvait sembler banal et rebattu, des idëes et des vues qui
paraissent souvent nouvelles. Il est moins critique littéraire que mora-
liste; c'est surtout l'homme qu'il étudie dans le poète. A la différence du
professeur allemand dont le livre'"', analysé dans une spirituelle pré-
face, lui a doimé la pensée de cet essai, il a l'horreur des formules pé-
dantesques et des grands mois. Sa langue est saine, alerte et dégagée.
On y sent partout rinlluencc de l'écrivain qu'il aime et qu'il goûte sin-
cèrement tout en se permettant parfois de le railler. L'ouvrage est court,
et, grâce à la vivacité du ton, il le paraît plus encore. On doit y regarder
de très près pour deviner ce que cette étude a coûté de travail, de re-
cherches consciencieuses et approfondies, n
M. A. DK Barthélémy- offre à l'Acadc^mie Les sceaux, par A. Lecoy de
la Marche (Paris, i vol. de la Bibliollièque de l'enseignement des heaux-
arts).
frM. Lecoy de la Marche m'a chargé de faire hommage à l'Académie,
en son nom, du livre récemment publié par lui sur les sceaux; il a fait
pour ces monuments, si précieux pour l'histoire et pour Part, un travail
analogue h celui que notre regrelt(' confrère Fr. Lenormant a donni' sur
les monnaies et les médailles, dans cette même Bibliothèque de l'enseigne-
ment des beaux-arts, éditée par la maison Quantin.
ffM. Lecoy n'a pas voulu faire un traité de sigillographie, pas plus que
Lenormant n'a prétendu rédiger un traité de numismatique; tous deux
sont parvenus à donner, dans un format portatif, d'excellentes photogra-
vures, accompagnées de notes très précises sur ces deux branches de l'ar-
chéologie.
ffEn présentant des types choisis avec soin, depuis le sceau d'un roi
de Mouracir, au viii' siècle avant J.-C, jusqu'à celui de l'administration
des subsistances militaires de Strasbourg en 1798, M. Lecoy de la
Marche fait passer sous les yeux de ses lecteurs cent trente-quatre repro-
ductions qui forment le plus éloquent résumé de l'art sigillaire. Cette
collection est accompagnée d'observations personnelles à l'auteur; en
(') Essai sur l'éloquence judiciaire à Rome pendant In République; — De cen-
tumviris et cautis centumviralihnx (Paris, in-S").
'•■'1 Komik Hud Humor bei Horaz, von Theodor Oesterien (Stutigarl, i885,
in- 8°).
— 530 —
effet, il n'est pas lui simple compilateur des travaux de ses devanciers;
les questions d'art, dans lesquelles il est très compétent, ne lui font pas
oublier l'e'rudition, on peut en signaler de nombreuses preuves. Je me
contenterai d'indiquer des observations très judicieuses sur la continua-
tion de la glyptique au moyen âge; c'est aussi M. Lecoy de la Marche
qui est le premier, je crois, à signaler le roi Robert comme ayant sub-
stitué le sigillum à Xannulus employé jusqu'à son règne, ri
M. DE RoziKRE présente, de la part de M. Beautemps-Beaupré, une
Notice sur Guillaume des Roches, sénéchal d'Anjou, du Maine et de Tou-
raine, iigg-i2a2 (Ghaumont, 1889, in-8°).
M. ViOLLET a la parole pour un hommage :
frj'ai l'honneur d'offrir à l'Académie, au nom de M. Tamizey de Lar-
roque, un volume intitulé : Livre de raison de la famille de Fontainemarie ,
iCâo-i'jjâ (Agen, 1889, in-8°). Ce nouveau livre de raison , précieux
pour l'histoire des mœurs du passé, intéresse aussi l'histoire de la cour
des aides de Guyenne et peut, à certains égards, être considéré comme
une petite chronique bordelaise.
ffM. Tamizey de Larroque a joint à cette intéressante publication mie
très riche annotation qui en augmente beaucoup la valeur. Il l'a fait
suivre d'une bibliographie des livres de raison, qui rendra elle aussi de
grands services. Je me permettrai d'ajouter quelques noms à cette biblio-
graphie, qui n'a pas d'ailleurs la prétention d'être complète. Je songe à
M. Fagniez, qui a publié le Livre de raison de Ve7-soris dans les Mémoires
de la Société de l'histoire de Paris; à MM. Guibert et Leroux, à qui nous
devons une importante collection des livres de raison limousins, t;
Le Secrétaire perpétuel dépose sur le bureau la deuxième partie du
tome XXXIII des Notices et extraits des manuscrits de la Bibliothèr/ue na-
tionale et autres bibliothèques, publiés par l'Académie des inscriptions et
belles-lettres (Paris, 1889, in-/i°).
Sont encore offerts :
r
Etude sur l'argot français, par MM. Marcel Schwob et Geoi'ges Guieysse
(Paris, 1889, in-8°);
Etude de littérature canonique, Rtifin et Huguccio , par M. Tanon, con-
seiller à la Cour de cassation (Paris, 1889, in-8'');
Mémoires de la Société indo-chinoise de France, t. I, aimées 1877-
1878 (Paris, i879,in-^°).
— 531 —
SÉANCE DU 2*7 DECEMBRE.
M. DE Vogué, au nom de la Commission du Corpus inscn'plionum
sewttkanim , présente le premier fascicule de la deuxième partie de cette
publication, contenant les inscriptions araméennes, texte et allas (Paris,
1889, in-lbl.).
Ce fascicule comprend les textes aramëens ])roprement dits, qui for-
ment une section à part, les deux autres dtant réservëes aux textes na-
batéens et palmyréniens. L'introduction renferme un re'sumë de la paléo-
graphie sémitique, et pose les règles à l'aide desquelles s'établit la
classification des écritures. Les textes, suivant la tradition du Corpus,
sont distribués d'après l'oi'dre géographique: l'Assyrie, l'Asie Mineure,
l'Arabie, l'Egypte sont ainsi successivement passées en rex-ue. M. de Vogué
rappelle les confirmations que les briques bilingues de Ninive ont appor-
tées à la lecture des textes ctméiformes : le fascicule en renferme un grand
nombre d'inédites; il reproduit aussi la précieuse stèle de Teima, qui a
jeté un jom- inattendu sur le développement de l'aramaïsme en Arabie
au \i' siècle avant notre ère.
Ont encore été offerts :
Analele Academiei romane , t. X, 1887-1888 (Bucarest, 1889, in-4°);
Annales de la Société d'émulation du département des Vosges, 65' année
(Épinal, i889,in-8°);
Annales du commerce extérieur, 1889, 11° fascicule (Paris, 1889,
gr. in-8°);
Atti délia Reale Accademia dei Lincei, k" série, Rendiconti, vol. V,
fasc. /let 5 (F\ome, 1889, in-Zi°);
Biblioleca nazionale centrale di Firenze. Bollettino délie pubblicazioni ita-
liane recevute per diritto di stampa, n" 99-9^ (Florence, 1889, in-8'');
Bulletin d'histoire ecclésiastique et d'archéologie religieuse des diocèses
de Valence, Gap, Grenoble et Viviers, 9' année (V^alence, 1889, in-8°);
Bulletin de l'Académie d'Hippone, n" 28 (Bône, 1889, in-8°);
Bullettino d'archeologia cristiana, publié par le commandeur G.-B. de
Bossi, k' série, 5* aonée, n" i-4 (Borne, 1887, gr. in-S");
Histoire de l'art dans l'antiquité, par M\L Georges Pcrrot, membre de
l'Institut, et Charles Chipiez, livraisons 262-969 (Paris, 1889, grand
in-8");
Journal asiatique , S' série, t. XIV, n" 1 (Paris, m-S");
— 532 —
Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la
Creuse, 9° série, t. II, 3' bulletin (Giiéret, 1889, iQ-8°);
Proceedings of the Society of Biblical archœology , vol. XI , 8' partie;
vol. XII, 1" partie (Londres, 1889, in-S");
Bevista archeologica , publiée par A.-G. Borges de Figueiredo, vol. III,
n" 9 et 10 (Lisbonne, 1889, in-8°);
Revue africaine, n" 19/i (Alger, 1889, in-8°);
Revue archéologique, publie'e sous la direction de MM. Alex. Bertrand
et G. Perrot, membres de l'Institut, 3' se'rie, t. XIV, septembre-oc-
tobre 1889 (Paris, 1889, in-8°);
Revue des Pyrénées et de la France méridionale, t. I, 4^ trimestre (Tou-
louse, 1889, in-8°);
Revue géographique internationale , n° 168 (Paris, 1889 , in-/j°);
Société des antiquaires de la Moi^nie. Bulletin historique, 38° année,
nouvelle série, i5i' livraison (Saint-Omer, 1889, in-8°);
Viestnik hrvatskoga arkeologiclwga druztva, 11' année, n° 4 (Agram,
1889, in-8°).
TABLE DES MATIERES
DU DIX-SEPTIEME VOLUME DE LA QUATRIEME SERIE.
AbbassiJes [Avènetnent des), p. /i63.
Abbeville {Mémoires sur), p. 49 1.
Abraham (L'époque d'), p. 3o9-3i2.
Acensement [Charte d'), p. aa-j.
Acropole, p. iG5, 405.
Afghane (A la frontière) , p. 82.
Africaine (Revue), p. ib'], 283, 298,
53f!.
Afrique (Armée romaine d'), p. 176.
Afrique française {Revue de l'), p. 91;
— septentrionale , p. 898, filig.
Ages {Les Quatre) de l'homme, p. 3,
41 G.
Agnès (L'abbesse) et Fortunat, p. 12,
16, 17, So-ig.
Aii-e {Diocèses d') et de Dax , p. 75.
Aissaoua {Les), p. i58.
Alaoui {Musée), p. 537.
Alberums Tndia, p. i3i.
Alchimique {Enigme) , p. 81.
Aldrici {Gesta), p. ia/i.
Aleria, p. 1 G8, 456.
Alesia en Auverfjne, p. 4 10.
Alexandri expeditin Indien, p. 7g.
Alexis {Saint), p. 281.
Alger {Inscriptions israélites d'), p. 78.
Algérienne (Sociélé historique). Voir
Africaine {Revue).
Alimentation de l'armée romaine,
p. 17/..
Alislian. Léon le Magnifique, p. 7fi.
Allemagne {Mission en), p. 5a9.
Alleu {Franc), p. 4a4.
Alleux {Histoire des), p. 809.
Allier de Hauteroche (Prix), p. 4, 5,
171, 807, 45i, 46o, 4G8.
Allmer. Revue épigraphique , p. 91,
157, 298.
Alpes (Basses-). Age préhistorique,
p. 43 0.^
Alsace {Etude préhistorique de V),
p. aSG, 386, 447, 46o.
Amari. Sa mort, p. 347, 295, 44 1.
— Son remplacement, p. 3i2,
4i8-4i5. — Bibliotheca, p. i43.
Ambassadeurs à Rome, p. 76.
Amélineau. Saint Pakome, p. 495. —
Schnoudi, p. 381. — Sectes gnos-
tiques, p. 71 .
Aménophis IV et Hammurabi, p. 17,
58-58.
Américaine (Philologie), p. aSg.
American commonwealth , p. 4; —
journal of philology, p. 90.
Amérique. Voir Loubat (Prix).
Amiaud. Saint Alexis, p. 281.
Anagnoslakis. Méthode antiseptique,
p. 21 5.
Analogie (Prétendus cas d'), p. 203,
"56, 801.
Ancona (A. d'). Giornale di Montaigne ,
p. 1 '1
f,f,
— 53/1
Andomns (Lepagus), p. 178.
Angers (Société (V agriculture d'),
p. 157.
Angleterre (Relations de l') et des Pays-
Bas, p. 287.
Anglo-saxonne (Industrie), p. i53.
Anjou (Coutumes de l') , p. h^tx.
Annam (Annales de F), p. 975, hzb.
Annamites (Contes), p. i53.
Anneaux-monnaies du Caucase, p. 268.
Annibal dans les Alpes, p. hi6.
Anthropique (Ere), p. SgS.
Antipatris ou Medjdel Yâba, p. ^12.
Antiquaires de France (Société des),
p. 90, 91.
Antiquités de la France, p. 2.35, 286,
likU, li6o, i63. — Ouvrages en-
voyés au concours pour 1889, p. 9,
Zi; — pour 1890, p. io5, 2/19, 967,
3o6, Aïo, Zn3, 4i5, 420, li^li.
— Rapports, p. 286, 3o5, 875.
Antiquités (Dictionnaire des), p. 979.
— Gentilices, p. 10, 27-29. —
Virdumaros, p. 95, 11 1-11 A. —
Composition riiez les Celtes, p. 97.
— Duel conventionnel, p. 180. —
Emploi des hijotuv comme prix d'achat,
p. 78.
Arc (Jacques d'), p. loû, 176. — Voir
Jeanne.
Archeologia cristiana (BuUettino d') ,
p. 58i.
Archeologica (Revista), p. 91, 167,
298, 4o8, 582.
Archéologie chrétienne (Académie d'),
p. 98, ^22, /187-/189.
9I'
i5
7'
Archéologique (Revue), p
288, 298, 582,
Archéologiques (Etudes), p. 80.
Architectes (Société centrale des),
p. 178, 176. — (Amiuaire), p. i58.
— (Bulletin), Y). 167, 282, /108.
Architects (Institute of British), p. 233.
Archives (Annuaire des), p. i52.
Antiseptique (Méthode) chez les anciens, Archivistes paléographes, p. 12, ^71.
Antoine (Marc). Aureus, p. 429.
Atitoinette de Bourbon, p. 895.
Antonescu. Cullul Cabirilor, p. 276.
Apollo Hikesios, p. 52 3.
Appert. Japon, p. 226.
Arabes (Similitudes), p. 897.
Arabie (Inscriptions d'), p.
3o8, 4o6.
Arabo-sicula (Bibliotheca) , p.
Aragon (Joyaux de la couronne d'),
p. 127.
Aram-Naharaïm , p. 4i3.
Araméen (Papyrus), p. 108.
Araméennes (Inscriptions), p. 72 , io3,
9' 7''
ili-à.
Arcos (Thomas d'), p. 277.
Argot français , p. 5 80.
Arles (Roman d'), p. 275.
Armée romaine (Alimentation de Y),
p. 174.
Arsacides (Monnaies), p. 96.
Arsenal (Manuscrits de V), p. 218.
Art de la Perse, p. 3i3, liii.
Art (Histoire de l') dans l'antiquité.
Voir Pebrot ; — pendant la Renais-
sance, p. 1 26.
Art (Ancient), p. 59 3.
Ai-tois (Guerre de Trente ans en),
p. i2i.
Aseneth (Prih'c d'), p. 898.
Asia Minor (Journey in), p. 78.
53i.
Arbaumont (D'). Olivier de la Marche, Asiatique (Journal), p. 91, 982 ,
p. io5. 53i.
Arbitrage chez les Grecs, p. 16 5, 455. Asie Mineure (Monnaies d'), p.
Arbois de Jubainville (H. d'). Noms 45 1, 46o.
de lieu en France, p. 6, 10, 27-29. Asile (Droit d'), p. 64 , 455.
292,
171.
— 535 —
Asscnihlt'ps populaires franqiios , [). 1 09.
Assyrio ((îéofyr;i|iliii' do 1"), j). aSo,
Assyrienne (Mélrolo/jio), p. .'ioi.
Assyriennes (Mesures), p. 987.
Ateclorix [Nationalité d'), p. 59Û.
Athènes (Société archéologique d'),
p. 78. — Voir Écoles.
Athénienne (Education), p. 976.
Auhert, archiviste paléographe, p. /171.
Auch (Inscription juive d'), p. 622,
432-/137.
Alcoc. L'Institut, p. 9 1 5.
'Audja (Le Nahrel-), p. /il 9.
Audolleiit , mcmhre de Tlilcole de Rome ,
p. 3oi, 3o5. — Exploration en
Algérie, p. A 17, /i90, /J97.
Augouard. Kondalion (iarnier, p. 169,
iio, 453, 463.
Auguste (Buste d'), p. 168, 901; —
(Forum d'), p. 9, 26, 98, 118.
AuaALE (Le duc d'). Lettre, p. 967.
Aurès. Mesures assyriennes, p. 287.
Ausone. Mosella, p. 399.
Autun, p. h'îU.
Auvray. Cartulairesetobituaires,p. 58,
65.
AvEZAc (D'). Le Ravennate, p. t43.
Avignon (Faculté d'), p. 3 96.
B
Bab, p. io2.
Babeau. Paris en i'j8f),p. 276.
Babelou. Revue numismatique, p. 91,
157, 933, 4o8.
Babinet de Rencogne. Livre juratoire
do Beaumont-de-Lomagne , p. 9^9.
BaêwpTtts, p. 3o6.
Babylonische Texte, p, 85, 282.
Babylonisches (Alt-) Maass , p. 52 6.
Baclro-chinoise (Monnaie), p. 3oi,
338-348.
Bader (M"'). Le comte de Chamhrun,
p. 9 19.
Bagster. Records of the past , p. 139.
Bague byzantine, p. io3, 1 93-195.
Bailly. Lettre, p. 109.
Baiily, correspondant, p. A 3 4.
Baléares (Monuments des), p. i63.
Balles de fronde, p. 3 06.
Baltazzi. Inscription de Notium , p. 1 02 ,
1 21-123.
Baltzer. Glyphes, p. 217.
Bapsl. L'étain, p. 161. — Joyaux de
la couronne, p. 2 i5.
Barbares et Gallo-Romains, p. io5, i<>6.
BAnBiER DE Meïnard, président de l'A-
cadémie, p. 1 . — Mission de M. Bé-
nédite, p. 9. — L'étain, p. 161.
— M. Wright, p. 168. — M. Re-
bond, p. 173. — M. Cb. Nisard,
p. 94o. — M. Aniari, p. 947. —
Dom Pedro, p. 247. — Inauguration
de la Sorbonne, p. 9 48. — M. de
Witte, p. 9 5o. — M. G. Weil,
p. 995. — Le général Faidhcrbe,
p. 3o3. — M. Cobet, p. 409. —
Séance publique annuelle, p. 4i4,
439-459. —M. Pavet deConrteille,
p. 4 18. — L'ours et le voleur,
p. 4o3. — Hommages, p. 977, 981,
286, 291, 4o9-4o4, 524.
Barbiers de Rome, p. 80.
Barcelonnettc ( Vallée de), p. 420.
Barrière-Flavy. Comté de Faix, p. 494.
Barth. Garrez, p. 86.
Barthélémy (A. de). Membre de diverses
Commissions, p. 5, 180, 419. —
Les cités alliées et libres de la Gaule,
p. 3o6, 354-36o. — Revue numis-
matique, p. 91, 157, 933, 'loH. —
536 —
Hommages, p. iA6,i53,a95, Sgô,
525, Say.
Bartolommeo {Retable defra), p. 222.
Basselin (Olivier), p. ^07.
Basset. Lettres éthiopiennes , p. 52 3.
Batiffol. Saint Macaire, p. 98. — Stu-
dia patrislica, p. 898.
Batifl'ol, arcliiviste paléographe, p. ^7 1 .
Baudin. Katekismu, p. 166.
Baxter. OU new world, p. 280.
Bayan, Léon le Magnifique , ^. 76.
Baye (J. de). Industrie anglo-saxonne,
p. i53.,
Bayeux {Evêché de), p. ^21.
Beauchamp (De). Château-Guillaume,
p. 2i3, ^ i3.
Beaumont-de-Lomagne ( Livre juratoire
de), p. 2/19.
Beamie. Olivier de la Marche, p. io5.
Beaurepaire (Ch. de). Etats de Nor-
mandie, p. 9 2^.
Beaurepaire (E. de). Dubourg, p. i3o.
Beautemps-Beaupré. Coutmties de l'An-
jou, p. A 2^1. — Guillaume des
Roches, p. 53 0.
Belgique [Acadénue de), p. 291, 292,
298; — (Lois delà), p. 292.
Bellegambe (Jean), p. 526.
Beltrami. Paris, p. 127.
Bénédite. Mission, p. 9, 3o8.
Bengesco. Voltaire, p. io5.
Benndorf. Ileroon, p. 279.
Bérard. Arbitrage chez les Grecs,
p. i65. /i55.
Berbère [Langue), p. h65.
Berbérie {Histoire de la), p. 3 9 3.
Bergaigne. Inscriptions de Campa ,
p. 71. — L'œuvre d'A. Bergaigne,
p. i/i3.
Bergenrolh. Jeanne la Folle, p. 167.
Berger (E.). Registres, p. 5.
Bergci(J.). Contrat bilingue , \). 1A9.
Berger (P.). Monnaies numides, p. 9/1.
Berlin. Akademisch-orienlalistischer Ver-
cin, p. 91. — Ilislorische Gesell-
schaft, p. h 00.
Bernard (Aug.). Chartes de Clnny,
p. 228.
Bert (Paul). Statue, p. 235.
Bertaud {N.-D. de), p. 52 5.
Berthelot. Lettre, p. A 10.
Bertrand (A.). Membre de diverses
Commissions, p. 3gh, Aie. — In-
scription de Notium, p. 102, 121-
123. — Revue archéologique, p. 91,
157, 333,298, 532. — Hommages,
p. 217, 225 , 283, Aoo.
Bertrand de Broussillon.iS!g'(7/og-rfljj/M'e,
p. 3, 392.
Besançon (Epitaphes de), p. 176.
Besançon { Musées , etc. ,de), p. 222.
Besso. Ronia, p, 895.
Béziers {Société arcliéologique de),
p. 299.
Bianu. Psaltirea, p. 52 3.
Bible {Texte latin de la), p. A65.
Biblical archœologij {Society oj), p. 91,
157, 288. 532.
Bibliographie (Prix de). Voir Brunet.
Bibliographie des Vosges, p. 280, 897.
Bibliographique {Co)igrès), p. 225.
Bibliothèques {Annuaire des), p. i52.
Bijoux {Emploi des) en Irlande, p. 78.
Biographie yiationale {belge), p. 299.
Birouny. India, p. i3i.
Biaisais {Glossaire), p. 61 5.
Blanchard (R.). LettresdeJean V, p.3o6.
Blanchart. Lettre, p. A 18.
Blanchet. Tessèrcs , p. 52^1.
Bk'iclier. Etude préliisloriqiie de l'Alsace,
p. 926, 386, AA7, A60.
Bloch. Inscriptions d'Alger, p. 78.
Boèce chiélion, p. 287.
Bohnsldn {Glyphes du), p. 217.
BoisLisLK (A. de). Lettres de Saint-
Simon, p. 22 1. — Place des Vic-
toires, p. 22 1. — Hommages, p. 8'i ,
2 1 '1 , 221.
— 537
BoissiER. Membre de diverses (^oiiimis-
sioiis , p. T) , 3 1 3 , ^ 1 (j. — Anli(|iiités
de h'iilérie, p. 17. — Gallo-nuriiains
cl Barbares, p. loC). — Cbiislia-
nisniedeBoèce, p. 237. — M. Aniari,
p. 968. — Hommages, p. 920,
975, 896, 537.
Bologne. .Manuscrits bébreux, p. 62/1.
Bondiirand. Charte d'acensement, Hom-
magi', p. 222 , 2 2 3.
Bonvalol. Fcaules, p. 219.
Bordeaux {Société de géographie de),
p. 233.
Bordin (Prix), p. h, 5, 2 38, 807,
309, 45i, 46i, /i65.
Borelli. Itinéraire, p. ]55.
Borges de Figuciredo. Revistu archeolo-
gica, p. 91, 167, 293, io8, r)3a.
Bouchart {Alain), p. 221.
Bouché. Les noirs, p. 1/16.
Boucher. Langage mandarin, p. 175,
/4 5 9 , /i (3 1 , 52 2.
Bougerel. Parnasse provençal , p. 79.
Bourgogne {llincraire» des ducs de),
p. 391, i/iS.
Bourmonl (A. de). Paléographie,
p. 127.
Bournet. OlTie d'une bibliothèque ,
p. ici.
Braga (Martin do), p. 162, 169.
Brassarl. Flandre wallonc , p. 1 5 2 , 291.
Bréal. Membre de diverses Commis-
sions, p. .'1 , 3 1 3 , /n g. — Le suflixe
-ila, p. 7. — Prétendus cas d'ana-
logie, p. 253, 9 56, 3oi. — Etymo-
logies, p. 2 56. — Hommages,
p. 88,399.
Brenner. Aordische Gdttersagen , p. 912.
Bretagne {Archives de), p. 3o6; —
{Ch}-oniques de), p. 221; — {^^c)
à l'Académie, p. 83; — {Parlement
(/e),p. 393.
Briques légionnaires , p. 7/1.
Brissaud. Culte chez les Romains ,
p. 280.
Bronze {Période de), p. /190.
Bruel. Chartes de Cluny , p. 22 3.
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p. 17, 93, glx , 97, listi. — Membre
de diverses comniissioiis, p. 180,
'193. — Inscription de Chypre,
p. 9 58. — Géographie de la l'a-
lestine, p. 9 59, ^12.
Ciichy (Concile de), p. 9^1.
Clodius(P.). Aureux , p. Ziaa.
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Colonna-Ceccaldi. Inscription de Chy-
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i56, 233, 393, liw]. 53 1.
Comminges [ Hevue rie) , p. 233.
Compirgne [Jeanne d'Arc devant),
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9i3, 999, 981, 600, 523.
Conches (G. de). Voir Guillaume.
(Conciles de Reims, p. 9/1, 107.
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prix, p. 939.
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Constantine [Société archéologique de).
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Corfou (Fouilles de), p. 2/i5.
Connlh [(joiîis of), p. t'iS.
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Corpus inscriptionum setnilicarum , p. 9 ,
7t, 86, 100, io3, 180, /io6, 53i.
Corse [La) et Colomb, p. 919, 1^07.
Cosneau. Richemonl , p. 6.
Costomiris. Médecins grecs, p. 169,
16/1, 168, 190-197.
Courajod, candidat, p. 17, 93. —
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Coutume de Touraine, p. 237, Sgo,
ttliS, 660.
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Cozza. Inscriplion grecque, p. 9g.
Cozza-Luci. Novum Testamentum,
p. 93o.
Craon [Baronnie de), p. 392, 4/i8.
Crepereia [Gens), p. 168, 198-200,
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Creuse [Société de la), p. 533.
Croate (Société archéologique). Viest-
nik, p. 99, i58, 993, 53a.
Croates (Ecrivains), p. 223.
Croisades [Histoi-iens des), p. lo, 70.
CnoiSET (Alfred). Membre de diverses
Commissions, p. 5, j8o. — Rap-
ports, p. 58-70, l\ïh. — Hom-
mage, p. 226.
Cioiset (Maurice). Second acteur d'Es-
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Cunha (G. da). Voir Gersou.
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37.
— bàO —
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Curzon (H. de). Temple, Tp. 3, 5, 6iai, 338.
Z.5o.
D
Dacia [Cultul cahirilor in), p. 975.
Damascius, p. 261, 262, 297, 326-
336 ,601.
Daraase (Saint). Inscription, p. 628,
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Daniel. Livre, p. 022.
Darc (Jeanne). Voir Jeanne.
Darmesteter (James). Lettres sur l'Inde,
p. 82.
Darmesteter (M°" James). End of the
middle âges, p. 128.
David' s prophecy, p. 622.
Deane. Pierres gravées, p. 102.
Degrand. Inscriptions de Maronée,
p. 3oi, 3o2, 363-35o.
Dehaisnes. Jean Bellegambe , p. 626.
Delalande-Guérineau (Prix), p. 807,
3io, 625, 668.
Delattre. Fouilles, p. i5. — Neferis,
p. 176, 3o5-2o8. — Byrsa, p. Ai 1.
— Symmaque, p. 620, 628-629.
Delaville Le Roulx. Règle des Tem-
pliers , p. 101. — Joyaux d'Aragon ,
p. 197.
Delisle (L.). Membre de diverses Com-
missions, p. 807, 3i3, 896, 619,
^28; — secrétaire intérimaire,
p. 269. — Chronique des Tard-
Venus, p. 181. — Enquêteurs de
saint Louis, p. 296, 3i5-326. —
Fonds Libri et Bnrrois, p. 78. —
Histoire littéraire, p. 7]. — Peiresc ,
p. 7.5. — TempUjrs, p. 70, 86. —
Hommages, p. 78, 83, 127, 129,
i3o, iSa, i55, 2i3, 221, 226,
270, io5, 520.
Dëlocue. Membre de diverses Com-
missions, p. 5, 610; — secrétaire
intérimaire, p. 269. — Tanistry,
p. 11, 12. — Gallo-Romains et
Barbares, p. 107. — Assemblées
populaires, p. 109. — La loi,
p. 3o6. — La Lunade, p. 71; —
Hommages, p. 87, 169.
Délos (Planches sur), p. 378.
Démotique (Contrat), p. 169.
Démotiques ( Versions ) du déci'et de
Canope , p. 227.
Detnuin (Histoire de), p. 421.
Démy. Loi de Narbonne, p. aSS.
Denifle. Chartulnrium , p. 523.
Dereubourg ( Hartwig ). Sîbawaihi,
p. i5i.
Derenboup.g (J.). Fouilles de Carthage,
p. ] 6. — Commentaire de Maïmo-
nide, p. 127. — Hommage, p. 78.
Deschamps. Cultes cariens, p. 58, 60,
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Des ^Michels. Mémoire , p. 7 1 ; — Chan-
son pohtique des Huns, p. io5 ; —
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annamites, p. i58. — Mamiel, p. 636.
Desplanquo, archiviste paléographe,
p. 671.
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p. 2 , 181, •y.^G.
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DiohI. Exarchat de U avenue , Saint-Luc
en Phoctde, p. 83.
Dieulalby, candidat, p. 61 5, 619. —
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190, 178, 176, 3o5, 263, 265-
969, 4ao, 437, 456.
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p. 1 36, i5i, 232, 277.
Hcmenwaij expédition, p. a3o.
Henry (V.). Bergaigne, p. 16 3. —
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Hermès (Statues d'), p. i3.
Héuon de Villefosse (A.). Membre de
diverses Commissions, p. 307, Sgi.
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— M. de la Martinière au Maroc,
p. 99. — Neferis, p. 174, 2o5-2o8.
— Le pagus Andomus , p. 178. —
Gabès et Gafsa, p. 179, 208-211.
— Antiquités de la France, p. 2 36,
3o5, 375-39/j. — Loi de Nar-
bonne, p. 2 38. — Symmaque,
p. /i20, h-28-liùÇ). — Hommages,
p. 74, 227, 298, aSo.
Heroon von Gjôlbaschi-Trysa , p. 379.
Hervey de SAl^T-DENïs (Le marquis d'),
président en 1888, p. 1, 9. —
Membre de diverses Commissions,
p. 5, 309. — Tunique de perles, etc.,
p. 982. — Hommages, p. i53,
926, 370, 981.
Hétéens ou Hittites, p. 101, 162,
169, 971.
Heuzey (L. ). Membre de diverses Com-
missions, p. 307. /il 9. — Décou-
— 5^
vei-tes en Chaldée, p. l'ii. — Hom-
niapos, p. 70, 189, l'ii, 277,
•J7S.
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3oo, 33/1-338.
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l]islorii')is de France, p. 71.
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157, 293, /jo8; — {Société des
études), p. 157.
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Hoersclielnianii. Metrik, p. 79.
Homolle. Délos, p. 378.
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Hucher, décédé, p. 10a.
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Hun-Magyar {A) iras es annak fenn-
maradt emlékei , p. 981.
Hiimio-scylhiqiie (Écriture), p. 261.
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Hounza.
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1
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Inde {Lettres sur l'), p. 83.
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Indici e catalogin, p. 91.
Indo-chinoise {Société), p. 530.
Indo-Portugucse numismatics , p. 286.
Infinitifs latins, p. iSa.
Innocent IV, p. 5.
Inscriptions d'Arabie, p. 9, 71, 3o8,
lioG; — cunéiformes, p. i3.5, 200,
2.54, 267, 3oi,Ai3; — grecques,
p. 99, 102, 121-123, 358, 3oi,
3oa, 348-35o; — hamaléennes,
p. 101, 163 , 169; — indo-bac-
triennes, p. 103, io3; — juives,
p. 78, 299, ^32, Ii3z-U3']; —
libyques, p. 178; — lyciennes,
p. 88; — romaines, p. 6, 32,
I7G, 178, 388, 399, /1I7, /l99,
A83-439; — sanscrites, p. 71 ; —
sémitiques. Voir Corpus.
Institut (L') de France, p. 21 5.
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Jérusalem. Inscription, p. 61 3.
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Jordan, membre de l'Ecole de Rome,
p. 3oi, 3o5.
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K
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Bulla Uogia, p. 806. — Musée La Fons-Mélicocq (Prix), p. 101, 4io,
Alaoui,ç. 527. — Palais tunisien, /ii3, 621, ^25, ^167.
p. 896. La Grange (Prix), p. li , 6, 178,
La lioBDEiiiK (A. de), candidat, élu, A5i, ti6i, /169.
p. 615,^19, ^28, hall. — Alain Laloux. Olympie, p. 171, 17/1.
Bouchart, p. 221. — Landévenec, La Marsonnièrc (De). M. Lecoinlre-
p. 520. Dupont, p. 381.
5/1 7
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Lamhèsc {Camp et praetorium de),
p. 9 20.
Lamprechl. Etat économique , ^. 213.
Lanciani. Fouilles, p. 98, 118, 130,
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Landévenec {Cartulaire de), p. 5ao.
Landsdonme House ( Marbles a( ) , p. 1 3 5.
Lanéry d'Arc. Jeanne d'Arc, p. /jai,
592. — Franc Alleu, p. bùli.
Langlois (E.). Manuscrits français de
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Langue internationale, p. i3i, i3.5.
Languedoc {Géographie de), p. 3, 5,
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Languedociennes {Poésies), p. 93o.
La Noë (G. de). Embouchure de la
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Lasgraïsses (Tarn). Bijoux, p. iii.
La Sicotière (L. de). Frotté, p. i35.
Laslevrie (R. de), candidat, p. 17,
03.
La Trémoille. Archives d'un serviteur
de Louis XI, p. 936, 383, i66,
UQo.
Laurent (H.). Gastinois, p. 601.
Laval. Facidlé d'Avignon, p. 896.
Laval {Sigillographie de), p. 3, 892.
La Ville de Mirmont. Mosella, p. 399.
Lavigerie {(japsella offerta da) a
Leone XIII, p. 38t.
Laïard, associé étranger, p. i 1 /) , i 1 5 ,
493.
Lcbaigiie. Réforme orthographique,
p. 291.
Le Blant. Eglise des saints Jean et Paul ,
p. 8, 2/1-25. — Sa direction à
Rome, p. G9, 457. — Académie
d'archéologie chrétienne, p. 98,
'122, /\'.i']-li3(). — Songes cl vi-
sions dos martyrs, p. 359, /193. —
Inscription juive d'Auch, p. /i-io.
63a-437. — Hommages, p. 83,
398, 59/1.
Lebon. Premières civilisations , p. 89.
Lecestre. Le Joxivencel, p. 3, 286,
38i, 445, ûGo.
Lechat, membre de l'École d'Athènes,
p. 1 8 1 , 2 4 8. — Légende de Thésée ,
p. 58, 63. — Acropole, p. i65,
455. — Corfou, p. 345.
Le Clerc (J.-V.). Chrestomathie grec-
que,t^. 296, 3i5-336.
Lecocq. Pli cacheté, p. 3 55.
Lecoinire-Dupont (M.), p. 381.
Lecoy de la Marche. Sceau de majesté ,
p. 170. — Les sceaux, p. 539.
Ledieu. Ouvrages, p. 43 1.
Ledoulx. Inscription cunéiforme,
p. 4i3.
Lefèvre-Pontalis (E.). Saint-Maclou ,
p. i54.
Légé. Les Castelnau-Tursan , p. 3. —
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Lehman. Maass und Gewicht , p. 596.
Leitner. Le Hounza, p. 3o5, 35o-
354. — Ouvrages, p. 4o3.
Lemale. Le Havre, p. 4 10.
Léon le Magnifique, p. 76.
Léonard de Vinci, p. 277.
Léonardon, archiviste paléographe,
p. 471.
Leoninus {Le cursus), p. 101.
Letaille. Loi de Narbonne, p. 289.
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43 0, 497.
Levasseuk. Population, p. 273.
Lever des planètes, p. 991.
Levi (S.). Vocabolario gemglifco,
p. i38.
Lévi (Sylvain). Théâtre hindou , p. 175,
444, 46o.
Lezius. De Alexaudri expedilioup, p. 79.
Libri et Raii-ois {Fonds), p. 78.
Libyques (inscriptions), p. 178.
Lirinins Hiéroclès, p. 171, 30i-2o4.
— 5/i8 —
Licques {Abbaye de), p. Uai.
Liger ( Vallée du), p. hai.
Lille (Maire de). Lettres, p. Ziao.
Lincei {Accademia dei), p. 90, i56,
982, 993, 407, 53i.
Lihirgie avant Charlemagne, p. 217.
Loi (Notion de la), p. Soi.
Loi du 3o mars iSSy, p. 7^.
Loire (Embouchure de la), p. 5 a 5.
Londres (Antiquaires de), p. 22a,
293.
LoNGNON. Membre d'une Commission,
p. 4 10.
LoNGPÉRiER (A. de). Balles de fronde,
p. 3 06. — Carthage en Arménie,
p. 307.
Loret. Langue égyptienne , p. 1/17.
Lorraine (Féaulés en), p. 219.
Loth. Mabinogion, p. 79.
Loubat (Prix), p. li , 5, 159, 809,
3i3, 653, i62, 669.
Louis F7 le Gros,f. hst.
188-189. — Archives d'un servi-
teur, p. 286, 383, iA6, i6o.
Louis de France, p. 3, 986, 876,
hbh, 460.
Lot«s d'Orléans, p. 78.
Louis-Lucas. Organisation de l'empire
romain, p. 83.
Louvain [Université de), p. 289.
LncE (S.). Membre de diverses Com-
missions, p. 6, 807. — Jacques
d'Arc et le fort de Domremy, p. loli,
175. — • Jeux populaires, p. 802,
807, kik, 499-519. — Hommages,
p. 88, i35, i45, i54, 276, 280,
607.
Lucbaire. Lotds VI, p. Zi2).
Lucques. Inventai-io del R. archivio,
p. i48.
Luillier. Lettres, p. 299.
Lunade (Procession de la), p. 71.
Lunet. Rodez, p. i55.
Luxembourg (Institut de), p. 9 33.
Louis IX. Enquêteurs, p. 296, 3i5- Lyciennes (Inscriptions), p. 88.
826. Lyon. Aureus de P. Clodius, p. /122.
Louis XI. Projet d'exposition, p. 161, Lyonnais (Patois), p. /121.
M
Mabinogion (Les), p. 79.
Macaire (Saint) le Romain, p. 98.
Magdalénienne (Epoque), p. 895.
Maimonide. Commentaire, p. 137.
Maine (Coutumes du), p. 4 2 4.
Malais (Code), p. i53, 275, 52i;
— (Proverbes), p. 59 1.
Mam (Langue), p. 108.
Man darin ( Langage ), p. 175, 459,
46i, 592.
Mandshuria ( The Djurtchen of) , p. a8 1 .
Mantinée (Fouilles de), p. 58, 454.
Manuscrits français de Rome , p. 7 1 ;
— grecs de Fontainebleau , p. 4o5.
Maqré Dardeqé, p. 275.
Marbles (Catalogue of),p. i35.
Marignan. Etat économique, p. 219.
Marin. Jeanne Darc laclicicn, p. 280.
Marinier. Aram-Naharaïm, p. 4i3.
Maroc (Exploration du), p. 99.
Maronée. Inscriptions, p. 3oi, 8o3,
348-850.
Marquardl. Antiquités romaines, p. 83 ,
379-
Marre. Code malais, p. i5i, 975,
52 1. — Proverbes, p. 59 1.
Marseille (Académie de peinture de),
p. 989.
Maillia (J,). Art étrusque, p. 75.
Martin (A.). La Ccrtangue, p. 3.
— 5/i9 —
Martin (H.). Manusci-itx dr l'Arsenal,
p. în3.
Mailiii do Bra{»a, p. iG-j, iGç).
Mailjrs (Songes el visions dos), p. 0.59,
/i 3 a .
Marucchi. Académio d'aichéolojjiocliré-
tienne, p. 98, /i38.
Mas d'Azil (Grotte du), p. 179.
Mas-Lathie (L. de). Historiens des
croisades . p. 10, 71.
Masi'eko. Membre de diverses Com-
missions, p. 5, (3, 309, 3i3, /il 9.
— Pointures du Fayoum, p. iGG.
— M. Xaville, p. 20g. — Mytho-
logie, p. 1^7. — Hommages,
p. i38, 4o6.
Maulieiige {Histoire de), p. 987.
Maulde (R. de). Projet d'exposition
en 1^70, p. 161, 183-189.
Maury. Membre de diverses Commis-
sions, p. ^1,5, 309, 39^. — Nou-
velles de sa santé, p. aoi, 907. —
Lettre, p. ^^3. — Genlilices ro-
mains d'origine non latine, p. 7,
10, 37. — Tanisiry, p. ii. —
L'étaiii , p. iGi. — Hommages,
p. a I G, 2 93.
Mazon. Le P. Grasset , p. 216.
Médecine {Faculté de) d'Avignon,
p. :ip(>.
Médecins grecs, p. 162, iG^i, 168,
190-197.
Médiqiies {Gueires),p. 663.
Mély (F. de). Etienne de Vancza,
p. li, '311. — Crosse de Ragen-
froid , Maisons normandes, Vitrau.v
de Chartres, p. 83. — Poisson,
p. 9 30. — Table de don Pedro,
p. 22 1 .
Mémoires de l'Académie, p. 70, 71,
SG.
Menant. Inscriptions hamatéennes,
p. 101, 1G2, 1G9. — Cylindre
cbaldéen apocryphe, p. 9.'i2, .'^no.
33A-338. — Karkeniis, p. 997,
3o9, 3o/i. — Bas-relief de Monr-
ghab, p. 3i3. — Inscription de Jé-
rusalem, p. fii'S. — Honnnages,
p. 1 'i3, 320, 371.
Mende { Hommage à l'évéque de) , p. 3 3 3.
Mercier. Afrique seplenti'iouale , p. 3g3 ,
Ho-
Mercurcs gallo-romains, p. i3.
Mesures assyriennes , p. 987.
95,
ii5-
Mesures chaldéennes, p.
117.
Metrik {Lehrbach der), p. 79.
Métrologie assyrienne, p. 3oi.
Mexicains (Manuscrits), p. 1 h.
Meyer (Jacques). Dernier manuscrit,
p. i55.
Mëyer (Paul). Membre de diverses
Commissions, p. 6, 807, 619.
— Rêver, rahies, p. 257. — Hom-
mages, p. 83, 221, 375, 521.
Michel , archiviste paléographe, p. 671.
Michon. Aléria, p. 168, 456.
Middle âges {End qfthe), p. 127.
Midi {Annales rf»), p. Ssi ; — {Revue
épigrapliique du), p. 91, 157, 293.
Minds {Historia de), p. ili3.
Mischnah {Commentaire sur la) , p. 137.
Modi. Ossuaires, p. 3i3, 369-876.
•Mohammed es-Senoussy. Voir Senoussy,
Molinier (A.). Géographie, p. 3,5,
iSi, /i5o, 'iGi.
Mommsen. Antiquités romaines, p. 83,
279-
Monaco. Sceaux de Rethel, p. 290.
Monceaux. Olympie, p. 171, 176. —
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Mongols {History of thc), p. 77.
Monnaie baclro-chinoise, p. 3oi, 338-
3 '18.
Monnaies arsacides, p. 96; — Ça»-
loises, p. 3o6, 356-3Go.
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6 Go; — de l'Italie, p. 52 8.
— 550 —
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Oi'PERT (J.). Membre de diverses Com-
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président de l'Académie, p. /i23. —
Tauistry, p. 11. — Hammurabi et
Aménophis IV, p. 17, 53-58. —
Mesures ciialdéenncs, p. 95, ii5-
117. — L'étain, p. iGi. — In-
scriptions liamatéennes, p. 170. —
Géographie de l'Assyrie, p. 357.
— Inscription métrolojrique assy-
rienne, p. 3oi. — L'époque d'Abra-
ham, p. 3o9-3i9. — Pasai'gades,
p. Un. — Hommages, p. 80, 85,
i3'i , 139, 1/19, 382, 525.
Ordinaire (Prix), p. 6, 175, 307,
309, liliS, A59, A63.
Orléanais {Société de V), p. 608.
Orléans {Louis, duc d'), p. 3, 236,
375, lihli, /160.
Oronio et Sidama { Voyage aux pays ) ,
p. i55.
Orthographique {Ré/orme), p. 391.
Ossuaires de Perse, p. 3i3, 36g-
37Û.
Ostie (Fouilles d'), p. 98, lao, 168,
201.
Ouest {Antiquaires de l'), p.
392, 4o8.
Ours (L') et le voleur, p. 6o3.
157,
Pakôme {Saint), p. /J2 5.
Palutini {Codici) , p. 91.
Palcnqué {Temple de), p. i5, /19-50.
Paléographie et diplomatique, p. 127.
Paléologiic. Art chinois, p. h.
Palermo. Manuscrits hébreux, p. 594.
Palestine (Géographie de la), p. ".59,
/il 9.
Palestine et Syrie, p. 52 3; — {Sceaux
de), p. 85.
Pallu de Lessert. Briques, p. 76. —
Fastes, p. 3 , 236, 378, /i/i5, /160.
Pahnyre {Sculptures et inscriptions de),
p. 290.
Pandolplio, biographe ponlifiral, p. 938,
9 A 5.
55
9
Panjab, p. liod.
Papes {Vies des), p. a38, 245; —
{Lettres des), p. loo.
Pârasîprahâça , p. aï g.
Paris (Gaston). Membre de diverses
Commissions, p. 6,3i3,394,Ai9.
— Martin de Braga, p. i63, 169.
— M. Amari, p. 2/18 ; — Désinence
-ons , p. 2 54. — Chanson de Roland,
p. 520; — Histoire littéraire, p. 71.
— Hommages, p. 79, 85, 127,
ikk, a3o, 270, 522.
Paris sous François I"^, p. 127; — en
i']8g, p. 275; — [Cathédrale de),
p. 3, 392, li'iQ.
Parlement de Bretagne, p. 3g3.
Parnasse provençal, p. 79.
Parrocel. Académie de peinture de Mar-
seille, p. 282.
Pasargades , p. 4 1 1 .
Patristica {Sludia), p. 398.
Pavet de Coubteille. Membre de di-
verses Commissions, p. 5, 6. —
L'étain, p. 1G2. — Ecriture hunno-
scythique, p. 261. — Hommage,
p. 924. — Sa mort, p. 4 18.
Pays-Bas [Relations dea) et de l'Angle-
terre, p. 287.
Pector. Populations du Nicaragua,
p. 78, 149.
Pedro (Dom). Attentat, p. 247.
Pedro [Table de don), p. 221.
Peinture [Académie de) de Marseille,
p. 282.
Peintures du Fayoum, p. i65, 166.
Peints (Galets) du Mas d'Azil, p. 172.
Peiresc, p. 75. — Correspondants,
p. 329, 277. — Petits mémoires,
p. 52 4.
Pélasgiques (Monuments), p. i63.
Pellochet. Incunables, p. 4i5, 4 16.
Pereira, [listoria de Minas, p. i43. —
Lettres, p. 52 3.
Ptresianus[Codex),f. h, ibg, 454,469.
Peretti. Colomb, p. 219.
Perret. Malet de Gràville, p. 424.
Perrichon. Carte de l'Egypte, p. 4 06.
Perrier du Carne. Teyjat, p. 4oi.
Perrot (G.). Membre d'une Commis-
sion, p. 419; — Carthage, p. 16.
— Cippe hamaléen, p. 101. —
Dédicace à Licinius Hiéroclès, p. 1 7 1,
20i-3o4. — Chercbel, p. 307, 36o-
3(38. — L'art de la Perse, p. 3i3,
4 11. — Byrsa, p. 4 11. — Aureus
à l'effigie de Marc-Antoine, p. 42 2.
— Histûire de l'art, p. 91, 167,
232, 292, 3i3, 4o8, 53 1. — Revue
archéologique , p. 91 , i57, 233, 293,
539. — Hommages, p. 75, ia6,
132,145,151,218,273,977,537.
Perse (Art de la), p. 3i3, 4ii. —
Ossuaires, p. 3i3, 369-374.
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Perugina [Storia), p. 147.
Petit. Itinéraires des ducs de Bourgogne ,
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Pétrossa [Trésor de), p. i32.
Phéniciennes [Inscriptions) , p. 71-
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Philotogùjue [Société), p. 126.
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/'
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38
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p. 2Î6. — Inscription de Chypre,
p. 267. — Musée de Saint-Ge7-main ,
p. 257.
Reinach (Théodore). Monnaies arsa-
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p. 299. — Ralles de fronde, p. 806.
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p. 16. — Tablettes de Tell Amarna,
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Représentants en mission, p. 80, 226,
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Rêver, rabies, p. i56.
Révilie. Revue de l'histoire des religions ,
p. 90, i56, 399.
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319. — Morale égyptienne, p. 219.
Reynaud (Prix Jean), p. 468.
Rhin (Le), ancêtre de Virdumaros,
p. 90, 111-11/1.
Riant (Le comte), décédé, p. 70,
'i/io. — Son remplacement, p. 9,
17' 9-3' 97-
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Richebé , archiviste paléographe , p. i 7 1 .
Richemont {Connétable de), p. 6.
Richenet-Bayard. Alesia, p. ùio.
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Rig-Véda (Le), p. 899.
Ristelhuber. Heidelberg et Strasbourg,
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Robort (Le roi) et le sceau de majesté,
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Rome {Ambassadeurs à), p. 76.
Roque-Ferrier. Poésies de Guiraldenc,
p. 280.
Piosuy (L. de). Codex Peresianus, p. A,
iSg, 454, 462.
Ro>7iy-sur-Seine , p. ûai.
Rossi (dk). Conférence, p. 6, ao. —
Fouilles, etc., p. 99, 487. — Bollet-
tino, p. 53 1. — Capsella offerta a
Leone XIII, p. 2H1.
Roumaine (Académie), p. 593, 58i.
Ro^cn. 3anncKii, p. 890.
PyccKaro apxeojormecKaro 06mecT-
Ba (3anHCKn), p. 895.
;)o.)
RoziènE (E. de). Membre de diverses
Commissions, p. 3()i, '119, A:î3.
— Hommages . p. 3 1 3 , 919, ;'- 2 9 ,
595, 53o.
Rubic (A. de). Traité de Caleau-Cam-
brésls, p. 936.
Ruelle. Damascius, p. 3G1, 3G3, 397,
3 9 6-3 3 ii, Agi. — C7ia»i( des voyelles
grecques. — dopisle du IHalun de
Paris, p. 92^. — Eniipne alchi-
mique, p. 81.
Ihiftii et lluguccio, p. 53o.
Ruvarac. O iiaTnncy, p. 390.
Hylhmcs {Essai sur les), p. gSo.
S
Sacaze. Revue, p. i')-]. 233, 293,
533.
Sachaii. Alberuni , p. i3i.
Saglio. Dictionnaire , p. 279.
Saige. Sceaux de Rethel, p. 290.
Saint-Claude [Bibliothèque de), p. 097.
Sain t - Germain - en - Laije ( Musée de ) ,
p. 957.
Sttint-Jean-d'Âbetot, p. 3.
Sainl-Jérôme (OEuvre de), p. i/iG.
Saint-Luc en Phocide, p. 83.
Sainl-Maclou de Pantoise, p. i5'i.
Saint-Mandé. p. i5").
Saiul-Paiil. Histoire monumentale,
p. 393, h[\Ç).
aaint-Sinjon. Lettres, p. 321.
Saint-Vcnaul (De). Foies, p. j/ig.
Sainte-Sévèreen-lierry, p. oO(j.
Saintonge [Epigraphie de la), p. 3,
393 , ^10, 6/19.
Sainloux. Legs, p. 9o5.
Saints Jean et Paul (Église des), à
Rome, p. 8, 9. 3/1-27, 97, 1 17.
Salon de 1889, p. 10g.
èamsi Rammàn (Insciiplioii de),
p. i35. 3Ô0, n')k, -l'ô-j.
Sanskrit manuscripls , p. 52'i.
Sanxay (Viiite à), p. 5 3/1.
Sarcophages d'Espagne, p. 99.
Sarzec (De). Découvrrles , p. 1 /n .
Sauvaire, corrcspomiaril, p. tfjli.
Savants étrangers (Mémoires dils des),
u. 71.
Sayce. Hittites, p. 371; — Records of
the pasl, p. 139.
Sceau de majesté, p. 170.
Sceaux, p. .539; — de Rethel, p. 390;
— de Syrie, p. 85.
ScHEFEiî, vice-président de l'Académie,
p. 1 ; — président, p. /i9 3. — In-
scription hamatéenne, p. 101. —
Historiens des croisades, p. 71. —
Hommages, p. 76, 77, 82, i3i,
101, 21 5, 375, 521.
Sclieil. Inscription, p. i35.
Schlegel. Chineaschtvoordenboek , p. 2 1 9.
Schliémann. Eouilles, p. 4j4.
SciiLCMBERGKn. ^lemLre de diverses
Commissions, p. 5, 39/1. — Bague
byzantine, p. io3, 1 33-135. —
Revue numismatique, p, 91, 157,
9 33, ^108. — Sept sceaux, p. 85.
— Hommages, p. 127, 1/17.
Schnoudi (Vie de), p. 981.
Schwab. Maqré Dai-deqé, p. 375.
Schvvob. Argot, p. 53o.
Sculplure grecque (Le portrait dans
la), p. 171, 'i56.
Sculpture {(îrecti), p. 52 3.
Séance publique annuelle, p. '1 1 /i ,
639-519.
Ségovie {Plat de), p. 87
Séliuonte (Découverte à), p. i(J8,
173 , 900 , 30/1.
Sémitiques (Inscrijilions). Voir Corpus.
Senart. Membre de diverses Commis-
556
sions, p. 5, (i. — Pierres gravées
de Caboul, p. 102. — Garrez,
p. 86. — Inscriptions de Campa,
p. 71. — Hommages, p. 81, 80,
985, 099.
Sénèqne et Martin de Rraga, p. i63,
169.
Senlis [Guide, elc, à), p. 101.
Sénones [Nation des), p. il 3.
Senoussy (Si Mohammed es-). Lever
des planètes, p. 291.
Serrure. Nitmismatique, p. tuo.
Sétif (Uue memoiia à), p. lii'j.
Sevastos. Nunta la Romani, p. 5 2 3.
Sîbawaihi [Livre de), p. i5i.
Sibériennes [Antiquités), p. 197.
SibyUina [Enigme des Oraciila), p. 81.
Sicile (Royaume de), p. 58, 67, 168,
456.
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162
P315
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Académie des inscriptions
et belles-lettres, Paris
Comptes rendus des séances
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